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  • 06/09/2023
Le rédacteur en chef de Charlie Hebdo est l'invité de 6h20 : il s'inquiète d'un possible "retour du délit de blasphème" au Danemark, où un projet de loi souhaite mettre fin à une succession d'autodafés du Coran devant des ambassades de pays musulmans à Copenhague. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-06-septembre-2023-5034527

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Transcription
00:00 Il est 6h21, bonjour Gérard Biard, vous êtes le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, votre journal lance un appel,
00:07 vous vous inquiétez d'un possible retour du délit de blasphème au Danemark, un projet de loi a été présenté au Parlement danois il y a quelques jours,
00:14 alors il faut préciser qu'il y a eu plusieurs corans brûlés ces derniers mois devant les ambassades de pays musulmans à Copenhague.
00:20 Ce projet de loi est d'une extrême gravité, c'est ce que vous écrivez dans le numéro de Charlie Hebdo qui sort aujourd'hui. Pourquoi d'une extrême gravité ?
00:27 Parce qu'on a un gouvernement démocratique au cœur de l'Europe qui veut rétablir le délit de blasphème que ce pays avait aboli en 2017,
00:37 pour des raisons évidentes, parce que l'Europe subissait une vague de terrorisme islamiste.
00:47 Aujourd'hui ce gouvernement veut rétablir un délit de blasphème pour, dit-il, répondre à des pressions diplomatiques et à des soulèvements qu'il y a suite à ces autodafés publics de Coran,
01:03 pas uniquement au Danemark d'ailleurs, il y en a eu également en Suède.
01:07 Le problème c'est qu'ainsi il se fait dicter sa loi par des régimes qui sont tous ouf démocratiques,
01:17 et où généralement quand il y a des manifestations, les seules manifestations qui sont autorisées c'est pour aller brûler des ambassades étrangères.
01:27 Alors on va reprendre plusieurs points. Vous dites délit de blasphème, le Danemark dit "ça ne concernera pas les écrits, ça ne concernera pas le blasphème verbal,
01:35 il s'agit juste d'empêcher la profanation d'objets, interdire de brûler ou de piétiner des livres religieux en public".
01:41 On voit bien l'absurdité d'une telle loi. Le gouvernement danois en disant ça dit "il y a un bon blasphème, il y a un mauvais blasphème, il y en a un qu'on autorise, il y en a un qu'on n'autorise pas".
01:53 Ça ne veut strictement rien dire. Il faut pouvoir dire ce que c'est que le blasphème, c'est pas insulter les croyants.
02:00 Le blasphème c'est contester le pouvoir de Dieu. Et là en l'occurrence c'est contester le pouvoir de dirigeants qui s'appuient sur un livre, sur ce livre précis,
02:10 pour persécuter leur population, faire régner pour certains la terreur à travers le monde. Donc on ne peut pas accepter ça.
02:20 Mais il faut bien comprendre, qui sont ces gens qui ont brûlé des Corans ces derniers mois ?
02:23 Alors il y a évidemment des gens qui le brûlent pour de mauvaises raisons, qui sont des provocateurs d'extrême droite.
02:32 Mais il y a aussi par exemple une jeune artiste iranienne au Danemark qui a déchiré publiquement des Corans et qui veut continuer à pouvoir le faire pour protester précisément, pour dénoncer ce qui se passe aujourd'hui en Iran.
02:50 Donc brûler un livre religieux en public, ça fait partie de la liberté d'expression pour vous ? On peut cautionner de tels autodafés ?
02:56 On doit pouvoir en tout cas en débattre. Et on doit débattre des raisons pour lesquelles on brûle. On ne parle pas de livres en général.
03:05 On parle d'un livre précis. D'un livre qui à chaque fois qu'on veut en parler, qu'on veut prononcer ce mot, Coran, ou qu'on veut prononcer le mot Islam, il faut tout de suite parler d'autre chose.
