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  • 25/06/2023
Nos invités de la matinale sont Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro, ancienne reporter de guerre et correspondante en Russie, et Pierre Haski, chroniqueur géopolitique à France Inter. Ils reviennent sur la situation en Russie au lendemain de la rébellion du groupe Wagner.

Retrouvez les invités de 8h20 sur https://www.franceinter.fr

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Transcription
00:00 Parce qu'on va continuer de chercher à comprendre ce qui s'est passé durant ces
00:05 dernières 24 heures après la volte-face hier soir de Yevgeny Prigojin qui voulait
00:11 marcher sur Moscou.
00:12 Une mutinerie, une tentative qui n'aura duré que moins de 24 heures et qui a fait vaciller
00:16 semble-t-il le Kremlin.
00:18 Avec quelles conséquences ? On en parle ce matin avec nos deux invités.
00:22 Isabelle Lasserre, bonjour.
00:23 - Bonjour.
00:24 - Correspondante diplomatique au Figaro, ancienne correspondante à Moscou, auteur de Macron,
00:29 Poutine, les liaisons dangereuses et Pierre Asky.
00:32 Bonjour Pierre.
00:33 - Bonjour Eric.
00:34 - Notre spécialiste géopolitique sur France Inter.
00:37 Isabelle Lasserre, n'y a-t-il que des perdants après ce coup de force ?
00:41 - Il est un petit peu tôt pour le dire mais au risque de me tromper je dirais qu'il pourrait
00:48 y avoir un gagnant et ce gagnant pour moi ce serait Vladimir Poutine.
00:53 - Ah bon ?
00:54 - Je pense que à l'arrivée c'est le tsar qui a fait se soumettre le patron de la rébellion
01:01 et qu'il a exilé en Biélorussie et je ne suis pas sûre que le pouvoir de Vladimir
01:06 Poutine ait vraiment vacillé.
01:08 - Il a gagné une victoire peut-être là mais n'empêche que le régime a vacillé et on
01:11 a vu la vulnérabilité, c'est peut-être la principale faille jamais vue au Kremlin.
01:17 - Je ne suis pas sûre qu'on ait vu la vulnérabilité du Kremlin.
01:21 - On l'a vu très isolé quand même, non ?
01:23 - Mais non, on ne l'a pas vu très isolé puisque en fait aucune unité de l'armée
01:28 n'a quitté Vladimir Poutine et à l'arrivée Vladimir Poutine a montré qu'il était le
01:33 boss, c'est-à-dire qu'il a fait taire la rébellion et Wagner est rentré à la niche
01:40 en fait.
01:41 - Pierre Aski, on a vu aucune vulnérabilité du Kremlin ces dernières 24 heures ?
01:44 - Moi j'analyse un petit peu différemment, ce qui est d'ailleurs le signe du fait qu'on
01:47 ne sait pas réellement et qu'on n'est pas capable je pense surtout d'analyser les conséquences
01:53 à moyen terme, quand je dis moyen terme c'est quelques semaines, quelques mois.
01:57 Souvenez-vous quand même qu'en 91 quand il y avait eu le coup d'état contre Gorbatchev,
02:00 Gorbatchev était resté au pouvoir à l'issue des 3 jours, il est tombé 6 mois plus tard.
02:06 - Il y a de s'y est arrivé un peu plus tard.
02:07 - Donc on a des ondes de choc qui peuvent être systémiques et qui peuvent être plus loin
02:12 d'être.
02:13 Là en l'occurrence, je pense que Vladimir Poutine qui a construit 20 ans de pouvoir
02:18 sur le mythe de l'homme fort est aujourd'hui atteint parce qu'il a jonglé avec les pôles
02:27 de sécurité autour de lui, Kadirov un jour, Prigojine un autre jour, l'armée dont il
02:33 a fait valser les généraux etc.
02:34 Et là il s'est pris les pieds dans son jeu et il se retrouve face à sa création, puisque
02:40 Prigojine c'est la création de Poutine, qui se retourne contre lui.
02:43 Je ne pense pas que ça puisse être bon pour le pouvoir de Poutine.
