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Frédéric Encel, docteur en géopolitique habilité, Rym Momtaz, journaliste et géopolitologue, Armin Arefi, journaliste grand reporter au Point, et Robert Malley, ancien négociateur américain sur le nucléaire iranien, étaient les invités du Grand entretien de France Inter ce lundi. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-23-juin-2025-1485902

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Transcription
00:00Table ronde ce matin sur l'Amérique qui entre en guerre contre l'Iran et le monde qui peut-être bascule.
00:07Pour comprendre cette nouvelle accélération, Léa, quels sont nos invités ce matin ?
00:11Rim Momtaz, géopolitologue, rédactrice en chef de la plateforme Strategic Europe de la fondation Carnegie.
00:17Bonjour à vous, bonjour à Frédéric Ancel, géopolitologue, également professeur à Sciences Po Paris,
00:22auteur d'un atlas géopolitique d'Israël chez Autrement.
00:25Bonjour à Armin Erfi, journaliste grand reporter au point,
00:29spécialiste du Proche et du Moyen-Orient.
00:32Bonjour.
00:32Et enfin, en duplex des Etats-Unis, nous sommes avec Robert Mallet,
00:36ancien négociateur américain sur le nucléaire iranien.
00:39Soyez tous les bienvenus.
00:41J'aime prendre une décision finale une seconde avant la limite, disait Donald Trump il y a cinq jours.
00:49Il se donnait deux semaines pour décider d'une éventuelle intervention militaire contre l'Iran.
00:54Eh bien, il n'a pas attendu.
00:55Et c'est donc dans la nuit de samedi à dimanche que les Etats-Unis ont frappé des installations d'enrichissement nucléaire.
01:02Les sites de Natanz, Fordo, Hispahan ont été frappés.
01:06Et pour la première fois de l'histoire, des bombardiers américains ont largué sur le site de Fordo 12 bombes anti-bunkers.
01:14C'est GBU 57 de 13 tonnes conçues pour détruire des installations fortifiées.
01:22Question courte, question directe.
01:24Ça y est, c'est la guerre, Rimamtaz ?
01:26Oui, moi j'aimerais bien dire que c'est la guerre depuis un moment.
01:30Mais là, on a basculé dans un autre registre.
01:34Il va falloir voir si les Iraniens ont la sagesse de prendre le chemin diplomatique que, malgré tout, les Américains sont en train de leur tendre et de leur offrir.
01:46Et d'un autre côté, si le président Trump va savoir contraindre le Premier ministre israélien à s'arrêter à un moment.
01:54Parce que jusqu'à maintenant, c'est clair que c'est le Premier ministre israélien qui donne le tempo.
01:58Comment expliquez-vous cette rapidité d'exécution, Frédéric Ancel ?
02:02Benjamin Netanyahou a-t-il forcé la main à Donald Trump en lui expliquant que c'était maintenant que la fenêtre de tir était trop belle, trop ouverte, il fallait y aller ?
02:10Donald Trump a-t-il voulu jouer la surprise, l'effet blast ?
02:13Comment vous expliquez la rapidité d'exécution ?
02:16La surpuissance ou la sur-influence de Netanyahou, c'est une hypothèse.
02:20Je crois qu'on lui accorde une importance trop considérable.
02:24Je pense que Donald Trump est un grand garçon, certes fantasque.
02:27certes très imprévisible, mais il organise parfois son imprévisibilité.
02:31Et l'autre hypothèse que je retiendrai davantage, c'est celle d'un président qui a considéré que pendant ses 60 jours de négociation avec l'Iran,
02:39au fond, il ne parviendrait pas à ce qu'il souhaitait.
02:42Et ce qu'il souhaitait tout de même, c'était très très considérable et beaucoup trop aux yeux de l'Iran.
02:46Je le dis d'un mot, c'était revenir à avant l'accord de 2015,
02:50qui avait déjà été sévère, en tout cas très contraignant pour l'Iran en termes de enrichissement, je ne rentre pas dans les détails.
02:55Et c'est lui-même, Trump, qui trois ans plus tard, en 2018, avait cassé cet accord.
03:00Et là, il se faisait peur.
03:01Vous pensez vraiment qu'il s'est dit, l'Iran ne va pas jouer le jeu et donc je tape ?
03:05Vous pensez vraiment qu'il n'y a pas eu une influence claire du gouvernement israélien ?
03:09C'est une influence, si, mais est-ce qu'elle était vraiment déterminante ?
03:12Parce que si c'est le cas, alors on a affaire à un président américain, ce n'est pas impossible, c'est une hypothèse.
03:16Alors qu'il est une espèce de girouette totalement fantasque et qu'il ne connaît absolument pas ses dossiers.
