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  • 15/02/2023
Transcription
00:00 * Extrait de « La vie de la vie » de Laetitia Salamé *
00:19 Et merci encore une fois d'avoir poussé la porte du Book Club, le club de lecture de France Culture
00:24 qui n'a qu'une ambition, donner envie de lire, de découvrir des romans, de se plonger dans des récits
00:29 et ce, dans n'importe quelle position, couché, allongé, debout, coincé dans un métro bondé,
00:34 dans la salle d'attente de votre médecin, partout, tout le temps, lire.
00:38 Et à n'importe quel âge, aussi, le plus jeune possible, nous diront certainement nos invités auteurs du jour
00:43 qui écrivent d'ailleurs pour le jeune public.
00:45 On leur demandera leurs secrets s'ils veulent bien nous les donner.
00:49 Et puis, vous aussi lecteur et lectrice du Book Club, vous nous avez confié vos petits secrets.
00:54 - Choisir un livre, c'est d'abord avoir un échange avec un être humain.
00:57 Mais j'avoue avoir aussi beaucoup pratiqué la technique d'enroulage dans la couette
01:02 où il rencontre un réveil tout cassé qui va devenir son ami.
01:05 * Extrait de « Le Book Club » de Nicolas Herbeau *
01:14 - Véréda Tatiana et Marguerite Nolet-Trice du jour qui vont nous accompagner en ce mercredi.
01:18 Bonjour David Lescaut. - Bonjour.
01:20 - Vous êtes auteur, metteur en scène, musicien.
01:22 Vous présentez jusqu'au 26 février prochain au Théâtre de la Ville à Paris à l'espace Pierre Cardin
01:26 votre troisième spectacle pour enfants qui va partir ensuite en tournée.
01:31 On retrouve toutes les dates sur franceculture.fr.
01:34 La pièce s'appelle « Depuis que je suis né » et le texte est publié
01:38 chez Actes-su de papier dans la collection EIOKA Jeunesse.
01:43 On suit donc Samy avec vous, un enfant de 6 ans qui a décidé d'écrire son autobiographie, d'écrire ses mémoires.
01:49 Écrire ses mémoires, c'est plutôt une activité de grande personne, si je puis dire, de vieille personne même.
01:54 D'ailleurs, Samy le fait remarquer à sa grand-mère.
01:57 - Oui, c'est ça, parce qu'il a vu sa grand-mère écrire ses mémoires, ça l'a beaucoup intrigué.
02:01 Et comme il vient d'acquérir la lecture, il sait lire depuis quelques jours.
02:05 Et donc, il dit qu'écrire et lire, c'est pareil, en fait.
02:08 Et donc, il décide de faire ça aussi.
02:10 Simplement, il a 6 ans, donc voilà.
02:13 - C'est pas évident. Il va falloir faire jouer sa mémoire d'un enfant de 6 ans.
02:18 - Oui, c'est ça. Mais en même temps, comme il est beaucoup plus proche de la naissance,
02:22 il a aussi des souvenirs qu'on n'a plus après.
02:24 Par exemple, le milieu utérin, des choses comme ça.
02:27 Donc, il raconte tout ça avec beaucoup de précision. Il se souvient vraiment de tout.
02:31 - Et on va voir justement quels sont ses souvenirs.
02:33 Vous l'avez dit, la lecture, l'écriture, c'est lié, en tout cas, dans l'esprit de Samy.
02:37 Et on va s'interroger sur cette mémoire, sur l'écriture, sur comment on écrit pour les lecteurs jeunes.
02:43 Et puis, la lecture, bien sûr, en tant que telle, on a convié pour parler de tout ça Timothée de Fontbelle.
02:48 Bonjour. - Bonjour.
02:49 - Vous êtes, vous, écrivain dramaturge, l'auteur des sagas Alma et Vango qui paraissent aux éditions Gaillemard Jeunesse.
02:55 Et où vous publiez aujourd'hui ce livre « Sans une façon de lire tout le temps » illustré par Benjamin Chaud.
03:02 Et qu'on ouvre sur cet avertissement.
03:04 « Les « sans une façon de lire tout le temps » sélectionnés dans cet ouvrage illustrent les effets variés
03:08 et parfois imprévisibles de la lecture chez les êtres humains.
03:12 Cependant, il est à noter que certaines postures ne peuvent être reproduites par des adultes que sur la surveillance d'un enfant. »
03:18 Alors, on est dans un livre pour enfant, ou pour adulte, ou pour les deux ?
03:22 - Alors, l'enfant est mon cobaye, une sorte de modèle réduit de l'adulte.
03:28 Je crois que les « sans une position » que j'ai fini par sélectionner en partant d'une masse beaucoup plus large,
03:35 parce que c'est des notes que je prends depuis très longtemps,
03:37 ces « sans une façon », elles sont à peu près toutes quand même faisables par un adulte un peu souple.
03:44 - Il faut s'entraîner parfois.
03:46 - Voilà, et aimant soit grimper dans les arbres, mais voilà, il y a tellement de manières de lire.
03:53 Je les ai simplement pistées et cataloguées avec un rêve d'exhaustivité qui est justement pour le coup un rêve d'enfant.
04:00 - Alors justement, notre lectrice Tatiana, elle, elle a tranché.
04:03 Il faut acheter ce livre, le garder dans sa bibliothèque, l'offrir.
04:06 Enfin bref, elle a aimé.
04:07 - L'album « Sans une façon de lire tout le temps » de Timothée de Faubel et Benjamin Chaud est vraiment une lecture que j'ai adorée,
04:15 qui a beaucoup résonné en moi.
04:16 Et je me suis beaucoup retrouvée dans certaines des postures de l'album.
