BARBARES & BEAUFS : L'ENTRETIEN CHOC - HOURIA BOUTELDJA, LOUISA YOUSFI, JULIEN THÉRY

  • l’année dernière
« Beaufs et barbares : le pari du nous », d'#HouriaBouteldja, est récemment paru aux éditions de La Fabrique, quelques mois après « Rester barbare », de Louisa Yousfi, chez le même éditeur. Les deux autrices sont reçues par Julien Théry et commencent par revenir sur les positions et l'apport du Parti des indigènes de la République (le #PIR), dont l'une a été co-fondatrice en 2005, l'autre membre, et dont la contribution politique forme le contexte de leurs deux ouvrages. S'il a été très décrié, et en particulier accusé de communautarisme, le PIR est pourtant à l'origine du développement en France d'un #antiracisme « politique », qui a pour la première fois pris à bras-le-corps les causes structurelles du racisme (contrairement à l'antiracisme « moral » récupéré dans les années 80 par le Parti socialiste). De nombreuses catégories d'analyses désormais largement utilisées pour saisir les données du problème, à commencer par la notion de blanchité, ont été introduites par les militants « indigénistes ».
En revenant sur la mauvaise réputation de l'« indigénisme », H. Bouteldja et L. Yousfi rejettent les accusations d'homophobie ou de misogynie tout en expliquant pourquoi l'imposition de normes de vie extérieures désormais obligées, dont l'émergence a correspondu à des enjeux politiques européens/blancs, peut constituer un surcroît de violence subi par des communautés déjà en situation de relégation à tous égards et miner plus encore leur capacité de survie dans la dignité.
Avec « Rester barbare », L. Yousfi offre une méditation sur la condition des Français d'origines arabes et africaines à partir des références littéraires et musicales qui leur sont propres, loin de la culture légitime et des injonctions à l'intégration. Rejeter l'intégrationnisme, c'est, dit-elle, refuser de refermer la porte derrière soi en abandonnant à leur sort les familles du pays d'origine ou des « quartiers », et refuser de jouer le jeu d'une société capitaliste mortifère. Plutôt que l'intégration, donc, la libération ‒ laquelle implique aussi celle des Blancs en tant que parties prenantes de la domination postcoloniale.
H. Bouteldja, de son côté, développe une réflexion historique et stratégique sur ce qui a jusqu'ici empêché les victimes du mépris de race et celles du mépris de classe, les « beaufs » et les « barbares », de faire cause commune contre la domination bourgeoise. La notion d'« État racial intégral », qu'elle construit à partir des pensées de Gramsci et de Poulantzas, lui permet de rendre compte d'une « collaboration de race » entre bourgeoisie et petits blancs qui ont longtemps eu des intérêts communs à la perpétuation de l'impérialisme. La radicalisation néolibérale du capitalisme a cependant des effets de plus en plus dévastateurs sur les classes populaires blanches, à tel point que les élites dirigeantes doivent redoubler d'effort pour stimuler l'islamophobie ‒ comme on l'a vu avec la loi « séparatisme » promue au lendemain de la crise des gilets jaunes.

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