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  • 18/06/2025

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00:00Europe 1 Archive
00:01Lino Ventura était mon ami, il avait choisi ses amis, et pas les moindres, Jacques Brel, Georges Brassens, Raymond Deveau, c'est bien d'autres.
00:11Et puis il y avait aussi Jean-Louis Dabadi, et puis aussi il y avait évidemment Jean Gabin, Jean Gabin qui était son maître et en même temps son confident.
00:19Et Lino Ventura, on l'oublie souvent, aimait beaucoup s'amuser, il aimait beaucoup rire.
00:23Quand il faisait ses dîners à la maison, au parc de Saint-Cloud, dans sa belle maison de Montretout,
00:28là tout d'un coup, il aimait faire la cuisine pour ses amis, il aimait les bons vins, et il aimait surtout qu'on raconte des histoires,
00:36des histoires de théâtre, des histoires de cinéma, mais surtout des histoires tendres, des histoires d'amitié.
00:42Lino Ventura était quelqu'un de très consciencieux, même un petit peu précis, un peu méticuleux, pour pas dire maniaque.
00:49Il était très généreux, il était fidèle, et ce combat qu'il a mené pour personnages,
00:55dont avec Michel Druquet, avec Jacques Chancel et Pierre Tchernia, nous essayons de continuer l'œuvre.
01:01Lino Ventura, c'était vraiment un exemple, un exemple dans la vie, un homme magnifique,
01:06et par bonheur, le public ne l'oublie jamais.
01:08Lino Ventura
01:32Ventura parlait peu de son enfance, de sa famille, de sa vie, de ses amis.
01:38Il avait pourtant beaucoup d'amis, des acteurs, des gens du spectacle, des hommes et des femmes que le public ne connaissait pas.
01:46Tout le monde l'aimait, et tout le monde parle encore de lui, avec beaucoup d'amitié.
01:51Lino, les gens pensaient qu'il n'aimait pas rigoler, c'était un homme qui aimait bien rigoler.
01:55Jean-Paul Belmandeau
01:56Il était convivial, ça tout le monde le sait, mais il aimait bien rire.
01:59Bon, moi quand je déconneis un petit peu, il aimait bien ça, ça te faisait rire.
02:03Il était preneur du rire, ça c'est bon, parce qu'on croit toujours que Lino, il était toujours que comme ça,
02:09et excessivement sérieux, il avait un œil rieur sur la vie quand même, hein, il savait, et il avait de l'humour.
02:15Un jour où il était venu, comme très souvent, par les scénarios, et ma femme lui avait fait du café.
02:24Claude Pinotto
02:24Mais ma femme est danoise, elle fait toujours un café assez léger, alors il a regardé au fond de sa tasse,
02:29il m'a dit, ce qui est bien chez toi, c'est qu'on peut savoir si c'est du limoges, ta porcelaine.
02:33Il avait une force, il avait une force, et c'est cette force que le public ressentait.
02:37Claude Lelouch
02:38Je veux dire qu'à chaque fois que les gens allaient voir un film de Lino Ventura, ils se ressourçaient, ils prenaient des forces.
02:42C'était un petit peu comme absorber un médicament.
02:45Et on se sortait, on se sentait plus fort en sortant de la salle.
02:4814 juillet 1919. Lino Ventura vient au monde à Parme, en Italie.
03:12Louisa, sa mère, n'a que 19 ans.
03:16L'Italie est en crise.
03:18La France semble pour les Italiens les plus pauvres, leur seule chance de survie.
03:23Ils émigrent par milliers.
03:25Giovanni Ventura fait partie de ces hommes qui ont décidé de tenter leur chance à Paris.
03:31Sa famille reste au pays.
03:33Quelques années plus tard, Louisa pense rejoindre son mari.
03:36Elle se retrouve seule dans la banlieue parisienne.
03:40Son bel Italien a disparu.
03:43On ne saura pas pourquoi, Lino n'en parlera jamais.
03:47Fils d'émigré, il s'intègre à son pays d'adoption.
03:50Bien sûr, c'était les émigrés de l'époque, ça c'est vrai, vous avez raison.
03:53Odette Ventura, la femme de Lino.
03:56Et quelque part, Lino admirait beaucoup la France et il a toujours aimé beaucoup la France.
04:01Il est arrivé en France à l'âge de 7 ans, avec sa maman.
04:06Donc pour lui, il avait le respect de la France.
04:08Et vous voyez, c'est un peu cette différence de maintenant.
04:10Il n'exigeait rien de la France.
04:11Il trouvait qu'elle lui donnait tout.
04:13Cette vie belle, cette belle vie, son travail.
04:16Il n'est jamais devenu français.
04:18Parce que quelque part, il ne voulait pas donner son opinion sur la politique.
04:22Il ne se sentait pas le droit de dire, moi je voudrais ça.
04:25Et souvent, il disait, mon pays c'est entre Paris et Rome.
04:30Lino retournera pendant deux ans en Italie, à l'école communale.
04:34Puis il reviendra à Paris, définitivement.
04:37Il était français de cœur quelque part.
04:40Odette Ventura.
04:42L'Italie, c'était quand même sa maman.
04:44C'était les souvenirs de toute sa jeunesse d'enfant.
04:47Et sa famille qui vient encore, que je connais encore.
04:49D'ailleurs, la cousine italienne est ici avec moi aujourd'hui.
04:53Maintenant, c'est aussi ma famille.
04:55Et c'est des gens merveilleux.
04:56La région de Parme, c'est des gens vraiment tellement accueillants,
04:59merveilleux, bons, vivants, intelligents.
05:01Ils ont beaucoup de qualité, la région de Parme.
05:03Et Lino adorait son pays.
05:05Il était très fier de son pays.
05:07Quand nous avons tourné Le Silencieux,
05:08nous avons commencé le film dans la chronologie,
05:11une tournure à Londres.
05:12Claude Pinotto.
05:12Comme nous dînions tous les soirs ensemble,
05:15on avait l'occasion de refaire le monde et de parler de la vie.
05:18Et il me disait, tu te rends compte,
05:19quand je pense que moi, je suis là dans une suite,
05:22dans cet hôtel merveilleux de Londres.
05:25Et je ne reviens pas, parce que je reste le petit Rital.
05:29A Paris, Lino rencontre Odette, dont il tombe amoureux.
05:47Selon la coutume italienne,
05:49ils resteront cinq enfiancés avant de se marier,
05:52enfin, en pleine guerre, le 8 janvier 1942.
05:57Odette raconte dans le livre
05:58qu'elle a consacré à son mari,
06:00leur vie à cette époque.
06:01Au départ, il était lutteur,
06:03il était catcheur,
06:04il avait pris la lutte avec des amis autrichiens,
06:07qui étaient des juifs autrichiens,
06:10qui étaient réfugiés dans le quartier du 9e,
06:13Bruebaudin.
06:14Et ce sport lui a amené beaucoup de plaisir,
06:18parce que de force, d'équilibre,
06:19de, comment dire,
06:20c'est comme il disait,
06:21celui qui t'a mis les deux épaules par terre,
06:23il est le plus fort.
06:23Et le respect de l'autre, ça c'est très important.
06:26Et toujours de vouloir gagner,
06:27ça aussi, c'est une qualité qu'on acquiert dans le sport,
06:29de vouloir être le plus fort,
06:30d'avoir le respect du plus fort que vous.
06:33Et donc ça, c'était un milieu,
06:34je pense qu'il l'a aidé beaucoup à continuer.
06:36Ce sport l'a aidé beaucoup
06:37à ne pas changer d'un certain chemin
06:41et d'un respect des choses.
06:43Et comme on était très jeune,
06:44donc ce travail à la chite,
06:46et quelque part,
06:48il a, tout doucement,
06:49on s'est mariés, bien sûr,
06:51pas très facilement,
06:51mais on s'est mariés quand même.
06:53Et c'est là qu'il a voulu être,
06:55vraiment rapporter de l'argent,
06:57amener de l'argent à sa femme,
06:59disons-nous.
07:00Et on a donc,
07:01on s'est lancés tous les deux,
07:03moi, dans la fabrication de Burnout,
07:04et lui, représentant.
07:06C'était tout à fait logique.
07:08La famille et le sport
07:09tiendront toujours une grande place
07:11dans la vie de l'Innoventura.
07:13Bon, il adorait sa famille,
07:15mais il adorait être en compagnie
07:18des copains.
07:19Claude Pinotto.
07:20Que c'était l'époque de Brassens,
07:23ou l'époque de Brel.
07:25Les copains, pour lui,
07:26c'était une chose
07:27qu'il rattachait peut-être à l'enfance,
07:28qu'il rattachait aussi
07:29à sa vie intensément sportive.
07:32Quand il parlait de l'odeur des vestiaires,
07:34de la sueur des hommes,
07:35il avait une sorte de...
