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  • il y a 3 jours
Pesticides : une vie brisée par le glyphosate

Ludovic Maugé, ancien paysagiste, pensait écouler longtemps des jours heureux sur les côtes de Bretagne, en France, où notre reporter Valérie Gauriat l’a rencontré.

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Transcription
00:00Le glyphosate, ça a détruit ma vie tout simplement.
00:02Ça m'a empoisonnée et il continue à nous en vendre.
00:10Je suis en Bretagne.
00:12Réputée pour son littoral, elle est aussi connue comme étant la première région agricole de France
00:17et très consommatrice de pesticides dans le glyphosate.
00:22C'est l'herbicide le plus utilisé dans le monde et aussi le plus controversé,
00:26reconnu comme potentiellement cancérigène par l'Organisation Mondiale de la Santé.
00:31Et pourtant, l'Europe en a reconduit l'autorisation jusqu'en 2033.
00:36Plusieurs organisations de défense de l'environnement et des consommateurs
00:39en ont saisi la Cour Européenne de Justice en avril dernier.
00:43European Stories revient sur un dossier hautement toxique.
00:47Le glyphosate est une molécule présente dans la composition des produits herbicides
00:58pour détruire les plantes indésirables.
01:02Il est utilisé dans l'agriculture, l'arboriculture, la viticulture,
01:06l'entretien des espaces verts et équipements publics ou des espaces industriels.
01:12On en trouve des traces dans l'eau souterraine, les sols et les organismes vivants.
01:16Ces effets sur l'environnement et la santé animale et humaine
01:20sont au cœur d'un vif débat.
01:23En 2015, le Centre International de Recherche sur le Cancer,
01:27agence de l'Organisation Mondiale de la Santé,
01:29a classé le glyphosate comme génotoxique,
01:31soit dommageable pour l'ADN et probablement cancérogène pour l'homme.
01:36La même année, l'Autorité Européenne pour la Sécurité des Aliments, l'EFSA,
01:41jugeait au contraire improbable ce risque cancérogène.
01:45Les dernières évaluations de l'EFSA et de l'Agence Européenne des Produits Chimiques
01:49allaient dans le même sens.
01:52Fin 2023, la Commission Européenne a prolongé de 10 ans
01:56l'autorisation du glyphosate dans l'Union.
01:58L'effet des pesticides et notamment du glyphosate sur la santé est sujet à polémique.
02:08Mais pour beaucoup de ceux qui ont été exposés,
02:11il n'y a aucun doute possible, comme pour Ludovic,
02:14dont la vie est aujourd'hui en sursis.
02:16Nous venions toujours, tout le temps, à la plage ici.
02:25C'est là que j'ai appris à mes enfants à nager.
02:28Maintenant, malheureusement, je ne peux plus en profiter comme avant.
02:31Pour la plage, c'est compliqué.
02:33Il ne faut pas être handicapé pour y aller.
02:34Si je n'avais pas eu ces problèmes de santé,
02:39je vivrais comme tout le monde.
02:40Mais ça a bien pourri ma vie.
02:42En tout cas, c'est maudit désherbant.
02:48Ludovic Mogier, 54 ans, est atteint d'un cancer très rare.
02:53Un lymphome B intravasculaire diagnostiqué il y a 5 ans
02:56est reconnu aujourd'hui comme maladie professionnelle.
03:00Ancien paysagiste, Ludovic ne peut plus travailler.
03:0330 ans d'exposition au glyphosate ont anéanti sa vie.
03:09Ce lymphome, il est très, très vicieux
03:11parce qu'il se balade dans tous les organes.
03:14Il m'a mangé le nerf de la moelle épinière, en fait.
03:17La douleur est permanente.
03:19Mes douleurs sont localisées du genou jusqu'au pied
03:23et dans les deux jambes.
03:25Je suis implantée d'un neurostimulateur.
03:27J'ai deux électrodes sur la colonne vertébrale,
03:31une à droite, une à gauche.
03:33C'est pour brouiller la douleur, pour l'empêcher d'arriver au cerveau.
03:37Tout ça, malheureusement, c'est à cause des pesticides.
03:40C'est en travaillant.
03:42Et à cette époque-là, on ne nous disait pas de mettre de masque.
03:45On ne nous disait rien.
03:47Ça, c'est un pulvérisateur de la mort.
03:49C'est celui-là qui m'a rendu malade.
03:52Quand on a le pulvérisateur sur le dos,
03:54quand on pompe manuellement, des fois, ça déborde.