03:21Ce qui, encore une fois, est tout à fait possible.
03:22Je pense que la vérité est vraisemblablement entre les deux.
03:25Armin Arefi, sur le rythme, le tempo, le timing de ces bombardements ?
03:33D'un point de vue iranien, c'est une double trahison de la part de Donald Trump.
03:38Trahison parce que l'Iran avait accepté de négocier un accord pour que les Etats-Unis et le monde entier s'assurent que l'Iran ne cherche pas la bombe.
03:47Donc, Trump a frappé alors que l'Iran était supposé négocier avec les Etats-Unis la semaine dernière.
03:56Deuxième trahison, parce que c'est ce même Trump, comme l'a dit M. Ancel, qui s'est retiré unilatéralement d'un accord en 2018 que respectait la République islamique.
04:04Et dans les deux cas, il y a quand même un facteur commun, Donald Trump, mais également Benjamin Netanyahou.
04:09Il ne faut pas rappeler que Benjamin Netanyahou, en 2018, le Premier ministre israélien, a joué un rôle considérable pour faire pression sur Donald Trump et de l'attirer dans un retrait unilatéral.
04:19Si bien que, suite à la réimposition de sanctions contre l'Iran, l'Iran a fini par reprendre ses activités d'enrichissement controversées, inquiétantes.
04:30Mais il faut également rappeler que, d'après le renseignement américain, l'Iran n'était pas sur le point d'avoir la bombe.
04:35L'Iran pouvait, en deux semaines d'après son stock d'uranium enrichi à 60%, avoir en deux semaines assez de matière fissile pour ensuite créer une charge.
04:46Sauf qu'il aurait fallu par la suite miniaturiser cette charge, la vectoriser sur un missile.
04:52Et donc, il fallait au moins un an et demi à deux ans à l'Iran d'avoir la bombe.
04:56C'est ce que disaient, c'est ce que d'ailleurs soulignent depuis hier les démocrates aux Etats-Unis.
04:59Donc, en Iran, pour répondre à votre première question que vous avez posée à Arim Momtaz, il y a le sentiment que les Etats-Unis ont déclenché cette guerre avec Israël une semaine plus tôt.
05:10Et que la voie de la diplomatie a été brutalement fermée.
05:14Aujourd'hui, le régime est dans une logique de survie.
05:16Ce qui laisse présager le pire, à savoir des réactions, des rétorsions sur Israël, les Etats-Unis et sur le trafic mondial de pétrole.
05:24On va y venir sur les conséquences et sur l'avenir du régime iranien.
05:28Oui, mais on va passer voir Robert Mallet qui nous attend du côté de New York.
05:33Vous êtes l'un des plus grands connaisseurs, Robert Mallet, de ce dossier iranien.
05:37On rappelle que vous en avez été le négociateur, notamment sous Obama.
05:41Vous nous aviez dit, il y a une semaine, à ce micro, au micro de France Inter, qu'il fallait être astrologue ou psychologue pour comprendre ce qui se passait dans la tête de Donald Trump.
05:51Avez-vous compris, là, la décision si soudaine, si rapide du président américain d'attaquer l'Iran ?
06:00D'abord, bonjour, mais je peux répéter ce que j'ai dit à l'époque.
06:03Je ne sais pas un domaine dont je suis expert, c'est-à-dire la psychologie du président Trump.
06:09Je pense, comme vous invitez, qu'il y en a un qui a spéculé sur le fait qu'il était peut-être une girouette qui ne connaît pas ses dossiers.
06:16C'est peut-être le cas, parce qu'en tout cas, girouette, oui, il a changé d'avis à peu près toutes les 24 heures.
06:23Je pense qu'il est allé un peu comme ça à Hu et à Dia, voir un peu ce qui se passait.
06:28Et puis, il a été tenté par cette frappe militaire qu'il a mise dans une position de force.
06:33Il aime ça, il aime les grands symboles, les grandes victoires rapides.
06:36Qu'est-ce qu'il fera de cette victoire ? Est-ce que c'est la véritable question ?
06:41Mais c'est vrai qu'il nous surprend, mais il ne nous surprend plus tellement il change d'avis qu'on s'attend toujours à quelque chose de nouveau.
06:49Les Etats-Unis sont en guerre aujourd'hui, Robert Malay.
06:52On va vers la guerre où ils vont se contenter de ces frappes.
06:55À vos yeux, veulent-ils faire tomber le régime iranien ou se contenter de le faire chanceler ?
07:00Donald Trump, cette nuit sur son réseau social, pose la question, pourquoi pas un régime change, un changement de régime ?
