Plus de six ans après le Grand débat national qui a fait suite au mouvement des "gilets jaunes", la Fondation Jean-Jaurès et Arlequin AI publient ce mercredi un rapport présentant ce qui ressort de ces contributions citoyennes. Pour analyser les très nombreuses données des cahiers de doléances, Hugo Micheron, docteur en sciences politiques et cofondateur d'Arlequin AI, et ses équipes ont utilisé l'intelligence artificielle. Les résultats ont ensuite été analysés par la Fondation Jean Jaurès. Il en ressort notamment "le souhait d’associer davantage le peuple aux grandes orientations politiques et à la décision publique en promouvant une démocratie plus participative, transparente et proche des réalités locales".
Pour en discuter, Hugo Micheron, cofondateur d’Arlequin AI, Anne Rosencher, directrice déléguée de la rédaction de L’Express, et Jérémie Peltier, de la Fondation Jean-Jaurès, étaient les invités de France Inter mercredi 11 juin.
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
Pour en discuter, Hugo Micheron, cofondateur d’Arlequin AI, Anne Rosencher, directrice déléguée de la rédaction de L’Express, et Jérémie Peltier, de la Fondation Jean-Jaurès, étaient les invités de France Inter mercredi 11 juin.
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00:00Et je vous propose de remonter quelques années en arrière.
00:03Ce matin dans le grand entretien, octobre 2018, c'est l'émergence du mouvement des gilets jaunes,
00:10un mouvement sans leader, ni revendications structurées, mais qui fait vaciller le pays.
00:16Pour tenter de sortir de la crise, Emmanuel Macron lance un grand débat national,
00:23une vaste consultation auprès des Français.
00:25Et le résultat, ce sont 20 000 cahiers de doléances, 200 000 contributions manuscrites
00:33et près de 2 millions de contributions en ligne.
00:36Qu'est-il advenu de la parole de ces Français ?
00:40À part une restitution partielle, pas grand-chose ou presque.
00:45Et nos trois invités ce matin sont donc en quelque sorte les premiers à s'être plongée
00:50dans ce matériau d'une ampleur inédite.
00:53Anne Rosencher, bonjour.
00:54Bonjour.
00:55Directrice déléguée de la rédaction de L'Express, voix bien connue de France Inter,
01:00chroniqueuse ici même dans la matinale le jeudi matin.
01:04Hugo Micheron, bonjour.
01:05Bonjour.
01:06Docteur en sciences politiques, cofondateur d'Arlequin IA, IA comme intelligence artificielle,
01:13professeur associé à Sciences Po.
01:16Jérémy Pelletier, bonjour.
01:18Bonjour.
01:18Co-directeur général de la fondation Jean Jaurès, fondation qui publie « Et si l'intelligence artificielle était au service de la démocratie ? »
01:28point d'interrogation, l'exemple du grand débat national.
01:32Soyez les bienvenus.
01:34Ce grand débat, vous le décrivez, Hugo Micheron, comme la plus grande remontée d'informations publiques spontanées depuis 1789.
01:44C'est véritablement de cette ampleur, c'est un événement si considérable qu'il faille remonter à la révolution pour le décrire ?
01:56C'est évidemment pas de même nature, mais c'est vrai que c'est une remontée d'informations publiques, de doléances en l'occurrence,
02:03d'une profondeur exceptionnelle.
02:06Pour vous donner une idée de l'ampleur de ce qui a été traité par l'IA et par les experts de la fondation Jean Jaurès dans le cadre de ce rapport,
02:14c'est les 400 000 répondants aux questions en ligne.
02:1880 questions fois 400 000 répondants, c'est à peu près 40 à 50 fois la taille des plus grands sondages quantis.
02:23Et ça, on peut le traiter avec toute la granularité des réponses sur le fond.
02:32En fait, cette masse, ce volume-là, est la raison même pour laquelle on ne l'avait pas encore traité.
02:39On a souvent dit que ce sujet n'avait pas été traité pour des raisons politiques.
02:43La réalité, c'est que c'était essentiellement pour des raisons techniques.
02:46C'est qu'on n'avait pas des outils capables.
02:47On manquait l'outil, c'est ça ?
02:49Oui, on n'avait pas des outils capables de traiter ce volume.
02:51Et ça, c'était sans compter sur France Inter et sur Anne Rosanchet, ici présente, qui a rendu...
02:58Tout est de sa faute !
02:59Mais il manquait l'outil de l'intelligence artificielle, notamment.
03:04Et ça, c'est ce qu'on a développé avec Arlequin et Aïe, et notamment avec Antoine Jardin du CNRS.
03:11C'est ces outils qui sont maintenant capables de passer à l'échelle,
03:14c'est-à-dire de traiter des volumes de données exceptionnels,
03:16tout en gardant toute la granularité.
03:19C'est un changement, non pas de degré, mais de nature.
