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Stéphane Jourdain, red. en chef numérique à France Inter, co-producteur du podcast "Histoire secrète de la French touch" Fanny Coral, DJ, co-fondatrice du label « Club the DJ », ex-programmatrice au Pulp. Antoine Baduel, directeur de Radio FG, animateur de l’émission Happy Hour FG de 17h à 20h. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-mercredi-02-juillet-2025-4951031

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00:00France en terre, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:05Débat ce matin sur la French Touch, courant de musique électronique français née dans les années 90,
00:12je fais mon Wikipédia, et ayant conquis la planète entière, pour citer quelques noms,
00:17Daft Punk, Air, Étienne de Crécy, Cassius et beaucoup d'autres.
00:2230 ans après, faut-il inscrire ce courant musical au patrimoine immatériel de l'UNESCO ?
00:28Comme Emmanuel Macron en a formulé l'idée, on va en débattre ce matin avec Fanny Corral,
00:34DJ, cofondatrice du label Club The DJ, ex-programmatrice au Mythic Pulp, club lesbien des années 2000.
00:46Stéphane Jourdain, bonjour.
00:47Bonjour Nicolas.
00:48Rédacteur en chef numérique à France Inter, auteur de French Touch 1995-2015,
00:55une épopée électro au Castor Astral, et producteur avec Mathieu Culleron du podcast de France Inter,
01:03Histoire secrète de la French Touch, diffusée depuis quoi ?
01:08Depuis le 18 juin.
01:09Voilà, c'est ça.
01:11Et on termine avec Antoine Baduel, bonjour.
01:13Bonjour Nicolas.
01:14Vous êtes le directeur de Radio FG, animateur de l'émission Happy Hour FG de 17h à 20h.
01:21Soyez les bienvenus.
01:23Antoine Baduel, c'est à votre micro que le président de la République aimait cette idée d'inscrire la French Touch à l'UNESCO.
01:32C'était prévu ? C'est venu comme ça ? Dans le fil de la conversation, racontez-nous.
01:36Ce n'était pas du tout prévu, on faisait une interview sur la fête de la musique en fait, sur cette France Music Week qu'il avait annoncé l'année dernière sur FG.
01:42Donc petite interview comme ça de bilan de cette première France Music Week.
01:47Et puis juste à un moment, l'idée me vient en fin d'interview de lui poser la question sur finalement comment il réagirait à l'idée d'enregistrer,
01:55plutôt de faire inscrire au patrimoine immatériel de l'UNESCO la French Touch,
01:58au même titre que les Allemands ont fait la démarche, pour que la techno berlinoise figure également au patrimoine de l'UNESCO.
02:07Réponse présidentielle ?
02:08Et là, réponse présidentielle, j'y suis favorable.
02:11Pourquoi pas ? Même plutôt oui, on a été les pionniers dans les musiques électroniques.
02:15Et j'y suis favorable surtout parce qu'il y a des artistes historiques parmi lesquels Jean-Michel Jarre qui figurent.
02:22Donc effectivement, j'ai trouvé que c'était très intéressant et ça permet surtout de lancer le débat.
02:28Je vois que Fanny bouillonne !
02:31Elle lève la main et elle dit non, non, non, non, non.
02:35Expliquez-nous votre position.
02:37Non mais moi, ce qui me choque profondément, c'est cette idée qu'on a été les pionniers dans les musiques électroniques.
02:42Il faut arrêter le délire.
02:43En 1983, il y avait quand même Juan Atkins qui créait un label qui s'appelle Metroplex.
02:49Et à Détroit, il y avait des Noirs, la minorité noire, souvent gay, qui inventait cette musique 10, 12 ans avant que...
02:58que la French Touch existe.
03:00Donc quand M.
03:00M.
03:01Macron me dit qu'on a inventé la musique électro, c'est quand même un truc d'appropriation culturelle qui est extrêmement problématique.
03:09Il parlait de Jean-Michel Jarre qui était déjà un artiste de musique électronique.
03:13Et puis évidemment...
03:14C'était Jean-Michel Jarre qui devait rentrer à l'UNESCO ?