07:07Oui, et là, c'est tout de même extraordinaire parce qu'il a fait campagne, comme vous le rappeliez il y a quelques minutes,
07:12pendant plus d'un an, contre ces guerres de régime change qui n'ont apporté aux Etats-Unis que des déboires en Irak, en Afghanistan, et j'en passe.
07:20Donc, là, c'était assez invraisemblable de l'entendre le dire.
07:24Personnellement, je ne pense pas qu'il ait envie d'être impliqué dans une guerre au sol,
07:30c'est-à-dire une guerre qui, comme en Irak, avait remonté Saddam Hussein.
07:35Donc ça, je ne le crois pas, mais je peux me tromper.
07:38Je pense qu'il dit ça comme il dit beaucoup de choses.
07:40Il essaye d'effrayer le régime iranien.
07:42Il pense qu'en disant ça, c'est un peu simpliste,
07:44mais il pense qu'en disant ça, le régime va peut-être accepter cette reddition inconditionnelle qu'il a appelée de ses voeux.
07:51Je n'y crois pas, je ne crois ni que le régime va se résigner comme ça,
07:57ni que le président Trump va ordonner une opération militaire visant à renverser le régime.
08:03Il espère peut-être qu'il se renversera de lui-même.
08:05Donc pour vous, c'est terminé, il n'y aura pas d'autre frappe à vos yeux ?
08:09C'est terminé. Encore une fois, je ne veux rien prédire.
08:12Et puis, on ne sait pas quelle sera la réaction iranienne.
08:15Il peut y avoir une réaction qui, aux yeux du président Trump, justifie de nouvelles frappes.
08:20Vous savez, on est dans une guerre nouvelle, d'un type nouveau.
08:24On a connu les guerres préemptives, on a même connu les guerres préventives.
08:28Là, on est en une phase d'une espèce tout à fait nouvelle,
08:31une guerre qu'on déclenche parce qu'on en a envie, parce qu'on a soi-même violé l'accord,
08:35comme quelqu'un l'a rappelé il y a quelques minutes.
08:37L'accord qui est réglé, le problème qu'on invoque désormais,
08:40pour justifier les opérations militaires alors qu'il n'y a pas d'urgence,
08:44qu'il existe le temps de reprendre le fil de la diplomatie.
08:46Alors, comme on est dans ce monde nouveau, un peu invraisemblable,
08:50comme je le disais, on peut s'attendre à tout.
08:52Question technique, Robert Mallet.
08:54Avez-vous une idée de l'ampleur des installations nucléaires ?
08:58Des destructions.
08:58Oui, des destructions des installations nucléaires.
09:03Le Pentagone dit qu'elles sont anéanties.
09:07Les installations nucléaires, j'imagine en tout cas qu'elles vont être très difficiles
09:10à rétablir, à reprendre leur travail d'antan.
09:13La question qui hante les esprits ici, et j'imagine en Europe également,
09:18c'est de savoir où est passé l'uranium enrichi à un niveau élevé.
09:22Est-ce que l'Iran a eu le temps d'essayer de le déplacer,
09:24de le mettre quelque part où Israël et les États-Unis ne pourront pas le trouver ?
09:28C'est une question importante.
09:30Elle n'est pas déterminante parce que je ne sais pas ce que pourrait en faire l'Iran.
09:33Mais certainement, l'opération militaire ne pourrait être considérée réussie
09:36s'il reste aux mains de l'Iran cet uranium
09:39qu'il pourrait, un jour ou l'autre, essayer d'enrichir à un niveau militaire.
09:43Où est l'uranium enrichi ? Question posée à tous les trois.
09:46C'est vrai que c'est la question qui hante.
09:47Est-ce que les Iraniens ont eu le temps de déplacer cet uranium enrichi
09:51de Fordo, notamment de cette base nucléaire,
09:55à quelque part d'autre ?
09:56Et on ne sait pas où, Armin Aréfi ?
09:58Alors aujourd'hui, on a trois sources iraniennes de haut rang
10:01qui affirment qu'ils ont eu le temps.
10:03Les Iraniens, vu les menaces qui pesaient sur la centrale d'enrichissement de Fordo,
10:07celle qui est souterraine, sous la montagne,
10:09qui a été la principale visée samedi,
10:11ils ont dit qu'ils ont eu le temps d'évacuer au préalable.
10:14On a également des sources israéliennes
10:16qui s'inquiètent de cette éventualité au New York Times.
10:20C'est, je pense, la clé.
10:21Le sort de ce stock d'uranium hautement enrichi à 60%
10:26est la clé, en fait, de la suite de cette crise.
10:29A savoir que si, aujourd'hui,
10:31les Américains ont réussi à fortement endommager
10:34les centrales nucléaires,
10:35elles ne sont plus utilisables,
10:37mais vient la question de l'enrichissement.