03:21Ça veut dire que maintenant, on est capable de pouvoir analyser des consultations
03:25presque à l'échelle de la population française, avec une finesse qui est celle du Cali.
03:29Alors, on va voir ce que donne l'analyse de ce corpus,
03:34ce qu'ont dit les Français à ce moment-là.
03:37Mais revenons à l'origine de la chose.
03:42Cette parole des Français vous a intéressé, Anne Rosanchère,
03:47et tout est parti donc d'une de vos chroniques en toute subjectivité sur Inter.
03:52En septembre 2024, vous poussiez un coup de gueule.
03:55Je vous cite,
03:56« Il est peu de choses qui abîment plus l'esprit public
03:59qu'un processus de consultation dont on fait si peu de cas.
04:03C'est une question de respect, d'éthique démocratique. »
04:07Fin de citation.
04:08Donc, que les cahiers de doléances,
04:10que les manuscrits ou les tapuscrits soient tombés dans l'oubli,
04:18ça vous indignait ?
04:19Oui. En fait, c'était une conversation avec Hugo Micheron
04:23qui déjà avait développé cet outil d'intelligence artificielle
04:26et qui faisait vraiment le tour de tous les instituts,
04:29publics, privés, entreprises, think tanks, etc.
04:32et qui ne trouvait que des portes fermées
04:34de gens qui lui disaient soit ça date de trop longtemps,
04:38soit on sait déjà ce qu'il y a dedans.
04:39Il y avait une certaine désinvolture.
04:41C'est-à-dire qu'en effet, au départ, il y a eu un problème d'outils.
04:44On ne savait pas comment traiter la masse de données.
04:47Mais à partir du moment où un chercheur arrivait en disant
04:50« Moi, j'ai l'outil, il me manque un peu de financement
04:53pour juste prendre cette masse de données et le faire »,
04:56je trouvais ça franchement dingue qu'on lui oppose un refus.
05:02Vous avez cité les chiffres, ils sont énormes.
05:04Il faut se rappeler aussi que vraiment Emmanuel Macron
05:07et donc l'État, la République,
05:10avaient sollicité ses contributions
05:12et mis en scène leur importance vitale.
05:15dans son adresse aux Français, il dit
05:17« J'en rendrai compte dans les mois qui suivent devant vous ».
05:20Et après, il y a eu Notre-Dame qui a brûlé
05:23le soir où il devait prendre la parole là-dessus.
05:25Il y a eu le Covid, etc.
05:27Et donc, on a commencé à dire
05:28« Finalement, ça date.
05:30Finalement, est-ce que ça aura vraiment de l'intérêt ? »
05:33Oui, je veux dire, on se souvient tous des reportages
05:36qu'il y a eu à ce moment-là.
05:37On se souvient tous de l'incroyable bout de France
05:40qui s'était mobilisé.
05:42On se souvient, moi, j'évoque comme ça
05:44un couple de retraités à Dives-sur-Mer dans le Calvados
05:48qui s'était mis sur son 31 pour aller en mairie
05:51écrire une page entière à la main en disant
05:54« On est heureux d'avoir voix au chapitre ».
05:56Et en principe, disait la dame,
05:57j'ai retrouvé dans les archives de l'INA,
05:59« Et en principe, en haut, ils en tiendront compte ».
06:03Et franchement, quand on est de la société civile, etc.,
06:07on se dit « C'est aussi de notre devoir
06:10ou de notre possibilité d'apporter comme ça
06:15au pot commun si on arrive à mobiliser des gens ».
06:17Et c'est ce qui s'est passé.
06:18Il y a eu d'autres, on n'est pas les seuls,
06:20il y a eu d'autres initiatives.
06:22Je trouve que c'est quand même plutôt positif.
06:25Encourageant !
06:27Alors, une première tranche de 400 000 contributions
06:30a été analysée, on va y venir.
06:33Et c'est là aussi que vous arrivez dans l'histoire,
06:36Jérémy Beltier, vous êtes co-directeur général
06:38de la Fondation Jean Jaurès, je le rappelle.
06:40Vous partagez l'enthousiasme du Gomichron,
06:43d'Anne Rosencher, pour ce débat,
06:45pour ce grand débat.
06:47Selon vous, c'est quoi ?
06:49Un miroir inédit de la société française,
06:53de ses aspirations, de ses clivages ?
06:55Une mine d'or, pour le dire comme ça ?
06:58Oui, c'est une mine d'or.
06:59Il y a plein de pépites.
07:01Il y a plein de pépites.
07:02Et surtout, le fait de traiter ces données,
07:05c'est respecter la demande de reconnaissance
07:08qui a été exprimée par tous ces gens-là.
07:11Bien sûr, ce n'est pas toute la France.
07:13Ce n'est pas toute la population française.
07:15Il y a un biais dans tout ça.
07:16C'est les gens qui ont accepté de répondre en ligne,
07:19c'est les gens qui ont accepté d'ouvrir leur ordinateur,
07:21d'aller sur la plateforme du Grand Débat,
07:23qui était une plateforme en ligne,
07:25donc qui ont accepté de répondre à des questions,
07:27de faire des propositions.
