Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 28/07/2025
Ce lundi 28 juillet, Djilali Benchabane, consultant expert en stratégie et géopolitique, était l'invité dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Erwan Morice. Ils ont abordé la situation en Syrie, notamment suite aux violents affrontements intercommunautaires, les défis confrontés par le pays après la chute du régime de Bachar al-Assad, et le poids des organisations internationales comme l'ONU dans la résolution des conflits. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00Le sud de la Syrie, théâtre de violents affrontements intercommunautaires il y a quelques jours,
00:04une situation qui ajoute de l'inquiétude dans une région déjà fortement déstabilisée.
00:09Bonjour Djilali Banshaban.
00:10Bonjour.
00:10Merci d'être avec nous ce matin sur BFM Business, consultant en stratégie et géopolitique.
00:15Emmanuel Macron a échangé ce week-end avec le président intérimaire Al-Achara,
00:19appelant à protéger les populations civiles suite aux violences qui ont fait plusieurs centaines de morts,
00:24essentiellement des druzes, une minorité syrienne.
00:27Djilali Banshaban, la situation est toujours extrêmement fragile ce matin au moment où on se parle.
00:34La situation reste fragile en effet, mais de manière générale,
00:38on assiste à des tensions qui deviennent de plus en plus récurrentes
00:41et on se rend compte que depuis le renversement du régime de Pachar al-Assad,
00:46le véritable défi c'est celui de l'unité du pays.
00:49Et les violences intercommunautaires, qu'il s'agisse des druzes ou alors des minorités halawites,
00:54se multiplient.
00:55Et aujourd'hui la question c'est est-ce que l'État syrien arrivera à être un État unifié et apaisé ?
01:01Le chemin est encore long à ce sujet-là ?
01:03Le sujet, je dirais, non seulement long mais complexe,
01:07parce qu'il y a la question de l'imposition de l'autorité, la capacité à coexister.
01:12Le renversement du régime a aussi animé cette idée, pas d'autonomie,
01:18mais du moins de capacité des minorités à pouvoir agir comme des entités autonomes,
01:23disposant aussi d'une certaine capacité à pouvoir se sécuriser eux-mêmes.
01:27Donc pour le gouvernement syrien, il y a à la fois le défi politique,
01:31le défi sécuritaire, sans compter le jeu des acteurs régionaux.
01:34Oui, parce qu'il y a beaucoup d'acteurs qui entrent en jeu en ce moment,
01:38et on va y venir dans un instant.
01:40Plusieurs États veulent intervenir, peser sur le théâtre syrien.
01:44Les Américains, peut-être pour commencer, ont toujours un grand nombre de cartes en main sur ce terrain ?
01:50Pour les Américains, il y a des cartes, mais il y a surtout des communautés qui sont soutenues.
01:55C'est le cas des Kurdes avec les FDS.
01:59Et pour Washington, la question de la Syrie passe forcément par l'inclusion de la communauté kurde
02:06avec un certain nombre de lignes rouges, dont celles de Kurdes,
02:11qui sont non seulement intégrées dans le dispositif politique, mais également sécuritaires.
02:16Ça fait partie des premiers acteurs.
02:17La Syrie, vous le disiez, c'est le marqueur des oppositions régionales.
02:22D'un côté, Israël qui soutient les Druzes, de l'autre, l'Arabie Saoudite aussi,
02:25qui promet des milliards pour reconstruire le pays.
02:28On voit que la Syrie, c'est un nouveau carrefour d'oppositions idéologiques, politiques, stratégiques.
02:36On a clairement aujourd'hui une région qui est en recomposition.
02:40La Syrie a toujours joué un rôle stratégique, soit en tant qu'État pivot,
02:43mais aujourd'hui surtout en tant que plateforme de résonance des influences.
02:47L'Arabie Saoudite, comme vous l'évoquez très justement,
02:51a essayé de déployer aujourd'hui une stratégie de présence,
02:55liée notamment au vide laissé par l'Iran,
02:59avec une promesse de pas loin de 6 milliards de dollars d'investissement dans la reconstruction de la Syrie.
03:05C'est très ambitieux, mais là encore, il faut être prudent.
03:08Ces promesses d'investissement tiennent compte aussi des réalités politiques,
03:13de la capacité du gouvernement à pouvoir s'inscrire dans la durée,
03:17à pouvoir mettre en œuvre un processus politique,
03:19une reconstruction qui soit à la fois effective et qui ne soit pas finalement que des promesses en l'air.
03:27Quelle est la place de l'Europe, aussi l'Union européenne, sur ce dossier-là ?
03:30On la sent peut-être un peu moins présente dans les différentes prises de position aujourd'hui ?
03:37Pour l'Europe, ce n'est pas forcément évident,
03:40parce qu'il y a la question de la convergence de vues,
03:43donc entre États européens, c'est toujours compliqué sur la scène internationale.
03:48Dans le cas syrien, on a en plus au niveau européen des États
03:51qui ont toujours été plus allants ou du moins plus importants,
03:55et c'est le cas de la France,
03:56où le fait que la voie de la France s'exprime beaucoup sur ce sujet,
04:00essaie de jouer un rôle.
04:02Mais l'effacement de l'Europe, et on le voit sur la scène internationale,
04:08normalement vis-à-vis des États-Unis,
04:11rend plus complexe peut-être la capacité aujourd'hui de l'Europe
04:14à participer à un processus de normalisation et de stabilisation de la Syrie.
