Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • hier
Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jean-Baptiste Marteau revient sur les questions qui font l’actualité avec Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00Bonjour Pierre Moscovici, bienvenue dans les 4V, soyez les bienvenus.
00:04La Cour des comptes qui publie donc ce matin son rapport annuel sur la situation des finances publiques.
00:08C'est le document qui sert de base à la préparation du budget pour l'année prochaine.
00:12Le moins qu'on puisse dire que c'est que le diagnostic n'est pas très optimiste.
00:15Vous parlez d'un déficit budgétaire en forte dérive en 2024, alors que rien ne le justifie, je cite,
00:21aucun choc économique majeur ne justifie une telle dérive. C'est si grave que ça docteur ?
00:27C'est assez sérieux. En réalité, notre situation de finances publiques ne cesse de se dégrader depuis la crise Covid,
00:32mais la crise Covid s'était justifiée. Il fallait en effet protéger les vies humaines, les entreprises,
00:38les systèmes de protection sociale.
00:39Ce n'est plus le cas.
00:39Il y a eu la crise énergétique, il y a eu la crise inflationniste, il y a eu la guerre en Ukraine.
00:44En 2023-2024, il ne s'est rien passé. Il n'y avait pas de crise pandémique, il n'y avait pas de crise économique,
00:49pas de crise sociale, pas de crise financière. Et pourtant, ce qu'on est obligé de constater,
00:54c'est que ce sont deux très très mauvaises définances publiques qui ont fait que l'effort global
00:58qu'il faut faire pour atteindre les 3%, 3% n'étant pas un chiffre arbitraire,
01:01mais simplement le moment où la courbe de la dette publique commence à s'inverser,
01:05et nous sommes trop endettés, cet effort a été multiplié par deux.
01:07C'était 50 milliards d'euros.
01:09Là, c'est plus de 100 milliards.
01:10505 milliards d'euros à faire d'ici à 2029.
01:13Donc, ça veut dire que les budgets qui viennent, à commencer par le budget 2025,
01:17qui doit être totalement crédibilisé, mais 26, 27, 28, 29, chaque marche sera une marche assez haute
01:23et il faudra les franchir.
01:25Pourquoi ? Parce que nous sommes aujourd'hui dans une situation de dette
01:29que je n'hésite pas à qualifier d'excessive.
01:31Quand on a, comme la France, 3 300 milliards de dettes, et un peu plus,
01:34c'est qu'on aura 3 500, probablement, à la fin de l'année 2025.
01:37Quand chaque année, on rembourse pour, justement, cette dette,
01:41comme service de la dette, quelques 67 milliards d'euros,
01:44c'était 30 en 2020, ce sera 100 milliards d'euros.
01:48Pas encore, mais c'était le budget du logement en 2020.
01:51Aujourd'hui, c'est plus que le budget de la défense.
01:53L'année prochaine, ce sera le premier budget de la nation,
01:54et ça ne s'est jamais produit.
01:56Et il est possible qu'on aille vers les 100 milliards d'euros de remboursement.
01:58Comment voulez-vous qu'un pays, comme le nôtre, un grand pays,
02:01puisse financer les défis de demain ?
02:04La transition écologique, la défense, l'innovation, la recherche,
02:08tout ce qui nous permettrait, et tout ce qui est nécessaire
02:10pour rester dans la course mondiale,
02:12comment peut-on le faire quand on est aussi en détés ?
02:13Et parler d'un foyer, quand vous avez, effectivement,
02:16une voiture à rembourser qui absorbe 80% avec l'appartement
02:19de vos logements, de vos revenus, vous n'allez pas, en effet, investir.
02:24En rentrant dans le détail, Pierre Moscovici,
02:25le principal problème que vous soulevez,
02:26c'est ce que vous appelez le cœur de la dépense publique,
02:28c'est-à-dire hors des intérêts de la dette, hors des mesures exceptionnelles.
02:30Ça, c'est en hausse de 2,7%,
02:34c'est-à-dire deux fois la croissance économique.
02:37C'est intenable économiquement.
02:38On continue de dépenser de plus en plus.
02:40Contrairement à ce que certains pensent,
02:41c'est vrai qu'il y a eu un phénomène en 2024,
02:44qu'on a observé, c'est que les impôts ne sont pas rentrés.
02:46On a eu 40 milliards d'euros d'impôts,
02:47de recettes d'impôts en moins.
02:49Mais pourtant, ce qui explique le déficit,
02:51parce que ça, ça explique juste l'écart
02:52par rapport à ce que le Parlement avait voté,
02:55ce qui explique l'écart,
02:57c'est bien le fait que cette dépense
02:58ait continué d'augmenter.