10:40Si ce stock a été détruit,
10:42alors il reste deux solutions à l'Iran.
10:43La réédition, et le guide suprême l'a écarté,
10:45ou alors le jusqu'au-boutisme.
10:47Ce vers quoi tend le régime.
10:49S'il n'est pas détruit,
10:51et que l'Iran,
10:51il faut rappeler que d'après les chiffres des militaires français,
10:54l'Iran pourrait, avec ce stock,
10:55s'il en prenait la décision,
10:56ce qui n'a pas encore été le cas,
10:58construire pas moins de neuf bombes atomiques,
11:00alors l'Iran pourrait prendre la décision extrêmement grave
11:04de, justement, sortir du traité de non-prolifération nucléaire,
11:08dont il est signataire, d'ailleurs, à la différence d'Israël,
11:10et de courir vers la bombe atomique
11:12qui serait le seul moyen de dissuasion
11:14et donc de survie du régime.
11:16Aujourd'hui, le Parlement iranien a voté,
11:18en tout cas hier, pardon,
11:19a voté un projet de loi
11:21visant à sortir du traité de non-prolifération.
11:25Il est entre les mains du Conseil de Sécurité Suprême Nationale.
11:31C'est une éventualité qui est évoquée depuis plusieurs mois
11:33par plusieurs hauts responsables iraniens.
11:37Et voilà, donc, si ce stock existe encore,
11:39on pourrait avoir l'effet inverse de ce qui était recherché.
11:42Maintenant, si, au contraire, le stock est détruit,
11:45alors Netanyahou, comme Donald Trump,
11:47pourront se targuer d'avoir considérablement ralenti,
11:50mais pas annihilé, le programme nucléaire iranien,
11:52et donc le risque d'une bombe.
11:52Une dernière question pour vous, Robert Mallet,
11:54avant de vous libérer,
11:56c'est un auditeur qui nous la pose
11:58sur l'application de Radio France.
12:00Il s'appelle Bruno.
12:01Quel est l'intérêt,
12:03question très simple et très profonde,
12:04quel est l'intérêt réel des États-Unis
12:07pour entamer cette guerre ?
12:10Honnêtement, c'est une question
12:12à laquelle il est très difficile de répondre,
12:14parce que la raison invoquée,
12:15c'est cette question nucléaire,
12:17mais je pense que tous les experts le reconnaissent.
12:19Il n'y avait pas urgence en la matière,
12:21parce que, comme l'a évoqué l'un de vos invités,
12:25l'Iran était quand même à au moins six mois,
12:27un an ou un an et demi de la possibilité d'avoir une bombe nucléaire
12:31et qu'il y avait donc ce chemin diplomatique
12:33qu'avait même entamé le président Trump.
12:35Je pense qu'il y va de plusieurs choses.
12:37D'abord, bon, ils se sont justifiés le fait
12:40que l'Iran n'accepterait jamais de tout à fait abandonner son programme nucléaire
12:45et donc que ça justifierait les frappes militaires.
12:47Je pense qu'il y a autre chose.
12:49Il y a cette volonté de projeter la puissance américaine.
12:52Il y a le fait israélien,
12:54et je pense que vous en discutiez tout à l'heure.
12:56Le président Trump ne voulait pas être en situation
12:58où Israël gagnait la guerre
12:59et les États-Unis, sous le président Trump,
13:02n'étaient que spectateurs.
13:04Donc, ils préféraient être dans une équipe qui gagne.
13:07Est-ce qu'il y a des intérêts stratégiques plus larges ?
13:10Avec le président Trump,
13:11c'est vraiment difficile de le voir.
13:13Je pense qu'il a vu une opportunité de transformer la région,
13:17mais sous commandement américain.
13:20Il y aura des répercussions,
13:22et ça, je veux simplement le dire en 30 secondes.
13:24Moi, ce qui m'inquiète,
13:24évidemment, on ne sait pas comment répondra l'Iran
13:27aujourd'hui, demain, dans une semaine.
13:29Mais à long terme,
13:29je pense qu'il y a quand même deux conséquences
13:31auxquelles il faut vraiment réfléchir.
13:34D'abord, on a vraiment piétiné
13:36toute conception du droit international,
13:39des normes internationales.
13:40Et là, je pense, les États-Unis,
13:41mais aussi l'Europe, après leur attitude face à la guerre à Gaza,
13:45vont en piller le prix,
13:47et le prix pourrait être très cher.
13:48Et deuxièmement,
13:49il faut s'imaginer ce qu'on a accumulé
13:51comme haine, comme rage,
13:53comme sentiment d'humiliation,
13:55encore une fois,
13:56non seulement à Gaza,
13:57en Cisjordanie,
13:58chez certains au Liban,
13:59et maintenant en Iran.