02:46 - Mais finalement en 24 heures tout a été réglé et j'ai envie de dire presque 100
02:49 heures, il n'y a pas de sang qui a coulé.
02:52 - Rien n'a été réglé, effectivement le sang n'a pas coulé, sauf quand même trois
02:55 hélicoptères qui ont été abattus.
02:57 - Mais le chapitre n'est pas refermé ce matin.
03:01 - Le chapitre n'est pas refermé, personne ne comprend comment une ville comme Rostov
03:06 a pu tomber entre les mains des hommes de Prigojine sans tirer un coup de feu.
03:10 Il y a cette vidéo surréaliste où il est avec deux généraux au début qui sont ses
03:15 otages bienveillants et sans agressivité.
03:19 Il peut traverser la moitié de la Russie avec sa colonne sans être arrêté.
03:25 Donc tout ça ne sont pas des signes positifs.
03:28 - Qu'est-ce que vous entendez ? Est-ce que oui ?
03:30 - Le dernier point, c'est que le discours de Prigojine a porté aussi, parce qu'il
03:36 offre une explication rationnelle au problème de la Russie en Ukraine.
03:41 Il dit que cette guerre n'a pas été déclenchée parce qu'il y avait une menace de l'OTAN,
03:44 elle a été déclenchée parce que les généraux voulaient s'enrichir, en voulaient plus.
03:48 Ils dénoncent la corruption au sein de l'armée, l'incompétence de la hiérarchie militaire.
03:53 Tout ça sont des choses qui font écho évidemment avec ce que vivent les hommes dans l'armée
03:58 au quotidien en Ukraine et ce que ressent toute la population.
04:02 Et on a vu à Rostov, les gens pleuraient pour le départ de Wagner.
04:06 - Pierre Aski, je vais poser la question aussi à Isabelle Lasserre.
04:09 Est-ce que ça sous-entend ce que vous dites que Prigojine a bénéficié de complicités
04:14 proches du Kremlin, proches de l'armée ?
04:17 - Alors, sans doute pas assez, puisque s'il y avait eu des vraies complicités, il serait
04:21 peut-être aujourd'hui à la place de Poutine au Kremlin.
04:23 - On vous voit bouillir.
04:24 - De ce point de vue, il s'est retrouvé effectivement sans les appuis décisifs qui
04:29 auraient pu lui permettre de prendre la capitale.
04:30 - Alors d'accord ou pas ?
04:31 - Non, non, mais tout cela est vrai, mais on peut aussi dire autre chose.
04:37 D'abord, je répondrais par un autre putsch à Pierre Aski, qui est la tentative de putsch
04:44 de 1993, qui s'était terminée par un ordre de Boris Yeltsin qui avait fait tirer sur
04:50 le Parlement au centre de Moscou et le pouvoir en était sorti consolidé.
04:56 Après, qu'est-ce qui s'est passé ?
04:57 On a un voyou qui s'appelle Prigojine, qui depuis des mois demande à Vladimir Poutine,
05:03 en fait, parce que Prigojine ne s'en est jamais pris à Vladimir Poutine.
05:06 Il demandait la tête du ministre de la Défense, Shoigu, et du chef d'état-major, Gerasimov,
05:13 qu'il tient pour responsable de l'échec en Ukraine.
05:15 Vladimir Poutine lui a dit trois fois non.
05:17 C'est-à-dire qu'il les a promus, petit 1.
05:21 Petit 2, il a mis des limites à Wagner en disant "maintenant Prigojine, tu ne recrutes
05:26 plus dans les prisons", deuxième avertissement.
05:28 Troisième avertissement, plus récemment, il a dit à Prigojine "attention maintenant,
05:33 tes soldats doivent signer un contrat avec l'armée".
05:37 Et Prigojine, qui est un voyou de la rue, n'a pas compris.
05:40 Il demande toujours la même chose.
05:43 Et ça n'a pas du tout été organisé.
05:45 Effectivement, il a lancé un putsch et au bout d'un moment, il a vu que le rapport
05:50 de force lui était complètement défavorable.
05:53 C'est-à-dire que les hommes de Kadirov allaient à Rostov pour confronter les hommes
05:57 de Wagner.
