"Le Jardin des délices" : fable rétro-futuriste

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00:00 C'est l'un des tableaux les plus énigmatiques de la Renaissance.

00:03 Le Jardin des Délices, peint par Jérôme Bosch autour de 1500,

00:06 interroge encore des artistes des siècles plus tard.

00:09 Le metteur en scène Philippe Ken en a proposé une interprétation au Festival d'Avignon.

00:13 Le spectateur est plongé dans une aventure rétro-futuriste

00:16 entre western moderne et science-fiction écologiste.

00:19 À la tête de la compagnie Vivarium Studios depuis 20 ans,

00:23 Philippe Ken puise souvent son imagination dans l'histoire de l'art.

00:26 Il n'est pas rare que se glissent des références directes ou cachées dans mes spectacles d'artistes

00:31 il y a quelques centaines d'années.

00:32 Dans ce mystérieux triptyque, le peintre néerlandais montre le moment de bascule

00:36 entre le Moyen-Âge et la Renaissance.

00:38 Philippe Ken fait ici un parallèle entre cette période troublée de l'histoire

00:42 et nos préoccupations contemporaines.

00:43 Cette peinture est hallucinante.

00:45 Jérôme Bosch pose des énigmes encore aujourd'hui.

00:48 Est-ce qu'on est dans un nouveau monde ?

00:49 Est-ce qu'on a une chance de voir des nouvelles réconciliations entre les espèces ?

00:52 Ou au contraire, une sorte de cabinet de curiosité de ce qui est amené à disparaître ?

00:55 À la lecture de ce tableau aujourd'hui, en 2023, la multitude de détails qu'il laisse à l'intérieur

01:05 de rapport à la nature, de rapport à l'inquiétude de ce bestiaire,

01:09 une sorte d'arche de Noé aussi formidable.

01:11 Sur scène, l'arche de Noé prend la forme d'un bus

01:14 d'où débarquent des personnages avec des Stetsons vissés sur la tête.

01:17 On découvre une bande de cow-boys munis de flûte

01:20 jouant autour d'un œuf géant dans un endroit désert.

01:23 Vous pouvez venir dans le véhicule quand vous voulez.

01:26 Comme dans l'œuvre de Jérôme Bosch, plusieurs micro-scènes se jouent en même temps,

01:30 mêlant entre autres la chanson, la poésie et des dialogues absurdes.

01:34 Non mais qu'est-ce qui m'a caché les câbles ?

01:36 Qu'est-ce ?

01:37 It is not a moment !

01:39 Je fais un théâtre qui ne s'adresse pas par le regard

01:42 et par des textes directement au spectateur frontalement.

01:45 Et j'essaye de plonger le public dans une qualité d'observation,

01:49 de faire aussi ses propres correspondances.

01:50 En plus de l'histoire de l'art, Philippe Ken emmène les comédiens

01:53 dans une atmosphère cinématographique.

01:55 David Lynch revient souvent.

01:57 Je ne sais pas si c'est l'esthétique de cet autobus étrange au milieu du désert,

02:00 de ces personnages aussi féminins sortis d'un certain cinéma lynchéen, on pourrait dire.

02:06 Pour préparer le spectacle, la troupe s'est rendue au musée du Prado, à Madrid,

02:14 où est exposé le tableau.

02:15 On a eu des rencontres avec des curateurs, des historiens de l'art.

02:19 J'ai aussi rencontré le chef opérateur de Almodovar à Madrid, José Luis Alcain,

02:23 qui est un grand fan du tableau.

02:25 C'est dans le processus de travail, très souvent, que j'aime aussi mener un travail d'enquête,

02:31 et qui parfois, de manière directe ou cachée, se retrouve dans le spectacle.

02:36 Et je retiens surtout une manière dont les historiens s'emparent,

02:45 même 500 ans plus tard, de débats extrêmement contradictoires.

02:48 D'un peintre qui est l'objet de mystères incroyables,

02:51 et qui fait en quelque sorte discuter les historiens d'autant de points de vue

02:57 qu'il y aurait de façons d'observer sa peinture,

02:59 ce qui est un peu, pour des gens de spectacle, très passionnant.

03:03 C'est un tableau, je pense, qui peut encore nourrir des centaines d'années

03:06 l'histoire des hommes et des créations qui peuvent s'en inspirer.

03:09 [Musique]

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