00:02Alors ce matin, vous l'avez peut-être expérimenté vous-même, c'est devenu quasiment impossible dans de nombreuses régions de consulter un dermatologue.
00:09Il y a en effet une forte pénurie de médecins en général, mais certains professionnels sont pointés du doigt pour le temps qu'ils accordent à la médecine esthétique.
00:18Alors je reprends ici une intéressante enquête de mon confrère Yann Elisalte de l'Opinion qui s'est intéressé à ces délais interminables,
00:24parfois un an pour obtenir un rendez-vous chez un dermato.
00:27Alors il y a une chose pas nouvelle, c'est la pénurie de praticiens, 4 pour 100 000 habitants, quand il en faudrait 5 ou 6.
00:33En Ile-de-France, on en compte moins de 600 et dans certains départements, il n'y en a plus un seul en activité.
00:39Alors ils ne sont pas nombreux, assez nombreux, c'est un fait, mais il y a un autre problème qui gratte, qui démange, c'est qu'ils font de plus en plus de médecine esthétique.
00:48Alors ce sont les injections de Botox ou d'acide hyaluronique.
00:51Les ingrédients de la quête de la jeunesse éternelle, alors c'est tout à fait légal, ils en ont le droit, même si ça ne fait pas partie,
00:57des pratiques remboursées par la sécurité sociale.
00:59Alors parfois la dermatologie esthétique sert pour soigner les séquelles de maladies de peau visible,
01:04mais parfois on parle de soins qui n'ont rien d'essentiel effectivement, comme le Botox.
01:08Le problème, selon l'ordre des médecins, c'est que le volume horaire que les dermatos y consacrent est disproportionné
01:14au détriment de ceux qui ont besoin de véritables soins médicaux.
01:17Et pour cause, c'est très rémunérateur.
01:19300 euros l'injection de Botox contre 30 pour une consultation classique, c'est tentant, il n'y a pas photo.
01:2510% des dermatos ne font d'ailleurs que ça, et les deux tiers des 2880 dermatos de France
01:30pratiquent d'une façon ou d'une autre la médecine esthétique.
01:33Bon, les pouvoirs publics ont-ils conscience du problème ?
01:35Mais oui, ils décrivent l'inversion des priorités créées par cette situation.
01:39Le ministre de la Santé, Yannick Noder, s'en est récemment indigné devant les journalistes spécialisés.
01:44Je cite, quand vous allez sur Doctolib et que vous cherchez un rendez-vous pour vous faire examiner un grain de beauté
01:49sur lequel il y a un soupçon de mélanome, il faut attendre 9 mois.
01:52Mais si vous cochez médecine esthétique, sous-entendu injection de Botox, c'est 15 jours, voire une semaine.
01:58Il y a effectivement quelque chose à remettre un peu à l'endroit.
02:00Vous connaissez le truc, demander du Botox pour le mélanome.
02:03Qu'est-ce que les pouvoirs publics peuvent faire pour que les dermatologues fassent de la dermatologie médicale ?
02:08Alors, il y a ce qui découlera de la fin du numerus clausus de formation des médecins,
02:12mais ça va prendre au moins 10 ans. Ben oui, c'est long de former un médecin.
02:15D'autant que pour remplacer ceux qui partent et faire face au nouveau rapport au travail,
02:19il faut former presque deux médecins pour en remplacer un seul.
02:21Puis il faut aussi ouvrir des postes dans les hôpitaux de Paris.
02:24Par exemple, il y a 16 postes d'interne en dermato, il en faudrait plus de 100 pour que ça soit suffisant.
02:30Alors, le ministre de la Santé veut en attendant tenter la négociation avec la profession
02:35pour que la dermatologie esthétique reste minoritaire dans l'emploi du temps des dermatos.
02:39Un jour par semaine, par exemple, pas plus.
02:41Mais il marche sur des oeufs parce que s'il y va trop fort, s'il limite trop la pratique lucrative,
02:46le risque, c'est que les médecins se déconventionnent de la sécu et ne fassent plus que du Botox.
02:51On aboutirait à l'exact inverse de les faire chercher.
02:54L'accès à la dermatologie médicale pour les patients se réduirait un peu plus comme peau de chagrin.
02:59Signature Europe 1, Emmanuel Ducro, merci beaucoup Emmanuel.