14:00Et comment est-ce que cette humiliation
14:01va se traduire dans les générations à venir ?
14:04On vient d'ouvrir vraiment une nouvelle ère
14:07dans la relation entre l'Occident,
14:09Israël,
14:10et le monde arabe et le monde musulman.
14:13Ça, je pense qu'on en mesurera les conséquences
14:15que dans plusieurs années,
14:16mais ça, ça m'inquiète de façon extrêmement profonde.
14:19Merci Robert Mallet d'avoir été en ligne
14:20avec nous de New York ce matin.
14:23Rime Omtaz,
14:24sur ce que dit à l'instant Robert Mallet,
14:27quelles conséquences ça va avoir
14:29dans les populations iraniennes
14:32ou autres de ce qui s'est passé ?
14:35Ce sentiment d'humiliation, de capitulation ?
14:37Je pense que Robert Mallet
14:38a bien défini les termes aujourd'hui.
14:41Clairement, moi,
14:43tout ce que j'entends en dehors
14:45de l'Europe et des Etats-Unis,
14:47c'est que le droit international n'existe.
14:49plus, parce que quand on regarde
14:50les déclarations même des Européens
14:52après ce déclenchement de la guerre
14:55avec l'Iran par Israël,
14:58c'est, on parle tout de suite
15:00du droit d'Israël à se défendre,
15:02certes, mais là, en fait,
15:04l'Iran n'attaquait pas
15:05avec une arme nucléaire israëlle.
15:09Et en fait, le Premier ministre israélien
15:11a lancé cette guerre pour arrêter
15:13deux initiatives diplomatiques en même temps.
15:15La première, c'est l'Iranienne
15:17avec les Américains,
15:18et la deuxième, c'est la franco-saoudienne
15:20sur la reconnaissance de l'État palestinien.
15:22Et aujourd'hui, il a eu gain de cause.
15:24Donc, c'est la raison du plus fort
15:25qui est toujours la meilleure.
15:26On rentre dans un monde
15:27qui est une jungle.
15:29Et ceux qui ont construit
15:31l'ordre international basé
15:33sur le droit international
15:34sont en train de le détruire eux-mêmes.
15:36Pourquoi ? On ne sait pas.
15:37Ça, c'est d'un côté.
15:38De l'autre, dans les pays arabes,
15:40que ce soit parmi les dirigeants
15:42ou les populations,
15:43en fait, on n'est pas du tout content
15:45de ce qu'on est en train de voir,
15:46même si ça fait 40 ans
15:47que les populations arabes
15:49sont en train de souffrir
15:50de l'hégémonie iranienne
15:51qui a été destructrice et mortelle,
15:54ils ne veulent pas remplacer
15:55cette hégémonie
15:56qui était complètement déchaînée
15:57et messianique
15:58par une hégémonie israélienne
15:59qui est déchaînée, victorieuse
16:02et peut-être aussi messianique.
16:04Donc, il faut aussi comprendre
16:05cette situation aujourd'hui
16:07de la part des pays arabes.
16:09Frédéric Ancel,
16:09sur la réaction des pays arabes,
16:11ce que dit Rémontaz
16:12est vrai ou faux ?
16:14Ou à nuancer ?
16:15Est-ce que, globalement,
16:16les populations ne sont pas contentes
16:18de ce qui se passe ?
16:19On pourrait voir,
16:20d'un point de vue occidental,
16:21de se dire,
16:22bon, en finir avec le Hezbollah,
16:24affaiblir le régime iranien,
16:25c'est les méchants.
16:26Donc, est-ce que la population
16:28ne se réjouit pas de cela ?
16:30Ce n'est pas aussi simple que ça.
16:31C'est juste,
16:32mais là, vous vous adressez
16:33à un géopolitologue
16:34qui a toujours très, très à cœur
16:36de distinguer
16:38les politiques gouvernementales
16:40des opinions publiques.
16:41Et l'opinion publique,
16:42dans un État autoritaire,
16:43elle n'a pas voix au chapitre
16:45ou, en tout cas,
16:45elle ne dispose pas,
16:46c'est le moins qu'on puisse dire,
16:47des prérogatives militaires, stratégiques.
16:49Et moi, je constate
16:50que la plupart des États arabes,
16:52alors là, je rejoins tout à fait Rémontaz,
16:53ne souhaitent pas le chaos,
16:55craignent le chaos.
16:56Ces pétromonarchés du Golfe,
16:57notamment,
16:58ne pourraient absolument pas
16:59se défendre
17:00s'il y avait
17:01contre un quelconque ennemi,
17:02d'ailleurs.
17:03S'il y avait la volonté,
17:04par exemple,
17:05de la République islamique d'Iran
17:06complètement acculée
17:08de créer le chaos dans la région
17:09et de frapper
17:10les alliés des États-Unis...