07:37de nostalgie de cette époque-là.
07:40Moi, je crois que c'est un homme
07:41qui est venu très simplement
07:43et qui s'est instruit en cours de route.
07:45Jean-Paul Belmondo.
07:47C'est un homme,
07:47il était curieux de la vie, finalement,
07:49c'est ça.
07:49Bon, ben, être curieux,
07:50on trouve dans les livres,
07:52on trouve partout.
07:53Je crois que Lino était curieux
07:55de la vie,
07:56et toute sa vie,
07:57il a pioché pour essayer
07:58de trouver des choses,
07:59s'instruire,
08:00mais sans en faire,
08:01après, étalage
08:03et dans les dîners mondains,
08:04dire, ah ben, oui,
08:05je trouve que les trois sœurs de Tchékov,
08:07ne s'est pas monté comme il faut,
08:08et pas d'attirer à toi.
08:11Je crois que c'était un homme
08:12très nature et très sain,
08:14ce qui n'empêchait pas
08:14d'être très cultivé
08:15et ouvert,
08:16surtout, évidemment,
08:17c'était un sportif,
08:18ça avait été un grand catcheur,
08:19c'était un homme très fort,
08:21alors on ne voulait voir
08:22que ce côté de lui,
08:23mais lui, je crois qu'il s'en foutait
08:24qu'on parle que de ce côté-là.
08:27Lui, il aimait ce qu'il avait envie d'aimer,
08:30il s'instruisait comme il voulait,
08:31sans faire pour tout le monde,
08:33dire, regardez,
08:34je suis la science infuse,
08:35c'est pas la peine.
08:36Il ne refaisait pas le monde non plus,
08:38vous savez, il était...
08:40Moi, j'appréciais aussi,
08:41il ne faisait pas de politique,
08:42il n'était pas toute la journée
08:42à nous dire pour qui il faut voter
08:44ou pas voter.
08:45Je crois qu'il faisait son métier
08:46d'acteur très très bien
08:47et c'est déjà beaucoup, beaucoup.
08:48Et si la vieille définition
08:50n'avait pas tant servi
08:51à propos de Racine et de Corneille,
08:53nous dirions que Bessuet a peint Dieu
08:55tel qu'il devrait être
08:56et que Pascal l'a peint tel qu'il est.
08:59Ah bah dis donc.
09:01Comment ?
09:02Ils t'ont donné que 16 sur 20 ?
09:05Attends, je vais te dire
09:06qu'ils aiment un peu fort,
09:06parce que moi, là,
09:07je t'aurais donné plus.
09:08Vous êtes très gentil, mon nom.
09:17Le catch va devenir pour Lino
09:19non seulement un sport,
09:21mais un métier.
09:22Lino Ventura, en février 1950,
09:25devient champion d'Europe
09:27des poids moyens.
09:28Pour ça, on est assez injuste
09:31vis-à-vis des catcheurs.
09:32Odette Ventura.
09:33Parce que le nombre de fois
09:34que Lino est rentré
09:35avec des brûlures
09:36qui sont provoquées
09:37par les cordes,
09:38par le tapis,
09:39un genou luxé,
09:40enfin, il a eu beaucoup de misère,
09:42c'est vrai.
09:43Je me souviens beaucoup de ça.
09:44Des soins intensifs,
09:46retour de match ou de voyage.
09:48Lino gardera de cette formation
09:49de sportif de haut niveau
09:51un grand équilibre
09:53et surtout l'horreur
09:54de donner des coups.
09:55Oui, oui, parce qu'il n'avait pas envie
09:57de détruire les gens.
09:58Il y en avait eu une bagarre
09:59qui était très drôle
10:01parce qu'on s'est battu
10:02dans le palais du roi du Maroc,
10:04tout ça.
10:04Jean-Paul Belmondo.
10:06Et à un moment donné,
10:07il m'avait agrippé
10:08d'une manchette
10:10et il était navré
10:12parce que c'était un homme
10:13qui n'aimait vraiment pas faire mal
10:15et en plus,
10:15il était très, très adroit.
10:17Il ne touchait jamais les gens
10:18mais vous savez,
10:18quand on fait des fois
10:1910, 15 fois la prise,
10:20il n'arrive qu'il y a un petit coup
10:21qui passe.
10:22Mais c'était quatre fois rien
10:23mais il en était navré.
10:24C'était un homme qui était bon.
10:26Vous savez, je crois,
10:26d'abord, bon,
10:27tout ce qu'il a fait dans sa vie,
10:28on ne va pas dire
10:29qu'il était bon,
10:30on le sait.
10:30La carrière du champion d'Europe
10:31s'arrête malgré lui
10:32le 3 avril 1950.
10:36Ce jour-là,
10:36au Cirque d'hiver,
10:37Lino remet son titre en jeu
10:39face au Français
10:40Henri Cogant
10:41au cours de la réunion
10:42du Gala des Artistes.
10:45Victime d'une prise
10:46qui se déroule mal,
10:48Lino reste étendu à terre,
10:50une jambe cassée.
10:52Opération,
10:52convalescence,
10:54il ne peut plus travailler
10:55pendant de longues semaines.
10:57Ses affaires s'arrêtent
10:58et il comprend
10:59qu'il ne remontera jamais
11:00sur un ring.
11:02Lino ne peut plus nourrir sa famille,
11:04la petite Mylène
11:05qui a 4 ans
11:06et Odette
11:07qui attend un autre enfant.
11:08Il est devenu,
11:09après son accident,
11:10parce qu'il s'est cassé une jambe,
11:12Odette Ventura,
11:13il est devenu manager.
11:16Et leur manager,
11:17c'était une solidarité
11:19vis-à-vis de lui
11:21parce que comme il ne pouvait plus lutter
11:23et que nous avions un enfant,
11:26ils ont été très solidaires
11:28de Lino
11:29et de notre couple
11:31qui était quand même en difficulté.
11:32Le catch dans les années 50
11:57est un spectacle
11:58que le public adore.
11:59Lino organise des combats.
12:02Parallèlement,
12:03il a repris ses activités
12:04de commercial.
12:06Il vend la layette
12:06que confectionne Odette.
12:08Tout va mieux
12:09et sans le caprice du hasard,
12:11Lino Ventura
12:12aurait fini à la tête
12:13d'une brillante PME.
12:16Le hasard
12:16est un copain,
12:18Emmanuel Cassouto
12:19qui propose un jour
12:21à Lino
12:22de rencontrer
12:23Jacques Becker.
12:25Lino Ventura
12:26se retrouve alors
12:26entraîné
12:27dans une aventure
12:28dont il ne sortira
12:30jamais
12:31le cinéma.
12:44Becker cherche un acteur
12:45au visage marqué
12:47pour jouer un gangster.
12:49En voyant Lino Ventura,
12:51il est convaincu
12:52qu'il a l'homme
12:52qu'il lui faut.
12:53Lino,
12:55totalement étranger
12:56au milieu du cinéma,
12:57pense que tout cela
12:58n'a pas de sens.
12:59Il était un peu surpris
13:01d'ailleurs
13:01de cette proposition
13:02et comme à l'époque
13:05notre affaire
13:05de l'hierette
13:06marchait bien,
13:07Odette Ventura,
13:08la femme de Lino,
13:10il s'est dit
13:10moi je ne vais pas
13:11aller faire du cinéma
13:12pour leur montrer
13:13ma gueule
13:14de catcheur.
13:15À la limite
13:15parce qu'on l'avait
13:16un peu sollicité
13:16parce qu'il avait
13:17une gueule
13:17qui représentait
13:19le gangster type.
13:21Et ça,
13:21ça a été toujours
13:21tellement désagréable,
13:22j'avoue.
13:24Et c'était
13:25un coup de poker.
13:27Il a dit
13:27je veux un million.
13:29Il a dit
13:29de vous dire
13:30que c'était
13:30quelque chose
13:31à l'époque.
13:31D'ailleurs,
13:32dans mon livre,
13:32c'est marqué
13:33et l'explication
13:33c'était la surprise
13:35pour tout le monde.
13:36Mais il a joué
13:37le coup de poker.
13:37Il a dit
13:38moi je n'ai pas
13:38le temps à le faire,
13:39je veux un million.
13:40On lui a donné ce million
13:41parce que Jacques Becker
13:42tenait beaucoup à lui,
13:43il avait eu
13:43un bon contact,
13:45il s'est rendu compte
13:45que Lino
13:45pourrait faire des choses
13:46et c'est vrai
13:47que c'est Jacques Becker
13:48qui a vu
13:48tout le potentiel
13:49que Lino avait en lui
13:50d'un jour
13:51être un artiste.
13:52Ça c'est vrai.
13:53Gabin,
13:53comme vous le savez,
13:55était vraiment
13:56son modèle.
