Chères lectrices, chers lecteurs,
Mardi 10 juin 2025, nous avons eu le privilège de recevoir Madame Monique Lévi-Strauss et M. Marc Lambron (de l'Académie française) pour une soirée autour de leur nouvel ouvrage d'entretiens, J'ai choisi la vie (Plon).
Dans le cadre des Mardis de L'écume, discussion animée par Hélène Bihèry-Dupuy.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume 🌊
La Quatrième :
La parole d'une femme dans son siècle, empreinte d'érudition, d'élégance et d'indépendance.
Ces entretiens entre Monique Lévi-Strauss (née en 1926) et Marc Lambron sont l'occasion d'un échange riche et foisonnant. Éminente chercheuse et intellectuelle, elle a accompagné son mari dans ses voyages majeurs, a relu ses écrits et fut étroitement associée à ses diverses recherches. Elle nous raconte ici des pans de cette vie riche et de plain-pied dans son siècle : une vie partagée pendant cinquante-cinq ans avec Claude Lévi-Strauss, chacun conservant néanmoins son indépendance intellectuelle et ses domaines de réflexion.
C'est aussi l'occasion pour elle de revenir sur certains moments poignants et intimes de son existence. Fille de mère juive à qui le père a imposé de vivre en Allemagne de 1939 à 1945 sous le IIIe Reich, elle a vécu les perquisitions de la Gestapo ; ils reviendront finalement en France en 1945. Sa mère américaine l'emmène ensuite à New York ; c'est à son retour des États-Unis qu'elle rencontrera Claude Lévi-Strauss chez Jacques Lacan, dont elle fut une grande amie.
Elle ne manque pas d'évoquer également les sciences humaines et le structuralisme qui ont nourri sa pensée, et de revenir sur les expéditions à travers le monde de son ethnologue de mari, ainsi que sur les grands événements du XXe siècle et de ce début du XXIe.
Monique Lévi-Strauss et Marc Lambron nous aussi donnent à lire leur connivence au cœur d'un échange intellectuel à bâtons rompus, une balade entre deux esprits, un dialogue entre deux esthètes, où fusent dans une parole étayée leurs centres d'intérêt communs : art, littérature, sciences et événements du monde.
Mardi 10 juin 2025, nous avons eu le privilège de recevoir Madame Monique Lévi-Strauss et M. Marc Lambron (de l'Académie française) pour une soirée autour de leur nouvel ouvrage d'entretiens, J'ai choisi la vie (Plon).
Dans le cadre des Mardis de L'écume, discussion animée par Hélène Bihèry-Dupuy.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume 🌊
La Quatrième :
La parole d'une femme dans son siècle, empreinte d'érudition, d'élégance et d'indépendance.
Ces entretiens entre Monique Lévi-Strauss (née en 1926) et Marc Lambron sont l'occasion d'un échange riche et foisonnant. Éminente chercheuse et intellectuelle, elle a accompagné son mari dans ses voyages majeurs, a relu ses écrits et fut étroitement associée à ses diverses recherches. Elle nous raconte ici des pans de cette vie riche et de plain-pied dans son siècle : une vie partagée pendant cinquante-cinq ans avec Claude Lévi-Strauss, chacun conservant néanmoins son indépendance intellectuelle et ses domaines de réflexion.
C'est aussi l'occasion pour elle de revenir sur certains moments poignants et intimes de son existence. Fille de mère juive à qui le père a imposé de vivre en Allemagne de 1939 à 1945 sous le IIIe Reich, elle a vécu les perquisitions de la Gestapo ; ils reviendront finalement en France en 1945. Sa mère américaine l'emmène ensuite à New York ; c'est à son retour des États-Unis qu'elle rencontrera Claude Lévi-Strauss chez Jacques Lacan, dont elle fut une grande amie.
Elle ne manque pas d'évoquer également les sciences humaines et le structuralisme qui ont nourri sa pensée, et de revenir sur les expéditions à travers le monde de son ethnologue de mari, ainsi que sur les grands événements du XXe siècle et de ce début du XXIe.
Monique Lévi-Strauss et Marc Lambron nous aussi donnent à lire leur connivence au cœur d'un échange intellectuel à bâtons rompus, une balade entre deux esprits, un dialogue entre deux esthètes, où fusent dans une parole étayée leurs centres d'intérêt communs : art, littérature, sciences et événements du monde.
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00:00:00Je disais donc, chère Monique Lévi-Strauss, c'est un honneur, une chance et un privilège de vous accueillir
00:00:06et je vous remercie infiniment d'avoir accepté notre invitation.
00:00:10Marc Lambron, vous êtes écrivain, critique littéraire, académicien et bien d'autres choses encore
00:00:16et vous êtes à l'œuvre sur ce très beau livre d'entretien que publie les éditions Plon.
00:00:21Je suis ravie de passer cette soirée avec vous et je vous remercie pour tous qui êtes là ce soir.
00:00:25Monique Lévi-Strauss, je le disais, vous avez passé 60 ans auprès de l'ethnologue le plus brillant,
00:00:31le plus célèbre du XXe siècle, Claude Lévi-Strauss.
00:00:35Mais avant d'évoquer ce compagnonnage intellectuel, affectif, j'aimerais qu'on revienne sur votre enfance, votre jeunesse.
00:00:42Vous êtes née Monique Romand et il est facile de dire que votre vie est éminemment romanesque.
00:00:49J'aimerais qu'on procède peut-être par flashback, comme je le disais,
00:00:55qui est, je crois, le titre initial que vous auriez aimé donner à votre livre.
00:00:59Et pourquoi ce titre n'est-il pas resté ?
00:01:02Parce que les éditeurs ont trouvé que ça ne ferait pas vendre le livre.
00:01:09C'est bon âge ?
00:01:10C'est eux qui savent.
00:01:11Donc ce livre d'entretien avec Marc Lambron porte un très beau titre.
00:01:18J'ai choisi la vie et on l'a choisi avec vous.
00:01:21On va choisir avec vous la vie.
00:01:23Et j'aimerais peut-être poser une question à Marc Lambron, si vous êtes d'accord.
00:01:26Est-ce que vous pourriez nous dire, Marc Lambron, comment aimait l'idée de ce livre ?
00:01:30De manière fracassante.
00:01:41Bon, je serai bref parce que je suis là comme éclairagiste.
00:01:44Donc que toute la lumière soit et aille vers Monique.
00:01:48Alors, je vais essayer d'aller vite.
00:01:50Je n'ai pas d'itinéraire Lévi-Strauss, à la fois où j'en ai un.
00:01:53C'est-à-dire que quand j'avais 21 ans, j'ai assisté à quelques séances du cours de Claude Lévi-Strauss au Collège de France.
00:02:01Donc ça, c'est le premier contact visuel.
00:02:04Deuxième contact, il se trouve qu'une vingtaine d'années plus tard, votre fils, Monique, Mathieu, a épousé une cousine de ma femme.
00:02:11Donc, j'ai vu Lévi-Strauss dans une structure élémentaire de la parenté qui est le mariage à cette occasion.
00:02:17Et j'avais même osé lui poser une question totalement déplacée sur ses rapports avec André Breton.
00:02:23Heureusement, je vous l'ai reposé peut-être 25 ans, 25 ans plus tard.
00:02:28Alors après, à l'Académie, il y a un rite.
00:02:32Et Claude Lévi-Strauss était très attaché au rite.
00:02:34Ça s'appelle le comité de l'épée.
00:02:36Le comité de l'épée, c'est une vingtaine de personnes qui se portent garantes de la quête qui est lancée pour offrir une épée à l'académicien.
00:02:45Et j'ai demandé à Monique, alors comme je suis contre la parité, il n'y avait que des femmes sur ma liste.
00:02:51Il y en avait une vingtaine et Monique, qui était la plus éminente d'entre elles et qui a présidé ce comité de l'épée.
00:02:58Et puis, nous nous sommes vus depuis une dizaine d'années dans des concerts, dans des dîners et beaucoup à l'Académie.
00:03:04Alors, le point de départ du livre, c'est l'anniversaire, fin septembre 2024, d'un ami journaliste qui nous avait réunis et qui venait de publier un livre chez Plon.
00:03:19Donc, Jean-Luc Barré, président de Plon, était présent.
00:03:24Nous étions assis l'un en face de l'autre.
00:03:26Vous aviez Bertrand Lavier à côté de vous, un plasticien, vous avez préféré parler avec moi, ce qui est très bien.
00:03:31Et Jean-Luc Barré, à la fin, le journaliste ami, se tourne vers Barré et dit,
00:03:38« Pourquoi est-ce que vous ne feriez pas un livre d'entretien entre Monique et Marc ? »
00:03:43Jean-Luc Barré, tout de suite, dit oui.
00:03:45Moi, je peux le faire.
00:03:47Monique dit oui, moi aussi.
00:03:48Donc, c'était un lundi soir et huit jours plus tard, nous commencions.
00:03:53Alors, je vais rapidement vous dire quel a été le mode opératoire.
00:03:58Deux fois par semaine, le mardi après-midi, le mercredi après-midi,
00:04:01à raison de trois heures d'entretien, donc je me sentais épuisé et Monique très tonique,
00:04:07je me rendais chez elle et l'entretien ou la conversation se déroulait à partir de mes questions.
00:04:15J'avais deux enregistreurs pour sécuriser ce propos.
00:04:20Et ensuite, je rentrais à demeure.
00:04:23Je décryptais, alors, il aurait été possible de le faire décrypter par dactylographie ou par une dactylo.
00:04:28Donc, j'ai essayé au début, enfin, je veux dire, j'ai les premières séances
00:04:32et j'ai préféré le faire moi-même d'un bout à l'autre parce que les choses étaient fraîches,
00:04:36parce que je pouvais en répondre et que Monique, ensuite, allait valider assez vite ce que j'avais transcrit.
00:04:42Bon.
00:04:44Alors, comment dire ?
00:04:46J'arrivais au début avec des questions, c'était assez sérieux, nous étions intimidés l'un par l'autre,
00:04:50elle vous dira que oui.
00:04:53Mais après, assez vite, j'arrivais avec deux ou trois thèmes en tête
00:04:56et puis on voyait comment la conversation bourgeonnait,
00:05:00sachant que le mot conversation, à mon avis, était assez impropre
00:05:02parce que j'étais plutôt en situation de relance,
00:05:05c'est-à-dire d'un entretien.
00:05:07Je pose des questions et c'est de Monique que les réponses étaient attendues.
00:05:12Pour finir, je dirais, deux comparaisons ou deux métaphores
00:05:17que j'avais en tête en travaillant sur ce texte.
00:05:21Donc, ça s'est fait en une trentaine d'heures, deux mois et demi à peu près,
00:05:25ce qui fait que vers le 20 décembre, on avait commencé début octobre,
00:05:28il y avait un texte qui était montrable,
00:05:30il a été montré assez vite à l'éditeur et il a été avalisé sans retouche.
00:05:36Au fond, ça a travaillé assez rapide parce que c'est octobre, décembre
00:05:40et le livre apparu en mai, sachant, mais ça va me donner que vous le dira,
00:05:44que l'année 2025 verra la commémoration des 70 ans de Triste Tropique
00:05:50et la relance de la collection Terre humaine chez Plon.
00:05:53Alors, pour finir, deux choses sur le mode de travail.
00:05:58La métaphore de la photographie,
00:05:59c'est-à-dire que quand un photographe est mandaté et missionné pour un portrait,
00:06:06au fond, il a le choix du grain, de la focale, de l'éclairage,
00:06:12mais c'est son sujet qui est premier.
00:06:14Il est absent de l'image, il n'est pas sur la photo.
00:06:19J'ai essayé d'être un photographe verbal de Monique Lévi-Strauss.
00:06:24Et ensuite, autre métaphore, elle vient du cinéma,
00:06:26c'est-à-dire qu'une fois que j'avais ces morceaux, ces fragments,
00:06:32et en gros, on a suivi d'un bout à l'autre
00:06:33le fil biographique de la vie de Monique,
00:06:39mais il y a tout de même quelques petits travaux,
00:06:41des caressages, parfois des redites, parfois des blancs.
00:06:45Et donc, c'est un travail de monteur ou de monteuse.
00:06:48C'est-à-dire que j'avais des rushs, comme on dit au cinéma.
00:06:51Romer disait des boues, parce qu'il ne met pas le mot.
00:06:54Et donc, à partir des boues,
00:06:55j'assemblais, finalement, je construisais,
00:06:59je soumettais à Monique,
00:07:01et ensuite, elle m'a peu corrigé,
00:07:05et elle a validé, on a eu un texte.
00:07:08Voilà, comment s'est déroulée notre collaboration.
00:07:11Et maintenant, je suis enclin à ne pas dire beaucoup plus,
00:07:14parce que c'est Monique qui est amoureuse.
00:07:15Merci pour cette précision.
00:07:18Maintenant, on voit que c'était un travail minutieux
00:07:20et presque de moins de copistes.
00:07:23Voilà, j'entends.
00:07:24Et le montage, les rushs.
00:07:26Rush, flashback, moi, je pense qu'on peut garder,
00:07:28c'est le mot anglais, qui est certainement présent
00:07:30dans le dictionnaire de la caménie aujourd'hui.
00:07:32Flashback, oui.
00:07:32Pas roche.
00:07:34Pas sûr.
00:07:34Pas sûr.
00:07:35Flashback.
00:07:36Puisque vous êtes née,
00:07:37Monique Romand, en 1926,
00:07:41dans une famille déjà mixte, je dirais,
00:07:45puisque votre père est belge, était belge,
00:07:48et votre mère était américaine.
00:07:50C'était une juive américaine d'origine viennoise.
00:07:52Quelle est cette famille dans laquelle vous naissez
00:07:55et quelle est cette micro-société que vous nommez dans votre livre ?
00:07:59Je n'avais jamais entendu l'expression « judéopathie ».
00:08:03Donc, c'est dans le 16e.
00:08:04Qu'est-ce que vous pouvez vous éclairer sur cette micro-société ?
00:08:07C'était les amis de mes parents
00:08:10et mes parents qui appelaient la société dans laquelle ils vivaient
00:08:15« judéopathie »,
00:08:16parce qu'elle était composée de juifs et de non-juifs.
00:08:25Et c'était très mélangé.
00:08:27Toutes ces sociétés s'entendent très bien.
00:08:30Oui, mais celle-là particulièrement.
00:08:33Et vous n'entendez pas ?
00:08:36Ça va mieux ?
00:08:37Ça va mieux.
00:08:38Plus près du micro.
00:08:39Bon.
00:08:41Je vais essayer.
00:08:42Et voilà.
00:08:44Ils prenaient un peu leur société en dérision,
00:08:49parce qu'elle était très mélangée.
00:08:52Et c'est ça que je raconte dans ce livre.
00:08:56C'est ce qu'on disait de la société qu'ils appelaient « judéopathie ».
00:08:59Vous avez passé une enfance plutôt choyée.
00:09:02Oui.
00:09:03Vous parlez très, très bien des lieux.
00:09:06Marc Lambron me l'a fait remarquer
00:09:07quand on s'est entretenu brièvement en amont de cette soirée.
00:09:10Oui.
00:09:11Je crois que vous avez une mémoire particulière des lieux.
00:09:13Et vous évoquez, par exemple, la maison de vos grands-parents.
00:09:16C'est un endroit qu'on rêverait de connaître.
00:09:18Alors, il faut d'abord que je dise une chose.
00:09:23Comme très souvent dans les ménages,
00:09:26le mari et la femme viennent de sociétés très différentes.
00:09:31Et donc, pour un enfant, c'est un problème de s'y retrouver.
00:09:35Parce que la morale n'est pas la même d'un côté et de l'autre.
00:09:38Et pourtant, on se rend compte que
00:09:41et le père et la mère sont cohérents,
00:09:44mais ce n'est pas la même morale.
00:09:46Donc, il faut s'y retrouver.
00:09:49Et c'est ça qui vous forme l'esprit et le jugement.
00:09:52On se tait, on écoute, on essaye de comprendre.
00:09:55Et ce qui était flagrant chez mes parents,
00:09:59c'est que mon père était flamand,
00:10:04et pas juif du tout,
00:10:06et d'une famille de la petite bourgeoisie.
00:10:09Son père était photographe, voilà,
00:10:12comme on l'était au XIXe siècle,
00:10:14c'est-à-dire qu'il faisait des portraits.
00:10:17Et alors que dans la famille de ma mère,
00:10:22on importait la nacre de l'embouchure du Mekong,
00:10:28on connaissait le monde entier,
00:10:30on avait beaucoup d'argent.
00:10:32Enfin, je ne veux pas vous dire,
00:10:33c'était tout à fait différent.
00:10:35Il y avait des domestiques chez vos grands-parents.
00:10:37Ah, voilà, il y avait une flopée de domestiques.
00:10:41Et puis, enfin, c'était,
00:10:44je dois dire, c'était très intéressant
00:10:46de vivre chez mes grands-parents,
00:10:48parce que chaque domestique avait des sous-ordres.