04:20 Plus récemment, surtout dans la posture de « je suis endormie sur mon livre parce qu'il est tard et que je suis fatiguée ».
04:26 Mais j'avoue avoir aussi beaucoup pratiqué la technique d'enroulage dans la couette.
04:32 Donc c'est vraiment un album qui fera rire les lecteurs et les lectrices,
04:36 qui leur permettra d'identifier un petit peu la place qu'a la lecture dans leur vie,
04:40 et le fait qu'ils soient prêts à beaucoup de choses pour lire juste une dernière page.
04:44 C'est une très belle addiction.
04:46 C'est un album plein d'humour, plein de douceur, grâce aux illustrations et aux couleurs de Benjamin Chaud.
04:52 Pour résumer, c'est un album incroyable à offrir aux fans de lecture ou à s'offrir,
04:58 parce que c'est vraiment un très bel objet à garder un bon moment dans sa bibliothèque.
05:03 Et petite question pour Timothée, j'aimerais savoir quelle est la posture que vous avez le plus pratiquée en tant que lecteur ?
05:09 - Pris à votre propre piège.
05:11 - Très difficile, surtout que j'en ai d'autres qui arrivent depuis que j'ai fini ce répertoire, ce catalogue.
05:17 Il y en a d'autres qui arrivent, c'est sans fin.
05:19 Je pense quand même à une position, j'ai décidé de mettre en premier une qui s'appelle le classique.
05:27 Le classique est vraiment rare, il est assis sur une chaise en train de lire.
05:31 Et tout de suite après, il y a la guimauve.
05:34 La guimauve suit son instinct, alors la chaise n'est plus du tout dans le même sens.
05:38 Et c'est le corps qui tombe comme un linge, comme ça, sur la chaise, et l'esprit est ailleurs en train de lire.
05:45 Et je viens de recevoir la traduction, ça est en train de sortir aux Etats-Unis,
05:50 et ils l'ont appelé celui-là, enfin je ne sais pas quel mot, ce n'est pas le chamallow,
05:58 mais ils ont trouvé quelque chose de pas mal pour la guimauve.
06:02 - David Lescaut, du coup je vous pose aussi la question, vous lisez dans quelle position, dans quelle situation le plus souvent ?
06:08 - Alors ça dépend parce qu'il y a le travail et il y a la lecture de plaisir,
06:15 c'est assez différent, la lecture de travail c'est le classique,
06:21 et puis je dirais quand même allonger dans un lit avec énormément d'oreillers.
06:30 - Autour de vous, pour vous maintenir dans une position agréable.
06:34 - Pour contenir la guimauve.
06:35 Dans le catalogue, il y a le coq en pâte, la poule de luxe, tout ça, c'est à mon avis fait pour David.
06:40 - Est-ce que vous vous inscrivez dans ce travail de Georges Perrec ?
06:44 En 1976, il écrit dans la revue Esprit une sorte d'esquisse sociophysiologique de la lecture,
06:51 et il écrivait "Lire est un acte, je voudrais parler de cet acte, et de cet acte seulement,
06:55 de ce qui le constitue, de ce qui l'entoure, non de ce qu'il produit, ni de ce qui le précède,
07:00 quelque chose en somme comme une économie de la lecture sous ses aspects ergologiques et socio-écologiques."
07:06 - Je suis fou de Perrec, et je ne connais même pas ces phrases-là.
07:13 Je suis convaincu de tout ça.
07:16 La place du corps, quitte à l'abandonner ce corps,
07:21 mais la place du corps dans la lecture est tellement importante,
07:25 le bien-être du corps, ou au contraire le mal-être qui est fui par la lecture.
07:29 J'ai des témoignages de lecteurs, de temps en temps, pour certains de mes livres,
07:33 qui se sont relevés d'opérations, de maladies, avec les histoires.
07:39 Et donc il y a un rapport tellement...
07:43 J'espère qu'on est dans une période où on est en train de reprendre un peu possession du corps,
07:47 globalement, dans sa place, dans ses fragilités.
07:52 Et donc je vais aller me jeter sur cette recherche de Perrec.
07:57 - On a demandé à notre communauté, Alexandra Abigovitch, qui anime la communauté du Book Club sur Instagram,
08:02 à demander comment vous vous définiriez en tant que lecteur et lectrice.
08:06 Il y a des mots qui sont assez intéressants, parce qu'ils font évidemment aussi beaucoup appel au corps.
08:10 Il y a évidemment une bonne dizaine de boulimiques, de boulivrics même.
08:14 Il y a un sérial lecteur qui dit qu'il est un obsédé textuel.
08:18 "Je suis un énorme cliché puisque j'aime les livres, les chats et le thé", nous dit Maju, la petite bibliothèque.
08:26 "Moi je suis une statue", dit Lunettes Dorées.
08:28 "Une fois commencé, je ne m'arrête plus et je ne bouge plus."
08:31 Il y a le marque-page, l'inconsistant.
08:34 C'est étonnant tous ces adjectifs qu'on s'approprie, qu'on se donne quand on s'imagine en train de lire.
08:39 - Oui, c'est un...
08:43 Je pense que c'est un moment où on ne se regarde pas tellement.
08:46 Ou alors si, ou alors c'est vraiment le livre qu'on a comme un étendard.
08:50 En marchant au bord de la piscine, j'ai un personnage comme ça.
08:53 Ou voilà, c'est quelque chose, un objet de fierté on va dire.
08:59 Mais sinon on ne se regarde pas parce qu'on s'absente en fait.
09:02 On s'absente et donc je pense que c'est pour ça qu'on n'évoque pas plus le corps en train de lire.
