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00:00Vous écoutez Europe 1, il est 7h10, dans quelques minutes, les enfants d'Europe 1 avec l'or d'Autriche.
00:06Mais d'abord, place à votre invité Thomas Chenel.
00:09Bonjour Frédéric Ploquin.
00:10Bonjour.
00:10Journaliste spécialiste du grand banditisme, auteur des réseaux secrets de la police publiés chez Nouveau Monde Édition.
00:17Alors, cette nuit, les premiers narcotrafiquants ont passé la nuit derrière les barreaux de la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil.
00:2617 détenus parmi les plus dangereux du pays.
00:28J'aimerais savoir de qui est-ce que nous parlons ?
00:32Quels sont les critères de dangerosité retenus dans la sélection de ces prisonniers, Frédéric Ploquin ?
00:37A priori, on vise le top 100 des plus grands trafiquants de stupéfiants.
00:44Alors, d'un côté, quand on est les plus grands, d'un côté, les plus riches, les plus puissants, les plus dangereux.
00:51Et puis, de l'autre côté aussi, quelques individus qui sont beaucoup moins capés, qui sont beaucoup plus jeunes.
00:57Et qui sont apparus dans le champ à titre, par exemple, de tueurs à gages, de petites mains ultra-violentes, etc.
01:06Donc, c'est un mixte entre les plus puissants commerçants, je le mets entre guillemets, des stupéfiants.
01:14Et leurs petites mains les plus déterminées et les plus violentes.
01:19Donc, c'est un mixte totalement explosif, évidemment.
01:23C'est pas risqué de les mettre tous ensemble dans une même prison ?
01:28L'étanchéité, elle peut vraiment être maintenue ?
01:30Disons que ça va être un défi sécuritaire absolument gigantesque.
01:34Là, j'ai vu qu'on a vu qu'ils avaient mis des filets anti-drones.
01:39On a vu qu'ils avaient renforcé le nombre de personnels.
01:42C'est-à-dire qu'on aurait pratiquement trois surveillants pour un détenu, ce qui est quand même extrêmement important.
01:48Et à rebours, ça nous en dit long sur la faiblesse du dispositif dans les prisons dites ordinaires.
01:54Tout ça est apparu au grand jour avec l'affaire Mohamed Amra, ce détenu qui s'est évadé en causant la mort de deux surveillants de prison.
02:04Et dont on s'est aperçu que, brutalement, la France a découvert que oui, cet individu en prison continuait à faire son business,
02:11disposait d'une batterie de téléphone portable et d'à peu près tout ce qu'il voulait.
02:15Donc, l'enjeu, il va être extrêmement...
02:19Ce que je vous dis là, ça veut dire que la prison ordinaire, aujourd'hui, ne fait plus peur à personne,
02:26notamment au trafic de stupéfiants.
02:28C'est ça la grande différence entre un braqueur et un trafic de stupéfiants.
02:31Si vous mettez un braqueur en prison, il va attendre son tour.
02:34Ou alors il va essayer de s'évader, mais sinon il va attendre son tour parce qu'il ne peut pas continuer à braquer.
02:39Il va préparer ses équipes de demain quand il sera libéré.
02:42Mais un trafic de stupéfiants, lui, par définition, ne s'arrête jamais.
02:45Mais il continue à garder l'emprise sur son terrain, il continue à garder l'emprise sur ses lieutenants,
02:50il continue à gérer qu'il soit à Alger, à Casablanca, à Dumas ou en prison, finalement, pour lui.
02:56C'est à peu près la même chose jusqu'à présent.
02:58Donc, l'enjeu, il est là, c'est de faire en sorte que ce trafiquant ne puisse plus avoir la main, ne puisse plus communiquer.
03:05Et je vous dis, ça va être extrêmement compliqué parce qu'il y a notamment un point qu'il faut retenir.
03:12C'est que ces individus ont une force de frappe financière absolument gigantesque.
03:17Et que l'histoire récente a montré qu'ils faisaient tout, ils feront tout pour trouver le maillon faible.
03:25Soit en mettant des gros billets sur la table, soit, ça c'est l'autre aspect qui est encore plus dangereux,
03:32soit en procédant par la peur et en diffusant la peur, par exemple, en ciblant la famille d'un surveillant,
03:39ce qui est déjà arrivé, la famille d'un surveillant, de manière à affaiblir un de leurs gardes
03:45et à faire en sorte qu'à un moment donné, cette personne accepte de collaborer, c'est-à-dire, pourquoi pas d'entrer un téléphone.