00:10:53Et on voyait bien que c'était comme un chef d'atelier,
00:10:57chaque domestique.
00:10:58Et le service était professionnel ou possible.
00:11:02Alors ça, j'ai eu un aperçu de ça,
00:11:05et ça me passionnait.
00:11:06Alors que chez mes parents,
00:11:08il y avait juste une cuisinière,
00:11:09une femme de chambre,
00:11:10et puis c'est tout.
00:11:11Et puis on était bien contents.
00:11:13Bon, ce n'était pas du tout la même chose.
00:11:16Donc, j'ai passé mon enfance,
00:11:18ma petite enfance,
00:11:20dans le 16e arrondissement,
00:11:22dans l'appartement que j'habite encore aujourd'hui.
00:11:24Ça, c'est un fait,
00:11:25100 ans après d'être encore dans le même appartement.
00:11:28J'ai vu que la vue de l'appartement a un peu changé.
00:11:32Oh, on voyait la Seine,
00:11:35on voyait les collines de Meudon,
00:11:37on voyait tout.
00:11:38C'était merveilleux.
00:11:39Il n'y avait que des hôtels particuliers
00:11:41en dessous de chez nous,
00:11:42et nous étions au cinquième étage.
00:11:44Bon, ce n'est plus comme ça.
00:11:46Mais enfin, il y a encore une très belle lumière,
00:11:48et puis l'appartement est confortable,
00:11:50et je ne me plains pas.
00:11:51Votre mère a vu Lindbergh passer.
00:11:54Oui, c'est ça.
00:11:55Alors, c'est intéressant
00:11:56que vous parliez du 19e siècle,
00:11:58et c'est aussi une chose
00:11:59que m'a fait remarquer Marc Landron,
00:12:01qui est un registre des entretiens.
00:12:04Vous le dites,
00:12:05vous serez bientôt centenaire,
00:12:06et on dit,
00:12:07Monique et Vistros a traversé le siècle.
00:12:09Mais non, vous faites bien plus
00:12:10que traverser le siècle.
00:12:11Vous êtes en contact avec trois siècles.
00:12:14Oui, exactement.
00:12:14Vos grands-parents sont issus
00:12:16directement du 19e siècle,
00:12:18et leur mode de vie
00:12:19est très 19e.
00:12:20que vous venez de le dire.
00:12:22Vous traversez le 20e siècle,
00:12:24et on va y revenir.
00:12:25Et puis,
00:12:26nous avons la chance
00:12:26de vous avoir avec nous
00:12:27dans une déjà belle partie
00:12:28du 21e siècle.
00:12:30C'est un peu vertigineux pour vous,
00:12:31cette...
00:12:33On ne peut pas traverser si long ?
00:12:35Enfin, vous savez,
00:12:36au bout de cent ans,
00:12:37on s'y habitue.
00:12:40Vous avez été témoin
00:12:41de beaucoup de changements.
00:12:42Oui.
00:12:43Par exemple,
00:12:44vous racontez à cinq ans
00:12:45vos grands-parents
00:12:46ou vos parents,
00:12:47vos grands-parents, je crois,
00:12:48vous emmènent
00:12:49à l'exposition universelle de 1931.
00:12:50Colonial.
00:12:51Colonial,
00:12:51l'exposition coloniale, pardon.
00:12:53Oui, oui.
00:12:53Et on va vous montrer
00:12:54toutes sortes de tribus
00:12:55dans les petites huttes,
00:12:57etc.
00:12:57Vous êtes un peu...
00:12:58Et ça m'a beaucoup frappée
00:12:59parce que c'était
00:13:00un principe
00:13:02et de mon père
00:13:04et de ma mère.
00:13:05Ils voulaient
00:13:06que les enfants
00:13:07aient les idées larges
00:13:08et comprennent
00:13:09qu'il y avait des êtres
00:13:12au monde
00:13:12qui avaient
00:13:13d'autres couleurs de peau,
00:13:15qui parlaient
00:13:15d'autres langues,
00:13:17qui avaient d'autres principes,
00:13:18mais c'était
00:13:19tous des gens
00:13:20très bien.
00:13:21Et cette exposition
00:13:22nous le montrait.
00:13:23Et par exemple,
00:13:24il y avait des femmes
00:13:25qui se baladaient
00:13:26avec les seins nus.
00:13:27Ça, quand même,
00:13:28ça m'a fait
00:13:28beaucoup d'effet.
00:13:29Vous savez,
00:13:29à cinq ans,
00:13:31je n'avais jamais vu ça
00:13:32dans la rue.
00:13:34Et bien,
00:13:35mes parents voulaient
00:13:36qu'on comprenne
00:13:37parce que dans certains pays,
00:13:38ça se fait,
00:13:39c'est très bien élevé
00:13:40de se balader
00:13:41les seins nus,
00:13:41par exemple.
00:13:42Donc,
00:13:43il fallait comprendre
00:13:44tout ça
00:13:44et l'admettre.
00:13:46Et je sais vraiment
00:13:47gris à mes parents
00:13:49d'avoir voulu
00:13:49m'ouvrir l'esprit
00:13:51à l'occasion
00:13:52de cette exposition.
00:13:54C'était quand même...
00:13:54Et sans arrière-pensée.
00:13:56C'est-à-dire,
00:13:56s'ils n'avaient pas
00:13:56un point de vue colonial
00:13:58eux-mêmes,
00:13:59vous avez fait du commerce
00:14:00avec la Chine,
00:14:01vous avez même été conçue,
00:14:02je crois,
00:14:02à Shanghai.
00:14:03Je crois que votre voisin
00:14:04a une petite chose
00:14:05à ajouter.
00:14:06Marc Lambron.
00:14:07Non, je veux dire
00:14:07que du côté maternel,
00:14:09Monique vient
00:14:11d'une grande bourgeoisie
00:14:13qu'on peut dire
00:14:13austro-américaine.
00:14:15Il y a des racines...
00:14:16Origines viennoises.
00:14:16Origines viennoises.
00:14:17Un de vos oncles,
00:14:18enfin, grands-oncles,
00:14:19était le pédiatre
00:14:19des enfants de Freud,
00:14:20par exemple.
00:14:21Oui, et le grand ami de Freud.
00:14:22Le grand ami de Freud.
00:14:23Bon, donc,
00:14:23il y a une chose
00:14:25qui est capitale,
00:14:26après, je me tais,
00:14:26mais qui, à mon avis,
00:14:27est capitale
00:14:28dans le destin
00:14:29de Monique,
00:14:31c'est qu'elle est polyglotte.
00:14:33Et au fond,
00:14:34la maîtrise de l'allemand,
00:14:35la maîtrise de l'anglais,
00:14:35et la maîtrise du français
00:14:36et d'autres langues,
00:14:38au fond,
00:14:38aura été quelque chose
00:14:38qui aura déterminé
00:14:39beaucoup de choses
00:14:40dans vos rencontres
00:14:40et ensuite
00:14:41dans votre vie.
00:14:44Voilà.
00:14:44Oui.
00:14:44Nous allons bien sûr
00:14:45parler de ce que
00:14:46vous avez dit.
00:14:47Alors,
00:14:48je peux dire
00:14:49de mes grands-parents
00:14:50maternels,
00:14:52comme ils étaient...
00:14:54Enfin, mon grand-père
00:14:55était viennois,
00:14:57ma grand-mère
00:14:58était américaine.
00:14:59Mais mon grand-père
00:15:00viennois,
00:15:01comme beaucoup de gens
00:15:02à Vienne,
00:15:03ils comprenaient
00:15:05au moins six ou sept langues
00:15:07parce que
00:15:07mit l'euro,
00:15:08pas c'est ça.
00:15:09On ne parle pas bien
00:15:10toutes les langues,
00:15:11mais on les comprend toutes
00:15:12et on connaît
00:15:13tous les proverbes,
00:15:14tous les mots d'esprit
00:15:15et à table,
00:15:16ça fusait
00:15:17dans toutes les langues.
00:15:19Alors,
00:15:19pour une petite fille,
00:15:20quand j'étais...
00:15:22On ne déjeunait pas
00:15:23avec les grands-parents,
00:15:24mais après,
00:15:24pour le café,
00:15:25on avait le droit
00:15:26d'aller au salon
00:15:28et là,
00:15:31quand même,
00:15:32je les entendais
00:15:33dire des proverbes
00:15:34dans toutes les langues,
00:15:35mais je me disais
00:15:36comment ils font...
00:15:37Comment ils font...
00:15:37Le proverbe a déjà été
00:15:38éduqué dès l'enfance.
00:15:40Oui,
00:15:41et comment est-ce qu'ils
00:15:42peuvent savoir
00:15:42autant de langues ?
00:15:43En fait,
00:15:44ils ne les parlent pas toutes,
00:15:45mais ils les comprennent.
00:15:46Quand on venait
00:15:48de Mitlo-Europa,
00:15:49on comprenait
00:15:50toutes les langues autour,
00:15:51le polonais,
00:15:52le tchèque,
00:15:53enfin,
00:15:53tout ça,
00:15:53on comprenait,
00:15:55on ne les parlait pas bien
00:15:56et on connaissait
00:15:57très bien
00:15:57tous les proverbes
00:15:58et puis ça refusait.
00:16:01L'artement vient de dire
00:16:02votre grand-père
00:16:03viennoir
00:16:04et un frère
00:16:04qui était pédiatre à Vienne
00:16:06et qui était une médecin
00:16:07des enfants de Freud
00:16:08et la psychanalyse
00:16:09tient une place
00:16:09très importante
00:16:10dans votre existence,
00:16:12en tout cas,
00:16:12dans l'existence
00:16:13de votre mère
00:16:13et de toutes ses amies.
00:16:14Vous racontez des choses
00:16:15très drôles.
00:16:16Je trouve que vous avez
00:16:17un rapport très intéressant
00:16:19avec la psychanalyse
00:16:20et ça revient
00:16:20de nombreuses fois
00:16:22dans votre vie
00:16:22et je trouve ça
00:16:23très intéressant.
00:16:24Votre mère
00:16:25et ses amis
00:16:25étaient folles
00:16:27de psychanalyse.
00:16:28Est-ce que vous pouvez
00:16:28nous raconter un peu
00:16:29comment c'est fait ?
00:16:30Elle n'était pas seule.
00:16:31Toutes ses copines
00:16:32l'étaient.
00:16:33C'était en vogue
00:16:33à l'époque.
00:16:34Oui.
00:16:36Deux fois par semaine
00:16:37chez psychanalyse,
00:16:39ça ne faisait aucun prix.
00:16:40C'était un must.
00:16:41Celles qui ne pouvaient pas,
00:16:43c'était presque honteux
00:16:44de ne pas être
00:16:46en psychanalyse.
00:16:47Et moi,
00:16:48j'ai vu tous les effets
00:16:50que ça avait.
00:16:51Alors,
00:16:53bien sûr,
00:16:54la psychanalyse,
00:16:55ça a été
00:16:55une invention formidable.
00:16:57Je ne suis pas
00:16:58en train de vous dire
00:16:59que c'est rien,
00:17:00ce n'est pas ça.
00:17:01Mais la mode
00:17:02de la psychanalyse,
00:17:03c'était vraiment
00:17:04exagéré.
00:17:05Ça,
00:17:05on reviendra
00:17:07à la psychanalyse
00:17:08plus tard,
00:17:08puisqu'elle va repasser
00:17:09dans votre vie
00:17:10sous les traits
00:17:10d'un personnage fameux
00:17:12dont je peux dire
00:17:13le nom tout de suite,
00:17:13qui est Jacques Lacan.
00:17:14Oui.
00:17:15Mais avant d'évoquer
00:17:16cette période
00:17:16de votre vie,
00:17:18vous êtes adolescente,
00:17:19la guerre éclate
00:17:20en Europe,
00:17:21votre père est devenu
00:17:22ingénieur,
00:17:23il est spécialiste
00:17:24des barrages,
00:17:25il travaille beaucoup
00:17:25avec l'Allemagne.
00:17:26Oui.
00:17:27Et il a cette idée,
00:17:29comment est-ce qu'on
00:17:29pourrait la nommer,
00:17:30folle,
00:17:31saugrenue,
00:17:31délirante,
00:17:32d'emmener sa famille
00:17:33en 1939 en Allemagne ?
00:17:36C'est-à-dire que
00:17:37les Allemands
00:17:37lui ont proposé
00:17:39un contrat
00:17:39très intéressant
00:17:41de deux ans
00:17:42pour qu'il apporte
00:17:45aux ingénieurs
00:17:46allemands
00:17:47de la Roux
00:17:47les méthodes
00:17:48américaines,
00:17:49parce que mon père
00:17:51avait aussi étudié
00:17:52aux États-Unis
00:17:54et donc il connaissait
00:17:56très bien
00:17:57les méthodes
00:17:57américaines
00:17:58pour faire
00:17:59des barrages.
00:18:00Et on lui a
00:18:01fait une proposition
00:18:03de deux ans
00:18:04et ma mère
00:18:06était juive
00:18:07et toute la famille
00:18:08lui a dit
00:18:09il ne faut pas
00:18:09aller en Allemagne
00:18:10sous Hitler
00:18:11en aucun cas
00:18:12et il a dit
00:18:14mais nous sommes belges
00:18:16et il ne peut rien
00:18:16arriver puisque
00:18:17nous sommes belges.
00:18:18Ça fait encore rire
00:18:19les gens maintenant
00:18:20de dire
00:18:21nous sommes belges
00:18:22et il ne nous arrivera
00:18:23rien
00:18:23comme si on était
00:18:24blindés
00:18:25quand on était belges.
00:18:26Non.
00:18:27Cette aventure
00:18:29assez terrible
00:18:30est probablement
00:18:31une des aventures
00:18:32les plus difficiles
00:18:33de votre existence.
00:18:35Vous l'avez raconté
00:18:36en 2014
00:18:36dans un très beau livre
00:18:37que je vous engage
00:18:38à lire
00:18:38si vous ne l'avez pas
00:18:39déjà fait
00:18:39qui s'appelle
00:18:39Une enfance
00:18:40dans la gueule du loup
00:18:41au titre
00:18:41absolument explicite
00:18:43publié dans la très belle
00:18:44collection de Maurice
00:18:45Hollandeur
00:18:45dans les banlieues
00:18:46du XXIe siècle.
00:18:48On peut quand même
00:18:48revenir un peu
00:18:49sur cette période
00:18:50sans dévéler
00:18:51tout ce qui est
00:18:51dans ce livre.
00:18:53Il est l'une des raisons
00:18:55pour lesquelles
00:18:55vous êtes le biglote.
00:18:56Vous êtes revenue
00:18:57d'Allemagne
00:18:57totalement vilain.
00:18:58J'ai passé le bachot
00:18:59en Allemagne.
00:19:00Vous avez passé
00:19:01le bac en Allemagne.
00:19:02Votre père tout belge
00:19:03qui l'était
00:19:03a été très vite fait
00:19:04prisonnier.
00:19:05Le 10 mai 40
00:19:07il a été mis en prison
00:19:08tout de suite.
00:19:09Et votre mère
00:19:10a dû trouver
00:19:10des...
00:19:11Elle a été
00:19:11à l'école Berlitz
00:19:13et elle donnait
00:19:148 heures de cours
00:19:15par jour
00:19:15français et anglais.
00:19:18Vous n'avez pas fait
00:19:20que passer votre bac
00:19:21quand vous êtes en Allemagne.
00:19:22Vous avez commencé
00:19:22des études de médecine
00:19:23à Weimar.
00:19:24Alors ça moi évidemment
00:19:25ça m'a complètement bluffée.
00:19:26études de médecine
00:19:29qui resteront peut-être
00:19:29un regret dans votre vie
00:19:30puisque vous n'avez pas pu
00:19:31les poursuivre
00:19:32après on retourne en France.
00:19:34Il y a un tropisme
00:19:34médical dans la famille ?
00:19:36Il y a certainement
00:19:36ils sont à toutes les générations.
00:19:38mon fils est docteur en médecine
00:19:42et mes deux petits-enfants
00:19:43sont docteurs en médecine.
00:19:44On ne fait pas plus.
00:19:45On ne peut pas faire plus.
00:19:46Ah non.
00:19:48Et...
00:19:49Et à Weimar vous vivez
00:19:49une expérience terrible
00:19:50que vous racontez
00:19:51dans les banques étudiants.
00:19:53C'est-à-dire
00:19:54qu'avec une mère juive
00:19:55être en Allemagne
00:19:56pendant la guerre
00:19:57et qu'on pouvait
00:19:57être dénoncée
00:19:58à tout moment
00:19:59pas par des Allemands
00:20:01on n'en connaissait
00:20:02personne en Allemagne
00:20:04mais par des gens
00:20:05en France
00:20:05qui le savaient très bien
00:20:06ça, ça vous marque.
00:20:09C'est une chose
00:20:09que je trouve très intéressante
00:20:10justement vous dites
00:20:11finalement
00:20:12on était presque plus
00:20:13protégés en Allemagne
00:20:14et personne ne nous connaissait.