09:07 - Alors puisqu'on s'intéresse à votre travail d'auteur pour les plus jeunes,
09:12 on a envie de savoir quelle est votre méthode pour parler à ces jeunes lecteurs,
09:15 ce qu'ils viennent d'apprendre à lire,
09:18 qui donc ont parfois envie d'écrire, David Lescaut.
09:22 Vous vous dites que vous avez beaucoup observé autour de vous.
09:26 Qui ça alors ? Qui vous a fait observer ?
09:27 - Les enfants forcément. Les enfants, les miens, d'autres.
09:31 Changer de génération aussi parce que les miens ils grandissent.
09:33 Donc ma fille qui est maintenant une adulte, était mon modèle pour les premiers textes pour enfants.
09:40 J'ai trop peur. Et maintenant mon fils qui vient d'avoir six ans et qui sait lire.
09:45 Donc c'est lui que j'observe et c'est avec lui que je parle.
09:51 Je lui pose des questions, j'essaie de comprendre.
09:53 Vous parliez de marque-pages. L'autre jour il a utilisé un pantalon comme marque-pages.
09:58 C'est quand même d'une poésie folle, non ?
10:01 Et ça m'intéresse de voir le rapport avec tout ça.
10:06 Mais surtout, moi je ne me souviens pas comment j'ai acquis la lecture.
10:09 Je ne me souviens pas de la bascule entre avant et après.
10:12 Franchement je ne m'en souviens pas du tout.
10:13 Mais je le vois lui, je le vois faire et j'ai vu comment ça se passait.
10:17 Donc c'est ça ma principale source de renseignements.
10:21 - Timothée de Fontbell, vous dites que le meilleur poste d'observation c'est cette écriture pour les enfants.
10:26 - Alors oui, je mettrais ça de l'ordre de l'hygiène.
10:30 C'est-à-dire que ça a maintenu ouvert ces canaux, ce contact avec l'enfance.
10:35 Je suis sûr qu'en m'étant à écrire pour la jeunesse assez jeune,
10:38 j'ai curé au fil du temps par mon écriture cette hauteur d'enfant.
10:47 On l'a maintenant vivante en gardant ce lien avec l'enfance.
10:54 Ensuite, la question d'écrire pour les enfants,
11:02 moi je pense qu'il y a l'observation en effet, observer.
11:04 Mais il y a tout simplement la mémoire.
11:06 Et c'est le grand sujet du livre qui est aussi une pièce de David Lescaut.
11:11 C'est la mémoire.
11:12 Et là la mémoire, on la voit à la personne, elle est en nous, on la réinvente, on la reconstruit.
11:19 Mais c'est la mémoire de notre corps en train de lire.
11:22 En ce moment on se réveille de la sieste avec le livre et que tout à coup le monde un peu blafard nous apparaît par rapport à ce qu'on vivait.
11:31 - Alors justement, allons-y, plongeons-nous dans ce livre.
11:34 Depuis que je suis né, autobiographie singulière, donc celle d'un enfant de 6 ans.
11:39 Justement, puisqu'on interroge la mémoire, c'est quoi la mémoire d'un enfant de 6 ans, David Lescaut ?
11:44 - D'abord c'est très développé parce que les capacités mentales d'un enfant de 6 ans sont absolument incroyables, démesurées.
11:54 Je pense bien supérieures aux nôtres quand on voit ce qu'ils arrivent à assimiler, à apprendre, à comprendre.
11:59 On se dit "mais pourquoi on ne garde pas toujours ça comme ça dans cet état-là ?"
12:03 Mais il faut croire que ça se dégrade un peu au fil du temps.
12:05 Mais c'est aussi une mémoire qui est faite d'imagination.
12:09 C'est ça qui est très important de comprendre.
12:12 L'authenticité n'est pas toute la mémoire en réalité.
12:16 C'est-à-dire qu'on s'invente aussi des souvenirs et ces souvenirs sont très réels.
12:19 Moi, mon fils me parle de son grand-père qui est mort bien avant sa naissance.
12:24 Mais il me raconte des souvenirs très précis de leur relation à tous les deux.
12:28 Je ne vais pas dire "non, non, tu te trompes, ce n'est pas possible", etc.
12:33 J'écoute très attentivement, je lui pose des questions en me disant "tu te souviens de ça ?"
12:37 Et il me dit "oui, je me souviens absolument de ça".
12:39 Donc je crois que la mémoire est vraiment un territoire de l'imagination.
12:44 Et tourné vers le passé, parce que le passé est un endroit d'exploration infini en fait.
12:51 Il y a une phrase qui dit "on ne sait jamais ce que le passé nous réserve", et moi je l'aime beaucoup.
12:55 C'est un peu dans ce sens-là.
12:58 C'est très créatif en fait, la mémoire.
13:01 Et l'imagination, évidemment, puisque là on parle de choses formidables, des failles éponges.
13:07 On absorbe tout ce qui se passe autour de nous, tout ce que l'on raconte, tout ce que les adultes racontent.
13:11 Et puis l'enfant, il est là, il va se réapproprier toutes ces informations.
13:16 Oui, je pense que le plus important c'est de se rappeler.
13:19 Et quand on écrit pour les jeunes lecteurs, je pense qu'on doit avoir ça sans arrêt au-dessus de soi comme certitude.
13:25 C'est que l'enfant est une totalité.
13:27 C'est pas un morceau d'adulte.
13:31 L'image qui me vient, c'est celle du bambou télescopique qui est sous terre.
13:35 Et puis en une nuit, il jaillit.
13:38 Mais il est là, total, avec tous ses anneaux qui sont rentrés.
13:43 Et donc, j'ai dit tout à l'heure, je crois que j'ai dit le mot "modèle réduit", mais c'est n'importe quoi.
13:47 L'enfant n'est pas un modèle réduit de l'adulte, il est un tout.
