- 21/06/2023
Catégorie
✨
PersonnesTranscription
00:00 [Musique]
00:07 Ces images ne sont pas bien anciennes.
00:09 Elles ne datent que de 1975.
00:11 Pourtant, un parfum bien plus ancien en émane, celui des années 30,
00:16 du nazisme triomphant qu'on croyait avoir éradiqué à jamais.
00:20 Une odeur de mort, de fer, de mystère et de gloire.
00:24 Ce sont les obsèques du rocambole de l'hitlérisme qu'on célèbre.
00:28 Le lieutenant-colonel SS Otto Skorzeny, surnommé par la presse alliée
00:33 "l'homme le plus dangereux du monde".
00:36 Des funérailles en grande pompe, dans un Madrid franquiste,
00:39 avant de l'enterrer dans son Autriche natale, à grand renfort de folklore tyrolien.
00:44 Pendant que l'assemblée entonne le Horst Wessel Lied,
00:49 un dur à cuire présente sur ce coussin de velours,
00:52 les multiples décorations du défunt.
00:54 Parmi elles, la plus prestigieuse d'entre toutes, la croix de fer, avec feuille de chêne.
00:59 Hitler en fit Skorzeny chevalier pour être allé sauver son ami Mussolini
01:03 des griffes des patriotes italiens en 1943.
01:07 Mais curieusement, aucune distinction israélienne.
01:10 Pourtant, sur le tard, l'aventureuse Skorzeny travaillera pour son pire ennemi d'hier.
01:15 Le Mossad se disait qu'il accepterait peut-être de coopérer avec eux
01:21 en échange de l'assurance que rien ne lui arriverait.
01:26 Le Mossad avait compris qu'au-delà de sa funeste idéologie,
01:31 ce que Skorzeny aimait plus que tout, c'était l'action, à leur moteur.
01:36 On n'a qu'une vie. Voici l'histoire de celui qui en eut 100, Otto Skorzeny.
01:41 Capitaine Skorzeny
01:46 Capitaine Skorzeny
02:12 Vous vous êtes retrouvé donc seul avec Adolf Hitler.
02:15 Oui.
02:16 Maintenant, j'ai trouvé le temps de me présenter à Mussolini.
02:20 Je lui ai dit que Hitler m'avait envoyé, de le libérer.
02:24 Il m'a dit, très émouvé, que je savais que Hitler ne m'abandonnerait pas.
02:33 Skorzeny, très tranquille, la soixantaine replète,
02:37 peut faire le beau à la télé bien après la guerre.
02:40 Il n'a jamais été inquiété depuis,
02:42 alors que rarement un nazi aura été plus nazi que lui.
02:46 Voici l'histoire de cet invraisemblable paradoxe.
02:50 1943. Adolf Hitler confie à Otto Skorzeny la mission qui va lui conférer gloire et postérité.
02:58 Car Hitler est furieux. Son vieil ami de toujours, le duché Benito Mussolini, a été déchu.
03:04 Il est retenu prisonnier par les hommes du maréchal Badoglio,
03:08 nommé par le roi d'Italie pour défachiser la botte.
03:12 Mussolini risque d'être livré aux américains.
03:15 Hitler va choisir Skorzeny parmi six candidats.
03:19 Hitler, alors, une fois qu'il a demandé à chacun de résumer sa carrière,
03:27 il demande "quels sont ceux d'entre vous qui connaissent l'Italie ?"
03:30 Et Skorzeny se désigne en disant "moi, mon Führer, je suis allé à Naples en motocyclette".
03:37 À ce moment-là, Hitler dit "les autres peuvent sortir et je veux parler en particulier au capitaine Skorzeny".
03:46 Il y a une grande part de mythe autour de cet épisode,
03:52 qui vient de la version que racontait Skorzeny lui-même.
03:56 Après la guerre, il a écrit plusieurs livres sur le sujet,
04:00 où il se donnait un rôle plus important que celui qu'il avait vraiment eu.
04:06 Peut-être que ce récit est complètement fantaisiste,
04:09 en tout cas, son invraisemblance montre pour le moins que Hitler avait repéré Skorzeny.
04:17 Après plusieurs fausses pistes en Italie et en Sardaigne,
04:20 le lieu de détention de Mussolini est enfin repéré.
04:23 L'hotel Campo Imperator du Grande Sasso, à 2130 mètres d'altitude.
04:29 Une forteresse inexpugnable, surprotégée par vraiment une promenade de santé,
04:34 sauf pour Skorzeny.
04:36 Skorzeny fait preuve de tout son talent technique,
04:41 pour d'une part aller survoler l'endroit,
04:46 prendre des photos,
04:48 et déterminer la façon dont on va pouvoir enlever Mussolini
04:58 par une opération express foudroyante.
05:03 Des planeurs atterriront sans bruit.
05:05 Les commandos de Skorzeny paralyseront aussitôt les soldats italiens.
05:09 Et là, tel un Belmondo avant l'heure et au mieux de sa forme, mais en vrai,
05:13 Skorzeny viendra poser son coucou comme une fleur
05:16 pour y installer à l'arrière et avec déférence,
05:19 un duce dont le menton volontaire indique qu'il n'est pas mécontent de recouvrer la liberté
05:24 pour repartir aussitôt vers Berlin.
05:27 Selon Skorzeny, Mussolini l'embrasse et lui offre sa propre montre.
05:32 Désormais, le duce restera calé sur l'heure de Berlin.
05:36 En réalité, l'opération s'est déroulée sans que le moindre coup de feu soit tiré,
05:44 parce que les ennemis ont été totalement pris par surprise.
05:47 Évidemment, c'était filmé.
05:49 Évidemment, ça se retrouve sur les actualités cinématographiques
05:52 dans tout l'empire, alors possédé par l'Allemagne.
05:56 Il raconte également avoir failli s'écraser
05:59 à cause d'un problème de surcharge dû à sa carrure.
06:02 Il savait donc très bien vendre ses propres exploits.
06:05 Pour un coup d'essai, c'est un coup de maître.
06:09 Skorzeny se retrouve aussitôt propulsé comme vedette mondiale de la guerre,
06:13 à mi-chemin entre star hollywoodienne et trompe-la-mort nazie.
06:17 L'équivalent du soldat soviétique Zaitsev à Stalingrad,
06:21 célébré par les Russes pour avoir abattu 256 Allemands.
06:25 Skorzeny touche au rôle de sa vie, celui de héros.
06:28 Il ne le quittera plus jamais.
06:30 Mais qui est cet invraisemblable héros du 3e Reich ?
06:35 D'où sort-il ?
06:37 De sa naissance dans l'Autriche de 1908, d'une longue lignée de militaires,
06:42 à son inscription parmi les premiers au jeune parti nazi autrichien des 1932,
06:47 pas grand-chose à relever.
06:49 Tout est résumé dans l'enfance de Skorzeny par cette chemisseuse,
06:52 cette large balafre sur la joue gauche,
06:55 qui vaudra plus tard de la part des soldats américains le sobriquet de Scarface.