00:20:15C'est vrai.
00:20:16Et ils risquaient moins
00:20:18d'être dénoncés.
00:20:20Parce que même
00:20:21sans une dénonciation
00:20:23malveillante
00:20:24les gens pouvaient parler.
00:20:26Bien sûr.
00:20:27Vous voyez ?
00:20:27Et s'ils avaient dit...
00:20:28Malheureusement.
00:20:29Oui c'est ça.
00:20:30Ça pouvait arriver.
00:20:31Et si nous étions restés
00:20:32à Bourges
00:20:33où nous habitions
00:20:34eh bien je pense
00:20:36que ma mère
00:20:37aurait pu
00:20:38avoir de gros gros ennuis.
00:20:41Vous dites aussi
00:20:41dans votre livre
00:20:42et vous dites aussi
00:20:43dans France
00:20:44dans la vieille du Louvre
00:20:44une chose que
00:20:46peu de gens
00:20:47avaient tellement
00:20:48envie d'entendre
00:20:49quand vous êtes rentrée
00:20:50d'Allemagne
00:20:50c'est que vous avez pu
00:20:51aussi compter
00:20:52sur la solidarité
00:20:53des Allemands
00:20:54qui était une chose
00:20:54difficile à amener
00:20:55pour les Français
00:20:55bien sûr.
00:20:56Oui mais alors
00:20:57il faut que vous compreniez
00:21:00j'avais envie
00:21:01de témoigner
00:21:02de ces cinq ans
00:21:03en Allemagne
00:21:03et là
00:21:04si nous avons
00:21:06survécu
00:21:07c'est quand même
00:21:08grâce à des personnes
00:21:09qui nous ont hébergées
00:21:11pour rien
00:21:12enfin qui ont été
00:21:13vraiment extrêmement généreux
00:21:15avec nous
00:21:16qui ne savaient pas du tout
00:21:17ma mère était juive
00:21:18ils ne savaient pas
00:21:19qu'on était dans le besoin
00:21:21mais qui voyaient
00:21:22qu'on cherchait
00:21:23un endroit
00:21:24où habiter
00:21:24et qui nous prenait
00:21:26chez eux
00:21:26enfin on a eu
00:21:28beaucoup
00:21:29beaucoup
00:21:29de
00:21:30de compassion
00:21:33si vous voulez
00:21:34par les Allemands
00:21:36et bien moi
00:21:36je tenais à le dire
00:21:37vous dites aussi
00:21:39que quand vous êtes
00:21:40rentrée à Paris
00:21:40les gens n'avaient pas
00:21:41tellement envie
00:21:42que vous leur parliez
00:21:43de votre expérience
00:21:44de jeunes filles
00:21:46sous le troisième Reich
00:21:47tout le monde avait envie
00:21:48de tourner la page
00:21:48c'était difficile
00:21:49j'imagine
00:21:50de dire ça
00:21:51et écrire ce livre
00:21:52a sans doute
00:21:53été pas servi d'exutoire
00:21:55mais je pense que ça vous a
00:21:56réconcilier
00:21:56oui mais j'ai attendu
00:21:57longtemps quand même
00:21:58pour l'écrire
00:21:59oui
00:22:00parce qu'avant ça
00:22:01personne n'avait envie
00:22:02de savoir
00:22:03nous les gens
00:22:04ne voulaient pas savoir
00:22:06que
00:22:06vous pensez
00:22:09sur 80 millions
00:22:10de gens
00:22:10il y a quand même
00:22:11des gens bien
00:22:12dans ce
00:22:12vous prenez
00:22:1480 millions
00:22:15oui
00:22:16il n'y a pas
00:22:17de raison
00:22:18vous rentrez
00:22:19à Paris
00:22:20avec votre mère
00:22:21vos parents
00:22:22se séparent
00:22:23le couple
00:22:24de vos parents
00:22:24ne survivra pas
00:22:25à la guerre
00:22:26je pense que
00:22:27l'attitude
00:22:28de votre père
00:22:28évidemment a pesé
00:22:29très lourd
00:22:30et dans la famille
00:22:31et dans le couple
00:22:32vous dites
00:22:33mes parents
00:22:33se sont montrés
00:22:34irresponsables
00:22:35vous dites aussi
00:22:37j'ai perdu mon père
00:22:38bien avant sa mort
00:22:39en 58
00:22:40c'est un homme
00:22:40qui a été
00:22:41bourrelé ensuite
00:22:43de culpabilité
00:22:44bien sûr
00:22:45il a sombré
00:22:46dans l'alcool
00:22:47dans la démence
00:22:48la relation
00:22:50avec votre père
00:22:50c'était très douloureux
00:22:51je crois
00:22:52je ne lui en veux
00:22:53pas du tout
00:22:54mais enfin
00:22:55vraiment
00:22:57son raisonnement
00:23:00était le suivant
00:23:01mon père
00:23:02avait fait la guerre
00:23:03de 1914
00:23:04et même à l'époque
00:23:11on n'avait pas de papier
00:23:14quand on était jeune
00:23:15et en 1914
00:23:17mon père
00:23:17qui était né
00:23:18en 98
00:23:191898
00:23:21en 1914
00:23:23il avait donc 16 ans
00:23:24il a menti
00:23:25il a dit
00:23:26qu'il en avait 18
00:23:27pour pouvoir
00:23:29être volontaire
00:23:31donc il a fait la guerre
00:23:32entre 16 et 20 ans
00:23:34c'était très courageux
00:23:35bon
00:23:36et il disait
00:23:38que
00:23:38après ce qu'il avait
00:23:40vécu dans les tranchées
00:23:41il ne pouvait pas
00:23:43imaginer
00:23:44qu'il y aurait de nouveau
00:23:44une guerre
00:23:45en 39
00:23:47c'était impensable
00:23:48c'était 20 ans
00:23:50après 18
00:23:51il disait
00:23:52c'est impensable
00:23:53c'est les mêmes hommes
00:23:54jamais ils ne voudront
00:23:56recommencer
00:23:56il s'est complètement
00:23:58trompé
00:23:58ils ne pouvaient pas
00:24:05imaginer
00:24:06que
00:24:06enfin
00:24:07les mêmes hommes
00:24:08voudraient recommencer
00:24:10ça
00:24:10voilà
00:24:10monsieur Lambron
00:24:13juste un mot
00:24:14un des intérêts
00:24:16de ce dont nous parlais
00:24:17dans l'instant
00:24:17dans le livre de Monique
00:24:18c'est qu'elle rend
00:24:19assez bien compte
00:24:20d'une sorte
00:24:20de dégradé
00:24:21des opinions
00:24:22qui pouvaient exister
00:24:23en Allemagne
00:24:24c'est à dire
00:24:25évidemment
00:24:25elle a vu
00:24:26tous les emblèmes
00:24:27tous les
00:24:28l'arianisation
00:24:29l'antisémitisme
00:24:30tout ça
00:24:31l'esprit belliqueux
00:24:32mais
00:24:33on voit
00:24:34on voit apparaître
00:24:34des personnages
00:24:35par exemple
00:24:35tous ceux qui avaient
00:24:36plus de 35 ans
00:24:37ou 40 ans
00:24:38qui n'étaient pas mobilisés
00:24:39qui avaient connu
00:24:40la première guerre
00:24:41et qui savaient
00:24:41que l'Allemagne
00:24:42pouvait la perdre
00:24:42on voit apparaître aussi
00:24:44je dirais une opinion
00:24:45ce que vous dites au fond
00:24:46c'est qu'il y avait
00:24:47il y avait de l'anti-hitlérisme
00:24:49mais qu'il était mutique
00:24:50parce que
00:24:51à la moindre manifestation
00:24:52évidemment la répression
00:24:53était considérable
00:24:55vous avez aussi
00:24:56circulé
00:24:57grâce à vos
00:24:59à vos amitiés
00:25:00à vos amitiés d'école
00:25:01je dirais dans un milieu
00:25:02patricien
00:25:04beaucoup
00:25:04qui pouvait correspondre
00:25:06dans sa mentalité
00:25:08à ce qu'ont
00:25:09été
00:25:10les officiers
00:25:11du coup d'état
00:25:13de l'attente à rater
00:25:14de
00:25:15de juillet
00:25:16de juillet 44
00:25:17contre
00:25:17contre Hitler
00:25:18et au fond
00:25:19cette sensibilité
00:25:20allemande
00:25:20elle existait
00:25:21elle n'est pas forcément
00:25:21bien éclairée
00:25:23et
00:25:23Monique Lévi-Strauss
00:25:25qui n'a jamais parlé
00:25:25à la SS
00:25:26et réciproquement
00:25:28a tout de même
00:25:29navigué
00:25:30dans ce chaos
00:25:31que devenait
00:25:31graduellement
00:25:32l'Allemagne
00:25:34et
00:25:35pour d'ailleurs
00:25:36être exfiltrée
00:25:37dès le
00:25:388 mai
00:25:381945
00:25:40parce que
00:25:41on a repéré
00:25:42que sa mère
00:25:42d'un major américain
00:25:45qui s'installe
00:25:46sur les bords du Rhin
00:25:47avant l'existence
00:25:48d'une américaine
00:25:49qui était votre mère
00:25:50et immédiatement
00:25:51dès le 8 mai
00:25:52on vous destine
00:25:54à Paris
00:25:55et vous arrivez
00:25:56avec l'arbre de triomphe
00:25:57et un immense drapeau
00:25:58et là vous pleurez
00:26:00Vous rentrez en France
00:26:03avec votre mère
00:26:04mais très vite
00:26:04vous allez partir
00:26:05avec elle
00:26:05à bord d'un paquebot
00:26:06pour les Etats-Unis
00:26:07Ah bah oui
00:26:08parce qu'on n'avait pas vu
00:26:09ma grand-mère
00:26:11et tous mes oncles
00:26:12depuis la guerre
00:26:14qui s'était exilée
00:26:15aux Etats-Unis
00:26:15et là-bas
00:26:16vous allez
00:26:17poursuivre vos études
00:26:18et bien là-bas
00:26:20j'ai été à Columbia
00:26:22et
00:26:23j'ai
00:26:24eu le degré
00:26:28de Simmons College
00:26:29j'ai fait signe
00:26:30hier
00:26:31la dernière année
00:26:32de collège
00:26:32donc
00:26:33je suis bachelière
00:26:35donc
00:26:36d'un collège
00:26:37américain
00:26:38donc il va sans dire
00:26:39que vous êtes
00:26:39non seulement bilingue
00:26:41allemande
00:26:41et bilingue
00:26:42anglais
00:26:42ou américain
00:26:44et
00:26:44comme vous le dites
00:26:45très joliment
00:26:46dans votre livre
00:26:46The American Way of Life
00:26:48c'était pas vraiment
00:26:49votre tasse de thé
00:26:50et vous décidez
00:26:51de rentrer
00:26:52et c'est en rentrant
00:26:53à Paris
00:26:53donc vous êtes
00:26:54une toute jeune femme
00:26:56de 24 ans
00:26:57vous avez besoin
00:26:58de travailler
00:26:59il vous faut
00:27:00subvenir à vos besoins
00:27:01la très belle maison
00:27:02des grands-parents
00:27:03et quelque part
00:27:04dans vos souvenirs
00:27:05mais il faut vivre
00:27:06et comme vous êtes
00:27:07polyglotte
00:27:08et en effet
00:27:09cela va vous ouvrir
00:27:10quelques portes
00:27:11et vous allez commencer
00:27:13par faire des travaux
00:27:14de traduction
00:27:14pour ce fameux
00:27:16Jacques Lacan
00:27:17comment est-ce qu'on se retrouve
00:27:18à traduire Freud
00:27:19quasiment en simultané
00:27:21à un des plus grands noms
00:27:23d'un petit analyse
00:27:24qui déjà à l'époque
00:27:24est très fameux
00:27:25oui
00:27:26alors je dois vous dire
00:27:29que comme tout être humain
00:27:30on passe par des moments
00:27:34très différents
00:27:35il y a eu plusieurs
00:27:37Jacques Lacan
00:27:39celui que j'ai connu en 47
00:27:41était vraiment intelligent
00:27:42et pas du tout
00:27:45mon dave fanfreluche
00:27:48enfin c'était passionnant
00:27:50de travailler avec lui
00:27:517 ou 8 ans plus tard
00:27:53c'était pas la même chose
00:27:54il était grisé
00:27:55par sa réussite
00:27:57il voyait énormément
00:27:58de femmes du monde
00:27:59et c'était les contrepétris
00:28:02à longueur de soirée
00:28:03et enfin je peux pas vous dire
00:28:05c'était vraiment désolant
00:28:07c'était plus l'homme intelligent
00:28:09c'était l'homme mondain
00:28:11je crois que nous passons tous
00:28:13par des stades différents
00:28:15vous avez eu en tout cas
00:28:17la chance de connaître
00:28:18le premier Lacan
00:28:19ah oui
00:28:20et ce Lacan
00:28:21qui vous fait traduire Freud
00:28:22et en contrepartie
00:28:24il vous commente
00:28:26votre introduction
00:28:27exactement
00:28:27et là encore
00:28:28c'est une initiation
00:28:29à la psychanalyse
00:28:30il ne connaissait pas
00:28:31un mot d'allemand
00:28:32et il m'a dit
00:28:34tout ce que je voudrais
00:28:35c'est que
00:28:36vous traduisiez
00:28:39les passages importants
00:28:41de Freud
00:28:42et donc je lui ai traduit
00:28:44les passages importants
00:28:45entre eux
00:28:45je les traduisais
00:28:46beau tamo
00:28:47et lui
00:28:48me donnait l'exégèse
00:28:50ce qui était formidable
00:28:51c'était un vrai échange
00:28:53à tel point
00:28:54que sa femme
00:28:55Sylvia Bataille
00:28:56elle venait
00:28:57elle disait
00:28:58c'est tellement intéressant
00:28:59ce que vous racontez
00:29:00tous les deux
00:29:01je veux assister aussi
00:29:02donc elle assistait aussi
00:29:04et c'était passionnant
00:29:06est-ce que c'est par Sylvia Bataille
00:29:08que vous vous êtes retrouvée
00:29:09chez Jacques Lacan
00:29:10c'est par elle
00:29:10que vous l'avez connue
00:29:11enfin c'est par les gens
00:29:14j'habitais chez Eugène
00:29:16et Maria Jolas
00:29:17qui connaissaient
00:29:19Rose Masson
00:29:22qui avait passé la guerre
00:29:24avec André Masson
00:29:25aux Etats-Unis
00:29:27et donc Sylvia Bataille
00:29:30était la soeur de Rose Masson
00:29:32et donc ça nous ramène à Lacan
00:29:34qu'elle est venue
00:29:35une très grande amie
00:29:36pour vous Sylvia Bataille
00:29:37je crois
00:29:38oh Sylvia Bataille
00:29:39je l'adorais
00:29:40et j'avais beaucoup de sympathie
00:29:44pour elle
00:29:45parce que
00:29:46voilà une femme
00:29:47qui était au sommet
00:29:50de la gloire
00:29:50en 1938
00:29:52on courait voir ses films
00:29:56elle avait un énorme succès
00:29:58il y a eu la guerre
00:29:59elle était juive
00:30:00elle s'est cachée
00:30:01et quand la guerre
00:30:02a été finie
00:30:04et bien
00:30:04elle était une femme
00:30:05qui avait 38 ans
00:30:07et
00:30:08le pauvre
00:30:09le cinéma ne voulait plus d'elle
00:30:10non parce qu'il y avait des jeunes
00:30:12il y avait plein de jeunes
00:30:14et les jeunes passaient avant
00:30:15et c'était
00:30:17sa carrière
00:30:18s'est arrêtée
00:30:19nette en 1938
00:30:20après la partie de campagne
00:30:22c'est quand même désolant
00:30:24et
00:30:25vous êtes resté très proche
00:30:27ah oui j'étais très proche
00:30:28c'était une femme extraordinaire
00:30:30et qui m'a beaucoup aidée
00:30:32qui avait confiance en moi
00:30:34enfin
00:30:34il y a quelques personnes
00:30:36comme ça dans le monde
00:30:37qui ont eu confiance en moi
00:30:39et qui m'ont beaucoup donné
00:30:40à Sylvia Bataille
00:30:41et Jacques Lacan
00:30:42vous allez devoir
00:30:43une rencontre
00:30:44absolument déterminante
00:30:46dans votre existence
00:30:47puisque c'est lors d'un dîner
00:30:48chez eux
00:30:49oui
00:30:50en 49
00:30:50oui
00:30:51vous allez croiser
00:30:52un jeune ethnologue
00:30:54de 40 ans
00:30:56oui
00:30:56qui rentre des Etats-Unis
00:30:57qui n'est pas dans la meilleure partie
00:31:00de sa vie professionnelle