05:58 Vladimir Poutine a appelé Loukachenko pour que Loukachenko donne, ce n'est pas une médiation,
06:03 pour que Loukachenko donne un ordre à Prigojine parce que Vladimir Poutine ne veut pas se
06:08 salir les mains en travaillant, en discutant directement avec son cuisinier.
06:15 Ce n'est pas du tout le même niveau pour Vladimir Poutine qui est un colonel du KGB.
06:19 Et Prigojine a tout à fait évalué le rapport de force et il a vu qu'il était complètement
06:24 en sa défaveur.
06:25 C'est-à-dire que l'ordre, en fait, c'est Poutine lui a dit "tu fais encore 50 km et
06:29 tu es mort".
06:30 Alors pourquoi ça n'est pas arrivé avant ?
06:31 C'est parce que d'abord il n'y a pas d'armée dans la région entre Rostov et Moscou et
06:36 ensuite l'appareil met quand même un certain temps.
06:40 Donc finalement il n'y a rien dans le deal ?
06:41 Il n'y a pas de deal ! Il y a un ordre qui a été donné à Loukachenko en disant "maintenant
06:46 tu lui dis que s'il n'arrête pas, je l'explose".
06:49 Mais est-ce qu'il avait les moyens de marcher effectivement jusqu'à Moscou et je veux
06:55 dire sur Moscou ?
06:56 Franchement, Prigogine aurait pu gagner que si le système s'était écroulé, si Moscou
07:02 était tombé comme un fruit mûr.
07:03 Prigogine n'avait pas les moyens de se payer un affrontement avec les forces de sécurité.
07:09 C'était Dublœuf qui a marché pendant 24 heures et qui s'est fracassé à un moment.
07:15 Pardon, je vais juste au bout de cette logique.
07:18 Dublœuf pour finalement réclamer des fonds de son entreprise de mercenaires dont…
07:22 Réclamer la tête de Choygour et de Gerasimov.
07:26 On est dans la vente d'Etat.
07:28 Il a demandé un chèque ou pas derrière ?
07:30 On est dans des rapports…
07:31 Il n'a pas besoin de chèque !
07:32 On est dans des rapports mafieux, il faut bien le dire.
07:34 C'est pour ça que je parle d'argent.
07:35 On a des clans.
07:36 Et c'est en ça que je pense que Poutine est affecté.
07:39 Il apparaît pour ce qu'il est, c'est-à-dire un chef d'un Etat mafieux et pas d'un
07:44 Etat moderne capable de mener la grande guerre du XXIe siècle.
07:49 Il y a quelques jours, il y a un dirigeant étranger qui avait été en contact avec
07:53 les dirigeants des pays d'Asie centrale et qui me racontait que Poutine les appelait
07:57 en leur disant "ne vous précipitez pas trop vite dans les bras des Chinois ou des
08:01 Européens, je vais gagner, les Occidentaux vont se fatiguer et à l'arrivée vous serez
08:08 encore avec moi".
08:09 Est-ce qu'aujourd'hui, quand on est dans la zone d'influence russe, on peut faire
08:15 confiance à Poutine en se disant "dans dix ans il est encore là pour me protéger et
08:20 la Russie grande et puissante va nous protéger".
08:24 Je pense qu'il a perdu des plumes, il a perdu énormément de prestige et de capacité
08:31 à projeter la force.
08:33 - Pour poser la question différemment, est-ce que du coup, Poutine, il va avoir tendance
08:38 à durcir son régime ou pas ?
08:40 - Mais c'est trop tôt.
08:41 On ne peut pas analyser les conséquences de ce faux putsch 48 heures après.
08:49 C'est absolument impossible.
08:51 Moi je ne dis pas que Vladimir Poutine n'est pas affaibli et je ne dis pas que dans deux
08:54 mois il ne sera pas renversé.
08:57 Mais je me risquerais à dire qu'il ne sera pas renversé par Prigojine parce que ce n'était
09:02 pas le bonhomme.
09:03 Il faut bien voir que Prigojine, pour Vladimir Poutine, c'est un oprichnik.