13:52 Et donc cette mémoire, elle est totale.
13:53 Ils ont 100% de leur vie en mémoire.
13:59 Et effectivement, tout ça s'effiloche et disparaît plus tôt.
14:05 Et d'ailleurs, c'est aussi l'exigence de l'écriture pour la jeunesse.
14:10 C'est que les jeunes lecteurs sont sans pitié.
14:12 Ils connaissent tout.
14:12 Moi, j'écris plutôt normalement des livres fleuves en deux ou trois volumes sur 1500 pages d'aventure.
14:18 Et c'est toujours un enfant de moins de 15 ans qui me dit que dans le premier tome, on rentre dans la cuisine en poussant la porte à gauche.
14:26 Et dans le troisième, en poussant la porte à droite.
14:29 - Faut pas se tromper avec les enfants.
14:31 David Lescaut, sa mie, discute avec sa grand-mère.
14:33 Au début, il y a évidemment la franchise des enfants.
14:36 "Bah dis donc, ça va être long comme livre parce que t'es très, très vieille", lui dit-il.
14:40 Et puis après, il se met au travail.
14:42 Et là, il y a toute une réflexion aussi sur comment écrire, sur quel support écrire ses mémoires.
14:47 L'ardoise magique, c'est pratique.
14:49 - Oui, non, alors ça s'avère très, très...
14:52 Il faut se poser des questions très, très concrètes parce que les questions des enfants, elles sont très concrètes.
14:56 Elles sont sur les détails.
14:57 Et on s'aperçoit que c'est ça.
15:00 Je pense pas que Timothée me contradira, mais c'est ça qui fait la littérature, en fait.
15:03 C'est quand on arrive à capter les bons détails, quoi.
15:07 Effectivement, écrire mes mémoires, d'accord.
15:09 Mais sur quoi ? Où ?
15:10 Un cahier, des feuilles, le mur...
15:14 L'ardoise magique, c'est le premier...
15:16 Et une fois qu'on a trouvé un élément comme ça, on n'a qu'à tirer le fil, finalement.
15:19 Parce qu'on se dit, l'ardoise magique, c'est assez poétique.
15:22 Parce qu'il écrit deux lettres et puis hop, ça y est, c'est rempli.
15:25 Il est obligé d'effacer.
15:26 Mais du coup, il efface à mesure qu'il écrit.
15:29 Et je rends compte lui-même que ça va pas aller.
15:31 Si on trouve ses mémoires, tout à coup, on va voir juste le dernier mot qui est écrit.
15:34 Et on va rien comprendre du tout.
15:36 Donc, il se rend compte que c'est pas le bon...
15:37 Et c'est une métaphore de ce que peut être la mémoire aussi.
15:40 Donc, finalement, quand on va vers le plus concret,
15:43 c'est là que la charge symbolique se développe peut-être le mieux.
15:48 - Et au fur et à mesure des années, et vous l'avez dit tout à l'heure,
15:50 vous ne vous souvenez pas à quel moment vous vous êtes mis à lire.
15:53 Je ne sais pas si Timothée de Fomel, vous vous souvenez.
15:55 Mais au fil des années, on perd toute cette mémoire du plus jeune âge.
16:01 Et moi, j'adore l'idée de nous emmener dans l'utérus.
16:04 De nous emmener dans le ventre de notre mère
16:07 et de nous raconter quelque chose de très sensoriel.
16:11 Quelque chose de très...
16:13 Je ne sais pas moi, indescriptible.
16:15 - C'est une aventure.
16:17 C'est comme cette scène-là, pour moi, le modèle, c'est un film catastrophe.
16:22 C'est-à-dire, vous passez d'un étage à l'autre.
16:25 Il y a une inondation, ça se vide, vous tombez.
16:29 Il y a plein de gens qui crient, vous entendez du bruit,
16:31 vous ne voyez rien, vous êtes dans le noir.
16:33 Tout à coup, vous vous retrouvez dans un environnement complètement différent.
16:36 - Titanic version longue.
16:37 - C'est ça en fait.
16:38 C'est une sorte de... la tour infernale.
16:41 Un truc dans ce genre-là.
16:43 Et donc, c'est finalement assez spectaculaire.
16:46 C'est bien pour le théâtre ou des choses comme ça.
16:50 Mais c'est un peu comme ça que je voulais le raconter.
16:53 - Alors évidemment, vous parlez de théâtre parce que votre texte a été mis sur scène.
16:58 Et on va en parler dans un instant.
16:59 Le dernier élément sur cette histoire de mémoire et de passé,
17:02 l'idée qu'on se rend compte aussi en écrivant et en faisant ce travail de mémoire
17:08 que l'on ne peut plus toucher au passé.
17:09 Que le passé est passé, il est derrière nous et on ne pourra pas revenir,
17:13 ni vous, ni moi à la maternelle, ni vous, ni moi à l'école primaire.
17:18 C'est aussi une forme d'expérience d'initiation ?
17:25 - Oui, mais c'est tout sauf tragique en réalité.
17:27 Parce que, évidemment, dans cette réalité qui est passée,
17:33 on ne peut plus la vivre au présent, tout simplement.
17:36 Mais on peut la revivre de manière mentale, de manière imaginaire, de manière littéraire.
17:42 Et toute la réflexion est là-dessus.
17:44 On n'arrête pas de faire ça.
17:45 On n'arrête pas de se déplacer dans le temps et dans le temps de notre propre vie.
17:50 Et il faut accepter de changer simplement de niveau, mais on ne perd pas les choses.
17:57 - Une autre, donc, à la mémoire, au souvenir.
18:00 Et puis, pour votre livre, Timothée de Fonbel,
18:02 sans une façon de lire tout le temps, un éloge de la lecture.