03:00Et je le dis ici,
03:01nous avons une dépense publique dans le PIB,
03:04parlons des techniques,
03:05qui représente 56,5% du PIB,
03:0857% l'an prochain.
03:09C'est le taux le plus élevé de toute l'Europe.
03:12Nous sommes 8 points au-dessus de nos partenaires.
03:14Alors, ça veut dire que nous avons
03:14un système social qui est protecteur,
03:16c'est notre choix.
03:17Nous avons des collectivités locales puissantes,
03:18c'est notre choix.
03:19Mais là, on dépense beaucoup trop
03:20par rapport à nos revenus,
03:22par rapport à notre niveau de vie.
03:22Je pense qu'il faut avoir une attitude simple.
03:24Un, il faut réduire nos déficits.
03:26C'est d'intérêt public,
03:27nous avons le déficit public
03:28le plus élevé de la zone euro,
03:295,8%.
03:30Et ça diverge par rapport à nos partenaires.
03:33Pourquoi faut-il réduire nos déficits publics ?
03:34Pour maîtriser notre dette.
03:36Pour maîtriser notre dette,
03:37il faut donc soit générer une croissance très forte,
03:40mais ça n'est pas le cas aujourd'hui,
03:41soit agir sur les recettes, les impôts,
03:44soit agir sur les dépenses.
03:45Et notre préconisation,
03:46je dis que le débat fiscal n'est pas tabou,
03:48évidemment, dans une démocratie,
03:50on doit pouvoir parler de fiscalité,
03:51on doit pouvoir parler d'équité,
03:52de justice officielle.
03:53Mais l'essentiel,
03:55c'est la réduction de la dépense publique,
03:57c'est la maîtrise de la dépense publique.
03:58Et donc, dans ce budget,
04:00comme dans les suivants,
04:01il faudra faire un effort sur la dépense publique.
04:03C'est ça, la réflexion.
04:04Ce document n'est pas fait pour inspirer le gouvernement,
04:07mais il nourrit le débat public.
04:08Eh bien, on attend les arbitrages du Premier ministre.
04:11À mon sens, il est important
04:12qu'il y ait des économies importantes,
04:14significatives en dépenses publiques,
04:16et que ce soit le cas,
04:16pas seulement pour une année,
04:18mais pour plusieurs années,
04:19et que ce soit aussi des dépenses,
04:20plutôt des réductions de dépenses structurelles.
04:23C'est-à-dire qu'il repose sur des réformes...
04:24Pas uniquement des coupes,
04:25on enlève une année blanche,
04:27ce genre de mesures.
04:28Pour vous, c'est inefficace ?
04:29Je vais reprendre des métaphores qu'on connaît.
04:31Il y a la tronçonneuse, la milleille.
04:33Ce n'est pas pour la France.
04:34Nous avons un modèle social qui est très important.
04:36Nous avons besoin de soutenir notre économie.
04:38Il y a le rabot,
04:39c'est-à-dire qu'on fait payer la même chose à tout le monde.
04:41Ce n'est pas très intelligent.
04:42Il faut aller chercher les sources d'économies,
04:44où elles sont,
04:45et transformer nos politiques publiques,
04:48parce que ce sont elles qui sont coûteuses.
04:49Il faut vraiment avoir une attitude
04:50de réforme intelligente, profonde.
04:53Et ça, c'est ce qui manque.
04:54Alors, l'année blanche, qu'est-ce que c'est ?
04:55C'est de ne plus indexer
04:57l'ensemble des paramètres de l'économie
04:58sur l'inflation.
04:59Ce n'est pas tout à fait du rabot,
05:01mais disons que ce n'est pas non plus...
05:02Ce n'est pas une réforme structurelle.
05:03Non.
05:04Ce n'est pas ce que vous préconisez.
05:04Et en plus, ça marche une fois, une année.
05:06Ça ne peut pas marcher toutes les années.
05:07Et nous avons une nécessité d'agir
05:11de manière continue jusqu'en 2029, au moins.
05:13Alors, malgré tout, on voit effectivement
05:14dans votre rapport que les efforts à venir
05:15sont considérables.
05:17Ça ne veut pas dire que certaines dépenses
05:18ne doivent pas être maîtrisées.
05:19Au contraire.
05:20Mais il faut aller plus loin.
05:22Je crois qu'il faut aller plus loin.
05:23Et je crois qu'il faut aller plus loin
05:24à la fois sur les structures
05:27et aussi dans le temps.
05:29Mais Pierre Boscovici,
05:30dire que la dette est en train d'exploser
05:31tous les responsables politiques,
05:33ou presque, le disent depuis des années.
05:34François Bayrou l'a encore dit
05:35dimanche dernier à la télévision.
05:36On sait que c'est le plus grand défi de la France
05:39et pourtant, il n'y a pas de solution magique.
05:41Vous l'avez, la solution magique ?
