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00:00L'édito politique sur Europe 1 avec Le Figaro, bonjour Vincent Trémolet de Villers.
00:05Bonjour Dimitri, bonjour Anissa, bonjour à tous.
00:07Vincent, plutôt que de parler politique, vous voulez nous parler sémantique ce matin.
00:12Un mot vous a frappé dans l'actualité récente et tragique de cette semaine, le mot de quitte.
00:16Employé par le ministre de la Santé Yannick Noder, après le drame de Nogent,
00:20il a annoncé la multiplication de quitte de repérage.
00:23Mais qu'est-ce qui vous choque dans ce mot ?
00:25Ce mot résume en trois lettres l'impuissance du pouvoir.
00:28La République du quitte, ça consiste à faire quelque chose quand on ne peut rien faire,
00:33parce que l'on n'a pas d'argent, pas de véritable prix sur les événements,
00:37et aucune idée de la direction qu'il faudrait prendre.
00:39Le quitte, la novlangue, ce sont les dernières ressources de la bullshit nation,
00:43comme l'appelle l'humoriste Galancir.
00:45Je vous parle de ces moments Dimitri où il ne faut supporter la pénible étreinte
00:48entre la culture managériale et la logorée des technocrates,
00:51le globif McKinsey et le sabir haute fonction publique.
00:55Avant c'était beaucoup plus simple, il suffisait de créer une commission,
00:57un comité interministériel et le tour était joué.
01:00Et puis le macronisme est venu ajouter une touche anglo-saxonne pour modernité et tout ça.
01:04Au début de l'ère Macron, il s'agissait devant chaque difficulté de créer une task force.
01:09Ça sonnait bien, task force.
01:10On avait l'impression d'un commando envoyé en milieu hostile,
01:13comme dans la chute du faucon noir.
01:14Mais à l'arrivée, le commando n'était qu'un organigramme de plus
01:17qui se réunissait à heure fixe,
01:18et qui le plus souvent disparaissait après quelques réunions.
01:21On attendait Ridley Scott,
01:22on se retrouvait avec le comité Théodieux.
01:24Et pourtant ça continue Vincent, encore et encore.
01:27Et c'est que le début Dimitri, d'accord, d'accord.
01:29Puisqu'après les task force, nous avons eu la république des numéros verts.
01:33Pour une crise, un drame, une catastrophe, une polémique,
01:35la solution était toujours la même,
01:37la création d'un numéro vert.
01:39En 2023, on en comptabilisait plus de 300 000,
01:42ce qui avait même déclenché la colère du président de la république.
01:45Dans un inventaire non exhaustif,
01:47de la bêtise politico-administrative,
01:49on est obligé d'évoquer le Covid et l'humiliante auto-attestation
01:53qu'il fallait remplir avant de promener le chien ou d'acheter le pain.
01:56Et puis il nous faut évoquer aussi la république des référents.
01:59Toute institution, entreprise, association,
02:02ont vu se multiplier les référents,
02:04référents climat, référents laïcité, référents inclusion.
02:08C'est commode les référents, c'est gratuit et ça fait sérieux.
02:11Référents ou ambassadeurs d'ailleurs,
02:12le tueur du collège Françoise Dolto était ambassadeur harcèlement.
02:16Ce simple énoncé dit à lui seul, malheureusement, beaucoup de choses.
02:20Et donc maintenant nous avons la république du kit.
02:22Oui, après le kit contre le harcèlement,
02:24le kit de prévention sur les discriminations,
02:26le kit pédagogique climat,
02:27Yannick Noder a annoncé la création d'un kit de repérage
02:30sur la santé mentale dans tous les établissements.
02:33Mais soyons honnêtes, les ministres qui font ces annonces
02:35ne sont même pas coupables.
02:37Ils participent simplement à une grande chaîne
02:39dont le seul objectif est de diluer la responsabilité.
02:43C'est un générique comportemental,
02:45c'est un moyen de maintenir l'illusion de l'action,
02:48mais sans être comptable jamais des mauvais résultats.
02:51Nos ministres ne cessent de répéter qu'ils agissent en responsabilité,
02:55mais la question de la responsabilité individuelle
02:58est finalement le grand angle mort politique et social.
03:01L'ami du kit, Dimitri,
03:03c'est le pictogramme ou le sticker.
03:06Tous ces dessins infantilisants
03:08qui nous considèrent comme complètement idiots,
03:10puisqu'ils recommandent de ne pas se pencher
03:12quand il y a une falaise,
03:13de boire quand on a soif
03:14et de marcher sur le sentier
03:16quand il y a un sentier qui serpente dans la montagne.
03:18Le seul intérêt de ces pictogrammes,
03:21c'est qu'ils inspirent des pages féroces à Sylvain Tesson.
03:24Pour le reste,
03:25ils nous indiquent que nous sommes passés
03:26de l'état nounou à l'état neuneu.
03:28L'édito politique sur Europe 1,
03:30tellement vrai,
03:31mais ce serait drôle
03:32si ça n'était pas si dramatique.
03:33Merci Vincent Trémolet de Villers.
03:35Merci Vincent Trémolet de Villers.