18:05 Vous dites que ça va toucher les enfants qui lisent déjà,
18:07 mais j'ai l'impression aussi que votre objectif, c'est de toucher ceux qui ne lisent pas.
18:11 C'est une sorte de mode d'emploi aussi ?
18:13 - Oui, parce qu'il y a un petit côté manuel.
18:16 Mais à vrai dire, c'est surtout l'idée de réveiller la curiosité de celui qui se dit
18:25 "Mais qu'est-ce qu'ils font, tous ces lecteurs ? Il y a 101 lecteurs qui sont présentés.
18:28 Qu'est-ce qui les scotch à leurs livres ? Qu'est-ce qui les accroche ? "
18:32 Et ça, j'observe ça chez des lecteurs qui ne sont pas des gros lecteurs.
18:35 Et c'est vraiment mon rêve d'emmener avec moi les petits lecteurs,
18:41 au sens du volume de livres lus,
18:43 et de les embarquer dans ce mystère-là, de cet objet qui est absolument magique,
18:52 qui est le livre.
18:53 Et je pense qu'ils regardent ces lecteurs et ils se disent "Il doit y avoir un truc là-dedans."
19:00 Et ensuite, on se met dans la position, et là c'est le corps qui se met dans la position et on embarque.
19:04 - Alors on ne sait pas ce que lise 101 personnes dans votre livre.
19:08 Il y a quand même un petit indice avec une première page et quelques titres de livres.
19:12 Donc Mathilda, Le Comte de Monte-Cristo, Gaston Lagaffe ou encore L'attrape-coeur,
19:17 ce sont des références à bercer votre enfance.
19:20 - Oui, vous avez bien vu, parce que j'ai partagé la page avec Benjamin Shaw,
19:24 dont on n'a pas assez parlé, qui est un illustrateur extraordinaire.
19:28 Et il a mis aussi certains de ses livres, mais ceux-là, en effet, c'est à des moments différents de l'enfance.
19:35 Il y a aussi ces livres pour adolescents qu'on lit enfant, qu'on n'aurait pas dû lire.
19:40 C'est ce mélange-là, ce foutoir, qui est lié en l'occurrence à une enfance que j'ai eue,
19:48 où il y avait quand même des livres qui traînaient, ce qui a un privilège énorme.
19:52 Et donc on peut voler des livres, parce qu'il y a beaucoup de vies qui ne peuvent plus voler des livres.
19:58 - Alors les suggestions de la communauté du Book Club aussi, puisqu'on leur a demandé,
20:02 si vous voulez d'ailleurs participer, il suffit de suivre notre compte Instagram Book Club Culture.
20:06 Quels livres pour donner le goût à la lecture à un enfant ?
20:09 Les deux classiques, c'est de Stéphanie, il y en a un qui est commun avec vous, Timothée de Fontbelle.
20:14 Celle qu'elle a le plus offert, c'est Max et les Maxi-monstres de Sandak,
20:18 et Chien bleu de Nadja, ce sont d'ailleurs les deux qui sont communs avec vous.
20:22 Dans ta page, je nous dis du Vent dans mes mollets de Raphaël Moussafir.
20:26 Lire à loin, dis j'adore la collection Jingo, qui est chez l'éditeur Vau-Tchéversoy,
20:30 avec des textes courts qui ne découragent pas.
20:32 Et Véréda nous dit que pour elle, c'est clairement Aukilélé de Claude Ponty.
20:38 * Extrait de « Aukilélé » de Claude Ponty *
20:39 C'est l'histoire d'un petit personnage muni d'une trompe et de grandes oreilles,
20:43 et d'un petit rhume noir qui l'accompagne partout.
20:45 Il est mal accueilli par sa famille à sa naissance, d'où son nom d'Aukilélé,
20:49 les premières paroles qu'il entend.
20:51 En butte aux moqueries et aux réprimandes, il se réfugie dans le placard sous l'évier,
20:55 où il rencontre un réveil tout cassé qui va devenir son ami.
20:58 Il essaie d'entrer en communication avec les étoiles, de leur parler sonné, comme dit Ponty,
21:03 et il apprend que quelqu'un a besoin de lui dans l'univers.
21:06 Un jour de très grande colère, ses parents l'enferment dans le placard.
21:09 Il décide alors de partir, aussi dans l'intention de trouver la personne qui a besoin de lui.
21:15 Il fait énormément de rencontres, comme autant d'épreuves qui jalonnent sa route.
21:19 C'est un album d'initiation, comme on parle de roman d'initiation,
21:22 qui parle de la différence d'une manière fabuleuse et de la singularité.
21:26 C'est un album fourmillant de vie, de jeu avec la langue, de poésie et de tendresse.
21:32 Oh qu'il est beau, oh qu'il est bé !
21:34 Oh qu'il est beau, oh qu'il est bé !
21:36 Oh qu'il est beau, oh qu'il est bé !
21:38 Oh qu'il est beau, oh qu'il est bé !
21:40 Oh qu'il est beau, oh qu'il est bé !
21:42 Dans un petit village de Martinique,
21:46 un petit martiniquais provoqua soudain la panique.
21:52 Dans la famille où il est né, il avait tout du bébé, bien sympathique.
21:56 Elégant, je n'ai bien fait, mais quelque chose d'énigmatique.
22:02 Lui donner comme un air penché.
22:04 Oh qu'il est beau, oh qu'il est lé !
22:06 Oh qu'il est beau, oh qu'il est lé !
22:08 Oh qu'il est beau, oh qu'il est lé !
22:10 Oh qu'il est beau, oh qu'il est lé !
22:12 Oh qu'il est beau, oh qu'il est lé !