09:07 C'est-à-dire que l'oprichnik, c'était les miliciens qui faisaient partie de la milice
09:14 d'Ivan le Terrible, qui faisait régner la terreur, qui torturait, mais qui était complètement
09:20 fidèle au tsar parce qu'il devait entièrement leur pouvoir au tsar.
09:23 C'est ça Prigojine.
09:24 Et donc en fait, il a un peu pété plus haut que son cul.
09:31 Et il n'a pas été au niveau.
09:34 Le pouvoir reste complètement affaibli, non pas en raison de Prigojine, mais parce que
09:39 Vladimir Poutine a pris une décision absolument catastrophique le 22 février 2022 et qu'il
09:45 perd la guerre.
09:46 Il peut avoir envie de le supprimer Prigojine ?
09:47 Pour l'instant, il n'a pas besoin de le supprimer puisqu'il s'est soumis.
09:52 Il s'est soumis, il est allé en Biélorussie.
09:55 Alors quelles seront les conséquences ? On va le voir très très vite parce que je pense
09:59 que les premières conséquences vont avoir lieu sur Wagner.
10:02 Est-ce que c'est le groupe, les services de renseignement militaire qui accompagne
10:06 toujours Wagner ? En Afrique, quand Wagner agit, il y a toujours en même temps un mec
10:13 du groupe.
10:14 Parce que la logistique, les avions, tout ça, ce n'est pas la propriété de Prigojine.
10:17 Prigojine dépend de l'état russe de la même manière qu'il a fait fortune grâce
10:22 à Vladimir Poutine qui, à Saint-Pétersbourg, lui avait accordé les licences de casinos,
10:27 de la restauration, etc.
10:28 Son arsenal d'armes ne lui appartient pas ?
10:30 Mais non, ce ne sont pas les avions de Prigojine.
10:34 On l'a vu d'ailleurs en Ukraine quand il n'arrêtait pas de dire "je ne reçois
10:38 pas les munitions".
10:39 Oui, mais là c'est différent, là c'est la guerre.
10:41 On va voir si le groupe, donc les services de renseignement militaire, reprennent complètement
10:47 la main sur Wagner.
10:48 Il est possible que ce soit la fin de Wagner, auquel cas ce sera la fin de Prigojine aussi.
10:53 Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas un autre Prigojine dans 15 jours et qu'il
10:57 n'y aura pas une autre rébellion ou un coup d'État dans deux mois.
11:01 Comment sait-il Pierre Aschil que le KGB n'ait rien vu très précis quelques jours avant ?
11:06 Selon le Washington Post et le New York Times, les services de renseignement américains
11:11 avaient prévenu la Maison Blanche de l'imminence d'une révolte de Wagner un jour avant.
11:15 Et le FSB rien ?
11:17 C'est surréaliste, une fois de plus, et c'est un dysfonctionnement majeur.
11:21 Mais de la même manière que depuis le début de cette guerre en Ukraine, on peut faire
11:25 la longue liste des dysfonctionnements de l'appareil sécuritaire russe.
11:30 Mais je pense que là, effectivement, je rejoins Isabelle sur la vraie question à surveiller
11:36 dans les prochains jours et les prochaines semaines, c'est que devient Wagner ?
11:39 Est-ce que Wagner va disparaître en tant qu'entité ?
11:41 Ce qui a quand même des conséquences parce qu'on le voit bien, notamment en Afrique
11:46 et ça nous concerne un peu plus.
11:47 Moi, si j'étais un dirigeant malien aujourd'hui qui a viré les Français il y a quelques
11:51 mois pour mettre Wagner à la place, je me poserais quelques questions sur ma sécurité
11:56 quand je vais dormir.
11:57 Donc là, il y a des retombées du devenir de Wagner.
12:02 Après, Wagner est remplaçable par d'autres.
12:04 On sait très bien qu'il y a d'autres armées privées qui sont privées entre guillemets,
12:10 qui sont organisées ou qui sont en gestation en Russie.
12:14 Et chaque groupe en Russie a sa milice.
12:17 On peut très bien imaginer un remplacement place pour place de Wagner par un autre groupe
12:25 plus malléable, plus dans la main du Kremlin.
