00:00Alors qu'une conductrice de 83 ans vient d'être condamnée à 4 ans de prison avec sursis pour avoir heurter un groupe d'enfants et tuer une fillette,
00:08le débat sur le contrôle de santé des automobilistes est relancé et avec lui celui de l'instauration de visites médicales régulières.
00:14On en parle avec notre invité de 8h15.
00:17Bonjour Jean-Yves Lamont.
00:18Bonjour.
00:19Merci d'être avec nous, vous êtes président de la Ligue contre la violence routière.
00:22Quelques mots déjà sur cette condamnation, 4 ans avec sursis, est-ce que cela vous paraît juste ?
00:28Si vous permettez un petit mot de compassion et de solidarité avec la famille de Margot,
00:33parce que quand on parle de ces faits-là, ce n'est pas des statistiques uniquement, ce sont des vies brisées.
00:38Donc il est important de remettre les choses en place.
00:42Est-ce que ça me paraît juste, compte tenu du drame et de la disparition d'une fillette qui ne demandait qu'à vivre,
00:49je pense que le sursis n'est pas entendable.
00:53Quand on est en contresens, en excès de vitesse, que l'on prétend avoir eu un malaise et qu'on est en délit de fuite,
01:03l'opinion ne comprend pas que les juges n'aillent pas un peu au-delà et en particulier n'exploitent pas le maximum des peines encrues.
01:14Donc vous considérez que cette femme de 83 ans aurait dû aller derrière les barreaux ?
01:21En tout cas, on aurait dû avoir une peine prononcée qui soit à la mesure de la peine de la victime et de la peine de la famille surtout.
01:33En fait, aujourd'hui, dans les procès, la victime n'est pas au centre des débats.
01:38C'est ça le problème. Aujourd'hui, c'est le prévenu dont on essaye de garantir les droits, on fait très attention et la victime est presque ignorée.
01:49Heureusement, l'avocat est là pour les défendre.
01:52Mais la société aujourd'hui ne fait pas la place que la victime devrait avoir.
01:58Jean-Élalement, ce qui est au centre des débats, c'est ce contrôle de la santé des conducteurs.
02:02Faut-il ou non régulièrement contrôler la santé des conducteurs selon vous ?
02:07Alors, aujourd'hui, rappelons les fondamentaux.
02:13La conduite automobile est une activité excessivement complexe.
02:17Il faut s'adapter en permanence à un environnement qui change.
02:20On ne peut pas se permettre de ne pas être en pleine possession de ses moyens.
02:25Donc, il est important que le conducteur ait au moins conscience de ça.
02:30D'ailleurs, l'arrêté interministériel du mois de mars 2022 rappelle que le conducteur doit, c'est un devoir, s'assurer qu'il est en pleine possession de ses moyens, qu'il n'a pas eu...
02:43Mais personne ne le fait.
02:44Mais personne ne le fait.
02:45Donc, ça veut dire qu'aujourd'hui, on est dans effectivement des injonctions un petit peu générales.
02:49Et on n'a pas pris les moyens de vérifier que ce devoir est respecté.
02:56On sait très bien que si personne ne l'impose, en réalité, tout le monde s'en exonère, d'une certaine manière.
03:01Oui, tout le monde s'en exonère, malheureusement, parce qu'on ne rappelle pas suffisamment, je dirais, l'enjeu de ça.
03:07Aujourd'hui, en France, ce n'est pas seulement 3 500 tués et 16 000 blessés graves.
03:12C'est tous les co-victimes, toutes les familles dont les vies sont brisées.
03:16Et le chiffre, en fait, qu'il faudrait qu'on ait en tête, ce n'est pas 20 000 victimes par an, c'est 200 000, si ce n'est pas 300 000 victimes par an.
03:24Donc, 3 millions tous les 10 ans.
03:27C'est un vrai sujet de société qui, aujourd'hui, n'est pas pris en compte.