17:11C'est pétromonarchique
17:12qui se taisent.
17:13On n'a pas entendu
17:14l'Arabie saoudite depuis trois jours.
17:15C'est ça.
17:15Et donc, l'Arabie saoudite,
17:16par exemple,
17:17dès les premières heures
17:18des frappes israéliennes,
17:19a considéré l'Iran
17:21comme un pays frère,
17:22enfin, une république sœur.
17:23Oui, tout ça, c'est très bien,
17:24ça ne mange pas de pain.
17:25Et on est strictement
17:26dans le rhétorique
17:27et dans le sémantique.
17:28Fondamentalement,
17:29on a affaire à des États arabes
17:30qui, dans la quasi-totalité,
17:32sont non seulement sunnites,
17:33mais très craintifs
17:34des Irwanes,
17:35des frères musulmans.
17:36Or, les frères musulmans
17:37sont alliés
17:38depuis plusieurs décennies
17:39de la République islamique d'Iran
17:40et pas seulement
17:40le Hamas palestinien.
17:42Donc, de ce point de vue-là,
17:43je rejoins tout à fait
17:43ce qui a été dit.
17:44Ces États arabes
17:45craignent la politique
17:47de Netanyahou
17:48qu'ils perçoivent
17:49à juste titre
17:49comme très largement
17:50expansionniste,
17:52mais craignent
17:53beaucoup aussi
17:54le maintien
17:55d'une République islamique
17:56qui, effectivement,
17:57comme ça a été bien dit aussi,
17:58chercherait absolument
17:59et à toute fin
18:00à disposer
18:01de l'arme atomique.
18:02Sur les conséquences
18:03dans les populations,
18:05Armin Arefi
18:06et les États,
18:08vient de dire Frédéric Ancel.
18:09J'aimerais qu'on parle
18:10un peu du peuple iranien
18:11dont on a beaucoup parlé
18:12sur votre antenne.
18:13C'est vrai qu'aujourd'hui,
18:14il est dans une situation
18:15de désespoir
18:16totalement pris
18:17entre deux feux
18:17entre les bombes israéliennes.
18:19L'Iran n'avait pas connu ça
18:20depuis 38 ans
18:21et la fin de la guerre
18:21Iran-Irak.
18:23Et les gardiens
18:25de la révolution iranienne.
18:26On a vraiment aujourd'hui
18:27des populations
18:28qui fuient Téhéran,
18:29qui essayent justement
18:30de se réfugier.
18:31Or, aujourd'hui,
18:31c'est l'ensemble
18:32du territoire iranien
18:33qui est visé.
18:34On en est quand même
18:34à 865 morts
18:36dont une majorité civile.
18:37Même si, il faut le rappeler,
18:39peut-être à la différence
18:39de Gaza,
18:40on a vraiment
18:41une volonté israélienne,
18:43en tout cas dans les fesses
18:44de ce qu'on voit,
18:45de cibler avant tout
18:46les cibles nucléaires
18:47et militaires.
18:48Mais il y a
18:48des dommages collatéraux.
18:49Quand on discute
18:50avec les Iraniens,
18:51comme je le fais beaucoup
18:52dans le numéro
18:53cette semaine du Point,
18:54on se rend compte
18:55qu'en fait,
18:55à mots couverts,
18:56ils sont assez satisfaits.
18:59Ils se réjouissent même
19:00de la mort
19:03de plusieurs responsables
19:04de la répression gouvernementale,
19:06comme tout l'appareil militaire
19:07iranien
19:08qui a été décapité.
19:09Mais en aucun cas,
19:10ils n'apprécient le fait,
19:12et c'est ce qu'ils disent,
19:12c'est ce qu'ils soulignent,
19:13qu'un État étranger
19:14vienne bombarder le pays.
19:15Les Iraniens
19:16sont profondément nationalistes.
19:19Il se pose aussi
19:20la question du changement de régime.
19:21C'est quelque chose
19:22qui est plus ou moins évoqué
19:22par Benyamin Netanyahou,
19:24le Premier ministre israélien.
19:25Et Trump.
19:27Sauf que Benyamin Netanyahou
19:28a lui,
19:29sur une chaîne iranienne
19:29d'opposition,
19:30appelé la population
19:31à se soulever.
19:32Ce qui est important,
19:33les faits sur le terrain,
19:34c'est que pour l'instant,
19:34on ne voit pas
19:35de manifestation anti-régime.
19:36On voit davantage
19:37des Iraniens qui fuient,
19:38qui fuient les bombes,
19:40qui fuient Teheran,
19:41une ville de 12 millions d'habitants
19:42qui a été appelée
19:43à être évacuée
19:44du jour au lendemain.
