Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • hier
Le journaliste et éditorialiste Alain Duhamel était l'invité de Sonia Devillers ce mercredi. Il prend sa retraite jeudi soir, après plus de 60 ans de carrière. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-02-juillet-2025-6845702

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Il est 7h49, Sonia De Villers, votre invité est journaliste politique et essayiste, il prend sa retraite demain soir.
00:13En France, un homme, un seul, a travaillé à l'ORTF, à Antenne 2 et à BFM TV, à Europe 1 et à RTL bien sûr, au Monde, à L'Express, à Témoignages Chrétiens, aux Nouvelles Économistes,
00:25au Quotidien de Paris, aux dernières Nouvelles d'Alsace, au Point, à Libération et à Nice-Matin.
00:30Il est né sous la Troisième République, il a débuté dans le métier alors que naissait la Cinquième République.
00:37Il en est devenu l'éditorialiste phare, 11 élections présidentielles et 8 présidents sont passés, il est resté.
00:44Apparemment c'est Madame qui s'est fâchée à 85 ans, il serait temps d'arrêter.
00:50Bonjour Alain Duhamel.
00:52Bonjour.
00:52En six décennies de carrière, vous avez eu le temps de vous forger de solides mythologies,
00:57celle d'abord d'une vie millimétrée, levée aux aurores, 5 heures de lecture par jour,
01:02la revue de presse, toujours dans le même ordre, l'écriture heure fixe.
01:06Alors ma question, elle est la suivante.
01:08Est-ce que ça fait peur de s'arrêter ?
01:10Est-ce que ça fait peur de perdre cette colonne vertébrale de la vie quotidienne ?
01:16Écoutez, non parce que je continuerai à lire des journaux, j'en lirai un peu moins.
01:20Je continuerai à en lire, je continuerai à écrire des livres, je continuerai...
01:27Oui, mais enfin j'en lis toujours beaucoup, heureusement, parce que ça équilibre les journaux.
01:34Et puis, j'aurai encore des activités, simplement.
01:37Je passerai de ce qui est une profession à ce qui est simplement un plaisir de divertissement.
01:46Ça n'est pas la même chose.
01:48Autre mythologie, elle est solide celle-là.
01:50Vous êtes surnommé l'intervieweur des présidents.
01:53Non, en réalité, il vous en manque deux.
01:56Oui, absolument.
01:57Lesquels ?
01:58Les deux premiers.
02:00Le général de Gaulle, que j'ai vu prononcer son fameux discours du 4 septembre de la place de la République en arrivant à 6h du matin,
02:09pour être sûr de l'entendre.
02:12Même s'il fallait écouter d'abord d'autres discours préalables qui étaient moins grandioses.
02:18Et puis, Georges Pompidou, que lui, j'ai connu, qui m'a reçu en tête à tête.
02:24J'étais un peu trop jeune pour l'interviewer, puisque je n'avais pas 30 ans.
02:28Et qu'à l'époque, on considérait qu'un journaliste de moins de 50 ans n'était quand même pas vraiment un journaliste.
02:33Alors, un journaliste de 85 ans, c'est vous.
02:35Aujourd'hui, pour votre dernière en quotidienne sur BFMTV, vous recevrez demain le Premier ministre, François Bayrou.
02:41Il s'est engagé en politique aux côtés de Jean Le Canuet.
02:46Il a été ministre il y a déjà 30 ans.
02:48Lui qui vous a valu une suspension d'antenne.
02:52Lui, François Bayrou, en 2012, lors d'une conférence à Sciences Po, vous dites que vous allez voter pour lui.
02:57Ça fait scandale.
02:58Toute la presse s'en mêle.
03:00France 2 et RTL vous mettent à pied.
03:03Manifestement, vous ne lui en voulez pas.
03:06Bon, non, lui n'y est pour rien.
03:08Mais est-ce que pour vous, c'est une erreur que vous avez commise à cette époque-là ?
03:13Est-ce que c'est un regret ?
03:13Je ne veux pas passer trop de temps là-dessus.