03:56Et automatiquement, on en a plein le T-shirt.
04:01Depuis la reconnaissance de son cancer comme maladie professionnelle,
04:05outre une faible allocation sociale,
04:08Ludovic perçoit une indemnité de la part de Bayer Monsanto,
04:11fabricant du produit qu'il a empoisonné.
04:14180 euros par mois.
04:16C'est dérisoire.
04:17Mais quelque part, je m'en fiche de cet homme-là.
04:19Moi, ce que je voulais, c'était être reconnu comme maladie professionnelle.
04:23Je suis content, quelque part, de m'être battu pour ça.
04:26Quand je vois les politiques qui autorisent de nouveau tous ces produits,
04:31moi, ça me révolte.
04:33C'est un lobby des PCC, en fait.
04:34Malheureusement, contre ces politiciens et Bayer Monsanto,
04:39on ne peut rien.
04:40Si j'aurais une chose à dire au niveau de l'Union européenne,
04:43qui supprime ces produits, tout simplement,
04:45ça détruit la nature, ça détruit l'être humain.
04:50Et il continue à nous en vendre.
04:53Malgré un calvaire quotidien,
04:55Ludovic veut continuer à témoigner,
04:57tant qu'il en aura la force.
04:59Ce que je souhaiterais, c'est passer le message pour tout le monde.
05:02Parce qu'il ne faut rien lâcher.
05:04Chaque jour, quand je me lève, je me dis,
05:06il ne faut pas baisser les bras.
05:07Malgré que je sais que ma vie ne tient qu'à un fil.
05:13Aujourd'hui, vous êtes là.
05:15Et demain, il ne m'est plus là.
05:18Comme le cancérologue m'a dit,
05:19on ne parlera plus de guérison.
05:21C'est terminé.
05:23Et ça me fait quelque chose d'en parler.
05:31Mais c'est pas grave.
05:32Il faut passer le message quand même.
05:34De plus en plus de cas de cancer ont été reconnus
05:45comme étant liés aux pesticides.
05:47Alors, manque-t-on encore de preuves pour en interdire l'usage ?
05:51J'ai interrogé Xavier Koumoul, toxicologue et chercheur
05:54à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale en France.
05:58Peut-on ou non affirmer scientifiquement que le glyphosate présente un risque pour la santé humaine ?
06:08Cette molécule a fait l'objet d'une réglementation par les agences européennes, nationales.
06:15Elle a été autorisée.
06:16Et en parallèle de ça, il y a des instituts comme l'Inserm
06:20qui ont conduit des expertises.
06:22C'est aussi le cas du Centre international de recherche sur le cancer.
06:26Pour le CIRC, ils ont statué que c'était un cancérogène probable.
06:29Et pour l'Inserm, il y avait une présomption de lien moyenne
06:33de développer un certain type de cancer du sang.
06:36Alors, comment explique-t-on que les agences réglementaires aient écarté ce risque ?
06:40Ce sont des entités qui vont, lorsqu'un fabricant de pesticides souhaite commercialiser un produit,
06:46demander à ce que ce fabricant fasse lui-même des tests.
06:50L'agence européenne de sécurité sanitaire des aliments
06:54se base beaucoup sur ce que font les industriels.
06:57Alors que l'Inserm ou le CIRC vont se baser beaucoup plus sur la littérature dite académique
07:01et qui va effectuer un suivi de l'utilisation du produit.
07:04Ceux qui bénéficient de la vente de pesticides au tenté,
07:0820 ans après, ce n'est pas eux qui vont payer les coûts de la sécurité sociale
07:12pour prendre en charge tel ou tel type de pathologie.
07:15C'est là que peut-être que le politique se heurte.
07:16Il s'engage rarement pour 20 ans de gouvernance sur des décisions
07:20qui ont un impact à long terme.
07:22On parle aussi d'enjeux de santé planétaire.
07:25Ce n'est pas seulement l'impact qu'ont ces pesticides sur la santé,
07:28mais aussi sur, par exemple, les aveilles,
07:30qui polliniseront moins bien,
07:32feront baisser des rendements agricoles,
07:34sur les microbiotes du sol, les champignons, les bactéries.
07:36C'est évidemment après la richesse en nutriments des fruits et légumes.
07:39À un moment ou à un autre, perturber les écosystèmes,
07:41ça aura un impact sur la santé humaine.
07:44Sous-titrage Société Radio-Canada
07:59Sous-titrage Société Radio-Canada

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