Christophe Dequidt : « Arrêtons de matraquer nos agriculteurs ! »

Terre-net

09/07/2024

Tour du monde des moissons

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00:00Bonjour et bienvenue sur Tarnet.fr, j'accueille sur ce plateau Christophe Dequitte, bonjour.

00:12Bonjour.

00:13Alors vous êtes globetrotteur des moissons, je vais vous appeler comme ça.

00:16Vous avez fait le tour du monde des moissons, vous avez parcouru 17 pays et vous en avez

00:22fait un livre passionnant qui s'appelle le tour du monde des moissons.

00:26Je vous le montre.

00:27Alors vous avez visité, je le disais, 17 pays pour découvrir comment on cultivait

00:35et comment on récoltait le blé, votre livre tourne autour du blé, qu'est-ce que vous

00:40retenez, ma 1ère question était assez simple, qu'est-ce que vous retenez de tout ce que

00:47vous avez vu dans ces pays ?

00:48Effectivement, nous avons entre novembre 2014 et décembre 2015 fait les moissons dans le

00:55monde, dans 17 pays, sur les 5 continents.

00:58Et l'objectif premier de ce voyage était de pouvoir vulgariser ce qu'on voyait.

01:02Donc votre question tombe à pic en disant la 1ère chose qui est très étonnante quand

01:07vous faites ce genre de choses, c'est l'hétérogénéité des agricultures dans le monde.

01:11Il n'y a pas une agriculture, mais il y a des agricultures et ça doit être traité

01:15comme tel.

01:16Qu'est-ce que vous avez vu ? Vous avez vu des choses très positives, des choses négatives.

01:23Je parle positif.

01:24Quel point positif vous retenez ?

01:27Le point positif qu'on peut retenir, c'est d'abord l'espèce d'accueil, l'espèce de

01:35passion qu'on trouve partout dans le monde auprès des agriculteurs.

01:38C'est des gens comme nos agriculteurs français qui sont très accueillants, c'est-à-dire

01:42qu'ils adorent partager.

01:44Et quand vous arrivez de loin et que vous voulez parler avec eux, ils vous montrent

01:47ce qu'ils font avec beaucoup de fierté.

01:48Et quel que soit l'endroit dans le monde, contrairement à certains secteurs, notamment

01:54industriels, où on est plus économique, on est peut-être moins accueillant.

01:58On vous offre un verre d'eau, on vous offre à manger et on fait de telle sorte que vous

02:01soyez content d'être là.

02:03Il y a une passion de la terre universelle.

02:06Il y a une passion de la terre vraiment universelle et cette passion, elle est partagée.

02:09Rappelons quand même que la première chose, pourquoi on fait de l'agriculture, c'est nourrir

02:14le monde.

02:15Et donc, les agriculteurs du monde ont bien conscience qu'ils sont là pour leurs citoyens.

02:20Ils sont là pour leur semblable, pour pouvoir nourrir leur semblable.

02:24En Europe et en France en particulier, on a une politique agricole commune qui, aux

02:29yeux des agriculteurs, n'est pas suffisante puisque la conjoncture, surtout en ce moment,

02:35est assez compliquée pour les céréaliers, avec des prix qui ne couvrent pas les coûts

02:39de production.

02:40Comment ça se passe dans les autres pays, en Amérique, en Asie, en Australie ?

02:43Très clairement, les gens les plus pauvres du monde sont les agriculteurs.

02:49Alors, si on prend le cas de l'Europe, c'est un peu différent parce qu'effectivement,

02:53nous avons une agriculture développée.

02:54Nous avons une agriculture, excusez-moi de dire, de pays de riches.

02:58Mais quand vous allez dans la grande majorité des pays du monde, on trouve une agriculture

03:04qui est plutôt pauvre et avec une exodérade extrêmement importante.

03:07Ce qu'on s'aperçoit, il y a une chose qui est extrêmement frappante, c'est qu'il y

03:12a très, très peu de pays au monde où l'agriculteur peut vivre de sa propre production.