07:00 Champion de Mensur,
07:03 cet escrime à sabre réel qu'affectionnent les étudiants autrichiens de la bonne société,
07:07 Skorzeny a très tôt acquis une gueule.
07:10 Reste à trouver l'emploi qui va avec.
07:13 Il est certes ingénieur, dirige bien une petite société,
07:16 mais il s'ennuie.
07:18 Hitler et son pangermanisme le galvanise autrement.
07:22 Il a rejoint le parti très tôt, avant même qu'il n'arrive au pouvoir en Autriche.
07:26 Le grand jour ne tarde pas à arriver, en 1938.
07:30 Enfin, c'est Landschluss tant attendu.
07:33 Désormais, il n'y a qu'un Reich, qu'un peuple et qu'un Führer,
07:36 pour lequel Skorzeny s'empresse de jouer les gros bras.
07:39 Qu'il protège le président autrichien Miklas lors de Landschluss.
07:44 Qu'il le protège contre d'autres nazis autrichiens
07:48 qui auraient voulu l'assassiner.
07:51 Skorzeny est chargé du service d'ordre,
07:54 qui va à la fois veiller sur et surveiller le président autrichien Miklas,
08:00 avant qu'il soit purement et simplement remplacé par Adolf Hitler.
08:04 La Pologne envahit à son tour.
08:08 Nul besoin d'être grand devin pour comprendre qu'on s'oriente vers une guerre totale.
08:12 Hitler a promis la conquête d'un espace vital à l'Est.
08:15 Skorzeny quitte tout pour le conquérir avec lui.
08:19 Avant la guerre, il cherche à rejoindre la Luftwaffe,
08:23 mais sa carrure et sa taille l'empêchent d'intégrer une école de mécanique à la fin des années 30.
08:28 Il invoque beaucoup des raisons de santé,
08:31 qui l'auraient empêché d'être purement et simplement soldat
08:37 pour aller se battre en première ligne.
08:39 Au début de la guerre, Skorzeny voit une nouvelle opportunité de carrière
08:43 et décide de créer une unité qui deviendra l'un des commandos d'Hitler par la suite.
08:47 Il avait une solide vocation pour être SS,
08:51 c'est-à-dire pour faire des coups tordus
08:55 là où la direction des SS, c'est-à-dire Himmler, allait l'envoyer.
09:00 Le coup tordu, c'est bien la spécialité de Skorzeny.
09:05 Cela aurait même pu être l'intitulé de sa carte de visite.
09:08 "Spécialistes-es-coups-tordus".
09:10 Sans que l'on sache jamais s'il dit toute la vérité,
09:13 si son indéniable courage de balafré n'est qu'un thé de mythomanie.
09:18 Au sein de la première division SS Leibstandarte Adolf Hitler,
09:23 il est rapidement nommé capitaine,
09:25 après avoir fait prisonnier 56 militaires dont 4 officiers en Serbie.
09:29 Puis, Hitler déclenche l'opération Barbarossa.
09:33 Les Panzer filent vers Moscou avec un Skorzeny roue dans roue.
09:37 Là encore, il va faire un grand nombre de prisonniers.
09:40 Mais son ambition démesurée n'y trouve pas son compte.
09:43 La guerre, d'accord, il en rêvait.
09:45 Mais le front de l'Est, c'est loin et c'est froid.
09:48 Il mérite mieux. Il faut qu'il rentre à Berlin,
09:51 qu'on lui confie enfin une vraie mission,
09:53 qu'il montre aux Führer de quel bois il se chauffe.
09:56 Alors, il se fait porter pâle.
09:58 Il parle même assez précisément de dysenterie
10:02 qu'il aurait mis sur le flanc pendant toute l'année 1942.
10:07 Et sa santé se rétablit sans mal.
10:10 C'est à ce moment-là qu'il aurait, en avril 1943,
10:14 accepté des fonctions à la tête de ses commandos.
10:18 Après force lobbying auprès de tous ceux qui gravitent autour du Führer,
10:23 il est bombardé responsable d'une unité commando d'élite,
10:27 baptisée Friedenthal.
10:28 Enfin, Skorzeny touche au but.
10:31 Sa légende est en marche.
10:33 La suite, vous la connaissez.
10:35 Skorzeny libère Mussolini.
10:37 A German star is born.
10:39 Mais déjà, une nouvelle mission l'appelle en France.
10:42 Nous sommes en novembre 1943.
10:46 Hitler craint que Pétain lui échappe.
10:49 En effet, Pétain, qui n'est pas un collaborateur de l'Allemagne,
10:57 par vocation...
10:59 Il est partout, interrogeant chacun,
11:01 payant pour le prêtre le mot qui l'attend et guidant l'instituteur.
11:05 Donc il reste un patriote français,
11:08 persuadé que là où il est, il sauve les meubles
11:12 et en même temps qu'il doit essayer de faire retomber son régime de Vichy
11:19 sur ses pieds le moins mal possible,
11:22 avec la victoire anglo-américaine qui se dessine.
11:28 Ce 13 novembre 1943,
11:31 le vieux Maréchal veut faire une allocution radiodiffusée
11:34 dans laquelle il annoncera la disgrâce de son premier ministre, Pierre Laval.
11:38 Trop estampillé colle la beau aux yeux des anglo-américains.
11:42 Pour que Pétain puisse rester en place,
11:44 si d'aventure le vent tourne et que les anglo-américains gagnent la guerre.
11:48 Aussitôt arrive le veto allemand.
11:52 Il n'est absolument pas question de cela.
11:56 Bref, Pétain s'incline dans l'après-midi, mais il fait la grève.
12:00 C'est sa première et unique grève dans l'histoire de l'occupation.
12:06 Il dit "je cesse d'exercer mes fonctions et je les reprendrai
12:10 quand j'aurai pu diffuser mon allocution".
12:14 C'est dans cette ambiance-là que Hitler appelle Skorzeny à la rescousse.
12:18 Skorzeny occupe un rôle très précis,
12:22 c'est le rôle du marteau prêt à frapper.
12:26 Les nazis, durant toute l'occupation, ont agité deux mots,
12:30 ceux de "Golleiter" et de "Polonisation".
12:34 Une façon de faire chanter Pétain comme Laval.
12:36 Si vous n'obéissez pas, on vous remplace par un "Golleiter",
12:40 un germanique qui vous mènera à la trique.
12:42 Ce qui équivaudra à vous réduire à la condition des malheureux polonais.
12:46 L'Allemagne craint qu'une opération soit organisée
12:51 en liaison avec les Maquis et de la part d'une force anglaise,
12:57 américaine, gaulliste, qui viendrait se parachuter de l'extérieur
13:03 pour enlever le maréchal.
13:06 Skorzeny et ses commandos arrivent à Vichy.
