00:00Gilles Villeneuve, qu'est-ce qui compte le plus pour vous, à part la course?
00:08Ce qui compte le plus, ce sont mon épouse et mes enfants, sans aucun doute.
00:14Ils vous suivent, je pense, partout en Europe. Ils sont avec vous?
00:19Oui, je demeure temporairement sur la Côte d'Azur. Et puis, pour aller à tous les circuits, j'ai acquis un énorme motorhome américain, avec lequel j'ai un ami qui le conduit sur tous les circuits.
00:35Et puis, une fois, moi, j'y arrive par avion. Et plus souvent qu'au Romain, nous avons demeuré dans le motorhome, plutôt que d'aller coucher à l'hôtel, comme font la majorité des pilotes.
00:44Est-ce qu'il y a d'autres pilotes qui font ça, qui ont une maison mobile?
00:48Je pense que non cette année, mais je pense que l'an prochain, il y en a quelques-uns qui ont trouvé l'idée pas mal.
00:54C'est bien dans le sens que, de toute façon, les motorhome qu'on a en Amérique, c'est comme le confort au foyer.
01:03Et puis, ça s'empêche d'avoir à aller au circuit le matin, à se lever à 6 heures le matin, déjeuner plus souvent qu'autrement, les restaurants le matin en Europe, c'est pas ouvert.
01:12Moi, j'aime déjeuner, les Européens, peut-être pas.
01:16Et puis, ça évite d'être dans l'embouteillage pendant une heure ou deux heures, puis se rendre au circuit.
01:21Et la même chose le soir, après les essais, vers 4 heures, si on veut, pour rentrer à l'hôtel, ils viennent toujours des embouteillages et tout.
01:27Moi, ça m'évite tout ça. Ça me permet de me lever plus tard et puis d'avoir une vie de famille avec mes enfants.
01:32La majorité des autres pilotes sont Européens. Il y en a un ou deux d'Amérique du Sud.
01:40Et je pense que la mentalité est différente.
01:43Plusieurs d'entre eux ont été peut-être élevés avec une bonne à la maison qui prenait soin d'eux.
01:49Et alors, eux font pareil avec leurs enfants. Ils ont une bonne à la maison.
01:52Mais moi, c'est absolument pas concevable dans mon esprit d'avoir une bonne qui s'en récupérer à la semaine longue à la maison.
02:00C'est pas la façon dont on voit les choses.
02:02Alors, la seule façon de pouvoir les amener, c'est d'avoir un motorhome au circuit.
02:06Parce que les enfants à l'hôtel, c'est impensable.
02:08J'aime bien chez moi, c'est plus vite fait, c'est plus simple.
02:10J'aime pas de passer des heures dans un restaurant à manger.
02:15Et puis, surtout en Europe, je trouve pas la nourriture aussi à mon goût qu'en Amérique.
02:21Nous avons découvert du pain qui est fait avec du blé canadien,
02:25et qui ressemble assez bien au pain chimique que nous avons aujourd'hui au Canada, si on veut.
02:30Et vous l'achetez à Cannes, ce pain-là?
02:33Oui, c'est vendu en sud de la France.
02:35Alors, vous vivez en temps ordinaire avec votre famille à Cannes et vous travaillez en Italie.
02:41Ben, travailler, c'est beaucoup dire.
02:43Oui, durant l'hiver, on fait beaucoup d'essais.
02:45Mais durant la saison, j'y vais une fois tous les deux semaines,
02:48juste pour faire quelques tours avec la voiture,
02:50avant qu'elle monte dans le camion pour se rendre au circuit, pour voir si tout va bien.
02:53Ça vous prend combien de temps pour faire le trajet Cannes-Modennes?
02:57Ben, pas beaucoup de temps comparé à la distance.
02:59Si on pense à la distance, parce qu'il y a 500 km, qui fait 310 000, je pense, environ.
03:05Et ça me prend environ 3 heures et 3 quarts.
03:08Et c'est pas l'autoroute partout.
03:10Mais ils ont pas la limite stupide que nous avons ici de 100 km heure maintenant sur les autoroutes.
03:15La limite, je pense, c'est 140 km heure.
03:19Alors, ça permet d'avoir une moyenne qui est beaucoup mieux.
03:22Une moyenne de combien?
03:23Sur ce trajet-là?
03:24Bon, ça fait une moyenne d'environ 140 km heure, mais...
03:27Mais vous devez la dépasser, la limite de vitesse, non?
03:30À peine.
03:32Est-ce que vous aimez en général votre vie en Europe?
03:36Oui, j'aime bien, j'aime assez parce qu'on est bien installés.