13:57C'est grâce à Gabin
13:58et à Jacques Becker
13:59bien sûr.
14:00Claude Pinotto.
14:02Gabin l'a un petit peu
14:04poussé
14:04parce qu'il était
14:05très hésitant
14:05quand Jacques Becker
14:07lui a proposé
14:07son rôle
14:08dans Touché pas au Grisby
14:09et c'est surtout Gabin
14:11qu'il admirait énormément
14:14qu'il a décidé
14:16à faire ce rôle.
14:19Et c'est vrai
14:19que Gabin
14:20exerçait son métier
14:21de la même manière
14:23comme un artisan
14:24consciencieux.
14:25On peut ajouter
14:26peut-être que Gabin
14:27sur la fin de sa carrière
14:28était devenu
14:29un peu acariâtre,
14:31un petit peu difficile
14:31sur le plateau.
14:33Lino d'une part
14:34n'était pas comme ça
14:35du tout.
14:35Sur la fin de sa carrière
14:36il avait son franc parlé,
14:38il a toujours eu
14:38son franc parlé
14:39mais il a toujours été
14:41tout à fait agréable
14:44sur le plateau.
14:45C'était un milieu
14:46qu'il ne connaissait pas,
14:47il avait eu des préjugés
14:48et c'est vrai ça,
14:49il en changeait
14:49parce qu'il se rendait compte
14:50que c'est des gens
14:50qui travaillent beaucoup
14:51en fait.
14:51Honnête Ventura.
14:53Et on ne s'amuse pas
14:54au cinéma
14:55moins qu'ailleurs
14:56ou et plus qu'ailleurs.
14:58Donc il a apprécié
14:59les gens
14:59et en partie
15:00les équipes
15:00de techniciens
15:02sur les plateaux
15:03et tout.
15:03C'était vraiment
15:04le contact
15:05qu'il a eu en premier
15:06c'est avec les équipes
15:07et puis il metteur en scène
15:09qui était Jacques Becker
15:10qui était un monsieur merveilleux.
15:11Ça aussi,
15:11il a eu cette chance
15:12d'avoir affaire
15:14avec des gens bien
15:15comme Jean Gabin.
15:17Ça aussi,
15:18ça fait partie de sa chance
15:19je crois.
15:19Vous voyez,
15:19il serait en train
15:20d'un autre film.
15:21Tout ça a été un tout.
15:22C'est quand même
15:23quelque part le destin
15:24elle était là.
15:24Max,
15:25on va t'expliquer
15:26de quoi il s'agit.
15:28Il nous fallait l'avis
15:28d'un homme de poids
15:29pour un petit arbitrage
15:31entre nous.
15:33Voilà.
15:35Vas-y,
15:36à toi de rouler.
15:38Tu sais que c'est moi
15:38qui fournis la câble
15:39ici depuis des années
15:40et sans que personne
15:41se plaigne.
15:42Pour ajuste
15:43et marchandise franche.
15:45Tiens-toi une seconde.
15:46Lino n'aurait jamais pensé
16:07faire un deuxième film
16:08en réussissant son coup
16:10de bluff pour le Grisby.
16:12Mais le film obtient
16:13un succès considérable.
16:15Il remet
16:16Gabin en selle
16:17après une longue période
16:18d'oubli.
16:19Et le public découvre
16:20cet inconnu
16:21qu'il se met à aimer
16:23aussitôt.
16:24Le catcheur
16:25Ventura
16:26devient une vedette
16:27de cinéma
16:28du jour au lendemain.
16:29Je ne sais pas
16:30comment vous dire.
16:31Il avait peut-être
16:31cette réserve
16:32de ne pas vouloir
16:33se prendre au sérieux
16:34en tant que comédien.
16:35Odette Ventura.
16:36Pour lui,
16:36il y avait quelque chose
16:37de faux
16:37dans Jouer la comédie,
16:39je pense.
16:39Parce que vous savez
16:40que jamais Lino
16:41ne voulait que je sois
16:42sur un plateau.
16:44Il ne voulait pas
16:44que je le regarde.
16:45Je me rends compte
16:46si j'étais sur un plateau
16:47par hasard.
16:47Je vous assure
16:48qu'il fallait que je me fasse
16:48toute petite.
16:50Parce qu'il n'aimait pas ça.
16:51Je crois que pour lui,
16:53c'était de révéler
16:54à ceux qu'il aimait
16:54quelque chose
16:55qui n'était pas profondément.
16:56et donc ça a été un hasard.
17:00Donc, on ne peut pas dire
17:01qu'on ait parlé
17:02d'un avenir d'acteur.
17:04Je ne crois pas.
17:05C'est vrai que l'argent,
17:07ça arrange beaucoup les choses.
17:08Dans notre couple,
17:09ça s'arrangeait beaucoup.
17:11Donc, automatiquement,
17:12on faisait des projets
17:14qu'on n'aurait pas fait
17:14autrement.
17:16C'est vrai.
17:17Et puis,
17:17les gens venaient
17:18le demander.
17:19Ce n'est pas lui
17:20qui faisait du porte-à-porte
17:21non plus.
17:21Je crois qu'il s'est laissé
17:25un peu guidé
17:26par cette chance
17:27et cette qualité
17:30qu'il avait
17:30pour faire du cinéma,
17:31sûrement.
17:32On a été à Cannes ensemble.
17:35On rigolait.
17:36Ce n'était pas le...
17:38On savait où on était.
17:41Jean-Paul Belmondo.
17:42Je crois que,
17:43si vous voulez,
17:44il prenait le métier
17:45au sérieux.
17:46Il faisait son métier
17:47très très sérieux
17:47mais il savait
17:48que c'était du cinéma.
17:49Il faut rester
17:50à sa place.
17:52Le cinéma,
17:52ça ne bouleverse pas
17:54le monde.
17:55Nous, on croit.
17:57Les gens qui sont
17:58que dans le cinéma
17:58se disent
17:59« Ah, il n'y a que ça. »
18:00Mais c'est un film
18:02pour la partie.
18:03Il ne faut pas l'oublier.
18:04Je crois que ça,
18:05il en était conscient.
18:06Ce qui ne veut pas
18:07minimiser du tout
18:08la chose.
18:08C'est très important.
18:10Il avait du recul.
18:11Je crois que c'était bien.
18:11Lino Ventura,
18:12en un film,
18:13est entré dans la famille
18:14du cinéma
18:14par la grande porte.
18:16Amit Gabin
18:17qui le soutient
18:18et le conseille,
18:19il commence
18:20une carrière de star.
18:22Il n'en oublie pas
18:22pour autant ses débuts.
18:24Et comme Gabin,
18:25il est prêt à soutenir
18:26les jeunes
18:27en qui ils sont du talent.
18:29Par exemple,
18:30dans « Classe touriste »
18:31de Claude Sauté
18:31sur un scénario
18:33de José Giovanni.
18:35Non, pas pratiquement.
18:36j'étais inconnu.
18:37Jean-Paul Belmondo.
18:39Non, à cette époque-là,
18:40je jouais au théâtre.
18:42Je ne peux pas dire
18:43que j'étais connu.
18:44Donc, quand j'ai rencontré
18:46Lino,
18:48lui, il était déjà
18:49une vedette
18:50et moi, pas du tout.
18:52Et ça s'est passé
18:52très bien d'entrée
18:54puisque le producteur
18:55ne voulait pas
18:56que je fasse le film.
18:58Et je l'ai fait
18:58sous l'insistance
18:59de José et de Lino
19:00parce que José et Giovanni
19:02avaient dit à Lino
19:03« Ce type-là est très bien »
19:04et tout.
19:05Et Lino m'a défendu
19:06jusqu'au bout.
19:07Et après,
19:08bon, on a tourné ensemble
19:09et on est devenus,
19:10je peux dire, copains
19:11parce que, bon,
19:12on tournait à Nice.
19:13Donc, on dînait ensemble
19:15le soir.
19:16On s'amusait ensemble.
19:17C'était...
19:18On parlait sport,
19:18évidemment.
19:19On allait voir
19:19l'OGC Nice.
19:20À l'époque,
19:21il roulait très, très bien.
19:22Et on faisait
19:23du sport ensemble.
19:24Et ça avait créé
19:25une ambiance
19:26où on était détendu.
19:27Odette Ventura.
19:28Ce don qu'il avait de présence,
19:31il le donnait
19:31au service de la gentillesse
19:33et de la joie commune.
19:34Il communiquait vraiment
19:35sa joie
19:35en racontant des histoires,
19:37en parlant,
19:39en faisant des plats
19:40pour les copains.
19:42C'était un homme joyeux,
19:44aimant la fête,
19:45quelque part.
19:46Pas excessive,
19:47mais toujours la vraie fête,
19:48vous voyez.
