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Dans son édito du 11/07/2025, Paul Suggy revient sur le taux ahurissant de réussite au bac et interroge sur la valeur actuelle du baccalauréat 

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Transcription
00:00Et voilà, c'est toujours sur moi que ça tombe. Il faut quelqu'un ait le mauvais rôle.
00:02Tous les bacheliers ou même ceux qui sont repêchés au rattrapage ouvrent le champagne
00:06et c'est moi qui vais venir ensuite jeter un pavé dans la mare et casser l'ambiance.
00:09Mais c'est vrai Romain, vous avez des résultats ahurissants.
00:1391,8% de réussite au bac après rattrapage, c'est plus 0,4 points par rapport à l'an dernier.
00:19Même 96,4% en voie générale, c'est du jamais vu.
00:23Si on accepte l'année du Covid qui était exceptionnelle,
00:25ce que les candidats étaient notés sur le contrôle continu.
00:28Et cela dit, chaque année c'est du jamais vu puisqu'en réalité,
00:30quasiment chaque année de façon continuelle depuis maintenant 20 ans,
00:33le taux de réussite au baccalauréat augmente.
00:36Et comment s'en étonner quand on voit les consignes données au correcteur ?
00:39On a déjà eu l'occasion d'en parler ensemble il y a quelques jours.
00:42La notation au baccalauréat est une notation artificielle
00:45qui renonce à évaluer le respect des règles formelles d'écriture et de raisonnement
00:49pour tâcher de trouver dans chaque copie la preuve d'un effort.
00:53Le correcteur du bac, au fond, est un agent de la NASA.
00:54Il n'attend pas des élèves qui lui offrent la Lune,
00:56mais il scrute au télescope chaque production des candidats,
01:00comme d'autres surveillent la planète Mars,
01:01dans le seul espoir d'y détecter un signe ou un indice d'une vie intelligente.
01:06Et ça suffit pour être rassuré d'obtenir son bac et pourquoi pas avec mention.
01:08C'est dramatique, mais vous avez tellement raison.
01:11C'est vrai qu'on s'organise pour que tout le monde, ou presque, puisse avoir son bac.
01:15Oui, et c'est un choix politique assumé,
01:17qui s'observe d'ailleurs en France mais partout aussi ailleurs dans les pays occidentaux.
01:20Dans notre cas précis, c'est vrai que le paradoxe qui est difficile à supporter,
01:24c'est que la génération qui obtient les pires résultats dans les classements PISA,
01:29qui connaît les niveaux les plus catastrophiques, par exemple,
01:31dans les matières fondamentales comme sont les mathématiques ou le français,
01:34est en même temps la génération qui surperforme le plus au baccalauréat.
01:38Donc évidemment, une disproportion entre ce taux de réussite ahurissant
01:42et le niveau réel, mesuré hélas par des classements sans pitié,
01:46eux, puisqu'ils ne sont pas truqués artificiellement, des élèves qui sortent du lycée.
01:50Mais enfin, ça a sa logique.
01:51Si on fait ça, c'est parce que notre économie a muté depuis l'époque
01:54où on envoyait seulement 15 ou 20% d'une classe d'âge à l'université.
01:57Aujourd'hui, si tout le monde ou presque rentre dans l'enseignement supérieur,
02:01c'est parce que nous avons laissé mourir notre industrie
02:03pour nous concentrer sur une économie tertiaire
02:04qui nécessite une quantité astronomique de diplômés du supérieur
02:08pour pouvoir des emplois qualifiés.
02:10Et tant pis si un ouvrier spécialisé d'il y a 50 ou 60 ans
02:13qui avait seulement le certif en poche
02:15connaissait beaucoup mieux le français
02:17qu'un bachelier d'aujourd'hui qui va rentrer à l'université.
02:19Alors la vraie question, c'est quelle perspective d'avenir
02:22offre-t-on à ces nouveaux bacheliers ?
02:24C'est la vraie, effectivement, et seule question qui se pose.
02:27Au-delà de la satisfaction, bien sûr, d'avoir obtenu son baccalauréat,
02:30on se réjouit avec tous les lauréats.
02:33L'anthropologue Peter Turchin la pose très bien,
02:35cette question dans le Figaro.
02:37Il dit au fond, nous créons une génération de jeunes très diplômés,
02:41mais aussi souvent endettés
02:43et aux perspectives économiques limitées
02:45et de plus en plus désabusées.
02:47En fait, ce qu'il dit même, c'est qu'au prétexte
02:50que nous formerions une élite,
02:51si tout le monde appartient à l'élite, par définition,
02:53il n'y a plus d'élite,
02:54eh bien on offre en fait à toute une partie de cette classe d'âge
02:57des perspectives de plus en plus étroites,
03:00ce qui fait qu'il se forme une contre-élite,
03:02déclassée économiquement,
03:03parce qu'elle n'a finalement pas accès
03:05au succès et à la réussite qu'on lui promettait,
03:08et de plus en plus frustrée politiquement
03:10face à ce destin inaccompli.
03:12C'est ce qui a nourri, dit ce Peter Turchin,
03:15c'est ce qui a nourri par exemple
03:16la frustration d'une partie de la classe moyenne américaine
03:19qui a versé dans le trumpisme,
03:21et on va au-devant de grands chaos politiques
03:22si on continue de faire à nos jeunes bacheliers
03:25des promesses mensongères.
03:26Sous-titrage Société Radio-Canada

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