03:52De le corrompre, presque.
03:53Voilà, c'est ça, exactement.
03:54De corrompre, il y a deux manières de corrompre.
03:57Soit c'est juste la pas du gain, vous étudiez le profil de la personne,
04:01vous voyez qu'elle a des difficultés financières, vous l'approchez, vous résolvez ces difficultés,
04:06soit vous procédez par la menace, et là, ça va demander au patron de cette prison
04:13une attention absolument démesurée.
04:16Autant, je vous dis, sur les premiers mois, il ne va pas se passer grand-chose,
04:19le problème, c'est avec le temps, l'installation est sur la durée.
04:24Aujourd'hui, l'autre aspect dont je n'ai pas parlé, c'est que parmi ces ennemis,
04:28il y en a qui vont être ennemis, rivaux, qui sont susceptibles, pourquoi pas, de régler leur compte
04:33s'ils le peuvent à l'intérieur de la prison.
04:35Ça, c'est un premier point, le point, voilà.
04:37Et le deuxième, c'est que vous avez aussi, vous ne pouvez pas ne pas vous demander si...
04:43Vous savez, les détenus, ils se parlent à travers les murs.
04:45Vous avez beau brouiller les systèmes de communication,
04:51ils se parlent de cellule à cellule, les murs ne sont pas suffisamment épais.
04:56Donc, on n'est pas à l'abri non plus de voir se former à l'intérieur de cette prison
04:59le cartel, le futur cartel de demain de la drogue.
05:02Ça veut dire que malgré ces prisons de haute sécurité,
05:05on parle aujourd'hui de Vendin-le-Vieille, demain de Condé-sur-Sartre,
05:08un autre en Guyane, le risque de voir la France sombrer dans le narco-banditisme
05:12ne s'éloigne pas vraiment ?
05:14Écoutez, a priori, moi, ce que je pense, c'est que si vraiment ces individus
05:19sont totalement immobilisés, neutralisés, ce qui va être très difficile,
05:25s'ils l'étaient, si d'aventure ils l'étaient, vous savez,
05:28le nombre de personnes qui aspirent à les remplacer sur le terrain
05:34est extrêmement important.
05:36On dit qu'il y a un volet en France de 250 000 personnes
05:40qui gravitent économiquement autour des stupéfiants.
05:43Donc, vous en éliminez 100.
05:44Vous avez aussitôt 100 ou 200 lieutenants qui vont tenter de prendre la place.
05:49C'est comme ça que ça se passe dans ce milieu-là, depuis toujours.
05:52C'est-à-dire qu'il y a un mort, il y a trois lieutenants
05:55qui se battent pour prendre le fauteuil.
05:58Donc, ce n'est pas comme ça qu'on va régler.
06:01Mais il ne faut pas non plus être trop négatif ce matin sur cette nouvelle,
06:06dans la mesure où on sait par avance que ça va les déranger,
06:10qu'ils ne vont pas apprécier.
06:14Donc, du point de vue du ministère de l'Intérieur, du point de vue de la justice,
06:17du point de vue de la punition, de la sanction,
06:19c'est une prison qui va un peu plus punir que la prison d'avant.
06:23Donc, c'est déjà, de ce point de vue-là, un petit peu en avant.
06:28Mais ça ne va pas régler du jour au lendemain la question du narcotrafic en France,
06:33d'autant qu'on vient de découvrir...
06:34Enfin, de découvrir... Non, moi, je ne découvre pas ça,
06:36mais l'Office des Stupes nous a rappelé, dans une note récente,
06:41que la France avait accouché récemment d'un véritable cartel de la drogue,
06:46dont les 10 à 15 barons tenaient réunion quasiment ouverte à Dubaï
06:54pour gérer entre eux à la fois les prix, les importations,
06:57les exportations de cannabis et de cocaïne.
07:01Donc, si vous voulez, cette question-là, cette prison va les déranger,
07:05va perturber un petit peu le marché,
07:08mais ne va pas l'éteindre miraculeusement du jour au lendemain.
07:11Ces réseaux, notamment la DZ Mafia, ce réseau de trafiquants marseillais,
07:16à quel point cette bande menace la France ?
07:19Écoutez, là, je parlais de ce cartel, je parlais des patrons.
07:24Et en dessous des patrons, vous avez un espèce d'échelon intermédiaire
07:28dans lequel on a vu apparaître, effectivement, se constituer...
07:33Encore une fois, c'est Marseille qui montre l'exemple,
07:35mais en matière de grand monétisme, ça a toujours été le cas
07:38depuis un demi-siècle dans ce pays.