19:58Son succès
20:02dans les personnages
20:03de gangsters
20:04incitent les producteurs
20:05et les metteurs en scène
20:06à cantonner Lino
20:08dans ce genre de rôle.
20:09Moi,
20:10ce qui m'a effrappé
20:10toujours chez Lino,
20:13c'est ce...
20:13Comme chez Gabin,
20:14d'ailleurs,
20:15alors qu'il ne se ressemblait pas.
20:17Mais c'est ce don
20:19du naturel inné
20:20qu'ils avaient tous les deux.
20:21Jean-Paul Belmondo.
20:22Moi, je dis toujours
20:23qu'il faut apprendre
20:24ce métier.
20:24C'est vrai,
20:25parce qu'on dit tout au genre,
20:26« Ah, il n'y a pas besoin d'apprendre. »
20:28Lui, c'est l'exception
20:29qui confirme la règle.
20:30Il n'a pas appris
20:31dans des cours,
20:32mais je crois
20:32qu'il a appris beaucoup
20:33en allant voir les autres,
20:34ce qu'il disait toujours,
20:35puisqu'il disait
20:36que son conservatoire,
20:37c'était les salles de cinéma
20:38de quartier
20:39où il allait.
20:40Et je crois,
20:40au contact
20:41d'un grand monsieur
20:43comme Gabin,
20:43il apprenait beaucoup
20:44en jouant avec lui
20:45parce qu'il avait
20:46un ton d'observation.
20:47Il savait où était la caméra,
20:48était placée la caméra,
20:50il connaissait tout,
20:50les lumières,
20:51la caméra.
20:51Il voyait
20:52s'il y avait une connerie
20:53ou pas une connerie.
20:54Robert Rosset.
20:55Le mouvement,
20:56ce qu'il allait faire,
20:56comment ça démarrait,
20:58comment il finissait,
20:58à quelle grosseur.
20:59Oh, tout, tout, tout, tout.
21:00Il posait juste la question,
21:01mine de rien,
21:02il savait tout.
21:03Et il jouait en fonction
21:04de la place de la caméra.
21:06C'est-à-dire qu'il jouait
21:07en fonction d'instinct,
21:08d'instinct,
21:09comme un réflexe.
21:10Acteur d'instinct,
21:12Lino Ventura
21:12comprend aussi
21:13qu'il possède
21:14quelque chose
21:14d'exceptionnel,
21:16une présence unique
21:17devant la caméra.
21:19Oui, mais ça,
21:19il y a quelqu'un
21:20qui lui a dit aussi,
21:21il lui a dit de toute manière,
21:22c'est ta mère
21:23qui t'a donné cette présence.
21:24On est Ventura.
21:26Il y aura dix personnes
21:26sur les grands,
21:27c'est toi qu'on verra.
21:29Sans être le plus grand
21:30ni le plus fort,
21:32c'est toi qu'on verra.
21:33Et ça,
21:33ça ne s'explique pas.
21:35Ça, c'est vrai.
21:35Et il s'est rendu compte
21:36de ça, toujours.
21:46Lino a fait ses débuts
21:47à 34 ans,
21:48alors que la plupart
21:49des acteurs
21:50ont déjà une dizaine
21:51d'années d'expérience
21:52derrière eux.
21:53Il n'a pas suivi
21:54de cours de théâtre,
21:56personne ne lui a appris
21:57à réciter un texte
21:58ou à prendre possession
21:59d'un personnage.
22:01On se voyait,
22:02on pouvait sortir ensemble,
22:03mais on ne parlait pas
22:04des rôles.
22:05Jean-Paul Belmondo
22:06On ne disait pas
22:07demain,
22:08je vais le jouer comme ça
22:09ou je pense
22:10que ce personnage
22:10est ci et ça.
22:11Sans doute qu'il faisait
22:12comme nous tous,
22:13un travail dans sa tête
22:14qui lui était propre,
22:16mais il n'en parlait pas.
22:17Et je crois que ça,
22:19c'était bien.
22:20Parce que des fois,
22:20c'est un peu gaspillé
22:21quand les gens vous disent
22:22« Ah, je ne sers pas bien,
22:23je vais faire ci,
22:24je vais faire ça. »
22:24Lui, il le faisait
22:25sans vous dire
22:26« Qu'est-ce que je vais faire ? »
22:27Mais il le faisait.
22:29Et ça, c'était
22:29très, très appréciable.
22:31C'était comme Jean,
22:33on parlait de choses
22:34et d'autres avant
22:35d'attaquer les rôles
22:37et quand on était dessus,
22:38il devenait le personnage
22:39totalement.
22:40Pendant une minute,
22:41deux minutes,
22:41ça suffisait.
22:43Il préparait son personnage
22:45comme nous préparons le film.
22:46On a mis très longtemps,
22:47lui aussi.
22:48Robert Rosset.
22:49Et il revenait,
22:52discutait,
22:53voulait savoir.
22:54Et ensuite,
22:54lorsqu'il était sur le plateau,
22:55ça allait très, très vite.
22:56Il était spontanément
22:57à la place
22:57parce qu'il avait eu le temps
22:58d'y réfléchir.
22:59Je crois que c'est ça.
23:01Mais oui, oui, c'est ça.
23:03Il aurait pu faire
23:03beaucoup de choses.
23:04Et certainement,
23:05s'il ne nous avait pas quittés
23:06un peu prématurément,
23:08je l'aurais poussé
23:09à faire du théâtre.
23:09Il était déjà
23:10presque sur la pente.
23:12« Je serais donc
23:13toujours un tueur, »
23:14se lamente Lino
23:15en voyant les propositions
23:16de rôle de gangster
23:18s'amonceler sur son bureau.
23:20Il aimerait jouer
23:21des personnages plus tendres,
23:23que les producteurs
23:23comprennent que sa tête
23:24de catcheur
23:25peut exprimer autre chose
23:27et que l'amour du public
23:28ne disparaîtra pas
23:30pour autant.
23:30C'est un gangster
23:31qui va faire des horreurs.
23:32On dira,
23:33il a raison de les faire.
23:34C'est ça qui est incroyable,
23:35c'est vrai.
23:35Odette Ventura.
23:37Et donc,
23:38c'est ça,
23:39mais c'est la sympathie
23:39du public.
23:40Vous comprenez
23:41que dans ces matchs de catch,
23:42on aurait voulu
23:43que ce soit lui
23:43qui gagne,
23:44toujours.
23:45Ça,
23:46ça ne s'explique pas,
23:46c'est ça.
23:47Il était l'enfant gâté
23:48du public,
23:48Lino,
23:48c'est vrai.
23:49Mais ça,
23:49il l'a toujours reconnu.
23:51Il dit,
23:51on m'a aimé.
23:52On m'aime beaucoup.
23:52même avant
23:54d'être une vedette.
23:55Donc,
23:55on m'aime beaucoup.
23:57Il le sentait,
23:58ça, Lino.
23:59Il en avait besoin,
24:00vous savez,
24:00d'être aimé.
24:01C'était un cancer,
24:02d'ailleurs,
24:02comme signe.
24:03Et ça,
24:03c'est les cancers,
24:04ils ont besoin
24:04d'être aimés.
24:05On ne l'aime jamais assez.
24:36C'est encore à Jacques Becker
24:43que Lino Ventura
24:44doit le renouvellement
24:45de sa carrière.
24:46Il s'agit cette fois
24:47d'interpréter le rôle
24:48d'un marchand de tableaux
24:49à l'affût de l'œuvre
24:50de Modigliani,
24:52un personnage de composition,
24:55un homme réfléchi,
24:57éloigné de l'image du sportif
24:58auquel le public s'est habitué.
25:01Oui,
25:01mais si on dit
25:01on ne parlait que de sport,
25:02après les gens disent
25:03c'est un musculo-respiratoire,
25:04je connais ça très bien.
25:06Non,
25:06non,
25:06Jean-Paul Belmondo.
25:07Il me parlait aussi
25:08du théâtre,
25:10par exemple,
25:10bon,
25:10il aimait beaucoup Robert Hirsch
25:12qui à l'époque
25:12était la,
25:14on peut dire,
25:14la star,
25:15pour employer les mots
25:16de maintenant,
25:17de la comédie française.
25:18C'est un acteur absolument génial
25:20qui l'est toujours d'ailleurs.
25:21Et Lino,
25:22à Léo,
25:22à la comédie française
25:23et des fois on parlait de ça.
25:25Il m'a demandé
25:26de lui parler
25:27sur le conservatoire
25:28quand je jouais au théâtre
25:29avec Brasseur,
25:30tout ça.
25:31On parlait aussi
25:32beaucoup d'art.
25:33Il était ouvert
25:33sur beaucoup de choses.
25:34il parlait aussi
25:37de la sculpture
25:38par rapport à mon père.
25:41Il parlait
25:41beaucoup de choses.