19:44Donc les Iraniens fuient.
19:46Il n'y a pas Internet
19:46car les autorités iraniennes
19:48l'ont bloqué.
19:49Et d'ailleurs,
19:49c'est le risque.
19:49C'est-à-dire que ce vers quoi
19:50on se dirige,
19:51pour l'instant,
19:51c'est une répression accrue
19:53à l'intérieur du pays.
19:54Les autorités iraniennes
19:56ont bloqué Internet
19:57afin que les Iraniens
19:58ne puissent pas témoigner,
19:59filmer ce qui se passe
20:00à l'intérieur du pays.
20:01Et depuis hier,
20:02on a quand même deux personnes,
20:03deux Iraniens
20:03qui ont été exécutés
20:04sous l'accusation,
20:06parfois fallacieuse,
20:07de lien avec Israël.
20:09Comment on explique
20:10que la population iranienne
20:11ne se mobilise pas,
20:13ne se révolte pas,
20:14ne se soulève pas,
20:15comme dit Armin Aréfi,
20:16Rimomtaz ?
20:17Je pense que c'est
20:17une question très profonde.
20:19On voit depuis 2009
20:20qu'il y a des mouvements
20:21de contestation successifs
20:23en Iran
20:23qui n'arrivent pas
20:24à se constituer
20:25comme une opposition
20:26cohérente et efficace
20:28pour pouvoir,
20:29en fait,
20:30essayer de déstabiliser
20:31ce régime
20:32qui existe
20:33depuis maintenant 79.
20:34Mais pourquoi ?
20:35Parce qu'il y a
20:35un attachement au régime,
20:36finalement ?
20:37Non,
20:37ce n'est pas un attachement
20:38au régime.
20:38Il y a beaucoup de divisions.
20:39La population,
20:40c'est 90 millions d'habitants
20:42en Iran,
20:42c'est énorme.
20:43Il y a une diversité ethnique,
20:45une diversité politique
20:46qui existe.
20:47Il y a aussi
20:48trop de courants politiques
20:50qui, eux-mêmes,
20:51n'arrivent pas
20:52à mettre de côté
20:52peut-être leurs égaux,
20:53peut-être leurs petits intérêts
20:55pour se coalescer ensemble
20:57et produire
20:58une vraie opposition.
21:00Et puis,
21:00la chose qui a toujours manqué
21:02à tous ces mouvements
21:03de contestation,
21:04c'est un soutien
21:04de l'intérieur
21:05de l'appareil sécuritaire
21:07qui puisse réellement
21:08affaiblir la domination
21:11de ce régime.
21:13Et jusqu'à aujourd'hui,
21:14d'ailleurs,
21:14malgré les coups très durs
21:15qu'Israël a portés
21:16contre ce régime,
21:18on ne voit pas encore
21:19un affaiblissement
21:20de cet appareil sécuritaire.
21:22Et comment l'Iran
21:23peut répliquer,
21:25en a-t-elle encore,
21:26la force et les moyens ?
21:28Frédéric Rancel ?
21:29Alors, la force et les moyens,
21:31oui, mais absolument pas
21:32de façon décisive.
21:33C'est-à-dire,
21:33sur le plan militaire,
21:34la seule carte,
21:35pour refiler la métaphore
21:36du joueur de carte,
21:37militaire dont disposait l'Iran,
21:39c'était sa balistique.
21:40C'est encore sa balistique.
21:41L'Iran disposerait encore
21:43de plusieurs centaines
21:44de missiles,
21:45dont on voit bien d'ailleurs
21:45qu'ils peuvent toucher
21:46l'intégralité du territoire israélien
21:47et des bases américaines
21:48dans la région.
21:49Oui, très bien,
21:50mais pourquoi faire ?
21:50Parce qu'en réalité,
21:51chaque jour qui passe,
21:53ces missiles,
21:54qui peuvent être utilisés
21:55par définition une seule fois,
21:56contrairement à des chasseurs-bombardiers,
21:58c'est qu'ils ne peuvent pas
21:59être renouvelés rapidement.
22:01Donc, à un moment,
22:01il n'y en aura plus.
22:02À un moment,
22:03il n'y en aura plus.
22:03D'ailleurs, on voit bien
22:04que le rythme de la propulsion
22:06des missiles sur Israël
22:07est en train de faiblir.
22:09Ça, c'est le premier point.
22:09Le deuxième point,
22:10c'est la fameuse entrave
22:11à libre circulation maritime
22:13des tankers et des métaniers
22:14dans ce rail maritime
22:16très étroit du détroit d'Hormuz.