13:09 Ils laissent ces hommes sous pression à l'extérieur de la ville,
13:12 prêts à investir à son signal le quartier des hôtels
13:15 où réside le gouvernement.
13:17 Lui, sous la fausse identité du "Docteur Wolf",
13:21 il va se promener tranquillement en civil dans Vichy,
13:24 en compagnie du chef de la Gestapo locale.
13:27 Durant deux jours, il arpente littéralement Vichy.
13:30 On le voit partout.
13:32 Tout le monde le reconnaît et c'est tant mieux.
13:34 Il est là pour faire peur.
13:36 C'était une manière déjà de "Golleiter" et de "Polonisation"
13:40 et de menace pour bien faire comprendre à Pétain
13:46 que le marteau était prêt à s'abattre.
13:49 L'opération va être différée jour après jour
13:52 et finalement décommandée.
13:54 Seulement vers le 20 décembre,
13:56 Pétain a fini par accepter tout ce qu'on lui demandait.
13:59 - Qu'est-ce que vous voulez que j'écrive ?
14:01 - Monsieur le maréchal, la formule que vous avez établie vous-même,
14:07 c'est-à-dire, à la France, que j'ai voulu servir toute ma vie,
14:12 je crois qu'en mettant "servir",
14:15 ça soulignerait encore mieux l'idée que vous avez affirmée.
14:18 On ne prête qu'aux riches, c'est bien connu.
14:25 Et c'est ainsi que les soviétiques vont attribuer à Skorzeny,
14:28 qui n'en demandait pas tant,
14:30 le titre de responsable de l'opération "Grand Sceau",
14:33 prévue à l'occasion de la conférence de Téhéran,
14:35 la première rencontre entre Staline, Churchill et Roosevelt,
14:39 fin novembre 1943.
14:41 Une sorte de "Prialta" où fut décidé, entre autres,
14:44 le déploiement de Normandie pour juin 1944.
14:47 - Quand Skorzeny recevait l'ordre d'empoisonner des ennemis,
14:51 il le faisait.
14:53 Quand il a eu l'ordre d'assassiner Churchill,
14:55 Staline et Roosevelt à Téhéran, il a essayé de le faire.
14:58 - Pas sûr, car Skorzeny nie.
15:01 Dans ses mémoires, il se rappelle d'un entretien avec Hitler.
15:05 L'assassinat de Churchill est bien envisagé,
15:07 mais Skorzeny dit avoir prévenu le Führer que l'idée était irréalisable
15:11 et dit qu'Hitler tomba d'accord avec lui.
15:14 De leur côté, les Russes affirment encore avoir déjoué ce projet d'attentat
15:17 en faisant savoir aux Allemands qu'ils savaient tout.
15:20 Fatigable Skorzeny, au printemps 1944, dans les Balkans.
15:24 - C'était la tentative de capturer le maréchal Tito,
15:29 chef des partisans yougoslaves et, en même temps,
15:32 du parti communiste yougoslave,
15:35 qui avait réussi à mettre sur pied
15:38 le mouvement de résistance le plus puissant d'Europe.
15:42 C'est l'opération Russell Spring d'avril-mai 1944,
15:46 à laquelle Skorzeny ne participe pas et qui se soldera par un échec complet.
15:51 Lui, connaissant la cage de Tito, voulait s'y rendre nuitamment
15:55 avec quelques commandos déguisés en partisans yougoslaves afin de le capturer.
15:59 Un coup à la Skorzeny, quoi.
16:01 Mais Russell Spring, c'est un déchaînement de parachutistes,
16:05 de planeurs, de tanks et de bombardements parfaitement inutiles.
16:09 Tito n'est pas pris.
16:16 - Et en fait, s'il en parle à ses volontiers, dans ses mémoires,
16:20 s'il s'étend sur la question, c'est qu'il arrive à faire porter le chapeau
16:25 entièrement à la Wehrmacht.
16:27 Et Skorzeny l'accuse d'avoir agi comme un chien dans un jeu de quilles,
16:31 d'avoir pas du tout été professionnel, d'avoir laissé fuiter ses renseignements
16:38 et donc d'avoir laissé s'échapper l'oiseau.
16:41 Tito envolé, Hitler envoie Skorzeny en Hongrie.
16:46 Son nouveau challenge, remettre dans le droit chemin
16:49 cette Hongrie signataire d'un traité avec l'Allemagne en 1940
16:53 et qui, sous la pression russe, est prête à changer de camp.
16:58 - L'amiral Horthy, qui dirige la Hongrie d'une manière autoritaire,
17:03 est en train de prendre contact avec l'armée rouge.
17:08 - Sa mission consistait à enlever le fils de Miklos Horthy
17:14 pour le garder en otage afin de forcer Horthy à collaborer avec les Allemands.
17:19 - Sauf que contre toute attente, malgré le kidnapping de son fils par Skorzeny,
17:24 le vieux Horthy se cabre et refuse de démissionner.
17:28 - La mission s'est soldée par un échec à cause de la progression des tanks soviétiques.
17:33 - Finalement, c'est un diplomate qui s'appelle Rudolf Hahn,
17:39 c'est lui qui va rattraper Horthy par le col et faire que Horthy,
17:43 alors ne démissionne pas, mais accepte et nomme un gouvernement de nazi-hongrois
17:50 qui va tenir jusqu'à ce que l'armée rouge submerge finalement les Allemands en Hongrie.
17:56 - Skorzeny, on l'a vu pendant l'épisode de l'enlèvement raté de Tito, a le goût du déguisement.
18:01 Sa vie est un film et dans Bastogne, il a le rôle principal.
18:05 Lors de la bataille des Ardennes, il se travestit avec ses soldats en commando américain.
18:14 - Il fait partie des Allemands qui se battent jusqu'au bout en faisant confiance à Hitler
18:20 pour trouver au dernier moment une solution et donner un sens à ce combat désespéré.
18:25 - Juste avant d'arriver devant les lignes ennemies,
18:29 ils ont quitté leurs uniformes allemands pour revêtir des uniformes américains
18:33 et reprendre leur progression dans des jeeps Willys pour percer les lignes américaines.
18:38 Cela leur a permis de prendre trois ponts pendant cette attaque.
18:41 Il ne s'est pas battu jusqu'à la fin. Il s'est rendu le 6 mai et a été interrogé par les Américains.
18:47 Ce qui restera comme la dernière mission en temps de guerre de Skorzeny a bien failli lui coûter la vie.
19:00 La plupart de ses commandos seront fusillés, mais lui, non.
19:06 Une fois de plus, une baraka insensée.
19:09 C'est la fin. Berlin tombe, Hitler meurt, le vent se lève et bien entendu, il faut tenter de vivre.
19:26 Et ça tombe bien, vivre, c'est ce que Skorzeny sait faire de mieux.
19:31 À la fin de la guerre, Otto Skorzeny et plusieurs autres chefs de commando ont reçu l'ordre du commandement de la Wehrmacht
19:38 de continuer le combat en intégrant les unités de la Wehrwolf.