03:16Non mais moi, attendez, mais je pense qu'il faut, à mon avis, de mon point de vue, si on commence à vouloir faire entrer la French Touch de 1995 à 2015, grosso modo, de cette époque-là, moi je pense que c'est une erreur.
03:31La French Touch, c'est un courant qui vit toujours.
03:33Voilà, c'est ça le vrai débat.
03:33Moi je pense que le vrai débat, si on commence à vouloir enregistrer, inscrire Daft Punk et Cassius et Étienne de Crécy, c'est super, mais là c'est une panthéonisation.
03:44C'est pas ça la démarche.
03:45La French Touch, c'est un mouvement qui vit.
03:48Aujourd'hui, moi ce que je trouve passionnant, c'est que c'est un mouvement...
03:51La question, c'est de savoir si on en est à la French Touch 2 ou à la French Touch 3.
03:55Je pense qu'il faut déjà repartir un peu sur les fondamentaux.
03:58C'est une musique qui est née de l'underground.
04:00Et ça, là-dessus, elle est née dans les communautés et elle est née dans l'underground.
04:04Et je pense que c'est aussi pour ça que cette musique...
04:06Y compris en France ?
04:07Mais bien sûr, surtout en France, parce que contrairement à l'Allemagne, où c'était la musique de la réunification,
04:13où finalement deux jeunesses, de l'Est et de l'Ouest, s'appropriaient mutuellement un nouveau courant pour en faire un vrai courant générationnel.
04:20En France, il est né dans la répression.
04:22Ça, il faut vraiment en être conscient.
04:24On subissait les affres d'une répression policière qui était terrible.
04:28C'est pour ça qu'il y a une telle culture aussi.
04:30Et ça continue la répression, désolé.
04:31Et tu as bien raison de le souligner.
04:34Et je pense que justement, on a régressé sur le dialogue entre les organisateurs et les forces de l'ordre et c'est regrettable.
04:39Mais je pense que cette musique, qui au départ était vraiment née de l'underground,
04:43c'est indissociable de la French Touch parce que ça en a fait une scène plus exigeante,
04:48avec quand même une volonté toujours de produire des morceaux de qualité.
04:54C'est vrai que ça a été très différent de la dance qu'on pouvait justement observer ou écouter en Allemagne ou en Angleterre.
05:00Et surtout, une scène musicale qui ne cesse de se régénérer.
05:05Et c'est ça qui est intéressant.
05:06Aujourd'hui encore, il y a plein d'artistes.
05:08J'ai besoin de Stéphane Jourdain, de son analyse, de sa distance peut-être sur ce sujet brûlant.
05:17Vous en pensez quoi alors ?
05:19Sur le parallèle avec la techno berlinoise que fait Emmanuel Macron, il est intéressant.
05:23L'association qui a déposé un dossier à l'UNESCO pour sauvegarder la techno berlinoise,
05:27elle défend la culture techno à Berlin.
05:30Et la première phrase du dossier pour pousser cette proposition, c'est défendre les clubs.
05:34Parce que les clubs berlinois, qui sont une institution, il y en a des dizaines,
05:38ils sont mis à mal, mis en danger par les promoteurs immobiliers.
05:41Il y a des clubs qui ferment tous les ans.
05:43Le Berghain, le Sisypho se sont menacés actuellement par des projets immobiliers.
05:47Là, il y a vraiment quelque chose à préserver.
05:49Donc il y a quelque chose qui se joue.
05:51Alors que la French Touch, elle est dans toutes les pubs, elle est dans tous les clubs, elle est partout.
05:55Les artistes se portent bien.
05:56DJ Snake, David Guetta sont parmi les artistes les plus streamés au monde.
05:59Donc ne les mettons pas dans le format, c'est ce qui pourrait leur arriver de pire aujourd'hui.
06:03alors qu'ils sont en pleine santé.
06:05Oui, mais on ne peut pas résumer la scène musicale au blockbuster.
06:08On a plein d'artistes émergents qui, aujourd'hui, font autant partie de la French Touch.
06:12Et qu'est-ce que ça va leur faire que l'UNESCO parle d'eux et de leur nom ?
