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  • 30/06/2025
Une comparaison trop souvent faite, bien qu’elle n’ait aucun sens, consiste à comparer la gestion d’un Etat avec celle d’un ménage. Elle sert à justifier l’impossibilité pour le premier d’avoir une dette publique puisque « chacun sait bien » qu’un ménage doit rembourser la sienne. Cette assimilation entre un agent économique, l’Etat, qui n’a pas un horizon fixé et peut toujours renégocier indéfiniment sa dette et un ménage qui ne peut pas le faire, vise à rendre crédible le discours libéral qui se sert de l’existence d’une dette publique et du refus d’augmenter les impôts pour justifier la baisse de la dépense publique qui serait le seul moyen de rembourser cette dette. [...]

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00:00Une comparaison trop souvent faite, bien qu'elle n'ait aucun sens, consiste à comparer la gestion
00:14d'un état avec celle d'un ménage. Elle sert à justifier l'impossibilité pour le premier d'avoir
00:21une dette publique, puisque chacun sait bien qu'un ménage doit rembourser la sienne. Cette
00:27assimilation entre un agent économique, l'État, qui n'a pas un horizon fixé et peut toujours
00:34renégocier indéfiniment sa dette, et un ménage qui ne peut pas le faire, vise à rendre crédible
00:41le discours libéral qui se sert de l'existence d'une dette publique et du refus d'augmenter
00:46les impôts pour justifier la baisse de la dépense publique qui serait le seul moyen de rembourser
00:52cette dette. Cette erreur de raisonnement est également faite quand on justifie cette réduction
00:57par l'écart insupportable entre le salaire brut et le salaire net. Pour en déduire,
01:03en le présentant comme une démonstration, que cet écart traduit l'impasse du financement
01:08de notre modèle social et induirait un coût salarial pour les entreprises nuisant à
01:14leur compétitivité. C'est ce que dit par exemple Denis Oliven dans son livre « La France
01:20doit travailler plus ». Quand il écrit « Travailler plus pour gagner moins, voilà
01:25la martingale maudite du désarroi français ». Cette martingale maudite fait que, comme
01:31l'explique Pierre Cahuc, grand défenseur du libéralisme, travailler en France rapporte
01:37beaucoup plus aux autres qu'à soi-même. Et les choses iraient de mal en pi, comme le montre
01:42l'évolution du salaire moyen, pour lequel, pour 100 euros gagnés, le salarié en conserverait
01:4869 en 1968, 60 en 1987 et 54 euros aujourd'hui. La conclusion qu'on en tire se veut imparable.
01:59Qu'on baisse les dépenses sociales ou qu'on réduise drastiquement les dépenses publiques,
02:04il faut revoir la rémunération du travail en réduisant cet écart entre salaire brut et
02:10salaire net, pour convaincre les Français de travailler plus. Un chiffre est particulièrement
02:16convaincant pour ceux qui défendent cette politique. C'est l'évolution de nos dépenses publiques
02:21qui sont passées de 46 à 57 % du PIB, soit 310 milliards d'euros de dépenses supplémentaires
02:29chaque année. Et tout cela, abomination, pour des dépenses de protection sociale. Il ne vient
02:37pas à l'esprit de ceux qui tiennent ce raisonnement de voir que si on allait jusqu'au bout, en partant
02:43de ce niveau individuel du salarié, c'est-à-dire qu'on réattribuait ces 310 milliards au salarié,
02:51ce salarié aurait certes vu son écart entre salaire brut et salaire net réduit. Mais dans
02:56le même temps, les dépenses sociales correspondantes qu'il finançait n'existeraient plus. Dès lors,
03:02ce salarié devrait malgré tout continuer à payer l'éducation de ses enfants, mettre
03:07de côté en cas de coup dur, prendre des assurances pour se payer des soins, épargner pour sa
03:12retraite et bien d'autres services publics qui sont justement financés par l'écart
03:16entre le brut et le net. Et puisqu'il n'y aurait plus de services publics, leur privatisation
03:22ne pourrait que les rendre plus onéreux. Pour ne prendre que l'exemple de la santé,
03:26les dépenses que les Américains y consacrent dans un système largement privatisé représentent
03:3216,6% de leur PIB, contre 12,7% en France, où existe encore un service public. A la fin,
03:41on aurait une réduction des revenus que le salarié pourrait consacrer à d'autres
03:45dépenses. Autrement dit, l'écart entre le brut et le net finalement disponible serait
03:51non pas réduit, mais bien au contraire augmenté.

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