19:42 Leur objectif était de laisser du matériel de sabotage derrière les lignes américaines
19:47 afin de détruire des ponts, couper des lignes de communication
19:51 et de créer des problèmes de manière générale derrière les lignes américaines,
19:55 comme une sorte de dernier acte de résistance.
19:58 Mais Skorzeny ne s'est pas battu jusqu'à la fin.
20:01 Comment avez-vous été pris ?
20:03 Je n'ai pas été pris, j'ai fait presque toute ma vie volontairement.
20:08 C'est-à-dire j'ai fait mes vacances...
20:11 Mais vous étiez où à ce moment-là ?
20:13 Dans les montagnes autrichiennes.
20:15 Vous étiez caché dans les montagnes autrichiennes ?
20:17 Caché. J'habitais une hutte sur les montagnes de Dachstein.
20:22 J'étais toujours en uniforme, j'étais toujours avec l'armée, parce que j'étais un soldat libre.
20:28 Et alors le 22 ou le 23 mai, j'ai demandé ce type et c'était vraiment difficile de se rendre.
20:36 Un tribunal américain l'a jugé à Dachau après la guerre,
20:42 pour avoir essayé de violer la Convention de l'Aïe.
20:45 Skorzeny avait donné l'ordre à ses soldats allemands
20:49 de revêtir l'uniforme américain pour tromper les troupes américaines au cours d'une opération.
20:55 Afin de tromper l'ennemi, ce qui est condamnable selon la Convention de Genève.
20:59 Bon, il sera sauvé à ce moment-là par des Anglais qui viendront témoigner
21:05 qu'eux-mêmes, à leur époque, n'étaient pas en forme.
21:09 Et donc, il y a eu une situation de guerre.
21:13 Et donc, il y a eu une situation de guerre.
21:16 Et donc, il y a eu une situation de guerre.
21:19 Et donc, il y a eu une situation de guerre.
21:22 Et donc, il y a eu une situation de guerre.
21:25 Et des Anglais qui viendront témoigner que, eux-mêmes, ça leur est arrivé de faire ce genre de choses
21:32 avec des uniformes étrangers.
21:34 Donc, il ne faut peut-être pas trop insister sur cet aspect des choses.
21:38 Le tribunal a justifié son verdict de ruse de guerre
21:41 en indiquant qu'il ait permis de porter l'uniforme ennemi pour le tromper,
21:44 mais pas pour le combattre.
21:46 Après son procès devant le tribunal militaire américain,
21:49 Skorzeny a été placé en état d'arrestation par les autorités allemandes
21:52 pour comparaître devant un tribunal de dénazification.
21:56 C'était un criminel majeur selon la catégorie de dénazification établie par les Alliés après la guerre.
22:01 Mais en juillet 1947, il s'est enfui du camp d'internement civil de Ludwigsburg.
22:06 C'était plus simple qu'on ne pourrait le penser.
22:09 Les États-Unis ont arrêté plus de 1 000 suspects.
22:15 Ils ont aussi arrêté un grand nombre de soldats.
22:19 Par conséquent, les lieux d'incarcération n'étaient pas vraiment sécurisés.
22:26 L'évasion d'Otto Skorzeny est un épisode historique fascinant.
22:31 Beaucoup ont réussi à passer entre les mailles du filet.
22:35 Heinrich Müller, le chef de la Gestapo, n'a jamais été recherché.
22:41 Beaucoup de personnes portaient le même nom en Allemagne.
22:44 La version officielle veut que trois officiers SS portant des uniformes américains aient pénétré dans le camp
22:50 et aient escorté Skorzeny jusqu'à la sortie.
22:53 Les Américains étaient au courant de plans pour faire évader Skorzeny.
23:03 Et ils n'ont rien fait pour l'en empêcher.
23:06 Mais des documents de la CIA fournissent quelques informations
23:10 laissant penser que Skorzeny aurait été aidé par des agents du renseignement américain.
23:16 Cette évasion de Skorzeny est tout sauf logique.
23:20 Non seulement, pendant que ses subordonnés, eux aussi déguisés en soldats américains
23:24 lors de cet épisode des Ardennes, sont exécutés,
23:27 Skorzeny se voit gracié.
23:29 Mais en plus, on le laisse échapper tranquillement de sa prison, grâce encore à des déguisements.
23:35 Ce n'est plus une guerre, c'est un carnaval.
23:39 À moins que les Américains aient eu à ce moment-là une petite idée derrière la tête pour l'avenir de Skorzeny.
23:45 Une reconversion, sous la bannière étoilée.
23:48 Peu leur importe qu'il ait été, et reste, un vrai, un pur nazi ?
23:53 Ceux qui n'étaient pas des nazis influents ne sont pas aussi coupables
24:00 que ceux qui sont à l'origine de la solution finale et d'autres crimes contre l'humanité.
24:06 Mais ils ont tout de même une responsabilité partagée.
24:09 Parce que sans eux, l'étendue de ces crimes aurait été beaucoup moins importante.
24:14 On estime souvent que l'Holocauste faisait déjà partie du discours global dans les années 50.
24:22 Ce n'était pas le cas.
24:24 Il n'y avait presque aucun livre scolaire qui traitait de la question à cette époque.
24:30 En fait, pourchasser et capturer des nazis à l'étranger
24:34 était une perspective très complexe du point de vue diplomatique.
24:38 Et donc, on laisse filer Skorzeny,
24:44 qui connaît parfaitement les filières pour rejoindre le soleil espagnol et franquiste.
24:50 L'allié qui comptait le plus pour les anciens criminels de guerre,
24:55 c'était l'autrichien Alois Udall, qui était archevêque à Rome.
25:00 Il avait des relations au sein de la Croix-Rouge
25:03 qui lui permettaient de fournir des documents de voyage aux anciens criminels nazis.
25:08 Les États-Unis ont su que ce réseau existait dès 1947.
25:14 Ils n'ont jamais vraiment pu agir,
25:16 parce que cela impliquait une intervention auprès du Vatican.
25:20 Il fallait un guide pour traverser les Alpes pendant l'été.
25:24 Le but était d'atteindre la région tyrolienne en passant par l'Autriche.
25:28 Il fallait avoir des relations à Rome et un billet de bateau pour partir ailleurs.
25:33 Alors que tous les anciens haudini-ternazis qui ont échappé à Nuremberg
25:40 endossent à jamais leur costume de passe-muraille pour s'évanouir dans la nature,
25:44 avec bien souvent, hélas, la bénédiction vaticane,
25:47 Skorzeny, lui, ne cherche nullement à se tairer.
25:51 Au contraire, crâneur comme il est, il sait,
25:54 il sent que ce nouveau monde qui se dessine va avoir besoin de lui,
25:58 à commencer par les Américains.
26:00 La guerre froide faisait rage à cette époque
26:04 et les agents du renseignement américain voulaient en savoir plus
26:07 sur l'ennemi qui se dressait contre eux.
