00:007h47, l'invité en direct dans notre studio ce matin, Joséphine Hortuno, celui qui va être décoré de la Légion d'honneur ce soir, 42 années au service de l'humain.
00:12Mounir Benslima, bonjour.
00:14Bonjour.
00:14Vous êtes médecin légiste, fier papa de 4 enfants, à la tête du service de l'unité légale de l'hôpital de Nîmes, mais surtout le légiste de Charles Aznavour, l'homme d'hier encore meurt en 2018, dans les Alpies, et c'est vous qu'on appelle.
00:30Oui, effectivement, Charles Aznavour est décédé, il a été découvert en tout cas un lundi matin.
00:36Les circonstances du décès étaient un peu bizarres parce que la veille il y avait une fête et donc on ne pouvait pas entendre tout le monde.
00:42Et avec le procureur de la République de l'époque, on avait décidé de faire une autopsie pour fermer, comme on dit dans notre langage, toutes les portes.
00:49Autopsie réalisée le lendemain très vite et donc le corps a été rendu à la famille très rapidement avec un constat d'une mort naturelle.
00:57Et pendant l'autopsie, il se passe quoi alors ?
01:00Alors je vois que vous savez tout. Pendant l'autopsie, pour respecter le grand Charles, d'habitude on parle comme il est d'usage lors d'une autopsie parce qu'on a les enquêteurs qui sont présents aussi.
01:11Et là, en l'occurrence, pour l'autopsie du grand Charles, on a décidé d'écouter sa musique.
01:17Ma chargée de mission de l'hôpital a amené le CD et la bohème et donc pendant l'autopsie, on a écouté sa musique.
01:26Et alors quand vous arrivez sur une autopsie, quels sont vos premiers réflexes ?
01:30Alors le premier réflexe, d'abord, c'est un entretien avec les OPJ. On prend connaissance des circonstances, on demande un peu l'effet, ce qui s'est passé, on s'imprègne un peu de l'enquête.
01:39Et après, on s'habille et on attaque l'autopsie par un examen, ce qu'on appelle externe, pour vérifier l'intégrité du corps et après, bien entendu, la phase de dissection.
01:49Parmi les affaires de votre carrière, il y a le tragique décès de Lucas Tronche. Je pense qu'on se souvient tous du visage de cet adolescent de 16 ans recherché dans tout le Gard.
01:59Il disparaît en 2015 de bagnole sur 16. Mounir Ben Slima, vous, vous intervenez 6 ans après, c'est ça ?
02:05Oui, effectivement. Nous nous sommes intervenus d'abord lorsque le corps a été découvert. Je rappelle, comme vous le disiez très justement, que le corps a séjourné à l'extérieur pendant plusieurs années.
02:16Et que cette découverte, on la doit aussi au magistrat instructeur, qui a été très pugnace. Et aussi à la découverte de l'ADN. ADN découvert chez le professeur Christian de Tromopuich à Bordeaux.
02:36Et donc, à partir de là, l'affaire a été rapidement résolue.
02:39Lucas Tronche, à l'époque, c'est un adolescent. Il a 16 ans à peine. Est-ce que c'est compliqué pour vous de se retrouver face à des enfants ?
02:47Oui, c'est vrai que quand on est face à des enfants, on n'est pas bien. Mais fort heureusement, on ne voit pas beaucoup. Je dirais statistiquement, dans une année, on autopsie 4 à 5 enfants.
03:00Donc, ça reste quand même assez rare, heureusement.
03:02Et est-ce qu'il y a une affaire qui vous a rendu fier ? Ou le soir, vous vous êtes dit « Ok, j'ai changé une vie ».
03:08Oui, il y a une affaire, bien entendu, qui me trotte encore dans la tête.
03:12C'est la petite océane de Belgarde, qui a été sauvagement assassinée par un membre de la famille, qui connaissait un peu la famille,
03:20et qui a été violée et tuée par des procédés très durs, puisqu'elle a été asphyxiée. Elle a reçu des coups de couteau.
03:31Et donc, cette petite fille de 8 ans, je la vois encore aujourd'hui. Et donc, c'est une affaire qui me marquera à jamais, bien sûr.
03:397h51, ici matin. Notre invité aujourd'hui, c'est le médecin légiste à la tête du service de l'unité légale de l'hôpital de Nîmes, Joséphine.
03:46Mounir Benslima, vous êtes arrivé en France il y a 45 ans. Ça fait 42 ans que vous êtes médecin légiste. Il s'est passé quoi en 3 ans ?
03:56Eh bien, le baccalauréat et puis l'institut de médecine. Je sais pourquoi vous me posez la question.
04:02Je n'ai pas été très bon au départ, parce que j'étais prédestiné au football et j'ai passé mon bac plusieurs fois.
04:08Et puis, une fois que je l'ai eu, après, je n'ai plus jamais redoublé.
04:11Et vous n'êtes plus jamais retourné au football ?
04:13Non, mais enfin, je suis encore... Je suis beaucoup le football. Et mes garçons aussi.
04:18Il me semble qu'au début, vous étiez médecin au SMUR, c'est ça ?
04:22Oui, j'ai commencé comme d'abord généraliste au quartier de la placette à Nîmes.
04:25Donc, j'ai pas mal fait de garde et de soins dans la ville.
04:31Et puis, parallèlement à cette activité de généraliste, j'étais urgentiste.
04:35Et donc, j'ai travaillé au SMUR de Nîmes pendant à peu près une vingtaine d'années.
04:39Et aujourd'hui, vous avez 68 ans et vous n'êtes pas à la retraite, alors qu'il y en a qui se battent pour ça.
04:44Pourquoi est-ce que vous travaillez encore ?
04:46Eh bien, parce que j'ai dépassé l'âge de 64 ans. J'ai oublié à 64 ans.
04:51Je me suis dit, il faut aller encore un peu plus.
04:53Et la retraite, moi, je ne l'envisage pas, tout simplement parce que je suis un passionné.
04:56J'aime ce que je fais. Et si Dieu le veut et si j'ai la santé, je continuerai encore.
05:02On peut aussi parler de votre papa qui cultivait des olives en Tunisie.
05:06C'est à lui que vous allez penser ce soir quand vous allez être fait chevalier de la Légion d'honneur ?
05:11Entre autres, je vais penser à lui. Je vais penser aussi à mon fils que j'ai perdu il y a 10 ans dans l'accident de ski.
05:16Je vais penser à tous mes amis, à ma famille, aux gens qui m'ont aidé, qui ont été là depuis toutes ces années.
05:22Ma Légion d'honneur, c'est la mienne, mais c'est beaucoup aussi la leur.
05:26C'est un travail collectif. Vous savez, j'ai une équipe depuis 10 ans qui me suit, qui est derrière moi.
05:30Et donc, c'est le travail collectif qui paye. Et donc, c'est la Légion d'honneur de nous tous.
05:35Merci Mounir Ben Slima. On le rappelle, médecin légiste à la tête du service de l'unité légale de l'hôpital de Nîmes.