03:39Maintenant, nous avons trouvé un peu tout ce qu'on veut dans différents endroits.
03:42Mais vivre quand même le Québec.
03:46Au-delà, quand j'allais terminer ma carrière ou quand je le pourrais, je préfère vivre au Québec.
03:51Vous devez être pas mal tout seul de Québécois sur les circuits.
03:55En fait, les Italiens se retrouvent en groupe, les Hollandais, les Allemands, les Anglais.
03:58Puis vous, vous êtes pas mal de seuls Québécois.
04:01Est-ce qu'il faut vous défendre un peu?
04:03Est-ce que vous avez une place à vous faire?
04:04Entre pilotes, vous parlez dans les équipes, non.
04:07Il n'y a pas de...
04:09Vous vous sentez pas tout seul un peu des fois?
04:09Tous les pilotes sont pas mal chacun sur l'autre côté parce qu'il n'y a pas...
04:13C'est tellement professionnel, c'est tellement...
04:15Il y a tellement d'argent investi dans tout ça qu'on fait les essais.
04:20Après les essais, il y a des meetings avec les gérants d'équipe, avec les ingénieurs, les moteurs au point et tout, qui durent des heures.
04:27Ensuite de ça, chaque équipe demeure dans des hôtels différents la plupart du temps.
04:31Alors chacun va à son hôtel. Alors on se voit à peine. On se voit le matin de la course, comme ça, dix minutes.
04:36Il n'y a pas beaucoup de fraternisation entre les pilotes.
04:40Il y en a quelques-uns avec qui je m'entends très bien, que je connais très bien.
04:42Mais de façon générale, on n'est pas vraiment souvent ensemble.
04:45À propos d'investissement, vous représentez plusieurs marques.
04:48Est-ce que ça ne vous fatigue pas un peu d'être un genre de porte-publicité ambulant des fois avec la casquette, le casque?
04:55Non, absolument pas.
04:55Des écuissons jusqu'à la ceinture?
04:57En autant que ça paie, pourquoi pas.
04:58Est-ce que c'est grave, par exemple, si vous oubliez de coudre un écusson d'une marque qui vous commandise?
05:05Est-ce que ça arrive?
05:06C'est des questions de contrat ou de commanditaire.
05:08C'est assez difficile d'entrer là-dedans.
05:10Mais est-ce que ce n'est pas arrivé déjà qu'au dernier moment, votre femme soit obligée de recoudre un écusson?
05:15Non, c'est la même chose pour toute la saison.
05:17Ça se fait en début de saison et ensuite de ça, c'est la même...
05:19Il n'y a rien qui change pour toute la saison.
05:21Alors, ce n'est pas comme si un cible a un commanditaire à une place, un autre commanditaire à un autre Grand Prix, mais là, il n'en finit plus de coudre et de coudre.
05:30Vous aviez un ami qui est mort récemment sur les circuits de course.
05:38Est-ce que cet événement vous a affecté?
05:41Oui, dans le sens que les quelques jours qui ont suivi, tu y penses, parce que ça aurait pu être moi.
05:52Et puis surtout, ce qui m'a affecté, c'est que je considère cet accident-là comme stupide,
05:59parce que je pense que c'est une chose qui aurait pu être facilement évité,
06:02sans vouloir polémiser ou entrer trop impliqué là-dedans.
06:08Je pense que dans beaucoup de domaines, c'est fautif et ça aurait pu être facilement évité.
06:16Mais il n'y a qu'après un accident comme ça qui se produit, parfois, il peut être une année sans qu'il n'y ait personne,
06:22mais habituellement, il y a un pilote par année qui laisse la vie.
06:28Et puis, il semble que ce soit juste après ça qu'on prend vraiment conscience qu'il y a un problème là, on devrait faire ça, on devrait faire ça.
06:34Et ça dure un mois, deux mois après ça, bien ça retombe dans le même vis.
06:37Est-ce que la mort de Paterson vous a fait penser un peu au risque que vous courriez, vous? Est-ce que vous pensez à la mort?
06:44Non, je n'y pense absolument pas à ça.
06:47Je suis conscient du risque, je suis conscient que c'est dangereux.
06:50C'est vraiment plus dangereux que de jouer au golf ou que d'être au tennis.
06:55Mais je ne pense pas au danger que je cours.
06:57Quand je suis dans la voiture, je me sens parfait contre la voiture.
07:00Et si parfois, il y a un accident, je sais que je peux me faire mal, mais pas plus que ça.
07:07Est-ce que vous pensez à votre famille quand vous conduisez?