00:31:01et vous allez nous dire pourquoi
00:31:02ce jeune homme
00:31:04c'est Claude Lévi-Strauss
00:31:05exactement
00:31:06vous allez être assise
00:31:07à côté de lui
00:31:08à dîner
00:31:08et à un moment
00:31:09il demande à son ami Jacques Lacan
00:31:11tu ne connaîtrais pas
00:31:12quelqu'un qui pourrait
00:31:12me traduire de l'anglais
00:31:14parce que là
00:31:14je suis en train
00:31:15de m'arracher les cheveux
00:31:16sur des textes
00:31:17d'un couple d'Australiens
00:31:19qui a travaillé
00:31:19sur les aborigènes
00:31:20et Jacques Lacan
00:31:21lui fait cette réponse
00:31:22magnifique
00:31:23tu es assise à côté d'elle
00:31:25oui
00:31:25et elle c'est vous
00:31:27oui
00:31:27c'est un autre roman
00:31:28qui deviendra
00:31:29Monique Lévi-Strauss
00:31:30quel souvenir gardez-vous
00:31:31de cette soirée
00:31:32et qu'est-ce qu'elle va engager
00:31:34dans votre existence
00:31:35ça a été déterminant
00:31:37puisque
00:31:38ce qu'il voulait
00:31:40c'est que je corrige
00:31:41les épreuves
00:31:42d'un livre
00:31:43écrit par un couple
00:31:45d'Australiens
00:31:46en anglais
00:31:47et c'était
00:31:49imprimé en France
00:31:51or
00:31:52en France
00:31:54on ne trouvait pas
00:31:55une personne
00:31:56capable de corriger
00:31:57des épreuves
00:31:58en anglais
00:31:58c'est quand même fou
00:31:59autant d'habitants
00:32:02pas un
00:32:02et alors
00:32:03Lacan
00:32:05tout de suite dit
00:32:06mais Monique
00:32:06est parfaitement capable
00:32:07de corriger
00:32:08des épreuves
00:32:09en anglais
00:32:09et c'est ce que j'ai fait
00:32:12je me suis donné
00:32:14un mal fou
00:32:15parce que je voulais
00:32:15que ce soit vraiment bien
00:32:17et donc
00:32:18les Australiens
00:32:19ont écrit
00:32:21quand le livre
00:32:22apparu
00:32:22en France
00:32:23chez Herman
00:32:24les Australiens
00:32:26ont dit
00:32:26c'est quand même
00:32:27un paradoxe
00:32:28il faut se faire
00:32:29imprimer
00:32:30en France
00:32:31quand on veut
00:32:32n'avoir aucune coquille
00:32:33dans un livre
00:32:34en anglais
00:32:35alors voilà
00:32:35vous avez montré
00:32:36déjà des aptitudes
00:32:37de presque
00:32:38d'éditrice
00:32:39de relectrice
00:32:40de correctrice
00:32:41vraiment un oeil
00:32:43extrêmement
00:32:43vous savez
00:32:45quand on a passé
00:32:46des examens
00:32:46en trois langues
00:32:47quand on a tous ces examens
00:32:49parce que j'avais été
00:32:51au lycée français
00:32:51jusqu'en quatrième
00:32:53donc à l'époque
00:32:55en quatrième
00:32:56on ne faisait plus
00:32:57de fautes d'orthographe
00:32:58ça je dois vous dire
00:32:59ça a changé maintenant
00:33:01mais à l'époque
00:33:02c'était au lycée
00:33:04au lycée de Bourges
00:33:05on ne pouvait pas
00:33:06rester dans une classe
00:33:08on ne pouvait pas
00:33:09passer en troisième
00:33:10si on faisait
00:33:11des fautes d'orthographe
00:33:12en quatrième
00:33:12on savait l'orthographe
00:33:15alors vous faites
00:33:15une chose
00:33:16assez incroyable
00:33:17qui est tout à fait
00:33:18naturelle pour vous
00:33:19mais qui va quand même
00:33:20éberlever le jeune ethnologue
00:33:21il vous donne rendez-vous
00:33:22au musée de l'homme
00:33:23où il est co-directeur
00:33:24faisant au fil
00:33:25du directeur
00:33:26en accordant la nomination
00:33:27du directeur
00:33:28vraiment une époque
00:33:29où sa carrière
00:33:29est un peu pesante
00:33:31je dirais
00:33:31on expliquera peut-être
00:33:32pourquoi
00:33:33et vous arrivez
00:33:34en ayant lu
00:33:35justement
00:33:35ce livre fameux
00:33:38dont vous avez dit
00:33:39tout à l'heure
00:33:40structure élémentaire
00:33:41de la parenté
00:33:45et pour vous
00:33:46c'est une chose
00:33:47tout à fait naturelle
00:33:48que de lire le livre
00:33:48de cet auteur
00:33:49avant d'avoir
00:33:50un rendez-vous avec lui
00:33:51et lui n'en revient pas
00:33:52parce que jamais
00:33:53personne n'a fait ça pour lui
00:33:54aucune assistante
00:33:55il se vendait pas du tout
00:33:57ce livre
00:33:57il se vendait pas du tout
00:33:58mais même le simple fait
00:33:59de le faire
00:34:00c'est-à-dire
00:34:00d'avoir cette démarche
00:34:02là complètement éberluée
00:34:04il s'est dit
00:34:04voilà une jeune femme
00:34:06qui n'est pas comme les autres
00:34:07il s'est dit
00:34:10mais vraiment
00:34:10tous les atouts
00:34:12de son côté
00:34:12ce qui est très drôle
00:34:14c'est qu'au musée de l'homme
00:34:15notre futur mari
00:34:17qui est un ethnologue
00:34:19évidemment
00:34:20éminemment respecté
00:34:21a quand même
00:34:22une réputation difficile
00:34:24on ne le trouve
00:34:25pas très marrant
00:34:26on le trouve
00:34:27capitolant
00:34:28oui
00:34:28c'est l'expression
00:34:30l'expression de l'époque
00:34:31donc il est sur son capitole
00:34:32il est d'une austérité
00:34:34redoutable
00:34:35il a une vie
00:34:36quasiment millimétrée
00:34:37enfin bref
00:34:37ce n'est pas un rigolo
00:34:38et alors quand vous sortez
00:34:40des premières journées
00:34:41de travail
00:34:42des heures assez arrasantes
00:34:44mais que
00:34:45je traduisais tout le temps
00:34:46je traduisais pour lui
00:34:48il s'attendait à la porte
00:34:49il me dit
00:34:49comment tu fais
00:34:51comment tu résistes
00:34:52à ce truc
00:34:52non pas drôle
00:34:53comment vous avez résisté
00:34:55ah bah parce qu'il était tordant
00:34:57je vais vous dire
00:35:00on riait énormément
00:35:01on se comprenait très bien
00:35:03il était très très drôle
00:35:05mais il était extrêmement réservé
00:35:07alors il ne riait pas avec tout le monde
00:35:10et il travaillait énormément
00:35:11il n'était pas bavard non plus
00:35:13mais quand on passait des heures avec lui
00:35:15vous ne pouvaient pas savoir
00:35:16ce qu'on s'amusait
00:35:18va commencer entre vous
00:35:19une collaboration
00:35:20d'abord
00:35:20clairement de travail
00:35:22oui
00:35:22et vous allez réaménager
00:35:24par exemple
00:35:24sa bibliothèque
00:35:25puisque ses livres
00:35:26sont revenus de New York
00:35:27et évidemment
00:35:28les déménageurs
00:35:28les ont placés par taille
00:35:29et pas du tout
00:35:30par thématique
00:35:3012 000 livres
00:35:32en 15 volumes
00:35:34parce que
00:35:35je me souviens
00:35:36il m'a dit
00:35:37écoutez Monique
00:35:38je vais vous demander
00:35:3915 jours de votre vie
00:35:41je lui ai dit
00:35:42un type qui vous demande
00:35:4315 jours de votre vie
00:35:45qu'est-ce qu'il veut de moi
00:35:46il me dit voilà
00:35:47mes livres sont revenus de New York
00:35:50et ils ont été tous rangés
00:35:55rangés sur des étagères
00:35:57et ils ne sont absolument pas classés
00:36:00et moi je ne peux pas classer
00:36:0112 000 livres tout seul
00:36:03j'ai besoin de vous
00:36:04pendant 15 jours
00:36:05j'ai d'autant plus besoin de vous
00:36:08que vous êtes capable de lire
00:36:09le Cyrillique etc
00:36:11parce qu'il avait beaucoup de livres
00:36:13dans des langues
00:36:13qu'il ne lisait pas
00:36:14à cause des illustrations
00:36:16il y avait de très bonnes photos
00:36:19si vous voulez du Brésil
00:36:21et tout ça
00:36:21et en général
00:36:23à la fin du livre
00:36:24il y avait un résumé en anglais
00:36:27mais c'était pour les illustrations
00:36:29donc
00:36:30et il a dit
00:36:31il n'y a que vous
00:36:32qui pouvez lire
00:36:32dans toutes ces langues
00:36:33je sais que vous vous débrouillez
00:36:35bon
00:36:35voilà
00:36:36et donc
00:36:37on a passé 15 jours
00:36:39à reclasser
00:36:4012 000 livres
00:36:41à l'époque
00:36:42ça n'est pas un secret
00:36:43Claude Lévi-Strauss
00:36:44est marié
00:36:45oui
00:36:45il y a un enfant
00:36:46le mariage
00:36:49ne va plus trop bien
00:36:50sa femme comprend bien
00:36:51qu'il y a plus
00:36:52qu'une complicité intellectuelle
00:36:53entre Claude Lévi-Strauss
00:36:55et vous
00:36:55oh ça je ne sais pas
00:36:57si il est
00:36:57non
00:36:57à quel moment
00:36:59est-ce qu'il déclare sa flamme
00:37:00cet homme
00:37:01il ne l'a jamais déclaré
00:37:03à quel moment
00:37:06avez-vous pensé
00:37:07que vous croyez autre chose
00:37:08que la vérité
00:37:09c'est qu'il ne m'a jamais
00:37:10fait la cour
00:37:10il y a d'autres hommes
00:37:12qui m'ont fait la cour
00:37:13mais lui
00:37:15il ne m'a jamais fait la cour
00:37:16et je comprends un peu
00:37:18il avait été marié
00:37:20deux fois
00:37:20avant de me connaître
00:37:22donc il avait fait la cour
00:37:24deux fois
00:37:24et il devait se dire
00:37:27que c'est toujours
00:37:28la même chose
00:37:29et puis au bout de 5 ans
00:37:30ça fera
00:37:30alors
00:37:32il s'était dit
00:37:35faire la cour
00:37:36ça ne sert à rien
00:37:37et c'est vrai
00:37:37que ça ne sert à rien
00:37:38il y a l'histoire des jeudis
00:37:41quand même
00:37:41que vous pouvez raconter
00:37:42oui l'histoire des jeudis
00:37:43vous travaillez ensemble
00:37:44et le jeudi
00:37:45Claude Lévi-Strauss vous dit
00:37:47est-ce que vous accepterez
00:37:49de venir avec moi
00:37:50non non
00:37:51alors ça s'est passé
00:37:52autrement
00:37:53c'est sa femme
00:37:54qui trouvait que
00:37:58comme c'est
00:38:00sa mère était morte
00:38:02il n'y avait pas de grand-mère
00:38:03dans sa famille
00:38:04et elle a dit à mon mari
00:38:05écoute moi le jeudi
00:38:07je vais inviter
00:38:08tous mes neveux
00:38:09parce qu'il n'y a pas de grand-mère
00:38:10pour les réunir le jeudi
00:38:12alors
00:38:12fais ce que tu veux
00:38:14mais le jeudi
00:38:15on sera six ou sept enfants
00:38:17à table
00:38:17alors Claude a dit
00:38:19dans ces conditions
00:38:20je déjeune au musée de l'homme
00:38:21elle n'y a vu que du feu
00:38:23et alors
00:38:25le lendemain
00:38:28au musée de l'homme
00:38:28il m'a dit
00:38:29est-ce que vous êtes libre
00:38:30jeudi prochain
00:38:31à déjeuner
00:38:32j'ai dit oui
00:38:33alors on a déjeuné ensemble
00:38:35et c'est comme ça
00:38:36c'est devenu un rituel
00:38:37c'est devenu un rituel
00:38:38elle n'en savait rien
00:38:40puisqu'il lui avait dit
00:38:42je déjeune au musée de l'homme
00:38:43un jour il se dévoile un peu plus
00:38:46oui
00:38:46Monique vous oubliez de dire
00:38:48une chose qui est quand même
00:38:50d'une intensité
00:38:53c'est que
00:38:54vous déjeunez un jeudi
00:38:56et puis vous dites
00:38:57est-ce que vous êtes libre
00:38:58pour déjeuner jeudi prochain
00:39:00vous dites oui
00:39:01et là il ajoute
00:39:02et tous les jeudis
00:39:03et tous les autres jeudis
00:39:04c'est le seul cours
00:39:05qui m'est fait ce jeudi
00:39:07et tous les autres jeudis
00:39:09et tous les autres jeudis
00:39:10ça fait 55 ans après
00:39:11et alors vous Monique
00:39:13justement
00:39:14vous saviez que
00:39:14ces deux précédentes unions
00:39:16n'avaient pas marché
00:39:18au-delà de 5 ans
00:39:19et vous trouviez
00:39:21très très agréable
00:39:22le compagnonnage
00:39:22de ce jeune ethnologue
00:39:24pudique et austère
00:39:25et vous vous êtes dit
00:39:26comment est-ce que je peux faire
00:39:28pour que ça dure
00:39:28au-delà de 5 ans
00:39:29à l'évidence
00:39:30vous avez tout à fait
00:39:31trouvé la formule
00:39:32ah non mais je
00:39:33vous êtes fait 60 ans
00:39:34je m'excuse de dire
00:39:35un mot un peu vulgaire
00:39:37mais j'avais vraiment
00:39:37la trouille
00:39:38ah ça je peux vous dire
00:39:40je me disais
00:39:41au bout de 5 ans
00:39:42il va se lasser
00:39:44il s'est lassé des autres
00:39:45et puis ça se fait
00:39:47et il ne s'est pas lassé de vous
00:39:48non
00:39:48et on le comprend très bien
00:39:49et vous savez
00:39:50il y a une histoire
00:39:51que je trouve merveilleuse
00:39:52dans votre livre
00:39:53et on va retrouver
00:39:54le tropisme médical
00:39:55de la famille
00:39:57de votre famille
00:39:58il souffrait de maux divers
00:40:01et variés
00:40:01il souffrait d'hypoglycémie
00:40:03ces femmes
00:40:04ces précédentes épouses
00:40:06avaient essayé
00:40:07mille choses
00:40:07on lui avait fait prendre
00:40:08des tas de médicaments
00:40:09et alors vous
00:40:10vous avez révéler
00:40:12un talent inné
00:40:14ça a été mon seul patient
00:40:16mais quand même
00:40:17je l'ai amené
00:40:19à plus de 100 ans
00:40:20c'est pas mal
00:40:23vous ne recevez plus
00:40:24vous n'avez plus de place
00:40:25dans votre agenda
00:40:26on aimerait vous avoir
00:40:28comme médecin
00:40:28qu'est-ce que vous avez fait
00:40:30comment est-ce que vous vous y êtes prise
00:40:31pour le débarrasser
00:40:33de ces
00:40:33alors
00:40:34il faut que je vous dise
00:40:36que j'ai quand même
00:40:37beaucoup de chance
00:40:38de pouvoir lire
00:40:39dans beaucoup de langues
00:40:40c'est-à-dire que
00:40:41j'en parle trois
00:40:42complètement
00:40:43et je les écris
00:40:44sans faute
00:40:44mais il y en a
00:40:46au moins
00:40:46trois ou quatre autres
00:40:47que je peux lire
00:40:48et que je comprends
00:40:49donc c'est un gros avantage
00:40:51et quand j'ai rencontré
00:40:56quand j'ai commencé
00:40:59à vivre avec mon mari
00:41:02je me suis rendu compte
00:41:04qu'il avait de l'hypoglycémie
00:41:07et le médecin l'avait d'ailleurs trouvé
00:41:10en faisant des analyses sanguines
00:41:12il avait de l'hypoglycémie
00:41:14et c'est vrai que
00:41:16il se sentait très mal
00:41:18avant les repas
00:41:19et il voulait que les repas