03:17 Ce n'est pas le débat. On nous dit à chaque fois "non mais ça n'a rien à voir". Mais si, ça a tout à voir au contraire.
03:23 Parce que quand on brûle ce livre précisément, on en brûle un exemplaire devant une ambassade, devant une mosquée à Stockholm ou à Copenhague, il y a la moitié du monde qui s'enflamme.
03:33 Donc ce n'est pas quelque chose, ce n'est pas juste un livre qu'on brûle.
03:37 Le gouvernement danois explique qu'il ne peut pas rester les bras croisés. Je reprends la formule du ministre de la Justice. Restez les bras croisés alors que des individus font tout pour provoquer des réactions violentes.
03:47 Il y a des troubles à l'ordre public et qu'il prend, et qu'il veut en tout cas faire passer cette loi. Elle n'est pas encore prise, on le redit. Il veut faire passer cette loi pour des raisons de sécurité.
03:55 Ce n'est pas un argument valable pour vous ?
03:57 J'ose espérer que le gouvernement danois a déjà dans sa législation des moyens de faire respecter l'ordre public. Sinon ce serait inquiétant.
04:07 On peut évidemment, tout gouvernement est légitime à faire respecter l'ordre public et à protéger ses citoyens.
04:13 Mais il n'y a pas besoin pour ça d'une loi qui rétablit un délit, qui ouvre une brèche dans ce mur des valeurs européennes qu'on a tant de mal à maintenir debout et qui est attaqué de toutes parts.
04:26 Vous dites ouvrir une brèche parce que vous craignez aussi que d'autres pays suivent l'exemple danois ?
04:31 Bien sûr, parce qu'on voit très bien qu'on est face à un pouvoir religieux qui ne renonce jamais.
04:41 Et qui, dès qu'il voit qu'on lui cède, pousse toujours plus son avantage.
04:46 On voit bien ce qui se passe avec l'interdiction, avec le droit à l'IVG un petit peu partout dans le monde, notamment aux Etats-Unis et dans certains pays d'Europe.
04:57 Et donc en France aussi ?
04:59 En France non, on n'en est pas là heureusement. Mais il faut toujours continuer à défendre ce droit parce qu'on pensait que c'était un droit acquis.
05:09 Or il n'est pas acquis. On s'aperçoit qu'il faut toujours se battre pour.
05:13 Donc aujourd'hui, on doit pouvoir en Europe exercer ce droit fondamental de blasphémer qui est tout simplement un droit de contester le pouvoir.
05:24 Et puis j'imagine que pour vous Gérard Biard et pour toute l'équipe de Charlie Hebdo, il y a aussi l'aspect symbolique.
05:30 Ça se passe au Danemark et c'est un journal danois qui a publié les caricatures de Mahomet qui ont tant fait parler.
05:35 Des caricatures publiées par Charlie et qui ont conduit à l'attentat contre Charlie Hebdo en 2015. Est-ce que vous avez hésité à publier cet appel ? Est-ce qu'il y a eu débat au journal ?
05:44 Non, pas du tout. Non, c'est des questions sur lesquelles il n'y a pas de... On en discute bien sûr mais il n'y a pas de débat.
05:51 Et puis effectivement, comme vous le soulignez, c'est pas n'importe quel pays, c'est le Danemark.
05:57 C'est là où il y a eu les caricatures du Yleng Posten.
06:01 Et à l'époque, le gouvernement danois aussi subissait des pressions. Les ambassades étaient brûlées, on boycottait les produits danois.
06:07 À l'époque, le gouvernement danois n'avait pas cédé. Et pourtant, le délit de blasphème existait toujours là.
06:13 Vous craignez de nouvelles menaces après la publication de ce numéro aujourd'hui ?
06:16 Écoutez, on reçoit régulièrement des menaces. On ne peut pas se laisser dicter sa ligne éditoriale par ce genre d'individu.
06:25 Merci Gérard Biard, rédacteur en chef de Charlie Hebdo et invité du 5/7 ce matin.

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