05:42Non, je n'ai pas de solution magique.
05:44Mais simplement, je veux dire qu'aujourd'hui,
05:46nous sommes vraiment, vraiment à une cote d'alerte.
05:48Nous sommes dans une situation de dette excessive.
05:51Quand on rembourse près de 100 milliards d'euros
05:53pour sa dette, c'est que ça ne va pas.
05:56Et il faut savoir que si notre dette continue d'augmenter,
05:58à ce moment-là,
05:59il va aussi y avoir une pression sur les taux d'intérêt.
06:01On la paiera plus cher.
06:02Parce que les marchés,
06:04je sais que c'est un gros mot,
06:04mais ce sont simplement les gens qui nous ont prêté l'argent.
06:07Ils nous regardent.
06:08Ils regardent si notre pays est bien géré.
06:10Ils regardent s'il est stable politiquement.
06:12Ils regardent s'il y a des réformes qui se font.
06:14Et c'est possible que les marchés ne fassent plus confiance
06:16à la France dans quelques mois, quelques années ?
06:17Je ne suis pas du tout sur une logique alarmiste.
06:20Je ne suis pas en train de dire que le FMI va arriver.
06:22Je ne suis pas en train de dire que vous allez voir
06:23un programme comme la Grèce d'ajustement.
06:25Mais ce que je constate,
06:26c'est que nos taux d'intérêt sont plus élevés aujourd'hui
06:28que ceux de l'Allemagne,
06:29mais aussi que ceux de la Belgique,
06:31de l'Espagne,
06:31du Portugal,
06:33de la Grèce,
06:34que l'Italie,
06:34qui était largement au-dessus de nous,
06:35se rapproche de nous.
06:36Ce qui veut dire que nous avons un problème.
06:38On nous regarde.
06:39Et nous avons besoin d'être crédibles.
06:41Et vous savez, au fond,
06:42ce que j'essaie de dire,
06:43c'est que c'est un problème de crédibilité
06:44par rapport à nos partenaires européens.
06:45C'est aussi ce qu'on appelle un problème de soutenabilité.
06:47C'est-à-dire comment est-ce qu'on rembourse notre dette
06:49dans l'avenir ?
06:50Elle est à 114% du PIB.
06:52C'est juste après la Grèce et l'Italie.
06:54Elle va monter vers 120,
06:55peut-être 130.
06:56Non, ce n'est pas soutenable pour la France.
06:58Donc, il faut faire des économies structurelles.
07:00C'est très bien.
07:01Mais on se demande où il faut couper.
07:02Les élus locaux, notamment à droite,
07:03disent non,
07:04c'est à l'État de faire des efforts,
07:05ce ne sont pas aux collectivités locales.
07:07Qui doit faire surtout des efforts
07:09en termes de réformes structurelles ?
07:10L'État, les collectivités sociales, la Sécu ?
07:12J'ai envie de dire un peu tout le monde.
07:14Et je vais donner des chiffres
07:15parce que nous ne sommes pas là
07:15pour faire la politique
07:16et à la place des politiques.
07:17Je ne suis pas le gouvernement,
07:18je ne suis pas le Parlement.
07:18Vous êtes là pour faire un diagnostic.
07:19Je fais le diagnostic,
07:20je pose la table ensuite
07:21à eux de faire la cuisine,
07:23si vous voulez.
07:24Mais au bon sens du terme.
07:25Ce que nous constatons,
07:27c'est que vous parliez
07:27de cœur de la dépense,
07:28ce qui a augmenté
07:30ces dernières années,
07:31c'est un fait.
07:32Ce sont les dépenses
07:32des collectivités locales
07:33et les dépenses
07:34des administrations sociales.
07:35Alors que la dépense de l'État
07:36a été, elle, maîtrisée.
07:37Certes, sans réformes structurelles,
07:39mais maîtrisée.
07:39C'est d'abord aux collectivités locales
07:41de faire des efforts.
07:42En tout cas, ce qui est certain,
07:43c'est que cet effort
07:44doit être partagé.
07:45Il doit être partagé par tous.
07:46Autrement dit,
07:46aucun niveau de collectivité publique,
07:49ni l'État,
07:50ni les collectivités locales,
07:51ni la sécurité sociale
07:52ne doivent être à l'écart
07:53de l'effort de la nation.
07:55Il doit être aussi partagé,
07:56me semble-t-il,
07:57au sens social.
07:58C'est-à-dire que ceux
07:59qui peuvent plus
08:00doivent contribuer davantage.
08:02C'est une question d'équité.
08:04C'est une question d'équité
08:05entre les revenus.
08:06C'est aussi une question
08:06d'équité entre les générations.