06:15Moi, je pense qu'aujourd'hui, la question...
06:17Alors attention, remettons les choses à leur place.
06:20C'est Antoine Baduel qui parle.
06:21Je pense qu'aujourd'hui, comparaison n'est pas raison.
06:25La techno berlinoise, elle a été effectivement faite pour promouvoir le tourisme,
06:30défendre les clubs et inciter les gens à venir.
06:32La scène française, elle ne se caractérise pas par une ville.
06:36On ne va pas à Paris pour écouter David Guetta.
06:38On l'a écouté le...
06:39Mais à France, c'est David Guetta et DJ Snake ?
06:43Bah aussi.
06:44Autant que des artistes émergents.
06:45C'est les artistes français.
06:46Et ils font rayonner la musique française à l'international.
06:49Oui, mais bon...
06:49Moi, je pense qu'il faut avoir une ville.
06:50Voilà, dans le super-overground, quand même.
06:52Il y a tout un monde autour.
06:54Bien sûr.
06:54Et ils en font autant partie.
06:55Il y a des artistes, Flore, Dina Abdelwahed.
06:59Toute une musique qui est créatrice, innovatrice.
07:03Et qu'on voit moins, qu'on entend moins.
07:05Qu'on entend moins, mais qui sont aux nuits sonores et qui rayonnent à l'international dans d'autres réseaux.
07:11Mais bon, voilà, si on pouvait essayer d'englober tout, parce que c'est ça le problème.
07:14Mais il le faut, Fanny.
07:15Il faut qu'on les englobe.
07:17Il y a un storytelling, si jamais ça y va, il y a un storytelling autour de la French Touch qui doit être redéfini.
07:22Aujourd'hui, la French Touch, et on le voit même avec votre excellent podcast qui est en ce moment sur la radio,
07:30c'est qu'en fait, ça se définit entre, grosso modo, chaque fois on parle d'une bande de 20 garçons.
07:36Que des garçons.
07:37Et des bourges.
07:38Et des bourges, oui, on est d'accord.
07:40Enfin, c'est des garçons qui sont issus, qui ont, on va dire, un capital culturel.
07:44Voilà.
07:45Voilà, monsieur Bourdieu.
07:46Et qui vont, voilà, occuper le devant de la scène.
07:52Et quand on parle de French Touch aujourd'hui, ça se limite à peu près à ces 20 garçons, quoi, là.
07:56Et en fait, si on va vers ça, si on va vers l'UNESCO, il faut complètement changer le storytelling de qu'est-ce que c'est la French Touch.
08:04Et sortir d'alors.
08:06Toi, tu fais rentrer David Guetta, c'est-à-dire tout l'Over Grand Dance.
08:11Mais Fanny, autant que les jeunes talents, ils ont tous leur place.
08:14On ne va pas citer une liste de 1000 personnes.
08:16Non, non, surtout pas.
08:17Moi, je voudrais juste une liste de quelques femmes.
08:21Est-ce qu'elles sont, comment dire, on les a effacées de l'histoire officielle de la French Touch ou pas ?
08:29Oui, parce qu'avant, mais bien sûr, à l'époque, au début des années, au début des années 80...
08:32Tu prends les 10 artistes les plus importants, les 10 DJ les plus importants, t'as pas de femmes, tu peux pas réécrire l'histoire.
08:37C'est pas de notre vœu.
08:39Mais en fait, le problème, c'est qu'un succès commercial ne fait pas une culture, les amis.
08:44Bien sûr.
08:45Tu vois, et en fait, on s'arrête au succès commercial des têtes de gondole.
08:49Mais à l'époque, il y avait quand même, il y avait Roussia, il y avait Barbara Power, il y avait Sextoy, il y avait plein de filles qui jouaient.
08:57Et c'est toujours pareil, c'est qu'est-ce qu'on raconte ?
09:01On sait très bien que les femmes ont été effacées de l'histoire, de l'art, de partout.
09:04Donc si on a envie de les réhabiliter, on peut recommencer à parler d'elles.
09:07Et après, il y a eu le pulp, et le pulp, il y a plein de meufs qui sont sortis du pulp.
