Entretien réalisé par Gaëlle Guernalec-Levy.
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00:19 Madame Nibiller, bonjour. Tout au long de votre livre, vous expliquez que vous êtes devenue féministe pour repenser la maternité.
00:29 Alors, il y a deux générations parmi les féministes, la plus ancienne, celle des suffragettes, respectait tout à fait la maternité.
00:36 C'était adjeté dans la tradition même de la mère au foyer.
00:39 Alors, pendant les années 60, s'est développée la génération des féministes gauchistes qui a pris la suite de l'enseignement de Simone de Beauvoir, le deuxième sexe.
00:52 Simone de Beauvoir y démontre dans plusieurs chapitres que la maternité n'est pas épanouissante pour les femmes, qu'elle est essentiellement aliénante.
01:03 Du coup, à la fin des années 60, les féministes commencent à réclamer à corde et à crie la possibilité de limiter, de réduire les naissances en recourant à la contraception.
01:16 Elles demandent la dépénalisation de la contraception et puis comme cette dépénalisation tarde à venir, elles ne feront même pas de plus, elles demandent la dépénalisation de l'abort.
01:27 Elles se sont définies contre la subordination des femmes que la maternité rendait possible.
01:35 Chacune enfant, si ça lui fait plaisir, mais elle est maître de son corps, maître de sa fécondité.
01:41 Et dans le sillage de ces combats-là, on a donc eu la maîtrise de la fécondité et une chute de la natalité qui aujourd'hui commence à remonter.
01:55 Qu'est-ce qu'est une spécificité française d'ailleurs ?
01:58 En tout cas, une avance française par rapport aux autres pays parce que je suis persuadée que les moyens qui nous permettent d'augmenter les naissances seront repris par les pays qui déplorent la natalité.
02:10 Et quels sont ces moyens à votre avis ?
02:12 Il y a la politique des allocations, il y a aussi le congé de maternité, le fait que des institutions apparaissent encouragées, subventionnées par l'État-providence, à savoir les crèches et surtout les écoles maternelles.
02:30 Elle est gratuite, elle est une institution d'État et elle est très performante. Donc l'école maternelle est certainement un des atouts de la natalité française.
02:41 Dans votre livre, vous expliquez également que vous auriez aimé sinon être formée, du moins être guidée dans votre apprentissage de la maternité.
02:49 Certes, oui.
02:50 Est-ce que vous avez l'impression que les jeunes femmes d'aujourd'hui sont mieux informées ?
02:54 L'accouchement sans douleur supposait une éducation des femmes pour qu'elles apprennent à accoucher. C'est devenu une préparation à la maternité, une éducation à la maternité.
03:04 Quand la période durale a remplacé ces techniques, les femmes d'une certaine façon n'ont plus éprouvé le moyen de suivre cette information.
03:14 C'est vrai qu'il y a eu une médicalisation très forte de l'accouchement et que cette médicalisation, quand on lit votre livre, on a l'impression qu'elle a aussi quelque part dépossédé les femmes de quelque chose.
03:26 Que les médecins se sont imposés une série de contrôles pendant la grossesse, pendant l'allaitement, etc.
03:36 Et ils se sont entièrement emparés de l'accouchement en le faisant apparaître comme un danger, un risque, alors que c'est une fonction toute naturelle.
03:46 C'est la reproduction de l'espèce. Les hommes souffrent de ce que les femmes seules mettent tous les enfants au monde.
03:55 Il y a cette curiosité du revers masculin, ce désir de dominer la procréation, c'est-à-dire de dominer la procréatrice, qui date des temps anciens et qui explique d'abord le mariage.
04:08 Mais en même temps, à mesure que la médecine est devenue une science de plus en plus investigatrice, les hommes ont vu qu'ils avaient là un nouveau moyen de contrôler la procréation et la procréatrice.
04:19 Madame Dimiller, merci beaucoup.
04:21 Déjà rien.
04:22 [Musique]