03:16C'est-à-dire que s'il n'est pas aidé par l'État, s'il n'y a pas des subventions

03:20qui lui sont données directement ou indirectement, il est incapable de vivre et il quitte la

03:24terre pour pouvoir aller à la ville.

03:26C'est pour ça qu'on a une exodérade aussi forte.

03:28Imaginez bien qu'en Chine, il y a 14 millions de personnes tous les ans qui quittent la

03:32terre pour aller dans la ville.

03:33C'est colossal.

03:35Donc, l'agriculture, finalement, elle est sous perfusion financière, entre guillemets,

03:41partout.

03:42L'agriculture est sous perfusion, effectivement.

03:44Et je pense qu'elle doit être sous perfusion parce que c'est bien la seule industrie,

03:49entre guillemets, si on parle d'industrie pour l'agriculture, qui a des aléas qu'elle

03:54ne peut pas maîtriser.

03:55Vous avez une chaîne de voitures, vous pouvez maîtriser les intrants et vous pouvez maîtriser

04:01la production.

04:02Au niveau du monde agricole, c'est extrêmement difficile puisque vous avez deux aléas qui

04:06sont difficilement contrôlables, que sont le climat et que sont la compétence et que

04:10sont la réaction que peuvent avoir les plantes par rapport à ce climat.

04:13Et on le voit bien.

04:14On l'a bien vécu en 2016 et en 2014 en France.

04:16Justement, le climat, c'est une problématique qui émerge, qui a émergé et qui est au

04:22coeur du débat en France et en Europe.

04:24Est ce que c'est un sujet qui préoccupe dans les autres pays?

04:30Alors, ça va peut être vous étonner, mais je dirais que bien évidemment, on ressent

04:34ce réchauffement climatique, mais ce n'est pas un sujet.

04:37Ce n'est pas un sujet parce que quand vous êtes dans un pays qui n'a pas de quoi se

04:42nourrir, l'agriculteur ne se pose pas la question de savoir s'il va produire plus et comment

04:47il va produire.

04:48Il produit.

04:49Il essaie de produire le plus possible et vit avec les aléas.

04:51Alors, dans un certain nombre de pays, ça entraîne des choses dramatiques qu'on a

04:56connues en France qui vont jusqu'au suicide.

04:58Dans d'autres pays, on a généré des politiques agricoles qui leur permettent de faire ce

05:03genre de choses.

05:04Je vais vous en citer deux.

05:05Le premier pays qui est l'Australie, puisque vous avez en gros sur le végétal, deux récoltes

05:12sur trois qui sont mauvaises et le gouvernement a permis un système fiscal qui s'appelle

05:17l'écrètement, qui permet de mettre de côté les bonnes années pour pouvoir se venir aux

05:21mauvaises années.

05:22On n'a pas le temps de rentrer dans le détail, mais c'est ce qui est fait.

05:24Et le deuxième, c'est les politiques de subvention d'Etat que vous avez en Chine, en Inde, mais

05:28aussi en Égypte, mais aussi au Maroc, mais aussi en Iran, mais aussi en Turquie, qui

05:33sont.

05:34On va donner un prix du blé aléatoire qui n'a rien à voir avec le marché mondial pour

05:38pouvoir faire de telle sorte que l'agriculteur puisse vivre et puisse continuer à produire

05:43en Chine.

05:44Aujourd'hui, le prix du blé est autour de 350 dollars la tonne comparé par rapport

05:47à ici.

05:48On a fait en Inde.

05:50Le gouvernement a mis un prix à 285 cette année dollars la tonne.

05:54Donc, tout agriculteur touche au moins 285 dollars qui lui permet de vivre et de subvenir

06:00à ses coûts de production.

06:01Je reviendrai sur le volet politique à la fin de cette intervention.

06:06Mais sur le changement climatique, on le voit.

06:102016 a été une année assez catastrophique pour pas mal de producteurs en France.

06:16À l'échelle de la planète, il y a un risque que ce phénomène, finalement, localisé

06:23sur une petite zone du monde qui, malheureusement, était la nôtre l'an dernier.