22:14 « Oh qu'il est lé », c'est comme ça que ça s'écrit.
22:20 Évidemment, ça a un double sens.
22:22 « Oh qu'il est lé » de Claude Ponty qui a inspiré les musiciens.
22:27 Quand on écrit pour la jeunesse,
22:30 David Lescaut, le plus important, c'est de trouver des thèmes
22:33 qui parlent au public à qui on s'adresse.
22:36 Je pense que c'est assez indispensable quand même.
22:40 Il faut renvoyer quelque chose qui est vécu, qui est connu.
22:48 Mais il faut essayer aussi d'injecter là-dedans une part
22:53 qui soit moins familière, qui soit plus étrange.
22:57 Ce n'est pas simplement le miroir.
23:02 Je ne suis pas là-dedans, mais de toute façon, de manière générale,
23:05 je ne considère pas du tout que la littérature ou le théâtre sont des miroirs.
23:09 Mais par contre, je crois qu'effectivement, au départ,
23:12 il faut partir d'un environnement familier et puis le réinventer.
23:16 - Ça parle d'amour, d'amitié, de famille, d'école,
23:19 nous le disait une de nos lectrices sur la page Book Club Culture
23:24 en parlant du « Vent dans mes mollets » de Raphaël Moussafir.
23:27 Ce sont des thématiques qui, à Timothée de Fonbel,
23:29 font que l'enfant reste dans un imaginaire qu'il maîtrise en quelque sorte.
23:35 - J'ai plutôt une tendance à l'embarquer très loin ailleurs.
23:41 Par exemple, là, j'écris une aventure qui se passe au XVIIIe siècle,
23:44 quand même extrêmement loin de toutes les références qui l'entourent.
23:47 Mais là-bas, je mets l'universel, je mets ce qui le touche,
23:53 je mets... Je ne sais pas, j'ai eu toute une scène qui se passe autour du 14 juillet de la Bastille.
24:01 Et là, hier, en plongeant dans des archives à la BNF,
24:07 je découvre un plan fait à la main de 1733
24:11 où il est précisé qu'il y avait des duns et des biches
24:14 qui étaient lâchés par le gouverneur de la Bastille.
24:16 Ça, je prends. C'est évident que voilà quelque chose.
24:20 Ces duns et ces biches et ces oiseaux de rivière
24:25 qui sont dans les fossés de 8 mètres de profondeur de la Bastille.
24:29 Je sais que, même si ça fait longtemps que j'ai écrit ces chapitres-là,
24:33 je vais m'y remettre parce qu'il y a quelque chose à prendre.
24:37 Donc c'est ça et puis le ressenti.
24:39 En fait, il y a quelque chose de l'hypnose dans l'écriture pour la jeunesse.
24:43 On donne juste un point commun avec ce qu'il vit, je pense,
24:47 au début d'un livre où il y a un personnage qui rentre dans une entrée glaciale
24:51 et il a ses vêtements qui se raidissent et il arrive de la chaleur de l'extérieur.
24:55 Et là, tout à coup, le lecteur reconnaît quelque chose
24:59 et il va nous donner le crédit pour la suite de quelque chose de très différent.
25:06 Et c'est ça, c'est ces petits pactes répétés qui poussent à l'excellence dans l'écriture.
25:11 Moi, c'est ça que j'aime dans la littérature jeunesse, c'est que ça pousse à...
25:14 C'est un lecteur qui n'est absolument pas captif,
25:16 c'est un lecteur qu'il faut sans arrêt réapprivoiser,
25:19 qui a toutes les raisons de ne pas lire, à qui même on demande de ne pas lire dans notre monde,
25:23 et faire plutôt du code ou d'apprendre le chinois.
25:26 Et donc, il y a un statut du livre qui est très différent.
25:30 Ce n'est plus l'escabeau qu'on prend pour s'échapper,
25:33 un petit objet de résistance qu'on se passe sous le manteau.
25:36 Et ça, moi, ça me touche et je suis heureux d'écrire à ce moment-là.
25:40 Enfin, d'écrire dans cette civilisation où le livre ne tombe pas d'en haut,
25:45 mais doit se battre pour séduire.
25:48 - Vous parlez du mot "hypnotique".
25:50 Il y a quelque chose, évidemment, de très visuel dans votre livre,
25:52 puisqu'on a une phrase par page accompagnée d'une illustration.
25:57 On va évidemment, dans un instant, partir sur scène avec vous, David Lescaut,
26:01 vous avez mis en scène ce texte de Samy.
26:04 D'abord, les illustrations de Benjamin Chaud,
26:07 il y a une forme de contemplation aussi du thème de votre livre,
26:13 c'est-à-dire la lecture.
26:14 Et là, on regarde chaque dessin et on se dit
26:17 "Est-ce que moi, je suis capable de me mettre dans cette position pour lire ?
26:19 Est-ce que je me mets dans cette position pour lire ?
26:21 Tiens, et si j'essayais de me mettre dans cette position pour lire ?"
26:24 - Oui, le rôle de Benjamin là-dedans, c'est d'être le metteur en scène,
26:28 le comédien, l'éclairagiste, le costumier, le directeur de casting.
26:33 Moi, je lui donne une page blanche avec quelques mots,
26:38 et puis parfois des petits didascalies.
26:41 Et lui, il s'en empare avec son génie.
26:46 Et en effet, moi, je fais la moitié seulement du chemin,
26:55 et Benjamin la deuxième moitié, et c'est lui qui a le fin, le dernier mot.
27:00 - Donc d'abord, vous écrivez les petites phrases,
27:02 et ensuite, ça n'existe pas, il n'a rien proposé de son côté ?