25:43Mais c'est vrai
25:44que quand vous êtes
25:44dans le travail
25:45et que vous êtes
25:47pour vous détendre,
25:49le sport,
25:49c'est quand même
25:50ce qu'il y a de mieux.
25:51Alors,
25:51on analyse l'équipe
25:52mais après,
25:53si on dit ça,
25:54les gens tirent la conclusion
25:55« Ah,
25:56ils ne lisent que l'équipe. »
25:58Quand la conversation
25:59pouvait venir
26:00sur la peinture
26:02ou sur Proust
26:02ou sur Montaigne,
26:04que sais-je.
26:05Claude Pinotteau.
26:06On s'apercevait tout d'un coup
26:07qu'il avait une connaissance
26:09de cela
26:09qui n'était pas
26:11dans l'image peut-être
26:12que le grand public
26:14avait de lui.
26:14Il aurait eu la dimension
26:16de jouer des...
26:17Les diables et le bon dieu.
26:19Il aurait eu la dimension
26:21de jouer des grands premiers rôles.
26:22Il pouvait être même
26:22Shakespeareien.
26:23Il était étonnant.
26:24Robert Husset.
26:26Il avait une puissance,
26:28une force,
26:29une violence
26:30et puis une générosité,
26:32une passion
26:33et puis un certain désespoir
26:35quelque part.
26:37Alors là,
26:37c'est formidable
26:38lorsque vous êtes blessé
26:39à la naissance.
26:41C'est sublime
26:42après pour transposer.
26:44Cette sensibilité
26:55que le public
26:55va peu à peu
26:56découvrir
26:56à travers ses rôles,
26:58Lino la cache soigneusement
27:00derrière un caractère
27:00de fer,
27:02parfois semé
27:02d'intransigeance.
27:05Dans un film
27:05de José Giovanni,
27:07dernier domicile connu,
27:09Marlène Jobert
27:09en a fait l'expérience.
27:11On m'avait fait lire
27:12le scénario
27:12trois mois
27:13avant le tournage
27:14et que j'avais été déçue
27:17un peu par le rôle.
27:21Et j'avais donc exprimé
27:22que j'aurais bien aimé
27:23avoir un rôle
27:24aussi beau
27:24que celui de Lino
27:25parce que je le trouvais
27:26formidable
27:27et que je venais
27:28tourner le passager
27:29de la pluie
27:29et que je croyais
27:30que toute ma carrière
27:32allait m'apporter
27:33des rôles aussi beaux
27:34que le passager
27:35de la pluie.
27:35c'était une réaction
27:38de jeune
27:39qui débute
27:40qui ne sait rien,
27:41qui a tout à apprendre.
27:43Si j'avais eu quelqu'un
27:43pour me dire
27:44« Tu sais,
27:45c'est exceptionnel,
27:47t'en auras pas d'autre
27:47comme ça,
27:48regarde celui-ci est joli. »
27:49C'est vrai qu'au finish,
27:50le rôle est très joli
27:51dans le dernier domicile
27:52connu
27:53et que j'étais très contente
27:55après de l'avoir fait.
27:56Bon, alors ma réaction
27:58ça a été
27:58« Oh, écoutez,
28:00essayez-moi de me plaisir
28:01un peu ce rôle. »
28:02On me l'a promis
28:03et un mois avant le tournage
28:04on me livre le scénario
28:05où il n'y avait absolument
28:06rien de changé.
28:07C'est une réaction
28:08peut-être juvénile
28:09mais c'est d'un seul coup
28:10« Ah bon ?
28:11Alors vous êtes fichu de moi,
28:12je ne veux plus le faire. »
28:14Et il a pris très très mal
28:16finalement
28:16qu'une jeune comédienne
28:18comme ça
28:20hésite d'abord
28:21et refuse
28:22de tourner avec lui
28:24et je crois que
28:25pendant tout le tournage
28:26il l'a fait
28:28il a tourné ce film
28:30avec cette arrière-pensée
28:31cette aigreur
28:32vis-à-vis de moi
28:33et j'ai été très malheureuse
28:34pendant le tournage.
28:35Peut-être 15 ans après
28:37sur les Champs-Elysées
28:38nous nous sommes croisés
28:39bêtement
28:40et il a
28:41il a
28:42il s'était plus le même
28:44il l'avait
28:45il l'avait oublié
28:46ou alors
28:47il était particulièrement
28:48de bonne humeur
28:48ce jour-là
28:49et quand j'ai lu
28:50dans ses yeux
28:51qu'il avait
28:51qu'il avait oublié
28:54ou qu'il n'y pensait plus
28:56ou qu'il
28:56j'ai été très soulagée
28:59parce que j'avais
28:59beaucoup d'admiration
29:00pour lui.
29:01Oh les colères
29:02alors moi
29:02j'ai toujours dit
29:03que mon mari
29:04avait des colères
29:04très spectaculaires
29:06d'ailleurs
29:06c'était
29:07c'est impressionnant.
29:09Odette Ventura
29:10même moi
29:10il m'impressionnait
29:12pour dire la vérité
29:12quand il était fâché
29:13ça prenait des proportions
29:14pour des petites choses
29:15mais ça c'était un peu
29:16son côté excessif
29:18et c'était à moi
29:19de dire
29:19non
29:19il faut mettre ça
29:20au deuxième degré
29:21pour être
29:22à la bonne mesure
29:23vous voyez
29:24et je crois
29:25qu'il se mettait
29:26en colère
29:27mais c'était
29:28très court.
29:29On pourrait peut-être
29:29prévenir la police
29:31vous voulez que le Mexicain
29:34se retourne dans sa tombe
29:35non ?
29:36Sa fille recherchée
29:37par les perdres
29:37il y a vraiment des jours
29:39où vous déconnez ferme
29:40Jean
29:42Monsieur
29:44vous avez vu partir
29:46la petite fois ce matin ?
29:47Oui monsieur
29:47comme d'habitude
29:48à 8h
29:49et vous avez rien à marquer ?
29:51C'est monsieur
29:51les valises
29:52non mais c'est pas
29:53comment mais c'est
29:54maintenant
29:55qu'il me dit ça ?
29:56Non mais c'est pas vrai
29:59comment ?
29:59Une homme
30:00s'en va
30:00soi-disant
30:01à l'école
30:01avec des valises
30:02et vous vous trouvez
30:03ça naturel vous ?