22:18Oui, mais sauf que
22:18la flotte américaine
22:20est sans aucun doute,
22:21d'ailleurs,
22:21une coalition de flottes occidentales
22:23mettrait fin,
22:24sans doute,
22:25assez rapidement
22:26à cette tentative.
22:28Reste le terrorisme.
22:29Bon, mais ça,
22:29ce n'est pas très nouveau,
22:30quand même.
22:30J'ai presque envie de dire
22:31que c'est dans l'ADN
22:32de ce régime depuis 79.
22:34Moins, d'ailleurs,
22:35ces dernières années,
22:35justement parce que
22:36de façon conventionnelle,
22:38de façon militaire,
22:39classique, disons,
22:40ce régime avait réussi
22:41à prendre davantage
22:42de puissance dans la région
22:44sans avoir besoin
22:45de recourir à ce terrorisme.
22:46Et je pense que
22:47si le régime était réellement
22:49acculé
22:50et s'il était
22:50très proche de chuter,
22:53alors il y aurait recours.
22:54Pas seulement,
22:55d'ailleurs sur des cibles
22:56américaines,
22:56mais aussi sur des cibles
22:57occidentales.
22:58Je rappelle d'un mot
22:58que Paris a été quand même
23:00visé par la République
23:01islamique d'Iran
23:01dans les années 80.
23:02Armina,
23:03d'un mot.
23:03Oui,
23:04le régime iranien est engagé
23:04dans une fuite en avance
23:05et sa survie est en jeu.
23:06Il se considère
23:07en situation de guerre.
23:08Il ne veut pas suicider
23:09en frappant les bases américaines
23:10ni en bloquant le détroit
23:12d'Ormuz.
23:13Il reste quoi ?
23:14C'est de la rhétorique
23:14quand on l'entend.
23:15Il reste quoi ?
23:15L'utilisation du terrorisme
23:16comme l'a dit M. Ancel.
23:17Ils ont des cellules dormantes
23:19comme d'autres pays
23:20dans le monde entier.
23:21Viser les maillons faibles
23:22au Moyen-Orient,
23:23ceux qui ne sont pas
23:24totalement en mesure
23:24de se défendre,
23:25les pays du Golfe
23:26pour forcer et contraindre
23:27les Occidentaux
23:28et Israël arrêter la guerre.
23:29Ou alors activer
23:30non pas directement
23:31ces missiles balistiques
23:32mais ces proxys,
23:32donc ces groupes alliés
23:33contre les bases américaines,
23:34les harceler.
23:35C'est une méthode
23:37que les Iraniens
23:37ont déjà éprouvée
23:38par le passé
23:39en sachant que côté israélien
23:40juste pour terminer,
23:40côté israélien,
23:41ce qui est intéressant
23:42c'est qu'aujourd'hui
23:43on est vraiment
23:43dans une syrianisation
23:44voire une libanisation
23:45de l'Iran
23:46à savoir que
23:46même en cas de cesser le feu
23:47aujourd'hui Israël
23:48qui a la maîtrise totale
23:49de l'espace aérien iranien
23:50va poursuivre
23:51comme un peu
23:52chez le marchand de légumes
23:54son marché
23:55en frappant
23:55qui il veut
23:56où il veut
23:57et les sites
23:58qu'il veut
23:59avec bien sûr
23:59le soutien
24:00et c'est ça qui est important
24:01par rapport à Gaza
24:05existentiel.
24:06Merci.
24:07C'était rare.
24:08Reprenez votre souffle.
24:10C'était dense.
24:11Oui, effectivement.
24:12Merci à tous les quatre.
24:13Rimm Omtaz,
24:15Armin Arefi,
24:16Robert Malé
24:16qui étaient avec nous
24:17en duplex
24:18de New York
24:19et merci à vous
24:20Frédéric Ancel.
24:21Je rappelle le titre
24:22de votre dernier livre
24:24La guerre mondiale
24:25n'aura pas lieu.
24:26Chez Odile Jacob
24:27on s'est trompé
24:28on a cité l'ancien livre.
24:30Il était bien aussi.
24:31Il était bien aussi.
24:31La guerre mondiale
24:32n'aura pas lieu.
24:33Ça c'est celui
24:33qu'on peut trouver
24:34tout de suite en livre.
24:35C'est une bonne nouvelle.
24:37C'est paru
24:37chez Odile Jacob.
24:39Avec Julie Lerat
24:40on sort le 1er juillet
24:41sur Arte
24:42un documentaire
24:43le premier au monde
24:43sur les gardiens
24:44de la révolution
24:45les maîtres de l'Iran
24:46sur Arte
24:47le mardi 1er juillet
24:48à 20h50.
24:49Comme ça on a tout dit.
24:50Merci à tous les trois.
24:51Merci infiniment.

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