27:06 - Alors il propose tout, parce que tout ce qu'il fait,
27:09 évidemment, il n'obéit pas, il désobéit sans arrêt.
27:12 Mais malgré tout, c'est une maquette en blanc,
27:14 parce qu'il y a un cheminement, certains se répondent,
27:18 il y a le funambule qui vit dangereusement en lisant dans la rue,
27:21 et immédiatement après, on le voit, il devient celui qui lit,
27:26 l'infirmière qui lui lit à l'hôpital,
27:28 et il devient le tenace qui continue à lire.
27:32 Donc il y a ce cheminement-là qui doit être construit à l'avance,
27:35 mais ensuite, je lui donne les clés, et je suis...
27:40 Et à la fin, ce qu'on a dans la main, c'est un livre de Benjamin Shaw pour moi.
27:45 - On parlait d'imagination, d'imaginaire, de ce qui est imaginable aussi,
27:50 et je pense qu'avec ces dessins, c'est un peu l'âme du lecteur aussi
27:53 que vous essayez de nous raconter.
27:55 - Oui, c'est sûr. J'ai écrit un petit livre qui s'appelle Neverland,
27:59 qui est un livre destiné aux adultes, qui parle de l'enfance, de l'esprit d'enfance,
28:02 comment se capturait l'esprit d'enfance.
28:04 Il a été réédité chez Folio.
28:07 Et il y a quelque chose dans ce livre où je raconte un enfant qui descend l'escalier,
28:18 après avoir lu, et qui voit... Il y a un grand miroir,
28:21 et il voit deux ailes en papier dans son dos.
28:24 Et avant, quelqu'un est venu l'appeler, il ne répondait pas.
28:27 Il était sur une plage dans la mer, il était, je ne sais pas où, sur l'île au Trésor.
28:32 Et en effet, c'est un voyage de l'âme très loin de ce qu'on est,
28:42 et c'est toute une part de l'imaginaire.
28:44 Alors, il y a d'autres manières que la lecture, vraiment, je veux le dire.
28:47 Tout le monde rêve, tout le monde crée, tout le monde met,
28:50 mais c'est vrai que la lecture est une sorte de cadeau, de raccourci pour le faire.
28:54 - La lecture, c'est une activité que l'on fait souvent seul.
28:58 David Lescaut, évidemment, pour écrire, mettre en scène, illustrer,
29:02 on travaille avec d'autres personnes.
29:04 On vient de le voir avec Benjamin Chou.
29:06 Et vous, votre illustratrice s'appelle Gala Vinson.
29:09 Comment vous avez travaillé avec elle ?
29:11 Elle est aussi très proche du milieu du théâtre.
29:15 Donc j'imagine que quand on écrit cette pièce, j'ai envie de dire,
29:19 on pense évidemment à ce qu'elle va...
29:21 et comment elle va être mise en scène,
29:23 et comment elle va apparaître devant les spectateurs,
29:25 qui ne sont plus des lecteurs.
29:26 - Alors, en l'occurrence, sur l'illustration, le travail,
29:29 je ne pourrais pas dire qu'on avait vraiment travaillé ensemble.
29:32 Ça a été...
29:34 - Ah ben justement, c'est intéressant.
29:35 Est-ce que ça représente bien, du coup, ce que vous, vous avez imaginé ?
29:38 Est-ce que vous vous êtes dit ?
29:39 - Non, pas spécialement.
29:41 J'ai regardé, c'est vraiment son travail.
29:44 C'est l'éditeur, l'éditrice Actes Sud qui l'a choisi.
29:47 Elle a travaillé vraiment un peu dans son coin.
29:50 Et moi, j'ai découvert, en fait.
29:52 Donc du coup, c'est un objet un peu à deux têtes, comme ça.
29:54 Mais on n'a pas collaboré ensemble.
29:57 Peut-être aussi parce que...
30:01 C'est bien d'ailleurs que je ne me sois pas occupé de tout l'aspect visuel,
30:04 sachant que j'écris le plus souvent pour la scène,
30:07 qu'il y a une destination,
30:09 c'est celle-là la destination finale.
30:11 Il y a le livre, et le livre pour enfants, c'est un peu particulier,
30:13 parce qu'on sait qu'il va exister comme livre,
30:15 véritablement plus, sans doute, que le texte de théâtre.
30:19 Et là, en l'occurrence,
30:21 sachant que j'allais choisir
30:24 l'aspect visuel, scénique, etc.
30:27 avec ma scénographe Alvin de Dardel,
30:29 avec qui je travaille tout le temps.
30:31 C'est très, très différent, en réalité.
30:33 - Alors parlez-nous du dispositif scénique,
30:36 qui est évidemment très important.
30:38 On est dans une chambre d'enfants.
30:40 - Voilà.
30:41 On s'est dit qu'une chambre, c'était vraiment une scène,
30:44 c'était vraiment un théâtre.
30:46 De fait, on invente plein d'histoires,
30:49 plein de pièces, plein de récits,
30:51 quand on est dans sa chambre d'enfants.
30:53 Mais nous, on voulait inventer aussi cette chambre,
30:55 avec des choses qui nous parlaient,
30:57 qui nous faisaient rêver, qui nous inspiraient.
30:59 D'abord, les matériaux eux-mêmes,
31:02 c'est beaucoup du bois, c'est des palettes,
31:04 c'est quelque chose de très...
31:06 C'est à la fois très, très éco-responsable.
31:09 - Naturel, vous allez dire, oui, nature.
31:11 - Non, mais parce que c'est des palettes qui sont recyclées.
31:14 Et en même temps, c'est très ludique,
31:16 parce qu'on empile des choses.