26:09 Et pour eux, l'une des manières de le faire était de se renseigner
26:13 sur l'expérience des Allemands qui avaient combattu les Soviétiques
26:16 pendant la Seconde Guerre mondiale.
26:18 Vous avez dû être approché, depuis la guerre, par d'autres nations
26:22 pour vous indulger dans des activités militaires du genre que vous vous indulgez
26:28 pendant la guerre, est-ce correct ?
26:29 Oui, c'est ce qui s'est passé, oui, exactement.
26:32 Il y a beaucoup de pays qui s'y sont approchés.
26:34 Pouvez-vous nommer certains des pays ?
26:36 Oh, je peux nommer, par exemple, les Etats-Unis.
26:39 Ils sont presque les premiers à proposer quelque chose.
26:41 Est-ce vrai ?
26:42 Oui.
26:43 Qu'est-ce qu'ils veulent que vous fassiez ?
26:45 Oh, quelque chose de spécial.
26:47 Vous ne le direz pas exactement.
26:49 Vous ne parlez pas de ce genre.
26:51 Scorsene a proposé ses services aux forces de contre-espionnage de l'armée américaine en 1953.
26:58 La seule agence qui semblait intéressée par sa personne aux Etats-Unis, c'était le FBI.
27:05 J. Edgar Hoover, le chef du FBI, prenait très au sérieux la menace d'espions communistes aux Etats-Unis.
27:13 Nous avons apporté les secrets qui ont aidé à gagner l'armée américaine, et peut-être que cela nous a fait se battre dans le champ.
27:20 Nous, le FBI, nous pensons que nous sommes une partie du équipe pour faire de l'Amérique un endroit grand et décent pour vivre.
27:28 Nous sommes tous dans ce groupe, tous ensemble.
27:31 Il prétendait être en possession de documents secrets au sujet de l'Orchestre Rouge,
27:36 un réseau d'espionnage communiste actif en Europe occidentale pendant la Deuxième Guerre mondiale.
27:42 Il couvrait l'Allemagne, la France, la Belgique, la Suisse, et ainsi de suite.
27:49 Les nazis ont réussi à en démanteler une partie, mais ils n'ont pas réussi à démanteler l'ensemble du réseau.
27:55 Et beaucoup de personnes pensaient que des espions de l'Orchestre Rouge étaient toujours actifs.
28:01 La longue et calculée série de mouvements qui ont rendu l'Union Soviétique la plus grande menace à la paix du monde,
28:08 est clair dans le record des années post-guerre de la Russie.
28:11 Elle a maintenant expandit sa sphère d'influence à un endroit qui couvre la moitié de l'Hiver.
28:16 Ses tactiques s'appliquent à l'infiltration jusqu'à l'abandon des gouvernements et des pouvoirs.
28:21 Scorsene a donc essayé d'en profiter en 1955 en disant ce que tous les colporteurs d'informations disent.
28:27 "Je suis en possession de documents rarissimes que personne n'a jamais vus."
28:31 Mais les Etats-Unis avaient déjà entendu cette phrase, et à partir de 1955, elle ne marchait plus du tout.
28:37 Ils ont donc à nouveau rejeté sa proposition.
28:40 Scorsene va trouver non pas refuge, mais pignon sur rue à Madrid, dans l'Espagne franquiste, au vu et au su de tous.
28:56 Et cela est particulièrement bien illustré par le fait qu'il a fui l'Allemagne pour éviter le tribunal de dénazification.
29:02 Il a également fui la France pour éviter des tentatives d'assassinat ou d'enlèvement par les communistes français,
29:10 ou par les commandos britanniques cherchant à le capturer.
29:13 Et si chacun sait que Scorsene mène grand train, personne décidément ne se décide à l'arrêter.
29:19 Dans l'Espagne franquiste, Scorsene essaie de créer une internationale fasciste.
29:26 Il contacte d'anciens amis de la Wehrmacht, de la SS ou du RSHA, l'Office de sécurité SS,
29:33 dans le but de les convaincre de venir en Espagne pour créer une force anti-bolchévique,
29:40 pour combattre l'éventuelle invasion russe qu'ils sentent imminente.
29:44 Parce qu'il était convaincu que les pays de l'Ouest seraient incapables de se défendre par eux-mêmes contre les Soviétiques.
29:53 Comme son ancien rival de la bataille des Ardennes, le général Patton,
29:57 Scorsene pense que les Américains se sont trompés d'ennemis pendant la guerre.
30:01 On sait par exemple que le fameux général Patton a pensé de continuer ensemble avec l'Allemagne la guerre contre la Russie.
30:12 Sur place, il essaie de créer une internationale anti-bolchévique.
30:17 Heureusement, sa volonté de mettre en place une force pro-fasciste en Espagne ne verra jamais le jour.
30:22 Franco était le seul dictateur d'extrême droite encore au pouvoir après la Seconde Guerre mondiale.
30:27 Et c'était une source d'inquiétude.
30:29 L'Espagne, et plus particulièrement Madrid, était l'un des principaux lieux d'espionnage de la Seconde Guerre mondiale avec Istanbul.
30:36 Il y avait donc beaucoup d'Allemands en Espagne après la guerre.
30:39 Et il y a également eu un effort concerté du côté des alliés pour chasser Franco du pays au lendemain de la guerre.
30:45 Mais ce n'était pas parce que tous les Allemands présents en Espagne étaient des criminels de guerre,
30:50 ou parce que les agents alliés craignaient d'être arrêtés.
30:53 C'était plutôt parce qu'ils craignaient d'assister à une résurgence nazie en Espagne.
30:57 Espagne ! Parlez ! Espagne ! Vivez ! Arrivez à Espagne !
31:21 En 1951, le Congrès juif mondial a contacté le département d'État américain pour indiquer qu'Otto Skorzeny, un criminel de guerre, se trouvait en Espagne.
31:30 Le Congrès rappelait qu'il était ouvertement antisémite et demandait ce que le département d'État comptait faire.
31:35 Il s'est lancé dans de nombreuses entreprises commerciales, dont le trafic d'armes ou l'entraînement de soldats de fortune.
31:43 Il fournissait aussi des renseignements dès qu'il en avait l'occasion.
31:49 Il n'était pas un informateur crucial pour les Américains.
31:54 Ils savaient qu'il mentait et qu'il donnait de fausses informations.
31:59 Et pourtant, ils voulaient le garder sous surveillance.
32:03 Des sources espagnoles, qui se sont entretenues avec la CIA dans les années 50, ont déclaré que tout ce qui intéressait Skorzeny, c'était l'argent.
32:12 Et pendant les années 60, il a mené une vie très confortable.
32:16 Il vivait dans une belle villa, il sortait manger dans de bons restaurants.
32:21 Il semble avoir été plus intéressé par sa propre personne que par quoi que ce soit d'autre.
32:26 Il était plus intéressé par sa fortune, ses projets, sa famille et ce genre de choses.