00:41:21soit pile à l'heure
00:41:22parce que sans ça
00:41:23il avait des gros tiraillements
00:41:25donc ça je le savais
00:41:26et puis il s'est trouvé
00:41:28par hasard
00:41:29une de mes amies américaines
00:41:31qui s'appelle Sheila Hicks
00:41:34peut-être que certains d'entre vous
00:41:35la connaissent
00:41:36oui on a entendu parler de Sheila Hicks
00:41:38et on y reviendra peut-être un peu
00:41:40oui
00:41:40alors Sheila Hicks
00:41:42un jour que j'étais dans son atelier
00:41:45parce que j'avais beaucoup
00:41:46d'admiration pour elle
00:41:47et j'ai d'ailleurs écrit un livre
00:41:49sur elle
00:41:49elle me dit
00:41:51oh tu sais ma mère
00:41:52est abonnée au Book of the Man's Club
00:41:55c'est un club américain
00:41:57où on paye
00:41:59temps par an
00:42:00et tous les mois
00:42:01on vous envoie deux ou trois livres
00:42:03qui sont réputés
00:42:05et très bons
00:42:06et donc elle me dit
00:42:08j'ai un carton là
00:42:11avec tous les Book of the Man's Club
00:42:13que ma mère m'envoie
00:42:14des Etats-Unis
00:42:15regarde s'il n'y en a pas un
00:42:18qui t'intéresse
00:42:19je regarde
00:42:20il y en a un sur l'hypoglycémie
00:42:21quand même coup de peau
00:42:23et alors
00:42:24je prends ce livre
00:42:26américain
00:42:27et qui avait certainement
00:42:29été écrit par
00:42:30un médecin
00:42:31qui avait
00:42:32souffert d'hypoglycémie
00:42:34parce qu'il racontait
00:42:36tous les symptômes
00:42:37de mon mari
00:42:38mais tout
00:42:39mais au poil près
00:42:42et
00:42:43que les colères
00:42:45où se met
00:42:46l'hypoglycémie
00:42:47quand il commence
00:42:48à avoir des tiraillements
00:42:49c'est vraiment dû
00:42:51au tiraillement
00:42:53de
00:42:53oui
00:42:54et c'est pas du tout
00:42:55parce qu'ils sont fous
00:42:56alors que la précédente
00:42:57femme de mon mari
00:42:58disait
00:42:59il faut qu'il se fasse
00:43:00ticanaliser
00:43:01il n'y a que ça
00:43:02vous vous rendez compte
00:43:03donc vous réussissez
00:43:07à le soigner
00:43:08et que les dispenses
00:43:09à cette réaction
00:43:10merveilleuse
00:43:12il vous traite
00:43:13de magicienne
00:43:14et vous prend même
00:43:15pour une chamane
00:43:16vous êtes devenu
00:43:17sa chamane
00:43:18personnelle
00:43:19non mais
00:43:19enfin
00:43:21il était assez
00:43:22enfantin
00:43:22parce qu'il croyait
00:43:24vraiment que j'avais
00:43:25des dons
00:43:25que d'autres
00:43:26n'avaient pas
00:43:26je n'ai aucun don
00:43:27ça je vous le dis
00:43:28tout de suite
00:43:28mais lui
00:43:30il croyait
00:43:30que j'avais
00:43:31quelque chose
00:43:32en plus
00:43:32parce que pour avoir
00:43:33deviné
00:43:35que c'était
00:43:35l'hypoglycémie
00:43:36en tout cas
00:43:38vous l'avez débarrassé
00:43:38de ses troubles
00:43:39il est devenu
00:43:40beaucoup plus agréable
00:43:41à vivre
00:43:42c'est à dire
00:43:43que j'ai trouvé
00:43:44ce livre
00:43:45dans les livres
00:43:46qu'on me
00:43:48vous avez fait
00:43:49cette année
00:43:49oui
00:43:49il y avait un livre
00:43:51sur l'hypoglycémie
00:43:52vous l'avez mis à la diète
00:43:53sévère
00:43:53pendant 6 mois
00:43:56d'ailleurs c'est très drôle
00:43:57je vous dis
00:43:57une de ses ex-épouses
00:43:59vous a un peu
00:44:00raillé
00:44:01en disant
00:44:01ah ben voilà
00:44:02il a perdu 15 kilos
00:44:03elle veut absolument
00:44:05qu'il ait une silhouette
00:44:05de jeune homme
00:44:06oui c'est ça
00:44:07elle est venue vivée
00:44:07par le poids
00:44:08alors que pas du tout
00:44:08c'était pas du tout
00:44:09pour le poids
00:44:10c'était juste
00:44:10vivée par sa bonne santé
00:44:11on avait supprimé
00:44:13totalement
00:44:13tous les féculents
00:44:15et tous les sucres
00:44:17et c'est très dur
00:44:18comme régime
00:44:19mais c'est un régime
00:44:20qui a parfaitement marché
00:44:21il a été complètement guéri
00:44:22vous n'avez pas été magicienne
00:44:24que sur la santé
00:44:25de Claude Listron
00:44:26parce que
00:44:27hasard ou coïncidence
00:44:29ou chance merveilleuse
00:44:30à partir du moment
00:44:31où vous entrez
00:44:32dans sa vie
00:44:33sa vie est une ascension
00:44:35permanente
00:44:36de reconnaissance
00:44:38de travaux importants
00:44:41il va intégrer
00:44:42le collège de France
00:44:43alors qu'il y avait été
00:44:44refusé deux fois
00:44:45pardon il y a
00:44:46triste tropique
00:44:46et Monique est importante
00:44:47il va écrire ce livre
00:44:49en 55
00:44:50donc nous allons parler
00:44:51de triste tropique
00:44:52oui c'est à cause
00:44:52de triste tropique
00:44:54Jean Valory en 54
00:44:55crée donc cette collection
00:44:56Terre humaine
00:44:57dont on célèbre
00:44:57cette année de 70 ans
00:44:59l'édition Plon
00:44:59ont engagé
00:45:01un nouveau directeur
00:45:02de collection
00:45:02à la personne
00:45:03de Stéphane Breton
00:45:03lui-même éthiologue
00:45:04et triste tropique
00:45:06qui a été publié
00:45:07en 55
00:45:08vient de reparaître
00:45:09avec une préface
00:45:10de Stéphane Breton
00:45:11ce livre rencontre
00:45:12un succès énorme
00:45:14et vous avez dit
00:45:14quelque chose
00:45:15à propos de triste tropique
00:45:16vous avez dit
00:45:16dans ce livre
00:45:17Jean-Lévi-Strauss
00:45:18s'est totalement lâché
00:45:20qu'est-ce que vous avez
00:45:21voulu dire par là ?
00:45:23ah ben vous ne comprenez pas ?
00:45:24si
00:45:25vous pouvez préciser
00:45:26votre part
00:45:27en train de se lâcher
00:45:29est-il pas jusque là ?
00:45:30qu'est-ce qui s'est autorisé
00:45:31dans ce livre ?
00:45:32le collège
00:45:32je vais vous dire
00:45:35jusque là
00:45:36il avait écrit
00:45:37les livres
00:45:38qu'il voulait écrire
00:45:40parce que c'était
00:45:41vraiment sa profession
00:45:43et
00:45:44quand on lui a demandé
00:45:46en lui faisant
00:45:47un contrat
00:45:48avant qu'il ait écrit
00:45:49le livre
00:45:49c'était la première fois
00:45:50qu'on lui faisait
00:45:51un contrat
00:45:52avant
00:45:52d'abord il écrivait
00:45:54les livres
00:45:54et puis il les soumettait
00:45:56tandis que là
00:45:56un contrat
00:45:57il s'est dit
00:45:58et bien puisque je suis sûr
00:46:00de le publier
00:46:01je vais me lâcher
00:46:02complètement
00:46:03je vais dire
00:46:04tout ce que j'ai
00:46:04sur le coeur
00:46:05après deux échecs
00:46:07au collège de France
00:46:07c'est ça
00:46:08exactement
00:46:10et c'est à cause
00:46:12de ce livre
00:46:13qu'il a été élu
00:46:14au collège de France
00:46:15c'est ça l'ironie
00:46:16pourquoi ?
00:46:18parce que
00:46:18au collège de France
00:46:21il y a
00:46:21les professeurs
00:46:23qui sont
00:46:24les professeurs
00:46:25des sciences dures
00:46:26et puis les autres
00:46:27les autres
00:46:29psychologie
00:46:31philosophie
00:46:31etc
00:46:32les autres comprenaient
00:46:34le travail
00:46:34de mon mari
00:46:35mais les professeurs
00:46:37des sciences dures
00:46:38ils ne comprenaient
00:46:39absolument rien
00:46:40à ce que faisait
00:46:42mon mari
00:46:42donc ils votaient
00:46:43toujours contre
00:46:44donc il avait été
00:46:45déjà refusé
00:46:46deux fois
00:46:47c'est très lourd
00:46:48d'être candidat
00:46:49et refuser deux fois
00:46:51mais triste tropique
00:46:52là ils ont compris
00:46:53d'un bout à l'autre
00:46:54ils ont été emballés
00:46:56ils ont dit
00:46:56mais si c'est ça
00:46:57ce qu'il fait
00:46:58on les lit tout de suite
00:46:59vous avez beaucoup
00:47:00travaillé sur ce texte
00:47:01vous avez tout revu
00:47:02vous avez été vraiment
00:47:03une compagne
00:47:03indispensable
00:47:05j'ai été la première
00:47:06lectrice depuis le début
00:47:08vous avez tout tapé
00:47:09tout tapé
00:47:10tout retrassé
00:47:11oui
00:47:11un jour
00:47:13non pardon
00:47:14juste une anecdote
00:47:15pour ceux qui aiment la chanson
00:47:17je ne sais pas si vous connaissez
00:47:18Gérard Mancet
00:47:19à l'agence solitaire
00:47:22et il a intitulé
00:47:23une de ses chansons
00:47:24Triste Tropique
00:47:25et un jour
00:47:26je présente
00:47:27Gérard Mancet
00:47:28alors il lui dit
00:47:30assez timidement
00:47:31j'ai écrit une chanson
00:47:32qui s'intitule
00:47:33Triste Tropique
00:47:33et mon étude
00:47:34dit bien moi
00:47:34je l'ai tapé
00:47:35alors vous avez mené
00:47:40une vie conjugale
00:47:41dont vous dites
00:47:43dans le livre
00:47:44que vous croyez
00:47:46que ça s'appelle
00:47:47le bonheur
00:47:47et je pense
00:47:48qu'on peut confirmer
00:47:49que ça s'appelle
00:47:50le bonheur
00:47:50vous menez une vie
00:47:51très heureuse
00:47:52avec
00:47:52Claude et Listros
00:47:54et il va vous initier
00:47:55à quelque chose
00:47:57que je trouve
00:47:57très très fascinant
00:47:59il a des rituels
00:48:01c'est un homme de rituel
00:48:03il est tôt
00:48:03il dormit
00:48:04il mange
00:48:05très la portion
00:48:06il travaille énormément
00:48:07il fait pas de cède
00:48:08il va à Drouot
00:48:10il collectionne
00:48:11il va à Drouot
00:48:12et il va au Puce
00:48:13il vous emmène
00:48:14au Puce de Saint-Ouen
00:48:15et c'est là
00:48:16que vous allez voir
00:48:17que vous allez découvrir
00:48:17vos premiers châles
00:48:18en Cachemire
00:48:19dont vous êtes aujourd'hui
00:48:20une éminente spécialiste mondiale
00:48:23vous avez publié
00:48:23plusieurs livres
00:48:24à ce sujet
00:48:25d'autres
00:48:25bien de réonger
00:48:26il vous a initié
00:48:31au démodé
00:48:33à une notion
00:48:34que vous appelez
00:48:35le démodé
00:48:36Claude vous a appris
00:48:37Claude Lévi-Stros
00:48:38pardon
00:48:38il vous a appris
00:48:40à apprécier
00:48:41ce qui était démodé
00:48:42et bien
00:48:43il m'a expliqué
00:48:46que la mode
00:48:47enfin
00:48:49c'est comme des montagnes
00:48:51il y a des oeuvres
00:48:55qui sont tout en haut
00:48:57qui valent des prix d'or
00:49:00et puis ensuite
00:49:01qui tombent
00:49:02qui ne valent plus rien
00:49:03et puis qui peut-être
00:49:0450 ans après
00:49:05revalent quelque chose
00:49:06c'est un va-et-vient
00:49:10des prix
00:49:10et il m'a expliqué
00:49:12que quand on s'intéresse
00:49:14vraiment à tout ce qui se passe
00:49:16à Drouot
00:49:17et aux puces
00:49:18et au marché
00:49:19de l'art
00:49:20quand on s'y intéresse
00:49:21il faut avoir
00:49:23un oeil
00:49:24vacciné
00:49:25c'est-à-dire
00:49:26un oeil
00:49:27qui ne s'intéresse
00:49:28pas du tout
00:49:29à la mode
00:49:30et avoir
00:49:31un oeil
00:49:32qui regarde
00:49:33les oeuvres
00:49:33pour ce qu'elles sont
00:49:34et qui se détache
00:49:36complet
00:49:37des phénomènes
00:49:38de mode
00:49:38et aussi
00:49:40du prix
00:49:41parce que
00:49:42c'est pas parce que
00:49:44certaines oeuvres
00:49:44valent très cher
00:49:45qu'elles sont mieux
00:49:46que d'autres
00:49:47c'est pas du tout ça
00:49:48est-ce que vous pensez
00:49:49qu'il avait appris ça
00:49:50très jeune lui-même
00:49:51auprès de ses parents
00:49:52dont vous racontez
00:49:53que quand il est enfant
00:49:54il est très précoce
00:49:55il est excellent à l'école
00:49:57il est enfant unique
00:49:58il est adoré
00:49:59de ses parents
00:50:00qu'il le leur rendra
00:50:01bien d'ailleurs
00:50:02ses parents lui offrent
00:50:04dans les années 10
00:50:05des estampes japonaises
00:50:07qui ne valaient rien
00:50:08à l'époque
00:50:09exactement
00:50:09les impressionnistes
00:50:11et les mieux impressionnistes
00:50:12qui s'étaient beaucoup
00:50:13intéressés
00:50:14au japonisme
00:50:16on parle souvent
00:50:16de Pierre Bernard
00:50:17et du Japon
00:50:18et d'autres
00:50:18Paul Signac
00:50:19les a collectionnés aussi
00:50:20à l'époque
00:50:21ça ne valait plus rien
00:50:22non
00:50:23c'est tout à fait vrai
00:50:24parce qu'il a une grande
00:50:25collection d'estampes
00:50:26dont je profite
00:50:27que vous avez toujours
00:50:28sur les murs
00:50:28oui
00:50:29et puis ça ne prend pas
00:50:30de place du tout
00:50:31une collection d'estampes
00:50:32vous pensez que ça a pris
00:50:33naissance là
00:50:34pour lui
00:50:34cette notion du démodé
00:50:36et de ne pas
00:50:36forcément s'intéresser
00:50:37à ce qu'il est en vogue
00:50:38parce que ses parents
00:50:39n'avaient pas un sou
00:50:41mon beau-père
00:50:42était peintre
00:50:43et c'était un bon peintre
00:50:45mais comme beaucoup
00:50:45de bons peintres
00:50:46il en est très peu
00:50:47donc il n'avait pas
00:50:48de quoi manger
00:50:49il avait un frère
00:50:52qui était agent de change
00:50:53et qui finissait
00:50:55tous les mois
00:50:55de mes beaux-parents
00:50:56donc oui
00:50:58il savait très bien
00:51:00qu'on ne peut pas
00:51:02gagner d'argent du tout
00:51:03et le seul cadeau
00:51:04qu'il faisait
00:51:05au fils
00:51:06à Claude
00:51:07quand il avait
00:51:08des bonnes notes
00:51:09c'était des estampes
00:51:10japonaises
00:51:11dont on se servait
00:51:12comme emballage
00:51:14tellement ça avait baissé
00:51:16vous vous rendez compte
00:51:17et donc il vous éveille
00:51:19cette notion
00:51:20de démodé
00:51:20il ouvre vos yeux
00:51:22il forme
00:51:23on peut dire
00:51:24il vous forme
00:51:24cette notion
00:51:25il me disait toujours
00:51:27il faut regarder
00:51:28les oeuvres
00:51:29pour ce qu'elles sont
00:51:30pas pour ce qu'elles valent
00:51:31pas pour ce qu'elles valent
00:51:33et dans la mode
00:51:35et que la mode
00:51:36c'est tout à fait fugitif
