Vincent Mourre, archéologue à l'INRAP, représentant du personnel CNT Midi Méditerranée
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00:00Bonjour Vincent Mour, archéologue à l'INRAP, représentant personnel CNT Midi Méditerranée.
00:12Merci d'être avec nous avant de parler de ce week-end des journées de l'archéologie.
00:16Archéologie, on va commencer par la menacée, dites-vous.
00:18Vous vous êtes d'ailleurs mobilisé hier à Nîmes pour sauver votre métier, dites-vous.
00:23Pourquoi est-ce qu'il est en danger votre métier ?
00:25Alors oui, effectivement, c'est mobilisé à Nîmes.
00:27On a fait un petit rassemblement modeste d'une trentaine de personnes en soutien et en parallèle du grand rassemblement à Paris.
00:34Il y avait à peu près 1300 archéologues dans la rue.
00:36Ce n'est pas tous les jours que ça arrive, effectivement, ça mérite d'être souligné.
00:40Et en fait, s'il y a une telle inquiétude, une telle mobilisation pour les gens qui travaillent dans le secteur,
00:45c'est qu'il y a différentes attaques à l'heure actuelle.
00:48Il y a une attaque au niveau législatif avec un projet de loi de simplification
00:53dans lequel il y a un amendement qui vise à faire sauter les dispositifs de diagnostic.
01:02C'est un peu technique.
01:03En fait, l'archéologie, ça se fait en deux temps.
01:05L'archéologie préventive, il y a d'abord une phase de diagnostic au cours de laquelle on évalue s'il y a un potentiel.
01:10Et puis après, si effectivement, il y a des choses à étudier, il y a une deuxième phase qui s'appelle les fouilles.
01:17Et donc là, en fait, il y a un certain nombre de projets qui pourraient échapper à la phase de diagnostic.
01:23Pour l'heure, ce sont les projets d'intérêt national majeur.
01:27Notamment les data centers.
01:28Voilà, les data centers, tout ce qui a trait avec la transition énergétique, ces choses-là.
01:33Mais on se doute bien que c'est un petit peu un pied dans la porte et que cette notion de projet d'intérêt public majeur
01:38pourrait être étendue comme, par exemple, pour les autoroutes.
01:43On en a parlé pour la 69.
01:44On sent bien que l'idée, c'est quand même de réduire très fortement le périmètre des diagnostics archéologiques.
01:50Donc évidemment, si on supprime, en tout cas, certains diagnostics pour quelques projets, on supprime les fouilles derrière.
01:56Voilà, effectivement, s'il n'y a pas de diagnostic, il y a très rarement des fouilles.
02:00Sauf si vraiment, c'est des sites qui sont déjà connus avec vraiment des élevations encore visibles, des murs qui sont encore visibles.
02:07Mais tout ce qui est dans le sol, si on ne fait pas de diagnostic, on va passer à côté.
02:10Donc ça, c'est un patrimoine qui pourrait disparaître si on supprime ce diagnostic.
02:12Alors, c'est un peu plus tordu que ça parce qu'en fait, ça mettrait les aménageurs d'une certaine façon dans une situation compliquée
02:18parce que le code du patrimoine demeure et en fait, c'est interdit de détruire des vestiges archéologiques, quoi qu'il en soit.
02:24Donc si des aménageurs, au cours des travaux, découvrent des vestiges, ils devraient, en théorie, les déclarer et tout arrêter
02:31pour que ça soit pris en charge, en urgence.
02:34Et là, du coup, on revient un peu 40 ans en arrière du temps de l'archéologie de sauvetage
02:39et on devrait arrêter les travaux, essayer de trouver qui va les gérer, qui va financer les fouilles
02:45et ça serait très compliqué.
02:47Mais ils n'y ont pas pensé, les députés ?
02:49Alors, les députés, je crois que c'est des sénateurs plus exactement du groupe Horizon
02:53qui ont placé cet amendement, n'ont peut-être pas entrevu toutes les difficultés que ça pourrait générer.
02:58Donc ça, c'est, vous le dites, le problème législatif et puis il y a un autre problème, problème budgétaire.
03:03Tout à fait, voilà. En fait, notre activité est en grande partie financée par une taxe d'archéologie préventive
03:09qui est payée par tous les aménageurs, des petits propriétaires aux grands travaux.
03:14Et en fait, cette taxe prélevée par l'État, il y a un principe de non-affectation des recettes fiscales de l'État
03:21qui fait qu'elle n'est pas entièrement reversée à l'archéologie par Bercy, par le ministère.
03:26L'État en garde une partie.
03:27L'État en garde une partie.
03:28En fait, il vous fait les poches alors, quelque part.
03:30Voilà, en fait, si on caricature un peu, c'est ça.