32:32 On le voit capable d'offrir ses services, quels qu'ils soient, aux alliés occidentaux comme aux soviétiques.
32:57 Les archives de la CIA montrent qu'il a été contacté à de multiples reprises par le KGB et par les services du renseignement soviétique qui ont succédé.
33:09 L'une des grandes questions qui reste en suspens, même après la fin de la guerre froide, c'est jusqu'à quel point les agents du renseignement soviétique ont infiltré d'anciens réseaux nazis.
33:20 Je pense que c'est l'un des éléments les plus intéressants qui puissent être révélés.
33:24 Il reste fidèle à son rôle de défenseur du fascisme, non aligné entre les puissances occidentales et les soviétiques.
33:32 Son but est alors de créer un bloc qui soit opposé à la fois aux soviétiques et aux américains.
33:39 Il souhaite créer un bloc non aligné de soldats allemands, refusant d'être les marionnettes ou les esclaves des américains.
33:46 Et son but ultime est de réaffirmer l'indépendance de l'Allemagne.
33:50 Tout cela est à l'origine d'une dynamique très intéressante dans la vie de Skorzeny.
33:56 En 1961, un représentant de la justice autrichienne a engagé des poursuites contre Otto Skorzeny pour avoir visité le camp de concentration de Sachsenhausen au milieu de la guerre
34:13 et d'y avoir testé des balles au gaz toxique sur des détenus du camp.
34:18 Les poursuites n'ont finalement pas abouti. Skorzeny était en Argentine ou en Espagne à cette époque.
34:24 Effectivement, Skorzeny a mieux à faire que de répondre de ses crimes.
34:29 Il est en Argentine pour conseiller le dictateur Perón.
34:33 Il devient l'ami plus que cher de sa glorieuse épouse Evita.
34:37 Convoqué par Perón lorsque ce dernier l'apprend, Skorzeny file à l'anglaise.
34:43 Il a planifié l'enfermement du roi Mohamed de Maroc.
34:46 Il a donné Patrice Lumumba au Congolais, le portugais en Angola.
34:50 Il a aidé l'armée française en Algérie.
34:53 Si Skorzeny a échappé sa vie durant la moindre représailles, c'est évidemment grâce à son sens inné du storytelling.
35:07 Dans ses livres de mémoire, à chaque apparition télévisée, il narre avec bonheur ses faits d'armes en vieil oncle Paul d'Outre-Rhin,
35:15 gommant méticuleusement la moindre référence à l'idéologie nazie ou à l'antisémitisme.
35:21 Pourtant, il n'y a pas beaucoup à le pousser.
35:24 As-tu connu ce que nous connaissons maintenant sur les massacres de la masse des juifs?
35:32 Non, je n'en sais jamais, et nous ne le savons jamais.
35:34 La masse de la population allemande ou du soldat allemand, on ne le sait jamais.
35:37 As-tu été choqué par cela après avoir vu les photos?
35:40 Bien sûr que j'ai été choqué, mais pas de toutes les photos, parce qu'il y avait beaucoup de montages.
35:48 Tu crois que certaines photos sont fausses?
35:51 Je ne les crois pas, je les connais.
35:56 Comment sais-tu que certaines de ces photos sont fausses? Je ne sais pas.
36:02 Parce que j'ai rencontré des gens, et il y avait des gens présents qui connaissaient ces photos.
36:10 Par exemple, des photos de Dresden, des bombes d'alliés à Dresden,
36:15 et d'autres photos de Buchenwald,
36:18 les gens ont reconnu que ce sont des photos prises par les Allemands
36:23 après la bombe d'alliés au camp de conservation de Buchenwald.
36:27 C'est étonnant de voir à quel point Skorzeny a pu parler ouvertement de ses propres exploits
36:32 sans subir de véritables représailles de la part de la communauté internationale.
36:38 Skorzeny, je le vois comme un nazi avant tout, y compris quand il écrit ses bouquins.
36:45 Il a le souci dominant de justifier le nazisme.
36:51 S'il y a un mythe autour de Skorzeny, c'est à cause de ses exploits pendant la Seconde Guerre mondiale.
36:59 Skorzeny avait tout ce qu'il fallait pour incarner ce qu'on appelle un héros de série B.
37:06 Il fait partie de ce qu'on appelle le mythe de la Wehrmacht,
37:11 qui a continué à prospérer dans les années 80 et 90 en Allemagne et en Europe.
37:15 Skorzeny avait cette réputation de ce qu'on appelle "Schwachbockler", de soldat de fortune,
37:21 ce qui lui donnait beaucoup de prestige.
37:25 Ce mythe qu'incarne Skorzeny veut qu'il y ait eu des militaires allemands
37:30 qui, même s'ils faisaient partie de la Wehrmacht,
37:33 se soient battus avec honneur et courage dans les batailles auxquelles ils ont participé.
37:37 C'est une image que Skorzeny a beaucoup cultivée,
37:40 et cette image lui a beaucoup servi même si elle n'a rien à voir avec les faits.
37:44 Ce soir, dans le fauteuil où je me trouve actuellement,
37:48 un homme dangereux va s'installer et va témoigner.
37:53 Cet homme a même été nommé à un moment donné l'homme le plus dangereux d'Europe.
37:58 Pour le trouver, nous nous sommes rendus à Madrid,
38:02 dans un décor qui n'a rien de dangereux, comme vous le remarque.
38:05 Vous voyez son portrait derrière moi.
38:08 Il s'agit d'un ancien colonel de la Waffen-SS,
38:12 le colonel Otto Skorzeny.
38:14 Ce que Skorzeny omet de raconter à Pierre Belmar, c'est pourtant le plus intéressant.
38:19 Comment il va travailler pour l'Egypte de Nasser,
38:22 puis être retourné par le Mossad ?
38:26 En 1953, Skorzeny se rend en Egypte pour essayer d'y organiser des ventes d'armes
38:32 avec le gouvernement révolutionnaire en place.
38:35 Il savait très bien qui était l'ennemi de l'Egypte.
38:37 Il s'agissait bien évidemment d'Israël.
38:40 Il y avait un grand nombre de pharlautes, des généraux techniciens
38:46 qui participaient à l'effort de modernisation de l'armée égyptienne.
38:52 Ils aidaient aussi la propagande et la sécurité égyptienne dans les années 50.
38:57 Ils se connaissaient tous, ils étaient ensemble depuis les années 30,
39:01 et ils avaient vécu la guerre ensemble.
39:05 Et il ne faut pas sous-estimer l'humiliation ressentie par le monde arabe après 1948-1949,
39:12 celle de ne pas avoir réussi à empêcher la création d'Israël.
39:18 Quand Israël a déclaré son indépendance en mai 1948,
39:22 le pays a été attaqué par l'Egypte, la Syrie, le Liban, l'Irak, la Jordanie,
39:29 et par différentes forces d'opposition provenant de l'ensemble du monde arabe.