00:51:39et vous vous prenez
00:51:41de passion
00:51:42donc pour ces châles
00:51:43en cachemire
00:51:44vous êtes
00:51:44comme je le disais
00:51:45dominante socialiste
00:51:46mondiale
00:51:47vous en avez
00:51:48une collection
00:51:49magnifique
00:51:49et certains d'entre eux
00:51:51que vous avez trouvé
00:51:52au plus
00:51:52dans des états
00:51:53plus ou moins
00:51:53brillants
00:51:54vous les avez même
00:51:55ravaudé
00:51:56avec vos propres cheveux
00:51:58absolument
00:51:58comment vous est venue
00:52:00cette idée
00:52:00j'avais beaucoup
00:52:03de cheveux
00:52:04et pourquoi les cheveux
00:52:07n'est pas un fil
00:52:08de coton
00:52:08ou de soie
00:52:09c'est à portée
00:52:12de la main
00:52:13non et puis
00:52:16je voulais
00:52:18quelque chose
00:52:18d'invisible
00:52:19c'est très invisible
00:52:21un cheveux
00:52:22il y a une chose
00:52:23qui transparaît beaucoup
00:52:23dans ce livre
00:52:24d'entretien
00:52:25c'est votre intérêt
00:52:26très très particulier
00:52:27pour le couple
00:52:28et en vous lisant
00:52:31je me dis
00:52:31vous êtes quasiment
00:52:33l'ethnologue du couple
00:52:34vous pourriez
00:52:35revendiquer
00:52:36l'ethnologue du couple
00:52:38par moment
00:52:39je me suis même dit
00:52:40si j'avais le courage
00:52:42j'écrirais pour les jeunes
00:52:44ce que c'est
00:52:44qu'un couple
00:52:45et bien
00:52:47je vais vous dire
00:52:49un couple
00:52:50c'est fait
00:52:51de tous les échecs
00:52:53c'est une suite
00:52:55d'échecs
00:52:56pour faire un bon couple
00:52:57il faut que
00:52:59il faut que les deux
00:53:02aient essuyer
00:53:02des échecs
00:53:03pour connaître
00:53:04leur propre goût
00:53:05il n'y a aucun moyen
00:53:07de connaître son goût
00:53:08quand on est un adolescent
00:53:10on ne sait pas
00:53:11ce qu'on aime
00:53:11et qu'on n'aime pas
00:53:12il faut être
00:53:13à l'épreuve de la vie
00:53:15et il n'y a rien
00:53:16tel que les échecs
00:53:17moi je trouve que les échecs
00:53:18c'est formidable
00:53:21le divorce
00:53:23est une chance
00:53:23formidable
00:53:24de se réinventer
00:53:25et de repartir
00:53:26dans la vie
00:53:27et d'avoir une chance
00:53:28de réussir
00:53:29sa vie en rose
00:53:29oui
00:53:30non mais surtout
00:53:31les échecs
00:53:32qui vous montrent
00:53:33qui vous êtes
00:53:34parce que
00:53:35les échecs
00:53:37ont très mauvaise
00:53:38réputation
00:53:39enfin dans les familles
00:53:44chaque fois qu'un enfant
00:53:46a un échec
00:53:46c'est la cata
00:53:47mais c'est pas la cata
00:53:49du tout
00:53:49c'est un échec
00:53:51qui vous montre
00:53:51exactement
00:53:52ce qu'on n'aime pas
00:53:54ce qu'on ne veut pas
00:53:55il n'y a rien de plus précis
00:53:57qu'un échec
00:53:58et moi je trouve
00:53:59qu'un bon couple
00:54:01c'est fait par des gens
00:54:02qui ont eu assez d'échecs
00:54:04pour se connaître
00:54:05alors
00:54:06c'est ce en quoi
00:54:09Monique
00:54:09qui était conçue
00:54:10à Shanghai
00:54:11reste assez chinoise
00:54:13sinon maoïste
00:54:14parce que vous savez
00:54:14pendant la marche
00:54:15une des maximes
00:54:16du président Mao
00:54:17du futur président Mao
00:54:18c'était
00:54:18nous irons d'échec
00:54:20en échec
00:54:21jusqu'à la victoire finale
00:54:22c'est aussi sans doute
00:54:23la philosophie du couple
00:54:24de Monique
00:54:25ah oui
00:54:26mais c'est vraiment
00:54:26vous êtes maoïste
00:54:27Monique
00:54:28moi je veux bien
00:54:29être maoïste
00:54:30moi je veux bien
00:54:31en tout cas
00:54:32tout au fil de votre vie
00:54:35avec Claude Lévi-Strauss
00:54:36vous avez été au coeur
00:54:37de la vie intellectuelle française
00:54:38sur plusieurs décadas
00:54:40et vous avez croisé
00:54:42de nombreuses personnes
00:54:43éminentes
00:54:44vous en avez gratiné
00:54:46certaines
00:54:46je sais que vous ne voulez pas
00:54:47vous apposantir dessus
00:54:48je vais juste moi les citer
00:54:49vous avez un peu la dent dure
00:54:51et c'est très drôle
00:54:52avec André Breton
00:54:53que votre mari avait connu
00:54:54en exil à New York
00:54:55et qu'il aimait beaucoup
00:54:56et vous vous trouvez insupportable
00:54:57ah non il n'aimait pas Breton
00:54:59il n'aimait pas Breton
00:55:00non il l'admirait beaucoup
00:55:02il le respectait
00:55:04mais il n'était pas son ami
00:55:05oh c'était impossible
00:55:06d'être ami avec André Breton
00:55:07et vous vous dites
00:55:08c'est vrai
00:55:08il était insupportable
00:55:09et il se prenait pour un pape
00:55:11vous êtes ratigné aussi
00:55:12un peu Aragon
00:55:13un peu Malraux
00:55:14mais alors celui
00:55:15qui vraiment
00:55:16ne trouve pas grâce
00:55:18à vos yeux
00:55:18c'est un grand poète
00:55:20pour qui Pauline
00:55:20le cite
00:55:21après vous n'êtes pas obligé
00:55:22de commenter
00:55:23si vous ne le souhaitez pas
00:55:24c'est René Char
00:55:24René Char
00:55:26qui avait une vie amoureuse
00:55:27justement
00:55:27assez
00:55:28comment est-ce qu'on pourrait dire
00:55:30généreuse
00:55:31qui n'avait jamais moins
00:55:32de quatre maîtresses à la fois
00:55:34vous parlez même de quadrilles
00:55:35et ça
00:55:36ça vous agace
00:55:37beaucoup
00:55:37beaucoup
00:55:38vous trouvez que ce type
00:55:38est quand même
00:55:39très très suffisant
00:55:40et qu'il ne traite pas très bien
00:55:41les femmes sans doute
00:55:42moi je n'aimais pas du tout
00:55:48sa façon de faire
00:55:49parce qu'une de mes amies
00:55:50était sa maîtresse
00:55:51et vraiment
00:55:52enfin les couleuvres
00:55:54qu'il lui faisait avaler
00:55:55non ça
00:55:56c'était impossible
00:55:57oh oui
00:55:58on va plutôt parler
00:55:59de vos amis
00:55:59et je pense en particulier
00:56:01à deux amis
00:56:02dont l'un est mort récemment
00:56:04Claude Bernard
00:56:05le Galerie
00:56:06et Sheila Hitz
00:56:07puisqu'on l'a nommé
00:56:08tout à l'heure
00:56:09et j'aimerais
00:56:10que vous nous évoquiez
00:56:11ces amitiés
00:56:11et votre goût
00:56:12pour l'art
00:56:13et Sheila Hitz
00:56:14c'est évidemment
00:56:15cette grande artiste
00:56:16et cette style
00:56:16avec laquelle je crois
00:56:17vous êtes en train
00:56:18de préparer quelque chose
00:56:19ok
00:56:19vous rendez ce que vous pouvez
00:56:20raconter
00:56:20elle m'a demandé
00:56:23le premier livre
00:56:24écrit sur elle
00:56:25c'est moi qui l'ai écrit
00:56:26parce qu'elle trouvait
00:56:28que je ne racontais
00:56:30pas d'histoire
00:56:31j'ai écrit ce livre
00:56:33en disant
00:56:34ce que je voyais
00:56:35mais pas des métaphores
00:56:37incompréhensibles
00:56:39et donc
00:56:41elle a voulu
00:56:43que j'écrive un livre
00:56:44sur elle
00:56:44et on est devenu
00:56:45très très amie
00:56:46j'ai une grande admiration
00:56:47pour son travail
00:56:48et elle a d'ailleurs
00:56:50à l'heure actuelle
00:56:50un vrai succès
00:56:52donc elle prépare
00:56:53une exposition
00:56:53au Quai Branly
00:56:54au Quai Branly
00:56:55le musée du Quai Branly
00:56:56qui aurait pu s'appeler
00:56:57le musée de Lévi-Strauss
00:56:59la bibliothèque
00:57:00je crois
00:57:00s'appelle Lévi-Strauss
00:57:01l'amphithéâtre
00:57:01l'amphithéâtre
00:57:02en fait Lévi-Strauss
00:57:04vous auriez préféré
00:57:05que ce soit la bibliothèque
00:57:06parce que votre mari
00:57:07avait un amour
00:57:07particulier pour Lévi
00:57:08il y a accordé
00:57:10n'importe quoi
00:57:10c'est très fort
00:57:11beaucoup de gens
00:57:13trouvaient que le musée
00:57:14aurait dû s'appeler
00:57:15Lévi-Strauss
00:57:16mais que ça lui
00:57:17était bien légal
00:57:18mais lui
00:57:18autant il aimait
00:57:19les rituels
00:57:20mais les honneurs
00:57:20c'est beaucoup
00:57:21pas trop son sujet
00:57:22donc une grande exposition
00:57:24va se tenir
00:57:25consacrée à Sheilaï
00:57:26c'est que vous travaillez
00:57:27actuellement
00:57:27sur le catalogue
00:57:28de l'exposition
00:57:29c'est-à-dire
00:57:30je vois avec elle
00:57:31oui
00:57:33j'ai des idées
00:57:36mais c'est elle
00:57:37qui choisit
00:57:38les pièces du musée
00:57:39parce que
00:57:40ce qu'elle veut
00:57:41montrer
00:57:42c'est des pièces
00:57:43du musée
00:57:43qui sont
00:57:44pré-inchaïques
00:57:46et
00:57:47des pièces à elle
00:57:49voilà
00:57:50donc on est heureux
00:57:52de savoir
00:57:52que le musée du Quai-Branly
00:57:53s'intéresse à nouveau
00:57:54au textile
00:57:55ah oui
00:57:55mais l'actuel président
00:57:58je le respecte beaucoup
00:58:00enfin
00:58:01il est vraiment
00:58:03très très ouvert
00:58:04à tout ça
00:58:05alors que le précédent
00:58:06moi
00:58:07mais je ne veux pas
00:58:09qu'on dise l'image
00:58:09non
00:58:10bon bon
00:58:10et est-ce que vous pouvez
00:58:12nous dire quelques mots
00:58:12de votre ami Claude Bernard
00:58:14est-ce que vous pouvez
00:58:15évoquer en quelque chose
00:58:15Claude Bernard
00:58:17il a été adorable
00:58:18avec moi
00:58:18c'est tout ce que
00:58:19je peux vous dire
00:58:20enfin
00:58:22il envoyait tout le temps
00:58:24des voitures
00:58:25pour m'emmener
00:58:25en voyage
00:58:26partout
00:58:27on était invité
00:58:28enfin
00:58:29il a été vraiment
00:58:30un ami
00:58:32merveilleux
00:58:33mais pour plusieurs personnes
00:58:35plusieurs personnes
00:58:36lui doivent beaucoup
00:58:37un autre ami
00:58:39merveilleux
00:58:40dans votre vie
00:58:40c'était évidemment
00:58:41Claude Lévi-Strauss
00:58:42et vous dites
00:58:43dans votre livre
00:58:43il m'a fait un cadeau
00:58:44inestimable
00:58:45avant de mourir
00:58:46il m'a désigné
00:58:48comme son exécutrice
00:58:49testamentaire
00:58:49il fait une confiance
00:58:52absolue
00:58:53et depuis
00:58:54qu'il n'est plus là
00:58:55depuis 2009
00:58:56vous êtes donc
00:58:57sa veuve
00:58:57mais vous êtes aussi
00:58:59la gardienne du temps
00:59:00la vestale
00:59:01vous veillez sur son oeuvre
00:59:02vous faites des choses
00:59:04extraordinaires
00:59:05moi j'ai été très très
00:59:05admirative
00:59:06d'un travail colossal
00:59:07que vous avez accompli
00:59:08pour la publication
00:59:09de la correspondance
00:59:10avec ses parents
00:59:11ils s'appellent
00:59:12chers vous deux
00:59:12puis vous êtes aussi
00:59:13chez Maurice Hollandeur
00:59:14de la collection
00:59:14librairie du 21e siècle
00:59:16je crois que vous avez
00:59:17retranscrit
00:59:17j'ai tout retranscrit
00:59:19toutes les lettres
00:59:19car vous étiez
00:59:20la seule personne
00:59:21capable de les lire
00:59:22oui
00:59:22c'est absolument
00:59:24colossal
00:59:24oui je savais
00:59:25les prénoms
00:59:26je savais
00:59:27qui c'était
00:59:27donc j'ai pu
00:59:28faire des notes
00:59:29si vous voulez
00:59:30et je ne peux pas dire
00:59:31que ce livre a eu
00:59:32un grand succès
00:59:33c'est dommage
00:59:34oui mais il est là
00:59:35et peut-être
00:59:37dans 300 ans
00:59:38ce sera un livre
00:59:39qu'on lira
00:59:40avec grand intérêt
00:59:41parce que
00:59:42ça arrive
00:59:44ces choses
00:59:44on n'est plus là
00:59:48pour le voir
00:59:48et du vivant
00:59:49de Claude Léistros
00:59:50vous avez entrepris
00:59:51une autre
00:59:51entreprise
00:59:53de travail colossal
00:59:54je trouve
00:59:54à un moment
00:59:55où il était
00:59:56moins au mieux
00:59:58de la forme
00:59:58disons
00:59:59vous avez tiré
01:00:00les négatifs
01:00:01de 3000 photos
01:00:02qu'il avait prises
01:00:03bien avant de vous connaître
01:00:04quand il allait
01:00:05très souvent au Brésil
01:00:06oui
01:00:07et vous lui avez demandé
01:00:08d'inscrire des légendes
01:00:09alors vous êtes
01:00:10vous avez inauguré
01:00:13ce travail
01:00:13de tirage de photos
01:00:15vous n'aviez jamais
01:00:15fait ça au préalable
01:00:16jamais
01:00:17quand vous avez vu
01:00:17le nombre de négatifs
01:00:18vous vous êtes renseigné
01:00:19sur le prix des tirages
01:00:20vous vous êtes dit
01:00:21c'est délément
01:00:22enfin si on avait
01:00:23vidé tous nos comptes
01:00:24en banque
01:00:25et vendu un appartement
01:00:26on n'en avait même
01:00:27pas eu assez
01:00:27pour 3000 tirages
01:00:30en 13-18
01:00:32vous voyez
01:00:3313-18
01:00:34donc ça a coûté une fortune
01:00:35alors j'ai dit
01:00:37je vais m'y mettre
01:00:37je vais m'y mettre
01:00:38simplement
01:00:39de m'y mettre
01:00:41et de faire des tirages
01:00:42c'était rien
01:00:43s'il n'y avait pas
01:00:44de légende
01:00:45et vous l'avez demandé
01:00:46de légender
01:00:47et au départ
01:00:47il m'a dit
01:00:48ça m'embête trop
01:00:49je te dis la vérité
01:00:50ça m'embête trop
01:00:51j'ai dit
01:00:52moi je me tape
01:00:53de tirer ces photos
01:00:54et toi tu vas pas
01:00:55les légender
01:00:56non
01:00:57non
01:00:57et comment avez-vous réussi ?
01:01:00et bien j'ai pris mon
01:01:01mon courage
01:01:03vous lui avez posé un ultimatum
01:01:04oui
01:01:05j'ai été le trouver
01:01:07j'ai dit
01:01:08écoute Claude
01:01:08je vais dire la vérité
01:01:10pas de légende
01:01:11pas de dîner ce soir
01:01:13et on ne parle pas du jeudi
01:01:15tout le soir
01:01:16il m'a compris
01:01:17il m'a compris ça
01:01:18parce que pas de dîner
01:01:20il voulait que le dîner
01:01:21soit toujours pile à l'heure
01:01:22l'idée qu'il n'y aurait pas de dîner
01:01:25donc ça
01:01:25il s'est pris au jeu
01:01:28est-ce que vous racontez
01:01:28que je suis assez magnifique ?