30:04Ah on peut dire
30:05que je suis secondé
30:05merci messieurs
30:08merci
30:08En 1958
30:26Lino Ventura
30:27est devenue
30:28une star du cinéma
30:29tout lui réussit
30:31son personnage
30:32de dur
30:33au coeur tendre
30:34remplit les salles
30:35de toute façon
30:35il était représenté
30:36d'un cinéma français
30:37qui à l'époque
30:38marchait très fort
30:39puisqu'il y avait
30:40beaucoup plus de clients
30:42comme on dit
30:42Jean-Paul Belmondo
30:44donc il représente
30:45cette période
30:46on peut dire
30:46qui a été bénie
30:48du cinéma français
30:50qui n'est pas si lointaine
30:51mais à un moment donné
30:53où c'était vraiment
30:54la folie
30:54tout le monde
30:55se précipitait
30:56au cinéma
30:57donc il représente
30:58cette époque là aussi
31:071958
31:141958 est aussi
31:15l'année de la naissance
31:16de Linda
31:17le troisième enfant
31:18de Lino
31:19et d'Odette
31:19Linda ne grandit pas
31:21comme les autres enfants
31:23Odette Ventura
31:24raconte dans son livre
31:25ses angoisses
31:26et la lutte
31:28qu'elle a menée
31:28avec Lino
31:29pour que Linda
31:29puisse redevenir
31:31un bébé
31:31comme les autres
31:32on n'avait jamais
31:33parlé de notre problème
31:34autant entre nous deux
31:35Odette Ventura
31:36parce que
31:37comme je dis toujours
31:38ce drame
31:39qui arrive
31:40dans un couple
31:41on n'en parle pas
31:44elle est différente
31:47elle ne fait pas
31:48ceci
31:48elle ne fait pas cela
31:49d'accord
31:49on va avoir plus
31:50de docteurs
31:51on a des problèmes
31:51d'accord
31:52mais on n'en parle pas
31:53parce qu'on a l'impression
31:54toujours que quelque chose
31:55va s'arranger
31:56vous savez
31:59des plus faibles
32:00on n'en parle pas
32:00on les aide
32:01comme je dis
32:01l'enfant qu'on aime le plus
32:03c'est toujours celui
32:03qui est le plus faible
32:03au moment où il est malade
32:05où il a besoin de vous
32:05donc ma fille c'est ça
32:06c'est un enfant
32:07qui aura besoin
32:08toujours de sa mère
32:09de son père
32:09hélas
32:10qui est parti
32:11on essaie de faire
32:12une structure
32:13c'est pour ça
32:13notre motivation
32:14était celle-là
32:15c'est parce que quelque part
32:16quand on a réalisé
32:17que pour les adultes
32:18il n'y avait plus rien
32:19et que nous
32:19on prenait l'avion
32:20qu'on pouvait mourir
32:21etc
32:21mon mari est parti
32:23et Dieu sait
32:23que c'est épouvantable
32:24on a réalisé
32:27et ça
32:28ça a été le grand coup
32:28d'envoi de personnage
32:29parce que là
32:30Lino a parlé
32:31publiquement
32:32de son problème
32:33il en a parlé
32:33une première fois
32:34pour aider les parents
32:36qui étaient eux perdus
32:37et c'est vrai
32:38qu'on l'ignorait
32:39l'enfance handicapée
32:41on l'ignorait
32:42qu'on veuille ou non
32:43donc Lino a parlé
32:44de son problème
32:44pour démystifier
32:45cette image justement
32:46de réussite
32:47de bonheur
32:48que représente un artiste
32:49imaginez-vous
32:50il avait un enfant
32:50pas comme les autres
32:51moi-même
32:53je vous dis
32:53je suis reconnaissante
32:55et admirative surtout
32:56admirative
32:57de cette force
32:58qu'il a eu
32:59de dépasser
33:01cette pudeur
33:02que ça représentait
33:02pour lui
33:02en plus pour lui
33:03qui était l'homme
33:04le plus timide
33:05le plus pudique
33:07il a parlé
33:09de cette chose profonde
33:10pour un homme
33:11qui est une humiliation
33:12qu'on veut le dire
33:13c'est une blessure
33:15et je crois quand même
33:17que l'admiration
33:17qu'on a pour Lino
33:18les gens ont compris ça
33:20qu'il avait fait
33:21pour aider
33:22les parents
33:22et les enfants
33:23et ça je trouve ça
33:24je crois que ça
33:25les gens ont bien reçu ça
33:26et qu'après
33:27il a disparu
33:28il n'a plus voulu
33:29parler de ça
33:30de ce problème
33:30et on a travaillé
33:31dans l'ombre
33:32bon
33:33la colère est venue
33:34qu'il est obligé
33:35encore de parler
33:35de ce problème
33:36quand on a voulu
33:37ouvrir ce foyer
33:38où tout un quartier
33:40refusait les handicapés
33:41et là encore
33:42c'est la colère
33:42qui l'a fait parler
33:43mais toujours
33:45la force
33:46parce que c'était
33:48l'indignation profonde
33:49qu'il avait
33:49c'était pas pour lui
33:50c'était pour les autres
33:50pour tous
33:51pour l'avenir
33:52et ça je crois
33:53qu'il a cette place
33:55et j'aimerais
33:55qu'il la garde toujours
33:56parce que c'est quand même
33:57lui
33:57qui a parlé en premier
33:58de son problème
33:59pour qu'on puisse dire
34:00il y a des enfants
34:01qui ne naissent pas
34:01comme les autres
34:02et il faut s'en occuper
34:03dignement
34:03et comme il a dit
34:04il faut s'en occuper
34:05quand ils naissent
34:06il faut s'en occuper
34:07jusqu'au bout de leur vie
34:08parce qu'il n'y a pas
34:09de tout
34:09un grand coup de coeur
34:10les enfants
34:11les enfants
34:12ils ont des fois 50 ans
34:13aujourd'hui
34:14Linda est une femme
34:15de 34 ans
34:15elle vit dans la maison
34:17de la fondation
34:17Personneige
34:18que ses parents
34:19ont voulu créer
34:20pour accueillir
34:21les enfants handicapés
34:22il a été
34:23un peu obligé
34:24par la vie
34:25d'avoir le courage
34:29de créer
34:29des personnages
34:31qui l'a fait
34:31encore mieux connaître
34:33du public
34:33et peut-être
34:33encore mieux aimer
34:34Claude Pinotot
34:35mais je sais
34:36qu'au début
34:37de la fondation
34:38de cette oeuvre
34:39Lino répugnait
34:41beaucoup
34:41à ce qu'on parle de lui
34:43bon
34:44il aimait que sa femme
34:45s'occupe de l'oeuvre
34:46lui s'en occupait
34:46énormément
34:47mais
34:48il répugnait
34:50il avait peur
34:51qu'on puisse penser
34:53une seconde
34:54qu'il créait
34:54cette oeuvre
34:55pour se mettre
34:56lui-même en valeur
34:56pour montrer
34:57que c'est un homme
34:57philanthropique
34:58et ça
35:01ça l'a
35:02beaucoup
35:03beaucoup
35:03gêné
35:04c'est un homme
35:05encore une fois
35:05qui aurait aimé
35:07faire son métier
35:08dans l'ombre
35:08ce qui était
35:08très difficile
35:09on ne peut pas faire
35:10ce métier d'acteur
35:11et rester dans l'ombre
35:12et pourtant
35:12c'est ce qu'il aurait
35:13souhaité
35:14mais moi
35:15je vais vous dire
35:16une chose
35:16vous pensez
35:17que ce qui lui est arrivé
35:18dans la vie
35:19sur le plan affectif
35:20et par rapport
35:20à ses enfants
35:21n'est pas
35:22en soi-même
35:23tragédie quelque part
35:24Robert Hossein
35:25je pense que c'est
35:26il a été nourri
35:29de ça aussi
35:30et qu'il lui a donné
35:32l'envie
35:32de faire ce qu'il a fait
35:33c'est une grande folie
35:34aussi d'avoir créé
35:35ce qu'il a fait
35:36pour des enfants
35:37handicapés
35:38malgré cette épreuve
35:39Odette et Lino Ventura
35:41ne se sont jamais
35:42désunis
35:43écoutez je crois
35:43que quelque part
35:44là c'est vrai
35:44c'est une preuve
35:45qu'il y a eu
35:45beaucoup d'amour
35:46entre nous deux
35:46parce que c'est vrai
35:47la défense automatique
35:48dirait c'est la faute
35:49de l'autre
35:50et je crois
35:52qu'on ne doit pas dire ça
35:53quand on t'aime
35:54on est deux
35:55on porte le fard
35:57deux à deux
35:57il ne faut pas chercher
35:58le coupable
35:59il ne faut pas chercher
35:59le responsable
36:00et on doit tirer
36:02à deux le problème
36:03le porter à deux
36:04c'est chou
36:05et mon mari
36:05était vraiment
36:06très près de moi
36:07lino Ventura
36:33continuera pendant
36:33toute sa vie
36:34à mener une carrière
36:35exemplaire menée à sa façon
36:38sans impresario
36:39avant l'écriture
36:41quand on lui parlait
36:42de l'idée
36:42ou cette idée lui plaisait
36:44ou ne plaisait pas
36:45Claude Pinotot
36:46vous savez très souvent
36:47quand on allait dans son
36:48au cap
36:49enfin au parc de Montretout
36:51dans son domicile
36:52il nous recevait
36:53dans son bureau
36:54en sous-sol
36:55mais un sous-sol
36:56qui avait l'avantage
36:57d'être quand même
36:57à une centaine de mètres
36:59au dessus du niveau
36:59de la scène
36:59et là
37:02il s'assoyait
37:04sur son fauteuil
37:04directoire
37:05face au canapé
37:08il était en contre-jour
37:09ce qui n'était pas
37:09très agréable
37:10il bourrait sa pipe
37:12tranquillement
37:12et puis il disait
37:13je vous écoute
37:14avec une espèce
37:15de gourmandise
37:16espérant de tout son coeur