12:28 Comment on analyse ça ce matin en Ukraine ?
12:31 Est-ce que c'est la douche froide ?
12:32 Est-ce que c'est une énorme déception que ce qui vient de se passer ces 24 dernières
12:36 heures après avoir cru que la guerre était peut-être en passe d'être finie ?
12:39 Je crois que là aussi il est un petit peu tôt pour endresser les conséquences.
12:46 Mais c'est vrai qu'à un moment, hier, il y a eu un énorme espoir en Ukraine.
12:52 Et cet espoir a été renforcé à partir du moment où Rodorkowski, l'un des principaux
12:59 opposants à Vladimir Poutine, qui est dans l'opposition démocratique, qui vit à Londres,
13:03 a pris le parti de Prigojin.
13:05 On l'a entendu hier soir sur France 5.
13:07 Oui, c'est le diable.
13:08 Mais pour faire tomber Poutine, il faut peut-être utiliser le diable.
13:13 Il sera toujours temps après de s'opposer à lui.
13:16 Et donc il y a vraiment eu un espoir.
13:19 On a eu l'espoir que les troupes russes se retirent d'Ukraine pour aller combattre
13:25 à Rostov.
13:26 Et tout est retomblé.
13:28 Ils ont pris un coup sur la tête ce matin à Pierraski, non ?
13:30 Oui, tout à fait.
13:31 Hier, la grande plaisanterie à Kiev, c'était que l'OTAN allait augmenter la production
13:34 de pop-corn pour assister à la guerre civile russe.
13:37 Aujourd'hui, c'est évidemment plus le cas.
13:42 Après, il faudra voir les conséquences sur le moral des troupes, sur la discipline au
13:48 sein de l'armée, sur la capacité de la Russie à poursuivre cette guerre avec la
13:55 relative plus grande efficacité qu'elle a eue ces derniers temps dans sa posture défensive
14:01 le long de ses 1 000 km de front.
14:04 Donc là encore, c'est un peu trop tôt pour donner les conséquences.
14:10 Mais c'est certainement une déception pour les Ukrainiens qui ne pouvaient que bénéficier
14:17 d'un affrontement entre deux pôles du système de sécurité russe.
14:21 Il y a encore un point à expliquer à Isabelle Lasserre sur les mots de Vladimir Poutine
14:24 hier, quand il parlait de trahison, de coup de poignard dans le dos.
14:28 Comme si un premier deal avait eu lieu entre Prigojin et Vladimir Poutine.
14:34 Comme si ce deal n'avait pas été respecté.
14:37 Quel accord de ce premier deal ? Pourquoi de poignard dans le dos ?
14:41 Moi je ne vois pas de deal dans toute cette histoire.
14:45 Ni de premier, ni de deuxième coup.
14:46 Ce n'était pas par exemple, écoute, Wagner est intégré maintenant dans l'armée,
14:50 mais tu vas aller faire ton business en Afrique, on te fichera la paix.
14:53 Il n'y a pas un deal comme ça qui s'est passé.
14:55 Je crois que Vladimir Poutine, fidèle à sa méthode qui est de diviser pour régner,
15:03 tape un coup sur Prigojin, un coup sur Choygou, toutes les têtes qui dépassent, on leur
15:08 tape un peu dessus.
15:09 Et puis à l'arrivée, personne ne menace Vladimir Poutine.
15:12 Le coup de poignard dans le dos, c'est parce qu'en fait Prigojin, qui est un homme
15:17 imprévisible, voyou imprévisible, donc on ne peut pas prévoir ce qu'il fait, a franchi
15:21 le Rubicon et a pris une étape qui a vraiment totalement pris Vladimir Poutine par surprise.
15:29 Si dans son discours hier, Vladimir Poutine avait dit, c'est ce discours qui a marqué
15:34 la fin de Prigojin en fait, parce que si Vladimir Poutine dans son discours avait dit "bon,
15:39 je licencie, je limoge Choygou", c'était donner raison à Prigojin.
15:44 Il aurait pu continuer.
15:46 À partir du moment où il dit "un coup de poignard dans le dos", ça veut dire ce
15:49 que ça veut dire, ça veut dire "je vais te rativoiser".