01:01:30il a fait peut-être
01:01:305 ou 6 légendes
01:01:32ce soir là
01:01:33et au bout de 3 jours
01:01:34il s'est pris au jeu
01:01:35ça lui rappelait des souvenirs
01:01:37et en fait
01:01:39il était très heureux
01:01:40et très fier
01:01:41que je le fasse
01:01:41parce qu'il savait
01:01:42que ça devait être fait
01:01:43il m'avait toujours dit
01:01:45ne me laisse pas mourir
01:01:46avant que je l'ai tout légendé
01:01:48ça c'était 40 ans avant
01:01:49il disait ça
01:01:51et quand je
01:01:51au moment où il devait me faire
01:01:54il ne voulait pas
01:01:55non mais j'étais hors de moi
01:01:57il a vu d'ailleurs
01:01:58que j'étais vraiment pas content
01:01:59ça a donné lieu
01:02:00à un très beau livre
01:02:01qui existe aussi
01:02:02dont je ne prononcerai pas le titre
01:02:04parce que je ne parle pas brésilien
01:02:06et le Brésil
01:02:07reste un ancrage très fort pour lui
01:02:08il m'a raconté aussi
01:02:09vous avez fait de nombreux voyages
01:02:10durant votre vie
01:02:12il y a ce voyage magnifique au Brésil
01:02:14où il retrouve ses anciens étudiants
01:02:16vous vous dites
01:02:17ses étudiants à l'époque
01:02:18avaient à peine 4 ans
01:02:19plus que lui
01:02:19oui
01:02:20de moins
01:02:20de moins que lui pardon
01:02:22de moins que lui
01:02:24et il fait qu'on a trouvé
01:02:25un professeur de 76 ans
01:02:27tous ces vieux messieurs
01:02:30et vieilles dames
01:02:31aux cheveux griffes
01:02:32et qui pleuraient
01:02:34qui pleuraient
01:02:35qui pleuraient
01:02:35c'est fou
01:02:36magnifique de la même façon
01:02:38vous évoquez
01:02:38ces indiens d'Amazonie
01:02:40qui vont venir à Paris
01:02:41pour recevoir
01:02:42de quel honneur
01:02:44et qui reconnaissent
01:02:46en Claude Lévi-Strauss
01:02:47quelqu'un qui les aura
01:02:48étudiés
01:02:49compris
01:02:50respectés
01:02:51et même s'ils n'ont pas lu
01:02:52ces livres
01:02:53ils savent qu'il a œuvré
01:02:54pour eux
01:02:55c'est très émouvant
01:02:56c'est très émouvant
01:02:58et d'autres voyages
01:03:00que vous avez fait
01:03:01qui étaient très importants
01:03:02c'était le Japon
01:03:02ah oui
01:03:03on a été beaucoup
01:03:04on a été 6 fois au Japon
01:03:05et parfois
01:03:06il y a plusieurs mois
01:03:07vous dites
01:03:08qu'il retrouvait au Japon
01:03:09les paysages
01:03:11des espaces
01:03:11exactement
01:03:12tout son enfant
01:03:13s'est retrouvé là
01:03:14et pour vous
01:03:15il y avait quelque chose
01:03:15à voir avec le textile
01:03:17au Japon
01:03:17c'est merveilleux
01:03:18c'est d'une beauté
01:03:19donc on voit
01:03:21que vous êtes
01:03:22pleine de projets
01:03:23moi je suis très admirative
01:03:24Marc Lambron
01:03:26il y a l'apiculture
01:03:27il y a l'apiculture
01:03:27oui il y a l'apiculture
01:03:29vous avez cette maison
01:03:29magnifique
01:03:30en Vauvang
01:03:31qui s'appelle Inurone
01:03:32vous l'avez toujours régulièrement
01:03:33je crois
01:03:34je ne sais plus
01:03:34dans quelle interview
01:03:35ou peut-être
01:03:36dans Une enfance
01:03:36dans la Gable du Louvre
01:03:37vous racontez
01:03:38que quand vous faites
01:03:39l'acquisition de cette maison
01:03:40il y a des esseins d'abeilles
01:03:41partout dans la maison
01:03:42et vous vous dites
01:03:43mon Dieu
01:03:43comment on va se débarrasser de ça
01:03:44plusieurs années dessus
01:03:46je n'ai
01:03:46avec des morceaux
01:03:51de soufre
01:03:53de soufre
01:03:54si vous voulez
01:03:55des plaques de soufre
01:03:56que je brûlais
01:03:57dans les cheminées
01:03:58et ça me faisait horreur
01:04:00puisque c'était
01:04:00pour tuer les abeilles
01:04:02et je trouvais
01:04:03que les abeilles
01:04:05et le miel
01:04:05c'est un des miracles
01:04:07de la nature
01:04:08sous nos yeux
01:04:09et de faire ça
01:04:11que c'était absolument
01:04:12contre tout ce que je pensais
01:04:14et j'ai dit à Claude
01:04:15j'en ai assez
01:04:16ça fait trois ans de suite
01:04:18que je tue
01:04:18des esseins d'abeilles
01:04:20et je ne vais pas continuer
01:04:22c'est contre tout ce que je pense
01:04:24alors il m'a dit
01:04:25qu'est-ce que tu veux faire
01:04:27et bien j'ai dit
01:04:28je vais essayer
01:04:29de faire de l'apiculture
01:04:30chaque fois que je lui disais
01:04:31que j'allais faire quelque chose
01:04:33il éclatait de rire
01:04:34il disait
01:04:35toi tu penses
01:04:37tu ne vas pas devenir
01:04:37apicultrice
01:04:38mais c'est très difficile
01:04:40j'ai dit oui
01:04:41mais je me suis déjà inscrite
01:04:43au jardin des plantes
01:04:45il m'a dit
01:04:46oui
01:04:46il m'a dit
01:04:47tu t'es déjà inscrite
01:04:48et bien j'ai dit
01:04:49oui puisque j'ai envie
01:04:51de venir
01:04:51et j'ai dit
01:04:54je commence
01:04:54à ce moment-là
01:04:56alors là
01:04:57il a compris
01:04:58enfin il avait déjà compris
01:05:00que j'avais une certaine suite
01:05:01dans les idées
01:05:02alors je trouve très réjouissant
01:05:04que vous disiez
01:05:05100 kilos niaient le parent
01:05:06quand même
01:05:07oui
01:05:07on en mangeait 30
01:05:09et je donnais les autres
01:05:11vous dites dans votre livre
01:05:14à un endroit
01:05:15que votre couple
01:05:16a tenu aussi très longtemps
01:05:17parce que vous n'étiez pas
01:05:18en concurrence intellectuelle
01:05:20tout ce que vous venez
01:05:22de nous raconter ce soir
01:05:23prouve le contraire
01:05:24vous n'étiez pas en concurrence
01:05:27non vous n'étiez pas en concurrence
01:05:28si vous voulez
01:05:28on rivalisait
01:05:31il n'y avait pas de rivalité
01:05:32je n'ai jamais essayé
01:05:34alors que je l'ai vu
01:05:36avec d'autres femmes
01:05:37qui essayaient toujours
01:05:38de l'interrompre
01:05:40pour prendre la parole
01:05:41et pour montrer
01:05:42qu'elles valaient le coup aussi
01:05:43pour montrer
01:05:44qu'elles étaient à la hauteur
01:05:45moi je n'ai jamais essayé ça
01:05:47je pense que vous avez trouvé
01:05:49la bonne formule
01:05:50pour un couple
01:05:50qui avait 60 ans
01:05:52et qui avait plus longtemps encore
01:05:53et on est très heureux
01:05:56et très admiratif
01:05:57du travail
01:05:58que vous continuez
01:05:59à fournir
01:06:00autour de l'œuvre
01:06:01de Claude Lévi-Strauss
01:06:01que vous gardez vivante
01:06:03et on vous remercie infiniment
01:06:05pour tout ça
01:06:05et vraiment
01:06:06lisez
01:06:07J'ai choisi la vie
01:06:08de Monique Lévi-Strauss
01:06:08qui aurait donc pu
01:06:09s'appeler Flashback
01:06:10c'était un texte
01:06:12remarquable
01:06:13Marc-André
01:06:14vous souhaitez
01:06:14expliquer quelque chose
01:06:15on prend le droit
01:06:16des questions
01:06:16je suis fausse
01:06:17parce que là
01:06:18nous sommes au présent
01:06:18mais il y a un vertige
01:06:20du temps
01:06:21dans ce livre
01:06:23je donne deux exemples
01:06:24en 1932
01:06:26Monique
01:06:26vous avez 6 ans
01:06:27la meilleure amie de votre mère
01:06:29c'est Clara Goldschmidt
01:06:30c'est à dire
01:06:31Clara Malraux
01:06:31elle est enceinte
01:06:33de 8 mois
01:06:33votre mère
01:06:35par exemple
01:06:35va vous expliquer
01:06:36que les enfants
01:06:36ne naissent pas dans les choux
01:06:37et elle vous invite
01:06:39à tâter
01:06:39le ventre
01:06:41de Clara Malraux
01:06:42vous sentez des coups de pieds
01:06:43c'est Florence Malraux
01:06:45in utero
01:06:45qui va devenir ensuite
01:06:47Madame Alain Rennais
01:06:48et la personne
01:06:49que l'on sait
01:06:50il y a un vertige
01:06:51à penser ça
01:06:52de la même façon
01:06:53dans les histoires
01:06:54de la littérature
01:06:55parce que c'est le genre
01:06:55de l'histoire
01:06:56de la littérature
01:06:57on sait que
01:06:58lorsque Samuel Beckett
01:06:59que vous avez connu
01:07:01et bien connu
01:07:01était lecteur
01:07:03à l'école normale supérieure
01:07:04il y avait comme une sorte
01:07:05d'idyle
01:07:05avec la fille de Joyce
01:07:07Lucia
01:07:08Lucia Joyce
01:07:09qui ensuite a basculé
01:07:10dans la déraison
01:07:11et bien après la guerre
01:07:13en 47 ou 48
01:07:14avec nos amis
01:07:15Guilas
01:07:16vous êtes allé voir
01:07:17Lucia Joyce
01:07:18internée
01:07:19internée
01:07:20pour moi c'est assez hallucinant
01:07:22parce qu'en même temps
01:07:23c'est la même personne
01:07:24qui au mois de décembre
01:07:25alors que nous avons
01:07:26entretien
01:07:26allé vers leur femme
01:07:28me dit
01:07:29j'ai une amie
01:07:30chanteuse
01:07:31un peu punk
01:07:31qui chante ce soir
01:07:33au
01:07:34au
01:07:35au
01:07:35au
01:07:35au
01:07:35au
01:07:36au
01:07:36au
01:07:37au
01:07:38au
01:07:38au
01:07:38au
01:07:38au
01:07:38au
01:07:39au
01:07:39au
01:07:40au
01:07:41vous connaissez
01:07:42Jeff
01:07:42Leclerc
01:07:42son père
01:07:45et Tim
01:07:46et voilà
01:07:46destin cruel
01:07:47dans les deux cas
01:07:48et donc
01:07:49nous nous retrouvons
01:07:50dans cette cave
01:07:52avec
01:07:52l'ancien guitariste
01:07:54et co-compositeur
01:07:55de Jeff
01:07:56de Jeff
01:07:57Leclerc
01:07:58oui
01:07:58votre amie
01:08:00qui
01:08:00qui fait la punkette
01:08:01vous étiez venu avec la fille
01:08:03votre fille
01:08:03avec Marie Nignier
01:08:05oui
01:08:05donc la fille de Roger Nignier
01:08:07et je me dis
01:08:08où sommes-nous
01:08:09dans quel temps
01:08:10sommes-nous
01:08:11avec
01:08:12Monique Lévi-Strauss
01:08:13qui a connu
01:08:14qui n'a pas aimé
01:08:16André Breton
01:08:16mais qui vient
01:08:17avec la fille
01:08:18de Roger Nignier
01:08:19en 2024
01:08:20pour
01:08:22entendre
01:08:23Demi Mondaine
01:08:24elle s'appelle
01:08:24Demi Mondaine
01:08:25c'est son nom de scène
01:08:26elle est passée
01:08:27à The Voice
01:08:27et tout
01:08:28qui est là
01:08:29avec le guitariste
01:08:30de Jeff Buckley
01:08:31qui lui-même
01:08:31est déjà une légende
01:08:32une légende
01:08:33des années 90
01:08:34bon
01:08:35alors voilà
01:08:35ça rend
01:08:36temporellement fou
01:08:37et heureux
01:08:38Monique Lévi-Strauss
01:08:39merci infiniment
01:08:41à tous les deux
01:08:42merci
01:08:43applaudissements
01:08:45applaudissements
01:08:47applaudissements
01:08:49applaudissements
01:08:50applaudissements
01:08:51on se lasse pas
01:08:53de vous écouter
01:08:54donc on aimerait
01:08:54vous garder
01:08:55avec nous
01:08:55pour toujours
01:08:56et pas que
01:08:56un jeudi
01:08:57par semaine
01:08:57nous aussi
01:08:58toutes les semaines
01:08:59tous les mardis
01:09:00et tous les mardis
01:09:01après
01:09:01on aimerait
01:09:02tous les mardis
01:09:02mais
01:09:04avant de vous rendre
01:09:05quand même
01:09:06votre liberté
01:09:06qui vous est chère
01:09:07car vous êtes en esprit
01:09:08libre
01:09:09on l'aura entendu
01:09:10je vais proposer
01:09:11au public
01:09:12de vous poser
01:09:12des questions
01:09:13si vous souhaitez
01:09:14de se lancer
01:09:15monsieur
01:09:18ça n'ira pas
01:09:24il y a une gamme
01:09:25ici
01:09:26il va parler fort
01:09:26il va parler fort
01:09:27monsieur
01:09:27merci pour votre humour
01:09:31je crois que c'est
01:09:32le meilleur signe
01:09:33de la vie
01:09:34juste deux questions
01:09:35très rapides
01:09:36lorsque vous l'avez
01:09:37rencontré
01:09:38votre
01:09:39futur mari
01:09:41est-ce que
01:09:42jusqu'à quel point
01:09:42vous avez pu être
01:09:43impressionné
01:09:44par le fait
01:09:45qu'il avait été
01:09:45au Brésil
01:09:46qu'il avait étudié
01:09:47des peuples indigènes
01:09:48est-ce qu'il n'y avait
01:09:49pas une étrangeté
01:09:50qui vous a peut-être
01:09:51intéressé
01:09:52intrigué
01:09:53et la deuxième question
01:09:54c'est
01:09:55j'ai cru comprendre
01:09:56à un moment
01:09:56vous parliez
01:09:57du Japon
01:09:57certes
01:09:58mais aussi
01:09:58de la Chine
01:09:59quel est votre lien
01:10:01avec la Chine
01:10:02et qu'est-ce que
01:10:03vous en tenait
01:10:03alors
01:10:04mes parents
01:10:08se sont rencontrés
01:10:10en Nouvelle-Angleterre
01:10:13c'est-à-dire
01:10:14ma mère étudiait
01:10:17dans un collège
01:10:18à Boston
01:10:20et mon père
01:10:22avait
01:10:23une bourse
01:10:24pour Harvard
01:10:25et donc
01:10:26ils se sont rencontrés
01:10:28en Nouvelle-Angleterre
01:10:29ils se sont
01:10:30plus
01:10:31et ils se sont mariés
01:10:33quand ils sont revenus
01:10:34en France
01:10:35et là
01:10:36votre père part en Chine
01:10:37avec un contrat
01:10:38à Genvaille
01:10:39votre père
01:10:39a parti travailler
01:10:40en Chine
01:10:40et donc
01:10:41mes parents
01:10:43ont vécu
01:10:44un an en Chine
01:10:45en voyageant
01:10:47beaucoup
01:10:48autour de ça
01:10:49et
01:10:49ils ont ramené
01:10:51beaucoup de meubles
01:10:51de la Chine
01:10:52et vous
01:10:53et moi
01:10:54j'ai été conçue
01:10:55à Shanghai
01:10:56non mais
01:10:58elle n'a pas vécu
01:10:59en Chine
01:10:59elle a dit qu'elle a été
01:11:00conçue en Chine
01:11:01ce qui a provoqué
01:11:03nos quiproquos
01:11:04beaucoup de gens
01:11:04pensaient que vous aviez
01:11:05été conçue
01:11:06en Chine
01:11:06vous racontez ça
01:11:07en Chine
01:11:08au début
01:11:09je racontais
01:11:10je n'ai jamais été
01:11:11en Chine
01:11:12mais j'ai été
01:11:12conçue en Chine
01:11:13vous avez été
01:11:14conçue en Chine
01:11:15la troisième fois
01:11:16qu'on m'a dit
01:11:17conçue en Chine
01:11:18je me suis dit
01:11:18celle-là
01:11:19je la coupe
01:11:20je la raconte plus
01:11:21donc elle n'a pas
01:11:23voyagé en Chine
01:11:24et ensuite
01:11:25c'était la question
01:11:26sur l'étrangeté
01:11:27les voyages
01:11:27que Claude Estrauss
01:11:28avait fait
01:11:29avant de vous connaître
01:11:30au Brésil
01:11:31est-ce que l'étrangeté
01:11:32vous a hâte ?
01:11:33vous avez voulu sonner ?