37:18qu'on allait lui raconter
37:19une histoire
37:19qui allait l'enchanter
37:20et là c'était
37:22un petit peu
37:22l'épreuve
37:24d'ailleurs l'oral
37:25devant ce formidable
37:27professeur
37:28et il est arrivé
37:29que des collègues à moi
37:31ils racontent l'histoire
37:33et à la fin
37:34très gentiment
37:34ils disent
37:35écoutez mes enfants
37:35c'est très bien
37:36mais sans moi
37:36on ne peut pas faire tourner
37:49n'importe quel rôle
37:50de composition
37:51à Alineau Ventura
37:53il doit sentir
37:54le personnage
37:55proche de lui-même
37:57même si le trait
37:58en est forcé
37:59c'est un trait
38:00de caractère
38:00de Lino
38:01Claude Pinotto
38:01quand il a lu
38:03le scénario
38:03de la gif
38:04qu'il adorait
38:04simplement
38:05il a fait remarquer
38:06à Jean-Loup
38:07d'Abadi
38:07et à moi
38:08il disait
38:08mais si ma fille
38:09me parlait comme ça
38:10je la défigure
38:11ce qu'il n'aurait
38:12jamais
38:13d'ailleurs fait
38:14parce qu'il adorait
38:15trop ses enfants
38:15l'acteur
38:26n'est pas un menteur
38:27dit souvent
38:28Lino Ventura
38:29alors
38:30pourquoi jouer
38:31des personnages
38:32ou des scènes
38:33qui ne correspondent
38:34pas à sa personnalité
38:36Lino
38:37épluche
38:37les scénarii
38:38avec soin
38:39à la chasse
38:40de la moindre
38:41invraisemblance
38:41il a besoin
38:42d'être convaincu
38:43de la vérité
38:44de ce qu'il interprète
38:45pour y apporter
38:46toute sa personnalité
38:48sa force
38:49vous savez
38:50Lino rentrait
38:51dans une pièce vide
38:52elle était meublée
38:53d'un seul coup
38:53Claude Pinotto
38:54alors qu'il avait
38:56une présence
38:57tout à fait exceptionnelle
38:59il avait aussi
39:01un jugement
39:01scénaristique
39:03qui était très intéressant
39:04il avait l'instinct
39:05de débusquer
39:06ce qui n'allait pas
39:07bon il avait aussi
39:09la rigueur
39:10de ses personnages
39:11il refusait
39:11des rôles
39:12qui ne soient pas
39:13en harmonie
39:14avec sa manière
39:15de concevoir
39:18la vie
39:18il ne voulait pas
39:20faire certaines scènes
39:21il pensait
39:21que tous les films
39:23qu'il faisait
39:24devaient pouvoir
39:25être vu
39:26par ses enfants
39:26jamais le spectateur
39:28ne voit Lino
39:28dans des situations
39:29érotiques au cinéma
39:30il refuse
39:32toute scène
39:33d'intimité
39:34sauf un jour
39:36quand Claude Lelouch
39:37lui propose
39:38de tourner
39:39La Bonne Année
39:39ce personnage
39:40lui plaisait
39:41lui plaisait
39:41parce que sa démarche
39:43amoureuse
39:43puisque c'est une histoire
39:44d'amour
39:45correspondait tout à fait
39:47à la sienne
39:47Claude Lelouch
39:48par exemple
39:50je crois que c'est
39:51la première fois
39:51qu'on a mis Lino Ventura
39:53dans un lit
39:53avec une femme
39:54avec Françoise Fabian
39:55et je me rappelle
39:55j'ai eu beaucoup de mal
39:56à le mettre dans ce lit
39:57car Lino
39:59n'imaginait pas
39:59aller dans un lit
40:00avec une femme
40:01vis-à-vis de sa femme
40:02de sa propre femme
40:03et alors il m'a dit
40:05cette chose très jolie
40:05il m'a dit
40:06moi je veux bien
40:06aller dans le lit
40:07que quand on aura
40:08tourné le film
40:09si c'est justifié
40:11je veux pas aller
40:11dans un lit
40:12comme ça
40:12parce que
40:13tout le monde
40:13va dans n'importe quel lit
40:14au cinéma
40:15alors je vais montrer
40:16le lit
40:17le film
40:18c'est un abstus intéressant
40:20et je vais montrer
40:21le film
40:22et quand il a vu le film
40:22il a dit
40:23tu as raison
40:23il faut absolument
40:24cette scène de lit
40:25avec Françoise
40:25il avait besoin
40:26d'être en accord
40:27avec lui-même
40:27il avait envie
40:28d'épater
40:29en tous les cas
40:29Lino Ventura
40:31il avait envie
40:32de s'épater
40:32lui-même
40:33et donc
40:33il avait besoin
40:35de se regarder
40:35dans une glace
40:36et d'être fier du personnage
40:37qu'il était
40:37donc ce que j'aimais
40:39chez cet homme
40:39c'est qu'il était
40:41très très honnête
40:42il était très honnête
40:43et l'honnêteté
40:44c'est l'art
40:45de savoir dire non
40:46à plein de gens
40:47je crois que
40:48toute femme qui aime
40:49peut être jalouse
40:50et dire
40:50mon Dieu
40:51est-ce que je vais
40:51supporter la comparaison
40:53Odette Ventura
40:54c'est normal
40:56dire que
40:56je n'étais pas
40:57tellement contente
40:58mais c'est vrai
40:58qu'il n'a pas
40:59tellement embrassé
41:00les filles
41:01il faut dire la vérité
41:02et je crois
41:04que je suis aussi
41:04le seul maître en scène
41:05qui lui est fait
41:06embrasser une femme
41:07sur la bouche
41:08notamment
41:10Angie Dickinson
41:11dans L'Homme en colère
41:12Claude Pinotto
41:13alors ça
41:15ça a été
41:15je dirais
41:17un souvenir
41:18tout à fait étonnant
41:19parce que
41:19l'équipe
41:20en plus
41:21la première
41:22prise
41:24que nous avons faite
41:25Jean-Claude Carrière
41:27et moi
41:27lui avions dit
41:27je t'en prie
41:28Lino
41:28montre que
41:29tu aimes cette femme
41:31mais vraiment
41:31embrasse-la
41:33sensuellement
41:35et quand même
41:36il s'est forcé
41:37la première prise
41:38il s'est jeté
41:38sur les lèvres
41:39d'Edgen Dickinson
41:39avec une telle force
41:41que j'ai dû couper
41:42en disant
41:43écoute
41:43c'est bien
41:46mais je pense
41:46qu'il faudrait
41:46la refaire
41:47il est devenu rouge
41:48comme une pivoine
41:49après l'avoir embrassé
41:51tellement gêné
41:53et Angie
41:53riait aux éclats
41:55en disant
41:55il m'a embrassé
41:56Lino Ventura
41:57m'a embrassé
41:58elle riait
41:59parce qu'elle savait
42:00que c'était le premier
42:00baiser de cinéma
42:01de Lino
42:03et Lino était
42:03comme un adolescent
42:05rougissant
42:08et très gêné
42:09et quand je lui ai dit
42:10Lino il faut la refaire
42:11bon je ne dirais pas
42:12qu'il a pris ça
42:13très très mal
42:14mais je lui ai dit
42:15qu'il faudrait même
42:16que tu fasses un baiser
42:17peut-être
42:17alors on t'a tellement
42:18demandé
42:19de le faire
42:20sensuellement
42:21avec force
42:22il lui avait pris la nuque
42:23vous savez
42:23il l'avait plaqué
42:24contre ses lèvres
42:25bon
42:25essayons de faire
42:27un baiser plus tendre
42:29certains disaient
42:30qu'il était misogyne
42:31mais je ne crois pas
42:32que ce soit tout à fait ça
42:33Marlène Jobert
42:34il en avait peur
42:37un peu des femmes
42:38il ne les comprenait pas bien
42:39c'était une
42:40c'était une race
42:42qu'il ne saisissait pas
42:45il fuyait un petit peu
42:47avec le personnage
43:00de Jean Valjean
43:01tiré du roman
43:01de Victor Hugo
43:02Lino Ventura
43:04aborde un nouveau genre
43:05pour la première fois
43:07il tourne un film d'époque
43:08pour la première fois
43:10il doit se plier
43:11aux contraintes
43:12des costumes
43:13et des maquillages
43:14d'un autre âge
43:15il portait très bien le costume
43:16tout à fait naturellement
43:18aussi bien le Valjean
43:19en vagabond
43:19que le Valjean
43:20devenu monsieur Madeleine
43:22Robert Rosset
43:23et je me souviens
43:26que le problème
43:27n'était pas tellement
43:28le costume
43:28c'était plutôt
43:29le maquillage
43:30et les goiffures
43:31il en a beaucoup changé
43:33tout le long
43:33du spectacle
43:34de cette saga
43:35il s'y est prêté
43:36avec bonne volonté
43:37en m'augréant un peu
43:38mais au fond
43:41il était ravi
43:41à partir du moment
43:42où il avait accepté
43:43d'assumer le rôle
43:44de Valjean
43:45après de longues hésitations
43:46par rapport à l'admiration
43:47qu'il éprouvait pour Gabba
43:48et à sa modestie naturelle
43:50j'ai toujours trouvé
43:52qu'il était
43:52ce n'est pas une question
43:54de talent
43:55c'est qu'il était
43:56le personnage
43:57en plus du talent
43:59avec lequel il l'interprétait
44:00il ne le composait pas
44:02il l'était
44:02il le vivait
44:03car il ressemblait
44:04à cet homme dans la vie
44:05Brevet
44:07Cachepaille
44:08Tenez le Dieu
44:08regardez-moi bien
44:10Brevet
44:12c'est à toi que je parle
44:14à Toulon
44:15t'avais un oiseau
44:16dans une cage
44:16c'est pas vrai ?
44:18c'est vrai
44:18et toi Chenille Dieu
44:19tu te surnommais
44:20toi-même Jeunidieu
44:21et un jour
44:22tu t'es brûlé l'épaule droite
44:23sur un réchaud plein de braises
44:24pour effacer la marque
44:25des condamnés à perpétuité
44:27c'est pas vrai ?
