À la conquête des plages

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00:00 Saviez-vous qu'avant le 19e siècle, la plage n'existait pas ?

00:03 Du moins, elle n'était pas considérée comme un lieu public à part entière.

00:06 La plage n'existe pas. C'est un espace géographique que les gens ne voient pas.

00:10 Voici pourquoi, avant les années 1820, vous n'auriez sûrement pas eu l'idée de vous y allonger,

00:15 vous y baigner ou y regarder les vidéos de France Culture.

00:18 Pendant longtemps, la plage était très peu fréquentée. Elle était même crainte.

00:22 C'est le lieu des naufrages, c'est le lieu de la mort.

00:27 Un lieu qui va être associé aussi aux monstres.

00:31 Il suffit de regarder les cartes du Moyen-Âge ou même de la Renaissance.

00:36 Au centre des océans, on va placer des petits monstres marins, des diablotins,

00:40 pour montrer le danger que représente la mer.

00:43 Cette vision entraîne les savants du 18e siècle à penser que la mer peut être une cure

00:48 pour les personnes considérées comme folles.

00:50 La brutalité du bain était pour eux un moyen de guérison.

00:53 On emmenait les patients, attachés par une corde les uns aux autres,

00:57 avec des enfirmiers pour les immerger très brutalement dans les vagues.

01:03 On n'y va pas petit à petit, on y va d'un coup.

01:06 Et on les bloque sous l'eau. 15 voire 30 secondes, le temps de réciter,

01:10 trois Ave Maria, en espérant une guérison prochaine.

01:15 Cette vision thérapeutique de la mer est portée par le médecin anglais Richard Russell en 1750

01:20 et le français Hugues Marais en 1769.

01:22 Les aristocrates viendront aussi la voir comme un médicament.

01:26 Une société de bord de mer autour de la guérison va se construire,

01:29 mais la baignade n'est pas encore une activité commune,

01:31 et cette réticence se voit dans les tenues de bain, bien loin du short ou du bikini.

01:35 On met des combinaisons extrêmement épaisses, parce qu'on a encore un peu peur de l'eau.

01:41 On utilise des cabines qui vont être tirées par des chevaux pour aller jusqu'à la mer.

01:46 En fait, il y a toute une précaution presque de cosmonautes

01:49 pour appréhender cet espace qui fait encore peur.

01:52 Certains vont tout de même expérimenter la baignade pour leur simple plaisir.

01:55 Les premiers à le faire vont être traités de fous.

01:58 La Duchesse de Berry en 1824 qui se baigne à Dieppe en compagnie du maire, d'un médecin,

02:05 et on l'accompagne jusqu'aux vagues dans une tenue en combinaison.

02:11 On fait sonner le canon quand elle entre dans les premières vagues

02:15 et il y a toutes les Dieppoises qui observent cette immersion

02:20 et on trouve la Duchesse complètement fantasque.

02:23 Si les aristocrates les plus téméraires se baignent, ils ne sont pas les seuls.

02:26 Les historiens trouvent des traces de ce qu'on appelle les baigneurs sauvages

02:31 à Carole, à Grandville, à Bayeux.

02:34 Une population locale qui se réunit pour se baigner.

02:38 La plage comme lieu de plaisir se démocratise petit à petit.

02:42 Les stations balnéaires se multiplient vers la fin du 19e siècle

02:45 et l'avènement des congés payés en 1936 permet aux classes moins aisées de profiter des gouttes.

02:50 Mais la tenue reste encore très codifiée.

02:52 Jusque dans les années 40-50, on avait encore des surmaillots de bain

02:57 ou des épaisseurs autour de la taille pour éviter de voir les cuisses, les seins apparaître.

03:02 On va avoir l'apparition de maillots de bain à rayures verticales

03:07 pour essayer de cacher certaines zones du corps qui pouvaient apparaître par transparence.

03:13 Ce qui fait que le maillot de bain se transforme presque en barreau de prison.

03:16 Cet emprisonnement ne se remarque pas chez les artistes.

03:19 Les impressionnistes font de la plage un paysage qui mérite d'être peint.

03:23 Elle a aussi sa place dans la littérature en inspirant Marcel Proust

03:26 pour À l'ombre des jeunes filles en fleurs en 1919,

03:29 deuxième tome de À la recherche du temps perdu.

03:32 L'époque d'un rivage terrifiant s'éloigne, la plage devient même propice aux histoires d'amour.

03:37 C'est le lieu romantique, c'est le lieu presque aussi de l'érotisme.

03:41 Il suffit de regarder les clips musicaux, La Pop, Shakira, Nicki Minaj.

03:46 On a cette association de la femme désirable et de la plage constamment.

03:55 Ça remonte à Botticelli et la naissance de Vénus.

03:59 Et je trouve que dans les clips pop, on voit réellement cet héritage de Botticelli.

04:05 De quoi faire de la plage un lieu où la création est rendue possible ?

04:09 Et d'ailleurs, ce n'est pas pour rien si certains ont écrit leurs livres sur une plage.

04:14 [Musique]

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