01:11:34pour savoir
01:11:35oui mais si vous voulez
01:11:37mes parents
01:11:37avaient énormément
01:11:38voyagé aussi
01:11:39j'étais dans une famille
01:11:41où on voyageait
01:11:42beaucoup
01:11:43beaucoup
01:11:43donc
01:11:45par exemple
01:11:46la fortune
01:11:47de mon grand-père
01:11:48le père
01:11:49de ma mère
01:11:50c'était
01:11:51à l'embouchure
01:11:52du Mekong
01:11:53alors
01:11:54j'avais beaucoup
01:11:55d'histoires
01:11:56oui
01:11:56j'avais beaucoup
01:11:58d'histoires
01:11:59sur l'embouchure
01:12:00du Mekong
01:12:01j'étais quelqu'un
01:12:03qui comprenait
01:12:04que la terre
01:12:05était ronde
01:12:06et que
01:12:06enfin
01:12:08on pouvait faire
01:12:09le tour de la terre
01:12:10ça se faisait
01:12:10quand même beaucoup
01:12:11dans ma famille
01:12:12des deux côtés
01:12:13donc c'est
01:12:14c'est par ça
01:12:15qui me
01:12:15ça me frappait pas
01:12:17vous dites une chose
01:12:18c'est l'homme
01:12:19qui vous a suivi
01:12:19vous dites une chose
01:12:20Maudique
01:12:21dans votre livre
01:12:21c'est que la seule
01:12:22discordance
01:12:23et peut-être
01:12:23incompréhension
01:12:24de votre mari
01:12:26qui était
01:12:26si intelligent
01:12:28c'est sur la guerre
01:12:29c'est à dire
01:12:30qu'il ne pouvait pas
01:12:30comprendre de l'intérieur
01:12:32ce qu'avait été
01:12:32votre guerre
01:12:33du égard
01:12:34à ce qu'avait été
01:12:34la sienne
01:12:35lui avait passé
01:12:37la guerre
01:12:37en exil
01:12:38à New York
01:12:38et vous
01:12:39vous aviez passé
01:12:39il n'entrait pas
01:12:40dans vos raisons
01:12:40dans l'Allemagne nazie
01:12:43oui
01:12:44ça c'est
01:12:46enfin c'est mon mari
01:12:48qui ne comprenait
01:12:49pas ça du tout
01:12:50il ne comprenait pas
01:12:51ce que ça avait été
01:12:52d'avoir une mère juive
01:12:55d'être en Allemagne nazie
01:12:57et chaque fois
01:12:57que ça sonnait
01:12:58à la porte
01:12:59je me disais
01:12:59ma mère a été dénoncée
01:13:02on vient nous chercher
01:13:03c'est Auschwitz
01:13:04ça c'est quand même
01:13:06c'est très très lourd
01:13:07à porter pendant 5 ans
01:13:08ça
01:13:09d'ailleurs vous dites
01:13:10qu'à l'apparition
01:13:10d'une enfance
01:13:11dans la gueule du loup
01:13:12vous avez reçu
01:13:13beaucoup de témoignages
01:13:14il y a une personne
01:13:15qui a vraiment compris
01:13:16ce que vous aviez voulu dire
01:13:17c'est Claude Lanzmann
01:13:18oui
01:13:18Claude Lanzmann
01:13:19m'a énormément touchée
01:13:21il vous a écrit
01:13:22une très belle lettre
01:13:23ah oui il a écrit
01:13:23une très belle lettre
01:13:24je crois qu'il y avait
01:13:25une question
01:13:26non
01:13:26si
01:13:27alors monsieur
01:13:28je vous en prie
01:13:29bonsoir
01:13:31merci
01:13:32moi je suis brésilien
01:13:35d'ailleurs
01:13:36un jeune homme brésilien
01:13:38ce jeune homme est brésilien
01:13:40oui
01:13:40mais je n'ai pas
01:13:43on ne vous entend pas
01:13:45très très bien
01:13:45malheureusement
01:13:46il est brésilien
01:13:48il peut témoigner
01:13:48de l'influence
01:13:49de l'importance
01:13:50de Claude Lanzmann
01:13:51sur Brésil
01:13:51merci de votre
01:13:53présence
01:13:54et une phrase
01:13:55de l'influence
01:13:56il dit
01:13:56le monde a commencé
01:13:58sans homme
01:13:59et ne s'achènera
01:14:00sans homme
01:14:00absolument
01:14:01aujourd'hui
01:14:02dans la poignée
01:14:03il y a des tribunes
01:14:05des gènes
01:14:05on n'a jamais
01:14:07jamais de rapport
01:14:08de contact
01:14:09entre notre monde
01:14:10notre monde
01:14:11et c'est prévu
01:14:13comment est-ce que
01:14:14vous voyez
01:14:14l'évolution
01:14:17de ces contacts
01:14:19qui se font toujours
01:14:20et comment vous voyez
01:14:21cette phrase
01:14:21de Claude Lévi-Strauss
01:14:23qu'est-ce que vous pensez
01:14:23de cette phrase
01:14:24de Claude Lévi-Strauss
01:14:25qui dit
01:14:25le monde a commencé
01:14:26sans les hommes
01:14:27et il se terminera
01:14:28sans les hommes
01:14:28quand on pense
01:14:29qu'au Brésil
01:14:29aujourd'hui encore
01:14:30il y a des peuples
01:14:30ambigènes
01:14:31qui n'ont jamais
01:14:31été en contact
01:14:32avec le reste
01:14:33de la population
01:14:34je pense qu'il avait raison
01:14:37je pense tout à fait
01:14:40comme lui
01:14:40je pense que
01:14:42avec
01:14:44le nombre
01:14:48d'enfants
01:14:48qui naissent
01:14:49maintenant
01:14:49c'est pas possible
01:14:52qu'on continue
01:14:53ça va mal finir
01:14:55enfin j'en suis
01:14:56vraiment persuadée
01:14:57mais je suis persuadée
01:14:59aussi qu'il y aura
01:14:59d'autres êtres
01:15:01vivants
01:15:02qui seront très intéressés
01:15:03très intéressants
01:15:05et pourquoi pas
01:15:08il y aura peut-être
01:15:09des girafes
01:15:10qui volent
01:15:10des choses comme ça
01:15:11enfin
01:15:12il y a
01:15:13toutes les possibilités
01:15:15et ça ne m'attriste pas
01:15:18mais je crois
01:15:19que les humains
01:15:20ne sont pas faits
01:15:21pour vivre
01:15:22toujours
01:15:23non
01:15:23votre mari disait ça
01:15:24vous le dites dans le livre
01:15:25qu'il y aurait des mutations
01:15:26et peut-être plus rapide
01:15:28qu'on ne pouvait
01:15:30l'imaginer
01:15:31une autre question
01:15:35pour nos invités
01:15:36si vous avez des questions
01:15:37pour Marc-Lombre
01:15:38sur sa chaleurie par exemple
01:15:40une dernière question
01:15:43non ?
01:15:44oui
01:15:45madame
01:15:45on devrait être un peu indiscrette
01:15:49parce que vous parliez
01:15:50des échecs
01:15:51de la nécessité
01:15:52d'avoir tenu
01:15:53quelques échecs
01:15:54pour former un couple
01:15:55de l'essence
01:15:56avec
01:15:57ce que nous disposent
01:16:00d'avoir fait former
01:16:01un couple exceptionnel
01:16:02dans sa mobilité
01:16:04et dans son ensemble
01:16:05parce que vous avez
01:16:06une mobilité
01:16:06on en connait
01:16:07des choses
01:16:07qu'on dirait
01:16:08qu'on s'entend
01:16:08mais
01:16:08apparemment
01:16:10on ne s'entendait pas
01:16:10aussi bien
01:16:11qu'on s'entendait
01:16:11encore une invitation
01:16:12et
01:16:14vous-même
01:16:15vous êtes
01:16:16plus jeune que lui
01:16:18avez-vous eu
01:16:19une vie personnelle
01:16:21sans donner
01:16:22dans l'éducation
01:16:22bien sûr
01:16:24j'avais eu
01:16:24une vie personnelle
01:16:25avant
01:16:26avec des échecs
01:16:27des échecs
01:16:28qui m'avaient montré
01:16:29exactement
01:16:30ce à quoi
01:16:31je tenais
01:16:32et c'est seulement
01:16:34les échecs
01:16:35qui vous montrent ça
01:16:36sans ça
01:16:38on ne peut pas
01:16:39deviner
01:16:39c'est impossible
01:16:41de deviner
01:16:42donc bien que très jeune
01:16:43vous aviez déjà
01:16:44l'expérience
01:16:44de l'échec amoureux
01:16:45et vous avez
01:16:46pu discerner
01:16:47c'est à dire
01:16:48que j'avais eu
01:16:48des aventures
01:16:49avec deux ou trois hommes
01:16:51et je me disais
01:16:52jamais je pourrais vivre
01:16:53toute une vie
01:16:54avec un type comme ça
01:16:55c'est impensable
01:16:56donc ce type d'homme
01:16:59zéro
01:17:00et puis une autre fois
01:17:01c'était zéro
01:17:02puis une autre fois
01:17:03et je me disais
01:17:04il n'y a vraiment
01:17:05que les échecs
01:17:06qui font mal
01:17:07je ne vais pas vous dire
01:17:09que les échecs
01:17:10ne font pas mal
01:17:11ça je ne l'ai jamais dit
01:17:12ça fait mal
01:17:13mais c'est la seule chose
01:17:15qui vous apporte
01:17:16vraiment une connaissance
01:17:17qu'est-ce qui ne vous plaisait pas
01:17:18chez ces spécimens
01:17:20que vous venez de mentionner ?
01:17:22des tas de choses
01:17:24des tas de choses
01:17:26c'est à dire que
01:17:27par exemple
01:17:29ils étaient très ambitieux
01:17:31ils voulaient faire une carrière
01:17:32et une carrière à tout prix
01:17:34c'est pas mal
01:17:35de faire une carrière
01:17:36à tout prix
01:17:36mais absolument
01:17:38sans rien regarder
01:17:40à droite et à gauche
01:17:41et je me disais
01:17:43ben non
01:17:44un type qui veut
01:17:44absolument gagner de l'argent
01:17:46et ça
01:17:47c'est la seule chose
01:17:48non
01:17:49non ça ne m'intéresse pas
01:17:51etc
01:17:51il y a toutes les possibilités
01:17:54à 15 ans
01:17:56vous auriez pu devenir
01:17:56la belle fille
01:17:57d'un amiral
01:17:58de la Crix Marine
01:17:58vous racontez
01:17:59parce que vous parlez anglais
01:18:01et que le père
01:18:01trouve ça très bien
01:18:02oui oui
01:18:03l'amiral
01:18:03enfin voilà
01:18:05tout ça c'est des histoires
01:18:07que je raconte
01:18:07dans mon livre
01:18:08oui
01:18:09bon
01:18:10oui
01:18:12monsieur une dernière question
01:18:13monsieur
01:18:13à votre avis
01:18:15on vit ici
01:18:16maintenant
01:18:17ou il y a Paris
01:18:17qu'est-ce qu'on devrait
01:18:19apprendre
01:18:19des peuples premiers
01:18:21quels sont les messages
01:18:23que l'on devrait
01:18:24entendre
01:18:25et accepter
01:18:26les messages
01:18:28quel message
01:18:29devrait-on entendre
01:18:30des peuples premiers
01:18:31aujourd'hui
01:18:32à Paris
01:18:33y a-t-il un message
01:18:34qu'il faudrait retenir
01:18:35à votre avis
01:18:37quels sont les messages
01:18:38que l'on devrait apprendre
01:18:40des peuples premiers
01:18:41quel est l'enseignement
01:18:43que les peuples premiers
01:18:44ont à nous donner
01:18:45aujourd'hui
01:18:45des bororos
01:18:46des nambes de quara
01:18:47oui
01:18:47enfin
01:18:50un des messages
01:18:52c'est que
01:18:53on peut vivre
01:18:55très très bien
01:18:56avec très peu
01:18:57de ce que nous appelons
01:18:58le confort
01:18:59ça on peut quand même
01:19:01se rendre compte
01:19:02qu'on peut vivre
01:19:03extrêmement heureux
01:19:05à très peu de frais
01:19:07si vous voulez
01:19:08mais dans la nature
01:19:10vous êtes d'accord
01:19:11et que
01:19:13on ferait bien
01:19:15de se mettre ça
01:19:16dans la tête
01:19:16on n'a pas besoin
01:19:17d'avoir un confort
01:19:19immense
01:19:20pour être heureux
01:19:21et je connais même
01:19:22des gens
01:19:22qui sont très très malheureux
01:19:24dans un luxe incroyable
01:19:25il n'y a que ça
01:19:26ça court les rues
01:19:28des enseignements
01:19:29des peuples premiers
01:19:29qui nous aideraient
01:19:30à vivre aujourd'hui
01:19:31je pense qu'on peut relire
01:19:33avantageusement
01:19:33Triste Tropique
01:19:34de Claude Bévi-Strauss
01:19:36qui en parle énormément
01:19:37et qui dit entre autres
01:19:39que toute société
01:19:40a sa propre cohérence
01:19:41qu'aucune population
01:19:43n'est au-dessus des autres
01:19:44ça je pense que
01:19:45c'est une leçon
01:19:46qu'on devrait retenir
01:19:47appliquer
01:19:48et moi je pense que
01:19:50voilà
01:19:50pour avoir un enseignement
01:19:52riche
01:19:52pour les années
01:19:53qu'il nous reste à vivre
01:19:54dans ce monde
01:19:55un peu fou
01:19:56Relis-Strauss
01:19:57Triste Tropique
01:19:58qui est aussi bien
01:19:59une méditation
01:20:00philosophique
01:20:00qu'un cours d'éthnologie
01:20:02appliqué
01:20:03et qui est d'un humanisme
01:20:04fabulé
01:20:04et qui n'est pas
01:20:05que pessimiste
01:20:06si je peux me permettre
01:20:08Marc Lambron
01:20:08je crois que vous vouliez
01:20:09je sais pas quelque chose
01:20:10non juste une chose
01:20:11que j'ai appris
01:20:12et qui peut porter
01:20:13à la réflexion
01:20:13c'est ce qu'était
01:20:15la position de votre mari
01:20:17sur les musées
01:20:18et notamment
01:20:19sur les musées
01:20:19d'ethnographie
01:20:20parce qu'aujourd'hui
01:20:21vous connaissez
01:20:21les polémiques
01:20:22sur la restitution
01:20:24des œuvres
01:20:25au pays d'origine
01:20:27et ce que je comprends
01:20:29de Claude Bévi-Strauss
01:20:30c'est que d'abord
01:20:30un certain nombre
01:20:31de ces objets
01:20:32avaient été achetés
01:20:34avaient été acquis
01:20:34à tous
01:20:35deuxièmement
01:20:37que
01:20:38ils auraient probablement
01:20:41nombre d'entre eux
01:20:41été détruits
01:20:43parce qu'ils pouvaient
01:20:44avoir un usage
01:20:45cultuel
01:20:45mais sans qu'un prix
01:20:46particulier
01:20:48y soit attaché
01:20:49et troisièmement
01:20:50l'idée du musée
01:20:51je crois que
01:20:52votre mari
01:20:53disait
01:20:53au fond du musée
01:20:54du Quai Branly
01:20:54c'est que
01:20:55c'est une initiation
01:20:57à l'altérité
01:20:58et que
01:20:59avoir des objets
01:21:00qui viennent
01:21:01des cadouvéos
01:21:02des lambicuara
01:21:02ou des bororos
01:21:03pour parler
01:21:04à notre ami brésilien
01:21:05mais aussi bien
01:21:06d'autres pays
01:21:06le fait qu'ils soient
01:21:07présents
01:21:08préservés
01:21:09et vous me dites
01:21:10d'ailleurs
01:21:10vous dites
01:21:11Monique
01:21:11que je crois
01:21:13que ce sont
01:21:13des bororos
01:21:14qui sont venus
01:21:14il n'y a pas très longtemps
01:21:15et ils étaient
01:21:16touchés
01:21:18en réalité
01:21:18de voir
01:21:20combien
01:21:20leurs objets
01:21:22rituels
01:21:23des années 30
01:21:24étaient conservés
01:21:25dans un aussi beau
01:21:25musée
01:21:27vous m'avez dit ça
01:21:28et là vous êtes
01:21:29le totem
01:21:30parce qu'on vous fait
01:21:30venir
01:21:31et vous êtes
01:21:32un totem
01:21:33pour les bororos
01:21:34maintenant
01:21:34c'est vous aussi
01:21:36mais vivant
01:21:36et ce joli couple
01:21:38que vous portez
01:21:38aux oreilles
01:21:39d'où vient-il ?
01:21:40ça ça vient
01:21:41je crois
01:21:42du Groenland
01:21:43attention à Trump
01:21:45Madame Lévi-Strauss
01:21:46porte un couple
01:21:47aux oreilles
01:21:49donc sans doute
01:21:50pas en ivoire
01:21:51si ça vient du Groenland
01:21:52mais plutôt
01:21:52en défense
01:21:53en défense
01:21:54en rose de baleine
01:21:55non
01:21:55de l'arval
01:21:57oui de morce
01:21:59ils sont magnifiques
01:21:59je vous invite à venir
01:22:00il y a un homme
01:22:01et une femme
01:22:02il y a un homme
01:22:02et une femme
01:22:03moi je suis du côté
01:22:04de l'homme
01:22:04et ma flamante
01:22:05du côté de la femme
01:22:06toujours
01:22:06et Monique Lévi-Strauss
01:22:09va signer son livre
01:22:09on va installer une table
01:22:10au milieu de la librairie
01:22:11vous pourrez venir admirer
01:22:12cette ouvre de règle
01:22:13de plus près
01:22:13et changer avec elle
01:22:14quelques instants
01:22:15si vous acceptez
01:22:16de nous accorder
01:22:17encore un peu de temps
01:22:17bien sûr
01:22:18merci infiniment
01:22:19Monique Lévi-Strauss
01:22:20merci
01:22:20merci
01:22:21merci
01:22:21merci
01:22:25merci
01:22:26merci