03:15Mais ce n'est pas comme ça que ça s'est passé en réalité.
03:18Ce n'était pas une conférence, c'était un débat.
03:20C'était un débat avec Marielle de Sarnez qui était le bras droit de François Bayrou.
03:24C'était pendant le début de la campagne européenne de Bayrou.
03:27Et moi qui suis d'abord un Européen, je trouvais que Bayrou, qui était pourtant un centriste,
03:31n'était dans sa campagne pas assez européen.
03:34Donc, il avait raté sa campagne.
03:35Donc, il avait raté et c'est ce que j'avais dit.
03:38Et j'avais laissé, ce qui était stupide, glisser.
03:41Mais parce que je voyais les étudiants désespérés, je disais, mais oui, je voterais quand même pour lui.
03:45Je n'imaginais pas que ça pouvait être enregistré parce qu'à l'époque, ça ne se faisait pas.
03:51Ça l'a été et ils ne l'ont pas diffusé.
03:53Ils ne l'ont diffusé que pendant la campagne.
03:56Ça m'est retombé sur le nez, tant pis pour moi.
03:57Ce qui m'intéresse là-dedans, c'est qu'est-ce qu'un éditorialiste en France ?
04:01Et jusqu'où peut aller un éditorialiste en France, vous qui êtes un grand éditorialiste ?
04:06Je pense que chaque éditorialiste, au moment des élections, implicitement laisse passer des préférences.
04:13Et je crois d'ailleurs que c'est difficile de faire des papiers des éditoriaux,
04:17a fortiori en pleine campagne, sans qu'il y ait des sensibilités qui émergent.
04:22Et je dirais, c'est très bien.
04:24Parce qu'un éditorialiste assume.
04:27Et puis qu'il y ait un éditorialiste politique qui, en période de campagne, n'aurait pas d'idée politique,
04:33ça serait quand même un peu paradoxal.
04:36Et donc, s'il s'agit d'être éditorialiste en disant, je suis éditorialiste,
04:41bon, le Parti communiste est à 5%, donc je parlerai 5% du Parti communiste.
04:46Le Rassemblement national, maintenant, est à 33%, alors je donnerais 33% de mon temps.
04:50C'est grotesque.
04:51On a déjà dit, on a déjà dit, taisez-vous Elkabash.
04:54Elkabash.
04:55On n'a jamais dit, taisez-vous du Hamel.
04:58Pourquoi ?
04:59Parce que quand je formais un couple audiovisuel avec Jean-Pierre Elkabash, il y avait le blond et le brun,
05:07il y avait le bourgeois et le moins bourgeois, il y avait des styles différents.
05:14Et que quand il y avait des attaques personnelles, à commencer par marcher, ça se concentrait plutôt sur lui.
05:20C'était comme ça, d'ailleurs, il le savait, on en riait, et c'était absolument méthodique.
05:26Et alors, quand on a allé interroger, comme ça nous est arrivé souvent, un chef d'État arabe, par exemple,
05:32puisque déjà c'était la grande question en politique étrangère, c'était régulièrement.
05:37Il se prenait une phrase désagréable.
05:39« Vous êtes né modéré, semble-t-il.
05:42Vous avez vieilli modéré, radicalement modéré, écrit Eugénie Bestier du Figaro,
05:48qui l'est moins, elle, modéré.
05:50Et je me suis posé la question, qu'est-ce qui explique votre succès ?
05:54Parce que de tout temps, les forts en gueule ont toujours eu plus de chances de percer que les modérés. »
06:01A fortiori, chez les éditorialistes, les éditorialistes les plus brillants sont les éditorialistes les plus ostensiblement engagés.
06:08Évidemment, c'est bien plus facile d'être un polémiste de Eugénie que d'être d'abord un analyste.
06:14Bon, je veux dire, mon tempérament, j'essaye d'une part ce qui est quand même relativement rare chez les éditorialistes politiques.
06:23Bien entendu, ça va de soi pour les éditorialistes économiques, qui sont bien plus réfléchis,
06:26mais pour les éditorialistes politiques, pour briller, il faut polémiquer.