39:33 Mais ils n'ont pas réussi à empêcher l'indépendance d'Israël,
39:37 et Israël a même réussi à étendre les frontières
39:40 qui lui avaient été attribuées dans l'accord de partage originel.
39:43 Skorzeny a donc poursuivi ce que je pense être une campagne idéologique
39:48 contre ce qu'il considérait comme le judaïsme international.
39:52 Il aurait entraîné des commandos égyptiens et palestiniens.
39:56 Ensuite, ces mêmes commandos auraient mené des raids contre Israël à Gaza dans les années 50.
40:02 Et ils n'affichaient aucun remords.
40:05 Skorzeny savait que les armes qu'il vendrait au gouvernement révolutionnaire égyptien
40:10 les aideraient dans leur lutte contre les Israéliens.
40:13 Cela montre qu'il ne cherchait pas à mener une vie discrète
40:16 et qu'il était définitivement antisioniste, anti-juif ou anti-sémite.
40:21 Pour les ex-nazis en fuite, le monde arabe est un meilleur refuge,
40:25 bien plus sûr que l'Amérique latine.
40:28 Il compte à l'amitié qui unit le grand moufti de Jérusalem, à Lusénie, à Adolf Hitler.
40:34 Le 20 novembre 1941, il cède un pacte à Berlin.
40:38 Pendant la guerre, des régiments entiers de musulmans sont morts en uniforme de la Wehrmacht.
40:44 Et ça, Skorzeny ne l'a pas oublié.
40:47 Himmler et d'autres représentants du régime nazi,
40:50 comme l'ont indiqué plusieurs historiens ces dernières années,
40:53 avaient une vision déformée, mais néanmoins compréhensive de l'islam.
40:58 Hitler partageait aussi cette vision.
41:00 Certains membres du parti nazi, pendant la seconde guerre mondiale,
41:04 ont montré un profond respect pour l'islam.
41:07 Ils ne comprenaient pas cette religion,
41:09 mais ils avaient un grand respect pour la foi très combative qu'ils voyaient dans l'islam.
41:14 Et ils partageaient un ennemi commun, les juifs.
41:19 C'était surtout le cas chez les nazis les plus radicaux,
41:24 qui croyaient vraiment aux théories de la conspiration juive et au danger d'un état juif.
41:29 S'adressant dans un discours au SS Turkmen, le grand mufti dit
41:34 « L'Allemagne qui combat notre ennemi commun pousse le monde islamique vers un avenir sûr et radieux. »
41:40 Hitler a été vaincu, mais pas Husseini.
41:44 Et il est devenu celui qui allait permettre à la lutte contre le sionisme et les juifs de perdurer.
41:49 C'est Husseini qui est à l'origine des slogans fondamentaux du djihad contre les juifs,
41:55 qui marquent le début de la guerre de 1948.
42:00 Ces valeurs résonnent encore de nos jours.
42:04 Il est important, quand on pense au Hamas, au Hezbollah,
42:10 quand on pense au gouvernement iranien de Khomeini,
42:15 il est important de se souvenir des racines réactionnaires de l'islamisme des années 30 et 40.
42:23 À Nasser, qui dirige l'Égypte depuis 1956,
42:27 Al Husseini propose en vain d'inclure la Palestine dans la République arabe unie.
42:32 Nasser faisait partie des officiers de l'armée qui ont été capturés près de Fallujah,
42:37 dans le désert de Negev en 1948.
42:41 Et ces officiers n'ont pas été libérés avant qu'un armistice ne soit signé avec Israël.
42:47 C'était une humiliation majeure pour le monde arabe.
42:50 Et pendant des années, on a parlé d'un deuxième round, qui a fini par se produire en 1967.
42:57 Et ce deuxième round a été encore plus désastreux pour les pays arabes qu'en 1948.
43:03 Il y avait donc un intérêt plus ou moins commun entre l'Égypte, la Syrie et ses expatriés nazis.
43:13 En effet, dès la fin des années 50, plus de 300 spécialistes allemands
43:18 planchent en Égypte sur la mise au point d'avions de combat et de missiles.
43:23 Les ingénieurs allemands en aérospatial auraient pu aller aux États-Unis,
43:28 mais ils se plaignaient beaucoup de toutes les conditions de sécurité avec lesquelles ils devaient composer,
43:33 alors que le gouvernement de Nasser payait très bien ses ingénieurs.
43:38 Au début des années 60, le renseignement israélien a fait des découvertes surprenantes concernant l'Égypte,
43:48 le pire ennemi d'Israël à cette époque.
43:51 L'Égypte était effectivement en train de développer différents systèmes d'armement de manière soutenue
43:57 pour améliorer ses capacités militaires.
44:00 Les Israéliens soupçonnaient aussi les Égyptiens de développer des armes chimiques et peut-être même des armes nucléaires.
44:09 Comment stopper ce projet maintenant que l'on sait qui aide les Égyptiens ?
44:17 Il a ainsi été décidé de lancer une campagne de terrorisme contre ces scientifiques.
44:25 L'idée était de les effrayer pour les forcer à ne plus participer au projet égyptien.
44:32 Et c'est à ce moment-là que le Mossad a vu un intérêt en Skorzeny
44:38 et en ses nombreux amis dans le milieu de l'armement égyptien.
44:43 C'est l'alors encore jeune Itzhak Shamir qui va prendre la décision de faire appel à l'ancien nazi.
44:49 C'était une décision risquée parce que personne ne savait quelle serait la réaction de Skorzeny.
44:58 A cette époque, Itzhak Shamir était à la tête d'une petite unité d'opération du Mossad basée à Paris.
45:06 Le Mossad était encore une très petite organisation à ce moment-là.
45:10 Cela faisait un an ou peut-être un peu moins d'un an après l'enlèvement et le jugement d'Adolf Eichmann à Jérusalem.
45:17 C'était une opération très prestigieuse.
45:27 Cette opération a rendu le Mossad très célèbre dans le monde entier.
45:31 Elle a offert une très bonne image publique du Mossad, l'image d'une organisation capable de tout.
45:36 Beaucoup de nazis ont commencé à avoir peur de voir leur tour arriver après Eichmann.
45:41 Mais comment faire ? C'est Joe Rahnan, responsable du Mossad à Bonne en RFA, lui-même d'origine autrichienne, qui met au point un plan.
45:51 En compagnie d'une Allemande qui travaille occasionnellement pour le Mossad, ils vont se faire passer pour un couple de touristes en Goguette à Madrid.
46:01 Ils se sont rendus compte qu'il aimait passer du temps dans un bar local, non loin de l'endroit où il logait.
46:08 Ils se sont donc rendus dans ce bar et se sont fait passer pour des touristes autrichiens qui avaient perdu toutes leurs affaires.
46:16 Et quelqu'un les a présentés à Skorzeny et à son épouse.
46:19 Ils ont commencé à parler avec eux. Ils ont réussi à créer une relation amicale.