15:52 Il faut quand même voir que même si l'armée russe en Ukraine a des difficultés, il y
15:57 a quand même des forces spéciales en Russie qui n'ont pas du tout été utilisées et
16:01 qui n'auraient fait qu'une bouchée de Prigojin.
16:04 D'autant plus que les 25 000 personnes dont on parlait, ils n'étaient pas du tout 25
16:08 000 sur la route, parce qu'une partie des forces de Wagner, ils sont encore dans le
16:13 Donbass, ils n'étaient pas revenus.
16:16 Donc face aux forces spéciales et notamment aux forces Alpha, Prigojin aurait été explosé
16:23 par...
16:24 Voilà, donc ce discours, c'est ça.
16:26 Lukashenko, on dit que c'est une victoire pour Lukashenko, mais Lukashenko, c'est personne
16:30 en fait.
16:31 - C'est le facteur.
16:32 - Mais Lukashenko, depuis 2020, son pays est complètement vassalisé par la Russie qui
16:36 essaye de l'avaler de manière pacifique depuis 1999.
16:40 Et depuis 2020, depuis que Vladimir Poutine a sauvé le régime de Lukashenko qui était
16:46 menacé par des manifestations de démocrates, Lukashenko n'a aucune marge de manœuvre.
16:54 C'est Poutine qui décide à la place de Lukashenko, donc il lui donne un ordre et l'autre obéit.
16:59 Et Prigojin aussi a obéi, s'est soumis.
17:01 - Essayons de voir, alors peut-être pas à des années devant nous, parce qu'on comprend
17:05 bien ce matin, grâce à vous, que c'est très compliqué, mais malgré tout, tout à l'heure,
17:08 Bernard Guetta, qu'on avait à 7h50, nous disait, voilà, il y aura probablement d'autres
17:13 attaques de ce type.
17:14 Vous êtes d'accord ou pas, Pierre Aschia, avec ça ?
17:16 - Alors, on revient au débat du début, c'est-à-dire est-ce que Poutine est affaibli ou pas ? Pour
17:19 moi, oui, et il a montré là les limites de sa capacité à gouverner un État moderne.
17:26 - Mais il y en a d'autres qui peuvent avoir envie de se...
17:28 - Moi, je reviens à la phrase "le poignard dans le dos".
17:32 C'est une référence non pas à un deal récent, mais au fait que Prigojin est censé être
17:38 le lieutenant de Poutine, qu'il a été un des acteurs de la nébuleuse de Poutine, et
17:45 que le CAF se revive.
17:46 C'est-à-dire qu'à un moment, il s'est pris pour...
17:48 - Il aimerait avoir plus que ça, par exemple.
17:49 - Il a voulu devenir vizir à la place du vizir, et c'est là qu'il y a le coup de poignard
17:54 dans le dos.
17:55 Et il y en aura d'autres, parce que le système est ainsi fait.
17:59 On n'est pas dans un État avec des institutions fortes, des garde-fous institutionnels qui
18:04 empêchent l'État de vaciller.
18:07 On est dans un État personnel, centré autour d'un homme, qui, je pense, moi, est en train
18:13 d'entrer dans la dernière phase de son pouvoir.
18:15 - Oui, parce qu'il reste un fait, c'est que quand les clans du pouvoir commencent à
18:25 s'entre-dévorer entre eux, parce que c'est ce qui s'est passé ce week-end, c'est quand
18:29 même d'assez mauvais augure, à la fois pour le pays et pour le pouvoir.
18:34 - Merci à tous les deux d'être venus en parler ce matin.
18:37 Isabelle Lasserre, je rappelle votre livre un peu ancien maintenant, "Macron, Poutine
18:42 et les gens dangereux".
18:43 - Quelques semaines !
18:44 - C'est beaucoup plus ancien, pardon, pardon, pardon.
18:48 Ex-correspondante à Moscou pour le Figaro.
18:50 Pierre Aski, on va vous retrouver évidemment sur France Inter.
18:52 - Dès demain matin.
18:53 - Dès demain matin.
18:54 Merci à vous deux et bonne journée.

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