06:35Bon, moi j'essaye, c'est ce qui est monstrueusement orgueilleux de dire ça, j'essaye d'être à peu près équitable.
06:42Équitable, ça ne veut pas dire que je n'ai pas de préférence, ça ne veut pas dire que je traite tout le monde de la même façon,
06:47mais j'essaye d'être équitable et j'essaye d'être réfléchi.
06:51Alors, je reconnais, c'est moins brillant.
06:53Alors, vos références, votre grille de lecture, vos catégories que vous, vous êtes forgées au XXe siècle,
06:59sont-elles toujours opérantes aujourd'hui ?
07:02Je vous pose la question, parce qu'en 2007, vous écrivez ce fameux livre,
07:06Les Prétendants, qui comporte une omission magistrale, Ségolène Royal,
07:11quelques années après, vous dites au journal Le Monde, c'était volontaire.
07:15J'ai horreur de cette démocratie d'opinion qui crée un climat d'illusion protestataire.
07:20On est 20 ans après et on a l'impression que l'illusion protestataire, elle est partout.
07:24Mais je pense que ce que je redoutais est arrivé.
07:28C'est-à-dire que je pense qu'aujourd'hui, sans qu'on en ait conscience,
07:31on est passé de la démocratie représentative à la démocratie d'opinion.
07:36C'est-à-dire à l'expression chaotique de réflexes, de pulsions,
07:42évidemment entretenues par les réseaux sociaux,
07:44mais correspondant aussi à l'ère du temps, au désenchantement,
07:48aux distances avec les idéologies classiques,
07:51il y a à la fois un désengagement et une éruption de mécontentement contradictoire et simultané.
07:58Et c'est le triomphe de la démocratie d'opinion.
08:02C'est-à-dire qu'il y a de moins en moins de réflexions politiques
08:05et de plus en plus de turbulences, de rejets, de polémiques et de superficialité.
08:11Alors ça, je reconnais, c'est typiquement une réflexion vieux monsieur.
08:16Mais il assume, comme ses éditoriaux, il les assume.
08:19Question rituelle, quand soudain on regarde derrière soi avec 62 ans de carrière,
08:23j'aimerais un souvenir difficile, peut-être douloureux et un souvenir heureux.
08:27Alors le plus désagréable, ça a été l'histoire Clavel.
08:35Bon, messieurs les censeurs, bonsoir, parce que c'était l'ORTF,
08:40détestable institution, je le dis au passage,
08:43et qui, quand je l'ai connue pendant les cinq dernières années,
08:46était sur le plan de la liberté politique, une caricature.
08:50C'était espagnol, de l'Espagne de l'époque.
08:52Bon, et l'histoire Clavel,
08:57Clavel qui était un polémiste brillant, mais un polémiste,
09:01traité, Pompidou, président en exercice,
09:05d'aversion pour la résistance, qui était mensonger.
09:09On aurait pu dire qu'il n'avait pas été un héros, ça c'était vrai, mais bon.
09:13Et l'Elysée avait exigé de l'ORTF,
09:17qui avait exigé de, que, on retire le mot,
09:20et moi j'avais été voir Clavel, je lui ai dit, on va retirer le mot,
09:23et après, on va le dire à l'antenne, et on va s'expliquer.
09:26Et moi je dirais pourquoi, je dirais que c'est un ordre.
09:29Alors, souvenirs heureux, et il faut finir, on est très en retard.
09:33Souvenirs heureux, Alain Duhamel.
09:37Souvenirs heureux à la télévision,
09:39je dirais qu'il y a quand même eu
09:43quatre plaisirs et demi au moment d'annoncer les résultats,
09:52puisque je faisais à l'époque les premiers commentaires après,
09:54des élections présidentielles sur onze.
09:58Et débrouillez-vous avec ça !
10:00Merci Alain Duhamel, merci beaucoup.
10:03Et merci beaucoup Sonia de Villers.

Recommandations