44:28ouais
44:28Cachepaille
44:29tu es après
44:30de l'assigner du bras gauche
44:31une date gravée
44:32avec de la poudre brûlée
44:33et cette date
44:35c'est celle du débarquement
44:35de l'empereur Akan
44:361er mars 1815
44:38Valjean
44:39relève ta manche
44:40monsieur le président
44:50maintenant vous savez
44:52qui je suis
44:52vous pouvez me faire arrêter
44:54où vous voudrez
44:55et quand vous voudrez
44:55monsieur vous êtes libre ?
45:05un peu comme
45:06monsieur Madeleine
45:07dans Les Misérables
45:08Lino Ventura
45:09devient une sorte
45:10de redresseur
45:11de torse sur le plateau
45:12il lutte pour
45:13la réussite du film
45:15et en plus
45:15il m'a aidé
45:16ça c'est capital
45:17vous savez
45:18dans une aventure
45:19aussi longue
45:20c'est ça
45:20qui est terrible
45:21aussi longue
45:21il m'a beaucoup aidé
45:24il m'a évité
45:25des tas d'obstacles
45:26et surtout
45:26il l'a aidé
45:27par rapport aux rapports
45:28que j'avais
45:28par rapport avec la production
45:30qui n'était pas toujours facile
45:31etc.
45:32parce que moi
45:32je cherchais un peu
45:34il m'a soutenu
45:36facilité
45:37pas mal de choses
45:38dans les rapports
45:39il était très très redouté
45:41et craint
45:41par les autres
45:43ça m'arrangeait bien
45:44et lorsque quelque chose
45:45n'allait pas
45:45j'allais me plaindre
45:47Lino Ventura
46:00toute sa vie
46:01va préserver
46:02ce qu'il considère
46:03comme des joies
46:03dans la vie
46:04l'amitié
46:05et la bonne cuisine
46:07comme Jacques Brel
46:08c'était pendant le tournage
46:09de l'aventure
46:10c'est l'aventure
46:11et là j'ai rencontré
46:12j'ai assisté
46:13à la rencontre
46:14de deux personnes
46:15qui n'étaient pas faites
46:16pour se rencontrer
46:17Claude Lelouch
46:18qui ne se seraient jamais
46:20rencontrés naturellement
46:21s'il n'y avait pas eu
46:24la merveilleuse histoire
46:25d'un film
46:26pour les faire
46:27se rencontrer
46:27car ils étaient opposés
46:29comme on ne peut pas imaginer
46:31je veux dire
46:31d'un côté
46:32il y avait
46:32un artiste
46:35délirant Brel
46:36et de l'autre côté
46:37un artiste
46:38qui avait besoin
46:39de croire
46:39à ce qu'il faisait
46:40donc c'est
46:41la rencontre
46:42de ces deux hommes
46:43à la fois
46:43m'inquiétaient beaucoup
46:45sur le plan du tournage
46:46je me suis dit
46:46est-ce qu'ils vont pouvoir
46:47et en même temps
46:48ils étaient tellement opposés
46:49qu'ils se sont fascinés
46:50l'un l'autre
46:51Brel était fasciné
46:52de voir
46:53qu'on pouvait vivre
46:54comme vivait Lino
46:55et Lino était fasciné
46:56de voir
46:57qu'on pouvait vivre
46:58comme vivait Brel
46:59ce qui fait qu'ils ont été
47:00très vite
47:01le spectacle de l'autre
47:02ils étaient comme au spectacle
47:04quand ils étaient ensemble
47:05et ils ont été
47:06véritablement fascinés
47:07et je crois
47:08que Brel
47:08a complètement
47:09modifié
47:10le caractère
47:11de Lino
47:11l'a rendu
47:13plus tolérant
47:14plus fou
47:15et je crois
47:17que Lino
47:17a rendu
47:18Brel
47:18quelque part
47:18un peu plus raisonnable
47:19il était
47:20redoutable
47:21à table
47:22Claude Pinotto
47:22quand nous venions
47:24dîner chez lui
47:25ou déjeuner
47:25avec des copains
47:26un jour j'ai eu l'imprudence
47:28de lui dire
47:28Lino
47:29je reprendrai bien
47:30un petit peu
47:30de tes petits croutons
47:31il m'a regardé
47:32il m'a fusillé
47:32du regard
47:33il m'a dit
47:34ce ne sont pas
47:34des croutons
47:34ce sont des lardons
47:35Claude
47:35et j'étais interdit
47:37de table
47:37pendant un mois
47:37pour Lino Ventura
47:45un film
47:46c'est d'abord
47:46une histoire
47:47une histoire
47:48de personnages
47:49qui suivent
47:49une route
47:50que peut comprendre
47:51n'importe quel spectateur
47:53il n'aurait pas
47:54tourné autrement
47:55il n'aurait pas fait
47:55non plus
47:56un certain cinéma
47:58qui existe
47:59et qu'il faut
47:59qu'il existe
48:00entendons-nous
48:01Jean-Paul Belmondo
48:02mais il savait
48:03que par exemple
48:03il n'aurait pas
48:04été faire
48:05un film
48:05trop underground
48:07comme on dit
48:08parce que
48:08ce n'était pas
48:09son truc
48:09c'est tout
48:10pas qu'il aurait dit
48:11il ne faut pas
48:12que ce cinéma
48:12là existe
48:13non
48:13mais ce n'était
48:14pas sa voie
48:15il ne faut pas
48:16essayer de faire
48:18dérailler le train
48:18comme on dit
48:19donc il n'a jamais
48:20déraillé
48:20imaginons que
48:21Jean-Luc Godard
48:22soit un jour
48:22venu frapper
48:23la porte de Lino Ventura
48:24pour lui proposer
48:25un film
48:26il aurait peut-être
48:27pu tourner
48:28avec Godard
48:29à l'époque
48:30où j'ai tourné
48:30avec Godard
48:31à l'époque
48:32d'A bout de souffle
48:33ou de Pierrot le fou
48:34où Godard
48:35aimait énormément
48:35les acteurs
48:37et je suis sûr
48:38qu'un homme
48:38comme Lino
48:39aurait pu apporter
48:40dans un film
48:41de Godard
48:42le Godard
48:44d'aujourd'hui
48:44je crois
48:45qu'il aurait accroché
48:46un lampadaire
48:47donc il n'y aurait pas
48:48mieux à aller voir
48:49les tours
48:49avec
48:50jeudi 22 octobre 1987
49:10un jour d'automne
49:12comme les autres
49:13avec des projets
49:14à déjeuner
49:15à déjeuner détendu
49:16entre amis
49:16un dîner
49:18qui commence
49:19sans histoire
49:20et puis Lino
49:22qui s'en va
49:22prendre l'air
49:23et qui ne reviendra
49:25plus jamais à la vie
49:26la vie s'est arrêtée
49:27donc le souvenir
49:27est très frais
49:28toujours vivant
49:29on n'a pas vu
49:32la déchéance physique
49:33par la maladie
49:33j'essaie toujours
49:35de voir les solutions
49:36les choses positives
49:37quelque part
49:37dans les pures des choses
49:38il faut toujours voir
49:38la solution positive
49:41quelque part
49:42il ne s'est pas vu
49:43avilé
49:45il ne s'est pas vu
49:46dépendant
49:47je crois qu'il aurait
49:48tellement souffert
49:50souffert d'être
49:50diminué
49:52alors comme je dis
49:54c'est un peu
49:55la mort des justes
49:56je crois quelque part
49:57la crise cardiaque
49:58de nos jours
49:58il n'avait pas la mort
49:59il en parlait
50:00quelquefois
50:00mais il n'avait pas peur
50:01de la mort
50:02ce n'était pas une peur
50:03c'était une
50:03il avait envie
50:04de casser la gueule
50:05à la mort
50:05Claude Pinotto
50:06parce que
50:07la mort
50:08le coupait
50:09de ses amis
50:10le coupait
50:10des bons gueuletons
50:12de tout ce qu'il aimait
50:13de la vie
50:14de ses amitiés
50:14de ses amours
50:15bien entendu
50:1619 ans de bagne
50:17pourquoi ?
50:185 ans pour avoir
50:19volé un pain
50:2014 ans pour avoir
50:22essayé de m'évader
50:2214 ans ?
50:25oui
50:25j'ai essayé 4 fois
50:26bye bye
50:27vous venez d'écouter
50:33Destins Extraordinaires
50:35un podcast
50:36issu des archives
50:37d'Europe 1
50:37réalisation
50:40Julien Tarot
50:41production
50:42Raphaël Mariat
50:43patrimoine sonore
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50:46Laetitia Casanova
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50:49Destins Extraordinaires
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