04:18Et puis l'Europe qui est prise aussi beaucoup en ce moment
04:20par d'autres dossiers géopolitiques et économiques à l'international,
04:24on le disait, et c'est la une de nos actualités ce matin sur BFM Business,
04:28cet accord commercial avec les États-Unis,
04:31il y a toujours le dossier ukrainien,
04:33il y a moins d'intérêt sur le Proche-Orient,
04:36en ce moment peut-être la Palestine,
04:37mais on va en parler dans un instant.
04:40C'est aussi cette composition géopolitique
04:43qui fait que peut-être on est moins tourné vers la Syrie en ce moment ?
04:46Je ne sais pas si on est moins tourné vers la Syrie,
04:48mais je dirais que le sujet n'est pas évident,
04:50parce que finalement, ce qu'on observe aussi,
04:52c'est qu'on est face à des instances internationales,
04:56parce que vous avez évoqué les négociations commerciales avec les États-Unis,
04:59donc l'OMC ou l'ONU qui sont en voie de marginalisation avancée.
05:04Et ce qui rend complexe les négociations, la voie des acteurs,
05:07aujourd'hui on en revient à une diplomatie de la puissance
05:10avec le poids des acteurs qui s'imposent finalement
05:13comme le seul cadre de négociation.
05:15Pour les États-Unis, c'est assez simple,
05:17leur force et leur poids sur la scène diplomatique
05:21leur permet de s'imposer sur tous les dossiers.
05:23Pour l'Europe, c'est plus compliqué.
05:25Djiladi Ben-Shaban, vous parlez à l'instant de l'ONU,
05:28Conseil de sécurité qui se réunit justement aujourd'hui,
05:30au sujet de la Syrie notamment.
05:33Est-ce que l'ONU a encore aujourd'hui une raison d'être géopolitique ?
05:38Sur ces sujets, on a plutôt l'impression qu'elle est impuissante.
05:41L'ONU essaie d'exister, tant bien que mal,
05:45mais on sent que l'ONU, comme nombre d'instances internationaux,
05:50aujourd'hui ont besoin de se repositionner,
05:52ont besoin de comprendre comment essayer de trouver un nouvel espace
05:56face à des diplomaties qui se négocient aujourd'hui en bilatéral
06:00et où il y a clairement une évacuation de plus en plus des instances internationales
06:04parce qu'aujourd'hui, elle manque de porte-parole,
06:06elle manque de cap et de vision.
06:08Mais est-ce qu'il faut repenser, réorganiser ces organisations ?
06:11Est-ce qu'on peut continuer à travailler de cette manière
06:14quand on voit que ce n'est pas forcément efficace
06:16sur le conflit avec la Russie, sur le conflit avec Israël et Palestine ?
06:21Ces instances ont un rôle, mais malheureusement,
06:24j'ai envie de dire qu'il y a l'usure du temps,
06:27l'usure des réalités stratégiques
06:29et surtout un choc géopolitique qui fait que la puissance
06:33est redevenue la ligne qui guide plus que jamais
06:38les relations internationales.
06:40Or, pour exister, ces instances ont besoin aussi d'avoir une puissance de frappe,
06:44qu'elles soient économiques, qu'elles soient diplomatiques, politiques.
06:46Or, aujourd'hui, il n'y en a pas.
06:47On assiste plutôt à un rôle de spectateur et d'observateur, malheureusement.
06:51D'où le problème aussi du poids de ces institutions.
06:55Pour le moment, on voit plutôt une instabilité permanente
06:58sur cette région du Proche-Orient.
07:00Ça nous permet de parler d'Israël et de la Palestine
07:02pendant les deux minutes qui nous restent ensemble.
07:04Djilali Ben-Shaban et Emmanuel Macron qui a dit il y a quelques jours
07:07que la France allait reconnaître l'État palestinien.
07:11On pose des questions dans le milieu politique
07:14sur le bon ou le mauvais timing.
07:17Qu'est-ce qui se dessine, en tout cas,
07:18pour l'avenir de cette région, selon vous ?
07:21Ce qui se dessine avec cette déclaration,
07:23c'est le fait d'essayer de réanimer d'abord un processus politique.
07:27Clairement, aujourd'hui, cette vision d'une solution à deux États
07:30a été enterrée à la fois par Israël et par les États-Unis.
07:34L'initiative française est louable dans le sens où
07:37elle essaye de créer une dynamique autour de la situation en Palestine
07:41du fait que la pérennité et la stabilité de cet ensemble
07:46passera nécessairement par une solution à deux États.
07:48Mais aujourd'hui, les agendas ne s'y prêtent pas.
07:50Et c'est d'autant plus que, d'un point de vue politique intérieur,
07:55le gouvernement israélien dirigé par Netanyahou
07:57a fait de sa ligne politique et marqueur
08:00le fait qu'il n'y aurait pas de solution à deux États.
08:02Qu'Israël, aujourd'hui, ne négocie pas,
08:05mais impose sa solution diplomatique par la force.
08:08Et les États-Unis sont plutôt dans cette ligne en soutien.
08:11Donc aujourd'hui, la perspective, malheureusement,
08:13à ce qu'elle passera par une initiative internationale,
08:16je ne suis pas optimiste de ce point de vue.
08:19Mais est-ce que des bouleversements peuvent venir
08:21liés à des évolutions de politique intérieure ?
08:24Ce sera peut-être le cas du côté des États-Unis
08:26si les élections de mi-mandat font obstacle aux prérogatives du président
08:31ou si du côté israélien, du changement devait se dessiner.
08:35Merci pour votre analyse ce matin avec nous,
08:37Djilali Benchaban, consultant en stratégie et géopolitique.
08:39Merci d'avoir regardé cette vidéo !

Recommandations