03:30Jean-Yves Lamont, l'ancien ministre de la Santé, Frédéric Valtoux, propose une visite médicale tous les 15 ans et tous les 5 ans à partir de 70 ans.
03:37Est-ce que vous trouvez que c'est stigmatisant pour les conducteurs les plus âgés ?
03:43Ce serait stigmatisant dans la mesure où seuls les conducteurs les plus âgés seraient concernés.
03:50Dans la proposition de loi Valtoux, il y a non seulement la prise en compte des conducteurs âgés de plus de 70 ans, voire 65 ans,
03:57mais aussi le fait de rappeler que, pour obtenir le permis de conduire, il faut remplir un certain nombre de conditions
04:04et ne pas avoir d'inaptitude à la conduite avérée.
04:08Donc, cette loi-là équilibre un peu, mais pour nous, elle ne va pas suffisamment loin.
04:12C'est qu'elle devrait prendre en compte l'inaptitude à la conduite de l'ensemble des conducteurs,
04:17puisqu'il s'agit en fait de l'ensemble des conducteurs qui sont potentiellement inaptes à la conduite.
04:21Donc, pour aller plus loin, qu'est-ce qu'il faut faire, selon vous ?
04:24Alors, puisqu'on n'a pas le temps, c'est un sujet très complexe, je dirais, s'il y a deux choses à faire,
04:31la première chose, c'est qu'il faudrait qu'aujourd'hui, les personnes qui sont concernées par ces inaptitudes,
04:39elles sont en général en contact avec un médecin traitant.
04:42Et que lui puisse déterminer si, oui ou non, il y a aptitude à conduire.
04:45Alors, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. La France a décidé qu'il y avait un secret médical
04:50et que le médecin traitant ne pouvait qu'une seule chose, c'est informer le patient à qui on laisse le choix de conduire.
05:00La France a fait ce choix-là. Le choix de conduire est laissé au patient lui-même,
05:06qu'il ait 20 ans ou qu'il ait 90 ans.
05:09Nous considérons que ce n'est pas acceptable.
05:12Aujourd'hui, il faudrait que le secret médical puisse ne pas exclure un devoir d'alerte.
05:18Aujourd'hui, on a un devoir d'alerte, ce qu'on laisse sur la route des gens qui sont potentiellement dangereux.
05:22Dans les entreprises, j'ai travaillé pendant 40 ans les entreprises, on a ce qu'on appelle la vigilance partagée.
05:27C'est un devoir. C'est-à-dire que lorsque je constate que quelqu'un est en situation de danger
05:31ou met les autres en situation de danger, j'ai le devoir d'informer.
05:35Ce n'est pas de la dénonciation.
05:36Alors évidemment, vous allez voir tous les opposants qui vont dire
05:38c'est la dénonciation, c'est ceci, c'est cela, on va employer des mots qui vont faire peur.
05:42Mais c'est l'intérêt général qui est en cause.
05:45Et le Conseil d'État a rappelé récemment, pour un recours justement contre cet arrêté du 28 mars 2022,
05:53que c'était l'intérêt général qui primait sur l'intérêt particulier.
05:56Et ça, on l'oublie malheureusement trop souvent.
05:58Vous en pensez quoi, docteur, rapidement ?
05:59C'est un sujet compliqué parce que le médecin prétend, c'est une sanction
06:02à des gens qui sont parfois reliés au monde uniquement par la voiture.
06:07Et puis le médecin traitant, il est proche de la famille.
06:09Est-ce que c'est une décision qu'il doit prendre ?
06:10Est-ce qu'il doit orienter ?
06:11Il y a un médecin de la préfecture.
06:13Je pense qu'il a un devoir d'alerte, peut-être au médecin de la préfecture
06:16et au médecin de la préfecture de prendre la décision.
06:19C'est un peu comme ça que ça se passe.
06:20Aujourd'hui, seul le préfet est amené à suspendre ou annuler le permis
06:25sur proposition du médecin agréé qui, lui, a seule autorité à faire ce contrôle médical.