46:24 Jusqu'au moment où Skorzeny, qui était très suspicieux, a sorti une arme qu'il a pointée sur le faux couple en disant "Je sais qui vous êtes. Vous êtes du Mossad et vous êtes là pour me tuer."
46:36 Joe Rahanan, qui était très calme, a répondu en souriant "La moitié de ce que vous avez dit est vraie. La première moitié. Nous sommes bien du Mossad, mais nous ne sommes pas venus pour vous tuer.
46:50 Si nous avions voulu vous tuer, nous aurions pu le faire beaucoup plus tôt. Nous sommes ici pour vous proposer quelque chose."
46:58 Et c'est ainsi qu'ils ont proposé à Skorzeny de travailler pour le Mossad.
47:03 Sa mission était de fournir la liste des scientifiques allemands qui travaillaient en Égypte.
47:08 Skorzeny a réfléchi à l'offre et a fini par accepter.
47:11 Ils lui ont proposé de l'argent, mais Skorzeny a souri et a dit "Je n'ai pas besoin de votre argent. Je suis déjà bien assez riche."
47:18 Peut-être que Skorzeny s'est soudainement dit "Tiens, ces Juifs que moi et mes camarades nazis avons voulu tuer sont courageux finalement et ils savent se battre."
47:34 C'était un opportuniste qui a peut-être admiré la manière dont le Mossad et l'armée israélienne ont montré leurs muscles.
47:43 Il leur a demandé "Faites-moi une faveur. Si je travaille pour vous, je ne demande pas à être payé, mais je veux une assurance.
47:54 Celle de retirer mon nom de la liste de Wiesenthal."
48:00 Même s'il avait été jusqu'alors épargné, le nom de Skorzeny apparaissait bel et bien sur la liste des anciens SS recherchés par Simon Wiesenthal, le plus célèbre des chasseurs de nazis.
48:11 Skorzeny tenait à mourir dans son lit.
48:14 C'est Walter Rauf aujourd'hui. Il vit à Chili. Un des plus grands criminels de notre siècle.
48:21 Il était l'un des meilleurs hommes et le chef d'ordre de la sécurité de l'Empire.
48:27 Il utilisait les voitures de gaz.
48:31 Avec ces voitures de gaz, ils ont mis en usage le signe de la Croix Rouge.
48:38 Ils ont tué un quart de million de personnes.
48:41 Toutefois, Wiesenthal ne l'a jamais retiré de sa liste.
48:45 Mais les Israéliens ont rédigé une fausse lettre de Wiesenthal à l'attention de Skorzeny, indiquant qu'il avait été retiré de la liste.
48:52 Immédiatement après avoir été recruté, il a été amené à Tel Aviv pour être briefé et recevoir les instructions.
49:01 Il a aussi été amené à Yad Vashem, le mémorial de l'Holocauste.
49:07 Les Israéliens voulaient faire évoluer sa vision des choses.
49:11 Ils voulaient lui montrer ce que les nazis avaient fait aux Juifs.
49:16 Sa mission principale était de donner les noms et les adresses des scientifiques allemands qui travaillaient pour le projet d'armement égyptien.
49:23 Ceux qui travaillaient en Égypte, mais aussi ceux qui travaillaient hors d'Égypte, que ce soit en Allemagne, en Autriche ou dans d'autres régions du monde.
49:34 Et Skorzeny a réussi à fournir cette liste.
49:37 Il a ensuite indiqué aux Mossades qu'il était prêt à se rendre encore plus utile.
49:43 Le nazi Skorzeny se retrouve ainsi le bras armé de ce que le Mossade nomme l'opération Damoclès,
49:50 qui consiste à persuader les scientifiques allemands de renoncer à travailler pour les militaires égyptiens.
49:57 On commence par des appels anonymes et si ça ne marche pas, on élimine.
50:04 Le Mossade procédait à l'envoi de lettres piégées et Skorzeny faisait partie de cette opération.
50:11 À l'occasion d'une nouvelle visite au Caire, Skorzeny s'est porté volontaire pour une autre mission,
50:17 emmener des produits explosifs avec lui qu'il assemblerait dans son hôtel et qu'il utiliserait dans des lettres piégées.
50:24 Tout le matériel lui a été fourni par le Mossade et il l'a envoyé aux scientifiques allemands.
50:30 Il semble que ce soit Otto Skorzeny qui ait assassiné Heinz Krug,
50:35 un ingénieur spécialisé dans la conception de missiles qui avait eu l'occasion de travailler avec Werner von Braun à Pinsmün pendant la guerre.
50:44 Krug ne faisait pas que travailler avec les égyptiens, il était aussi le président de la compagnie qui collaborait avec eux.
50:52 Il a mystérieusement disparu en septembre 1962 et son corps n'a jamais été retrouvé.
50:59 Tout semble indiquer que Skorzeny et les services israéliens soient à l'origine de ce coup.
51:06 Au bout d'un certain temps, Skorzeny s'est rendu compte que son nom figurait toujours sur la liste de Wiesenthal.
51:17 Il a compris qu'il s'était fait avoir par le Mossade, mais il a aussi compris que les choses se déroulaient ainsi, que c'était ça les règles du jeu.
51:28 Le jeu entre Skorzeny et le Mossade s'arrêtera avec les années 60.
51:33 Le nazi va retrouver les siens à Madrid pour enfin couler la retraite paisible qu'il espère.
51:38 Mais en 1970, les médecins lui diagnostiquent deux tumeurs cancéreuses.
51:42 Opéré, il restera paralysé pendant six mois.
51:45 Mais sa volonté est telle que c'est debout qu'il partira affronter le jugement dernier, le 6 juillet 1975.
51:52 Avec même la suprême élégance de ne pas se prendre trop trop au sérieux et d'avoir une certaine dose d'auto-dérision en montrant qu'il a eu de la chance.
52:03 J'ai un palais balle.
52:06 J'ai un palais balle.
52:09 J'ai un palais balle.
52:11 J'ai un palais balle.
52:13 J'ai un palais balle.
52:15 J'ai un palais balle.
52:17 J'ai un palais balle.
52:19 J'ai un palais balle.
52:21 J'ai un palais balle.
52:23 J'ai un palais balle.
52:25 J'ai un palais balle.
52:27 J'ai un palais balle.
52:29 J'ai un palais balle.
52:31 J'ai un palais balle.
52:33 J'ai un palais balle.
52:35 J'ai un palais balle.
52:37 J'ai un palais balle.
52:39 J'ai un palais balle.
52:41 J'ai un palais balle.
52:43 J'ai un palais balle.
52:45 J'ai un palais balle.
52:47 J'ai un palais balle.
52:49 J'ai un palais balle.
52:51 J'ai un palais balle.
52:53 J'ai un palais balle.
52:55 J'ai un palais balle.
52:57 J'ai un palais balle.
52:59 J'ai un palais balle.
Recommandations
1:26
|
À suivre
1:13
1:06
1:18
7:33
27:17
18:43