07:40C'est Marseille qui montre l'exemple avec cette DZ Mafia,
07:43qui est une organisation, on va dire, criminelle,
07:46constituée autour des stupéfiants,
07:48qui a fait le ménage autour d'elle,
07:50qui a commencé par éliminer tout ce qui l'a dérangé,
07:53et qui est, et c'est ça, c'est nouveau,
07:54qui a créé une espèce de franchise,
07:56qui est partie à l'assaut de toutes les villes du sud de la France,
08:00et pourquoi pas au-delà,
08:01donc avec des prétentions d'accroître et d'étendre son territoire.
08:06Et ça, dans ce pays, c'est aussi nouveau que le cartel
08:09dont je parlais à l'instant, qui rapproche la France de l'Italie,
08:13puisqu'on a mis en place une espèce de système mafieux au sommet,
08:17et en dessous, des organisations comme la DZ Mafia,
08:20qui n'est pas seule, puisqu'on a vu,
08:22je reviens encore une fois à Mohamed Amra,
08:24à travers cette évasion,
08:26on a vu qu'il y avait, au fin fond de la Normandie,
08:28un groupe criminel tout aussi structuré que la DZ Mafia,
08:35qui s'appelait la Manjak Mafia,
08:39et donc qui était constitué d'individus originaires d'Afrique de l'Ouest,
08:42essentiellement, à l'origine en tout cas,
08:44et qui avait, elle aussi, des prétentions sur tout le territoire.
08:48Donc oui, aujourd'hui, il y a un défi sécuritaire absolument gigantesque,
08:52parce qu'on a des équipes qui ne se contentent plus
08:55de gérer leur petit quartier,
08:56mais ont des prétentions à l'échelle nationale.
08:59Il y a un risque de contamination.
09:02Oui, absolument.
09:03Puis en plus, avec une méthode,
09:05qui est celle qui est propagée aujourd'hui par la DZ Mafia,
09:09qui est en gros celle d'une violence non plus dissimulée,
09:13comme elle l'était autrefois,
09:14mais revendiquée, affichée,
09:16on l'a encore vu à Nîmes récemment,
09:18avec ses exécutions filmées,
09:20ces individus carbonisés devant,
09:23que tout le quartier peut voir sur son téléphone portable.
09:28Donc des violences qui sont volontairement exposées,
09:31volontairement montrées à tout le monde,
09:35pour inspirer, pour distiller la peur.
09:37Là, on est dans une forme de narcoterrorisme
09:39très pensé, très structuré,
09:41et très volontaire.
09:43Frédéric Ploquin, on a vu que le trafic de drogue
09:44était le décor derrière toutes les violences
09:47auxquelles on a assisté ce week-end
09:48dans les villes moyennes de France.
09:49Ces villes moyennes manquent-elles de force de l'ordre ?
09:53C'est très clair que, on va dire,
09:56le trafic de stupéfiants s'est totalement développé
10:00et s'est installé dans toutes les failles du territoire.
10:04Aujourd'hui, vous avez des possibilités
10:07de vous fournir un produit stupéfiant
10:10dans la moindre petite ville.
10:11Et du coup, vous avez à côté ce phénomène
10:13de violence urbaine qui, en général,
10:15est lié à la différence d'un territoire.
10:18C'est ça la différence entre il y a 20 ans et aujourd'hui.
10:22C'est qu'autrefois, on y était habitués, d'ailleurs.
10:24Je ne sais pas, rappelez-vous,
10:25il y avait des guet-apens contre la police.
10:27La presse n'en parlait même plus.
10:28Dans les villes qui, par exemple,
10:30en Seine-Saint-Denis, ou autour de Lyon,
10:32ou de Marseille, quasiment tous les week-ends,
10:35il n'y a que les policiers qui s'affolaient
10:37de ces événements.
10:38On a laissé s'installer une génération entière
10:40qui a grandi avec ça.
10:41Et là, on a des jeunes qui reproduisent ce phénomène
10:45dans des villes où ça ne se produisait pas.
10:48Ce qui fait que ça nous choque.
10:49Et là encore aussi, parce que c'est filmé
10:51et qu'on le voit.
10:53Donc oui, la troisième nouveauté,
10:57effectivement, de ce commerce des stupéfiants,
11:00c'est le fait que ça ait colonisé
11:03quasiment tout le maillon urbain hexagonal.
11:07Merci Frédéric Ploquin
11:09d'être venu en direct avec nous sur Europe 1.

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