31:18 Et puis en haut, il y a une sorte de dôme,
31:20 comme ça, qui est comme une tente,
31:22 qui a un lit, c'est là qu'il y a le lit,
31:24 c'est l'espace un peu rêvé pour dormir,
31:26 pour faire tout ça, voilà.
31:28 - Et puis ce qui est très intéressant,
31:29 c'est que vous avez confié ce rôle de petit garçon
31:31 à une actrice.
31:32 Alors pourquoi ?
31:33 - Alors deux actrices, en fait, en alternance,
31:35 l'une et l'autre, Louise Guillaume et Mirabelle Calfon.
31:38 Parce que je me sens bien dans cette équation-là,
31:41 en fait, une fille pour un garçon,
31:44 une fille pour un enfant.
31:46 Dans toutes mes pièces pour enfants,
31:47 c'est que des filles qui jouent les rôles.
31:49 Je pense qu'à ces âges-là, on est plus...
31:52 On a plus d'attributs "féminins", entre guillemets,
31:54 physiques, en tout cas.
31:55 Une voix aiguë, pas de...
31:58 Voilà, une jolie tête, enfin...
32:02 Une sorte de fraîcheur, comme ça.
32:04 Et du coup, ça m'évoque.
32:06 Ça m'évoquait plus ça.
32:07 Et dans ce sens-là, j'aimais bien le...
32:09 J'aime beaucoup le faire.
32:10 Et puis, les actrices avec qui j'ai travaillé,
32:13 que je connaissais, avaient une capacité d'observation
32:15 qui fait qu'elles pouvaient être filles ou garçons,
32:17 ou les deux en même temps,
32:19 avec beaucoup plus de fluidité,
32:21 beaucoup plus d'imagination et de justesse, finalement.
32:24 Et j'aime bien, d'ailleurs, que les enfants
32:26 qui assistent à ça soient un peu désorientés,
32:29 très perplexes, et très souvent,
32:31 la première question qu'ils leur posent, c'est...
32:34 "Qu'est-ce que vous êtes, quoi ?"
32:35 - Oui, évidemment, ça fait poser ces questions.
32:37 On a demandé, je vous le disais,
32:39 à la communauté du Book Club de nous dire
32:41 quels livres... Il faut dire, Magali nous disait
32:43 "Succès assuré" avec la série "La Cabane Magique"
32:46 dès le CE2 et "L'indéterminable Harry Potter"
32:48 en fin de primaire, mais "Une règle d'or",
32:50 ne pas forcer à finir une lecture.
32:52 Alors, on a demandé à Marguerite,
32:54 libraire à Lyon, de nous dire
32:56 quels livres on peut offrir à un enfant
32:58 qui vient d'apprendre à lire.
32:59 - C'est pas une question bête,
33:01 mais c'est une fausse question de se demander
33:03 le livre à offrir à un enfant qui vient d'apprendre
33:05 à lire parce que...
33:07 ça dépend de l'enfant, ça dépend de son environnement,
33:09 ça dépend de tellement de choses,
33:11 ça dépend de qui l'offre aussi.
33:13 Donc là, c'est la libraire qui parle en moi,
33:15 mais aussi la maman et la lectrice.
33:17 Choisir un livre, c'est d'abord avoir un échange
33:19 avec un être humain à propos d'un autre être humain.
33:22 Est-ce qu'on a l'enfant devant soi,
33:23 et dans ce cas, on échange sur ses centres d'intérêt,
33:25 ou est-ce qu'on a la personne qui veut lui offrir un livre ?
33:27 Et on pose des questions...
33:29 pas... des questions très simples,
33:31 deux, trois, pas plus,
33:33 mais juste pour avoir une orientation,
33:35 et ensuite on fouille ensemble
33:37 dans nos mémoires ou dans nos rayonnages
33:39 pour trouver un livre adapté.
33:41 - Thibaut Thédefont-Belle, c'est pas facile d'offrir un livre à un enfant ?
33:44 - Non, et quand on en tient un...
33:46 Moi, je me souviens de temps en temps avoir un livre,
33:48 et j'en prends six, et j'en ai plein les poches,
33:51 c'est rare de pouvoir avoir confiance,
33:54 se dire "ce livre-là"...
33:56 Et quand même, il y a des livres qui arrivent,
33:58 et c'est mon but dans la vie, un jour,
34:00 un livre irrésistible,
34:02 ce livre qu'on pourra offrir à tout le monde,
34:04 ce livre qui fera de la personne qui s'en emparera un lecteur.
34:09 Je suis tendu vers ça, il me faudra encore une quarantaine d'années.
34:13 Mais c'est vrai que c'est pas facile,
34:16 surtout, on prend la responsabilité,
34:18 "primum non nocere", d'abord ne pas nuire,
34:20 c'est ça le rôle de l'auteur.
34:22 - Évidemment, merci beaucoup Thibaut Thédefont-Belle
34:24 d'être venue nous parler de votre livre "Sans une façon de lire",
34:26 tout le temps, illustré par Benjamin Chou
34:28 et publié aux éditions Gallimard Jeunesse.
34:30 David Liesko, on peut venir vous voir sur scène,
34:32 voir votre pièce "Depuis que je suis né",
34:34 qui se joue jusqu'au 26 février au Théâtre de la Ville à Paris,
34:37 à l'espace Pierre Cardin,
34:39 et puis en tournée en France, à Bétune,
34:41 à Sénard, en Seine-et-Marne, à Caen,
34:43 et puis dans le Pas-de-Calais.
34:44 Le texte, lui, est disponible chez Actesud,
34:46 papier dans la collection "Yeh Yohka Jeunesse".
34:50 Merci beaucoup d'avoir accepté cet échange
34:52 et d'avoir partagé tous vos petits secrets
34:54 avec nos lecteurs, lectrices et auditeurs.

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