09:11Mais pourquoi ? Parce qu'il y avait une volonté.
09:12Qu'est-ce que c'était bien, le pulp ?
09:14Il y avait une vraie volonté de les pousser.
09:15Ça me rappelle la jeunesse.
09:16On a fait des bêtises.
09:18Qu'est-ce que je voulais dire ?
09:19Formole est un mot qu'a prononcé Stéphane Jourdain pour parler de l'UNESCO.
09:26Je suis désolé.
09:27Vous le recevez comment, Antoine Baduel ?
09:29Moi, je le reçois, en fait, je ne le reçois pas.
09:32Parce que si on parle de Formole, ça veut dire qu'on circonscrit, encore une fois,
09:35cette French Touch à une époque et à des gens et à un certain nombre d'artistes.
09:39Et je pense que c'est exactement ce qu'il ne faut pas faire.
09:42Si on fait ça, moi, je ne suis pas favorable du tout à ce que ce soit inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO.
09:47D'abord, pour moi, si on veut inscrire ce mouvement,
09:50c'est parce qu'il traduit quelque chose, il exprime quelque chose de très différent de Berlin.
09:55Nous, on a des artistes qui circulent à travers le monde.
09:57Ce que disait Fanny, elle a raison, c'est que nos artistes, aujourd'hui,
10:00circulent dans des réseaux qui sont très différents.
10:02Ils peuvent circuler, effectivement, dans des gros festivals,
10:04dans des festivals plus pointus, dans des petits clubs.
10:07Et aujourd'hui, cette scène, ce qui la caractérise, c'est sa diversité.
10:10Et s'il y a bien une chose, en 25-30 ans, qu'on a réussi à faire,
10:14c'est que cette scène est beaucoup plus mixte, elle est beaucoup plus diverse.
10:18En revanche...
10:18Merci Fanny.
10:19Merci Fanny et merci toutes celles et ceux qui, aujourd'hui, se battent pour cette scène.
10:24Nous, sur Radio FG, on est vigilants, très attentifs.
10:27Moi, par exemple, dans mon émission, au moins une fois par semaine, idéalement deux,
10:31j'ai des femmes DJ qui viennent.
10:32On pousse toujours la diversité des esthétiques musicales, des gens musicaux, des artistes.
10:38C'est déterminant.
10:41Et aujourd'hui, je pense qu'il caractérise cette scène musicale, c'est sa diversité.
10:45Mais est-ce que vous pouvez me citer une retombée positive du classement de la French Touch
10:49au patrimoine immatériel de l'UNESCO ?
10:52Pourquoi est-ce que vous voulez que ce soit comme le chant polyphonique corse ou géorgien
10:56inscrit au patrimoine immatériel de l'UNESCO ?
10:58Allez, ce sera la dernière réponse.
11:00Je pense qu'aujourd'hui, ça participe d'un rayonnement international de la France
11:04au même titre que la mode, au même titre que la gastronomie.
11:06Oui, le repas gastronomique français.
11:08Et je pense qu'à partir du moment où nos artistes sont mieux exposés,
11:12la musique est devenue mondiale aujourd'hui, Stéphane.
11:14Elle s'écoute sur les plateformes de streaming.
11:16Et à partir du moment où tous les artistes français électroniques...
11:19UNESCO ou non ?
11:20Ben, UNESCO ou non, mais c'est un symbole.
11:22Et je pense qu'aujourd'hui, les symboles sont importants.
11:24À partir du moment où nos artistes ont plus de visibilité,
11:26c'est tant mieux parce que ça les fait rayonner à la France.
11:28Impossible d'interrompre un homme de radio, Antoine Baduel,
11:37directeur de FG, animateur de l'émission Happy Hour FG de 17h à 20h.
11:42Merci à Stéphane Jourdin de la rédac numérique d'Inter.
11:46Et merci à Fanny Corral d'avoir été à notre micro ce matin
11:50ou d'avoir programmé au Pulp il y a un certain temps.
11:54Merci beaucoup à suivre Léa.
11:56Sous-titrage Société Radio-Canada

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