08:08Et derrière ça,
08:09ce qui se pose,
08:09c'est aussi les questions
08:10que le conclave sur les retraites
08:11a traitées.
08:12Il y a d'autres,
08:12effectivement, en question.
08:13Vous parliez des hausses d'impôts.
08:14Il y a plusieurs personnalités,
08:15notamment de gauche,
08:16qui disent non,
08:16c'est qu'en fait,
08:16on n'a pas assez
08:17de rentrées fiscales.
08:18Il faut augmenter
08:19certains impôts.
08:20On peut le faire.
08:21C'est un tabou encore l'impôt ?
08:23Non.
08:24C'est une solution
08:24où, de toute façon,
08:26si on ne fait pas
08:26de réformes structurelles,
08:27vous dites qu'on ne s'en sortira pas ?
08:28Dans une démocratie,
08:29l'impôt n'est jamais un tabou.
08:31Et réfléchir sur le montant
08:33des impôts
08:33comme réfléchir
08:34sur qui paye les impôts,
08:35sur la justice fiscale,
08:37c'est parfaitement normal.
08:38Simplement,
08:39là aussi,
08:39je voudrais faire une remarque,
08:40toujours un chiffre.
08:41C'est le taux
08:41de nos prélèvements obligatoires.
08:43Il est le plus élevé d'Europe.
08:44Nous sommes à 43%.
08:45La moyenne de nos partenaires
08:46est à 39,8%.
08:47On peut aller au-delà.
08:49Ça veut dire
08:49que nos marges de manœuvre
08:50sont limitées.
08:51Autrement dit,
08:52je dis pas de tabou sur l'impôt.
08:54Naturellement,
08:54il y aura un débat fiscal.
08:56Prétendre qu'il n'y en aura pas
08:56serait un mensonge.
08:58Mais l'essentiel
08:59doit être fait
09:00sur des économies en dépense.
09:03Sur des économies en dépense
09:04qui soient intelligentes.
09:06Et vous savez,
09:06quand on a
09:07près de 57%
09:08de son PIB
09:09qui est consacré
09:09à la dépense publique,
09:11personne ne me fera dire
09:12et personne ne me fera croire
09:13qu'il n'y a pas
09:14d'économie possible.
09:15C'est possible.
09:16Et c'est même possible
09:17et surtout possible
09:18sans dégrader
09:18le service public.
09:19La Cour des comptes
09:19a fait un rapport
09:20il y a quelque temps
09:21sur l'assurance maladie
09:22qui a montré
09:22comment on pouvait
09:23économiser 20 milliards d'euros
09:24sans toucher les assujettis
09:26par de la prévention,
09:28par des économies
09:29sur les transports,
09:30par l'utilisation
09:31de génériques.
09:32Toute une série de choses
09:33où vraiment
09:34on peut faire des réformes
09:34de structure
09:34qui rapportent gros
09:36sans coûter à l'assuré.
09:37Un mot de conclusion,
09:38Pierre Moscovici,
09:38quand on voit
09:39la situation budgétaire,
09:40on se dit que de toute façon
09:40le budget ne passera
09:41qu'avec un 49-3.
09:43On fait comment
09:43des réformes courageuses
09:44avec cette situation
09:45politique actuelle ?
09:46Je ne fais pas de politique
09:48mais j'en ai fait beaucoup.
09:49J'ai des ministres,
09:49parlementaires,
09:50je mesure la très grande
09:51difficulté de la situation.
09:53Mais je veux lancer
09:53un appel aux forces politiques.
09:55La dette publique,
09:57ce n'est pas un problème
09:58de droite ou de gauche.
09:59C'est une difficulté
10:00et pour la gauche
10:01et pour la droite.
10:01Quand vous êtes endetté,
10:03vous, moi,
10:04une entreprise,
10:05l'État,
10:05comment pouvez-vous investir ?
10:07Il faut se désendetter
10:08pour investir.
10:09Sinon, on est étranglé.
10:10Et après,
10:11chacun le fait à sa façon.
10:12Mais moi,
10:12j'appelle à la lucidité,
10:14d'où notre diagnostic.
10:15J'appelle à la pédagogie.
10:16Il faut expliquer aux Français
10:17où on en est.
10:18Et puis,
10:19j'appelle aussi
10:19à la volonté politique.
10:20Et je pense que
10:21si tout le monde
10:22a cette volonté,
10:23on peut discuter
10:24de manière un peu objective
10:24et avancer
10:25et trouver des majorités
10:26qui ne paraissent pas écrites.
10:27Espérons que votre appel
10:28soit entendu.
10:29Merci beaucoup,
10:29Pierre-Roscovici,
10:30premier président de la Cour des Comptes,
10:31invité des 4h20 ce matin.
10:32Belle journée.
10:32Sous-titrage Société Radio-Canada

Recommandations