03:33Les taxes qui sont faites pour financer nos activités ne nous sont pas entièrement reversées.
03:37Mais ça, cette règle, elle s'applique depuis longtemps.
03:40Alors ça, c'est quelque chose qui s'applique depuis longtemps.
03:42Mais d'année en année, en fait, on a des réductions budgétaires
03:45à tel point qu'à l'heure actuelle, cette phase de diagnostic, elle est compliquée.
03:49Et les gens qui déposent des projets d'aménagement, à l'heure actuelle,
03:53on leur dit que pour 2025, on ne pourra pas intervenir.
03:56On intervient de manière privilégiée sur les petits projets des petits propriétaires
04:00pour ne pas compliquer leur vie.
04:02Mais les grands projets, à l'heure actuelle, on ne peut pas faire la phase de diagnostic
04:05pendant l'année 2025.
04:07Mais alors là, ces problèmes budgétaires pour l'archéologie, très concrètement,
04:10quelles conséquences il a sur votre métier à vous ?
04:13En fait, c'est tout, un petit peu toute la chaîne, tout.
04:15C'est pour ça qu'il y a tous les acteurs du secteur qui sont mobilisés,
04:18à la fois les gens de l'INRAB, donc l'établissement public d'archéologie préventive,
04:22mais il y a aussi les collègues des services régionaux de l'archéologie,
04:25des services déconcentrés du ministère de la Culture,
04:28qui sont les agents prescripteurs,
04:30et dont les moyens, eux aussi, sont reniés en année.
04:33En fait, ils ont de moins en moins d'agents et de temps pour prescrire.
04:37Et puis, il y a aussi...
04:38Qu'est-ce que c'est prescrire ?
04:39Prescrire, en fait, c'est décider qu'il doit y avoir une opération d'archéologie,
04:45que ce soit une phase de diagnostic ou une phase de fouille.
04:49Et il y a aussi les sociétés privées qui sont impactées,
04:52puisque si les agents publics ne peuvent plus faire de diagnostic,
04:56évidemment, il n'y aura pas de fouille.
04:58Les fouilles étant soumises à la concurrence, ça impacte aussi leur activité.
05:01Oui, donc moins il y a de fouille, évidemment, moins d'archéologues peuvent travailler,
05:04parce que vous êtes fonctionnaire, en fait, vous les archéologues.
05:06Alors nous, à l'INRAP, on n'est pas tout à fait fonctionnaire.
05:09On est des agents d'un établissement public.
05:12Il y a des fonctionnaires au ministère de la Culture,
05:14et puis après, il y a des salariés du privé.
05:17D'accord, bon.
05:19On parle de l'archéologie, c'est les journées européennes de l'archéologie.
05:22J'imagine que les difficultés auxquelles vous faites face,
05:24vous allez en parler à votre public ?
05:26Alors bon, on va essayer peut-être de ne pas tout à fait mélanger les sujets.
05:29Il y a des agents qui seront à la rencontre du public,
05:32en particulier ici à Nîmes, au Musée de la Romanité,
05:35au Muséum d'Histoire Naturelle.
05:36Mais en marge de ces événements culturels,
05:38il y aura aussi des collègues qui seront là pour informer le public.
05:41Parce que tu imagines que dans ce public,
05:42il y a des jeunes notamment qui veulent devenir archéologues.
05:45Oui, oui, c'est sûr.
05:46Là, c'est une problématique directement d'emploi.
05:50En fait, l'archéologie préventive,
05:51c'est un des principaux pourvoyeurs d'emploi dans le domaine de l'archéologie.
05:55Et là, si on réduit l'activité,
05:56déjà, ça a des impacts concrets dès maintenant,
05:59puisqu'il y a pas mal de collègues qui sont en CDD
06:01et qui n'ont pas d'activité à l'heure actuelle.
06:03Et donc, vous le dites, je reviens,
06:04et pour finir sur les Journées Européennes de l'archéologie,
06:06vous organisez donc des animations,
06:08un atelier en fait, au Musée de la Romanité.
06:10Alors, il y a des choses au Musée de la Romanité,
06:12des conférences sur la vigne dans l'Antiquité,
06:17les rites funéraires dans l'Antiquité,
06:18et aussi au Muséum d'Histoire Naturelle sur la Préhistoire.
06:21Il y a deux collègues qui vont faire des conférences
06:23et des ateliers super intéressants aussi.
06:25Écoutez, en tout cas, je vous remercie beaucoup, Vincent Mour,
06:27d'avoir été avec nous sur l'entête de Ici Garelozère ce matin.
06:29Je rappelle que vous êtes donc archéologue à l'INRAP
06:31et représentant du personnel CNT Midi Méditerranée.
06:35Belle fin de semaine à vous.