06:27Est ce qu'il y a un risque d'un effet d'une mauvaise année à l'échelle mondiale?

06:33On n'est jamais à l'abri de ce genre de choses.

06:35Alors, je ne veux pas faire du catastrophisme, mais imaginez qu'inversement, partout dans

06:40le monde, les récoltes sont mauvaises, sauf en France.

06:42Ça pourrait arriver.

06:43Je ne sais pas.

06:44On a connu ça.

06:45Des récoltes extrêmement mauvaises, par exemple, au Maroc, où on a un tiers de la production

06:48qui a été récoltée cette année.

06:50Mais imaginez que ça se passe au niveau de la CEI, donc Ukraine, Russie, Kazakhstan.

06:54Quel bonheur pour les agriculteurs français.

06:56Parce qu'effectivement, l'offre et la demande.

06:58On a aujourd'hui une courbe de l'offre et de la demande qui sont très parallèles, mais

07:04avec très peu de différentiel.

07:06C'est à dire que si on prend le cas du blé, on a grosso modo trois mois de stock dans

07:10le monde.

07:11Alors, ça ne nous touche pas.

07:12Nous, on aura toujours du pain dans nos boulangeries.

07:15Mais vous imaginez s'il y a une très, très mauvaise récolte dans le monde?

07:18On pourrait arriver à des disettes et qui dit disette, dit violence, qui dit violence,

07:22dit coup d'Etat, qui dit coup d'Etat, dit arriver parfois de gouvernements très peu

07:28recommandables dans le monde.

07:29On a connu ça dans le printemps arabe.

07:31On arrive.

07:32On arrive justement sur le volet politique et ce sera ma dernière question.

07:36Qu'est ce que vous avez envie de dire après toute cette expérience fabuleuse autour du

07:41monde?

07:42Qu'est ce que vous avez envie de dire aux politiques?

07:44J'ai plusieurs choses à dire aux politiques.

07:47Bien évidemment, s'ils veulent bien m'écouter.

07:49La première chose, c'est qu'on a en France sans doute le plus beau pays du monde, qu'on

07:53a la plus belle agriculture du monde, la plus diversifiée.

07:56On est le seul pays au monde où vous avez des agriculteurs à tous les coins de rue

07:59qui vous vendent des produits de qualité.

08:01Vous trouvez ça nulle part dans le monde, peut être en Italie un petit peu, mais même

08:05en Europe.

08:06Vous allez en Grande-Bretagne.

08:07Vous ne trouvez pas ça en Australie.

08:08Jamais aux Etats-Unis.

08:09Jamais.

08:10Donc, on a une super agriculture.

08:11On a un super climat.

08:12Donc, il faut le préserver.

08:14Et arrêtons de matraquer ces gens.

08:16Arrêtons de leur imposer des choses qui ne sont pas tenables pour pouvoir faire une

08:20bonne agriculture et une agriculture saine qu'on donne des normes.

08:23Il n'y a aucun problème.

08:24Ils sont prêts à les assumer, mais qu'on les matraque en permanence.

08:28Ça commence à faire beaucoup de choses.

08:30Et surtout, j'ai envie de leur dire venez dans les fermes.

08:33Venez voir.

08:34On n'est pas dans un changement.

08:35On doit changer de modèle.

08:36C'est évident.

08:37Mais aujourd'hui, les jeunes agriculteurs ont plein de projets.

08:39Ils se battent tous les jours pour pouvoir avoir une entreprise qui est saine, viable

08:43et marchande.

08:44Et je peux vous dire qu'ils ont envie d'y aller et que c'est des gens formidables.

08:49En ce temps que les politiques vous écoutent.

08:51Christophe de Guy.

08:52Merci beaucoup.

08:53Et puis, je rappelle le titre de votre livre Le tour du monde des moissons.

08:57C'est très visuel, très joli.

08:59Et il y a plein de choses à apprendre dans ce livre.

09:02Merci beaucoup.

09:03Merci.

09:04Au revoir.

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