Bernard Montagne parle d'Émile Granger , 1

  • il y a 3 ans
Emile Granger
Je l’ai rencontré en 1967 à Lyon et de ces jours jusqu’en mars 1995 j’ai participé à ses actions auprès des plus souffrants ; je l’ai aussi suivi dans ses écrits. Parler d’Emile c’est percevoir ce prochain qu’il était avec chacun mais surtout les enfants et les jeunes en difficultés, et le lointain qu’il restait par ses écrits. Déroutant, déplaçant, il a posé sa tête en de nombreux gites. Ce qu’il m’a appris : il n’y a plus d’homme défait, coupable et condamné. Il aimait à citer Jean de la Croix : »Pour que l’âme aille à Dieu elle doit procéder par la non compréhension plutôt que par la compréhension ». Ces deux points vont tenter de rendre toujours vivante la pensée d’Emile.
1967 je rentre au grand séminaire de Francheville et je découvre cet intellectuel chevelu et fumeur comme enseignant sur ce qu’il nous a appelé les théologiens de la mort de Dieu. Ainsi durant deux années il nous enseigna Nietzche, Freud, et Marx Premier cours quelque peu déroutant au programme du grand séminaire. Et en mai 1968 et c’est Emile qui nous invite à rejoindre les manifestations étudiantes et ouvrières à Lyon.
Je ne suis resté que deux ans au grand séminaire et en septembre1970 je pars deux années en coopération et où nos relations sont restées épistolaires.
Après ces deux ans comme professeur au séminaire, il a arrêté ces cours au Grand Séminaire mais il avait déjà écrit un livre : »Chanter DIEU, aujourd’hui avec les rythmes de notre temps » préfacé par Guy de Fatto, (juillet 1969). Je participe aux différents gospels mis en place sur St Etienne
Déjà on perçoit ce qui le préoccupe, sa foi chevillée ; Il l’écrit entre autre dans ce livre (Page 63): « Et cette exigence de la charité qui est d’abord revendication de justice, s’adresses aux hommes vivants, dans leur situation concrète. En ce sens les théologiens de la mort de Dieu nous rappelle opportunément que la foi ne se vérifie qu’au service des situations réelles de l’humanité. En cela le chrétien retrouve une veine prophétique essentielle : « Le jeûne qui me plait, oracle de Yahvé, c’est que la justice coule à flots et que l’on prenne soin de la veuve et de l’orphelin »
Durant cette année,1969 et 1970 je vais aider Emile rue St Just, et entre autre le remplacer quand il part des weekends pour des interventions en tant que théologien.
Là déjà, j’avais remarqué et ce sera pareil dans tous les lieux où il vécu, un pupitre était en évidence dans le couloir de l’entrée et gardait une bible ouverte, et d’ailleurs très souvent ouverte au livre de Job. « le pessimisme désabusé peut être un art de vivre et de mourir marqué par la lucidité…. C’est l’un des des hauts lieux de ma foi, parce qu’il y va du procès de Dieu. La question du mal y est posée dans toute sa vigueur, puisqu’il s’agit de la souffrance des innocents. » Page 101 dans « ils m’appellent le vieux. »
(Job 7 versets 1 à 4 et 6 et 7)