07:29Mais en faisant ça,
07:30ils exprimaient aussi une demande de reconnaissance.
07:32Demande de reconnaissance de la maturité,
07:34par ailleurs, de toutes les réactions,
07:36de toutes les réflexions qu'ils ont écrites
07:38et qu'ils ont mises en ligne.
07:39Et moi, c'est ça qui m'a frappé.
07:41On y reviendra aussi tout à l'heure.
07:42Ce que donne à voir, en tout cas,
07:44cette mine d'or et toutes ces pépites,
07:46c'est finalement une population française
07:48très mature sur beaucoup de sujets.
07:49Moins fracturée qu'on l'imaginerait.
07:53Alors, elle est parfois fracturée
07:54sur un certain nombre de sujets.
07:55Force est de constater là que nous,
07:57dans ce qu'on a recueilli en termes de données,
07:59il y a pas mal de points de convergence,
08:01il y a pas mal de points de consensus,
08:02il y a pas mal de points
08:03qui montrent que la population française
08:06n'est pas forcément une population dénervée,
08:08une population d'excité,
08:10qui veut renverser la table.
08:11Une population assez mature
08:13sur un certain nombre de sujets.
08:14Et donc, on va en parler tout à l'heure,
08:16mais que ce soit sur les questions écologiques,
08:18sur les questions démocratiques,
08:19sur les questions de fiscalité.
08:21Finalement, on voit un niveau de connaissance
08:23assez élevé sur les sujets,
08:25un niveau de réflexivité assez élevé sur les sujets.
08:28Et donc, en effet,
08:29le fait de traiter ces sujets-là,
08:31c'est finalement répondre
08:32aux grands sentiments de frustration
08:34qu'ont pu ressentir, en fait,
08:35une part très importante de français.
08:37Sentiment de frustration, à mon avis,
08:38qui est toujours présent aujourd'hui
08:40dans la société telle qu'elle est aujourd'hui.
08:43Donc, en effet,
08:44c'était d'intérêt public, je pense,
08:45de traiter ça.
08:46Voilà, parenthèse,
08:47ce n'était pas intuitif
08:48qu'une maison comme la nôtre,
08:49qu'une maison comme la Fondation Jean Jaurès
08:51traite un sujet
08:52grâce à l'intelligence artificielle.
08:54Spontanément,
08:54quand Hugo Michon et Anne Rosencher
08:56nous ont parlé du chez,
08:57tu dis, bon,
08:58ça nous sort un peu,
09:00nous, de notre précaré,
09:01ça nous sort un peu
09:02de nos petites habitudes de chercheurs.
09:04On est encore au papier.
09:05On est encore au papier,
09:07on a évolué un peu.
09:08Mais donc, en effet,
09:09il fallait penser contre soi-même.
09:11Et on est assez convaincus,
09:12à la fin, en effet,
09:13de ce processus,
09:14puisque l'IA, en l'occurrence,
09:16peut être très utile
09:17pour la démocratie.
09:17Vous allez plus loin.
09:18Voilà, l'IA peut être utile
09:20à la démocratie.
09:21En quoi ?
09:22Parce qu'on entend plutôt
09:23le discours inverse.
09:24C'est un danger,
09:25c'est un drame,
09:27nos données sont aspirées.
09:28En quoi ça peut être une chance
09:30pour la démocratie, Hugo Michon ?
09:34Mais ça, c'est indispensable.
09:35Parce que déjà,
09:36il y a plusieurs IA,
09:36il y a plusieurs manières de les faire.
09:37Et nous,
09:38les modèles qu'on a développés,
09:40qu'on a mis au point,
09:41Charles Quint,
09:41justement,
09:42ça ne correspond pas du tout
09:43aux modèles américains
09:44qui, tout le monde les connaît maintenant,
09:45les Chad GPT, Gemini, etc.,
09:47qui reposent sur quoi ?
09:48Qui reposent sur énormément
09:49de données.
09:50Donc, ça capte de la donnée,
09:51ça embroie.
09:52C'est énormément de puissance de calcul,
09:54ce qui veut dire
09:54qu'ils sont extrêmement voraces
09:55en énergie derrière.
09:57Et donc, sur quasiment
09:57une puissance d'investissement
09:59infinie derrière.
10:00Ça, c'est le modèle américain.
10:01Ils sont à fond
10:02sur les trois items.
10:03Nous, les modèles qu'on développe,
10:05déjà,
10:05ces modèles d'IA non supervisés.
10:06Ce qui veut dire
10:06qu'ils ne reposent pas
10:07sur de la donnée d'entraînement.
10:09Ils ne demandent pas
10:09de puissance de calcul infinie.
10:11Ça tourne sur des ordinateurs
10:12comme ceux dont on dispose
10:14au quotidien.
10:15Et enfin,
10:15ils ne nécessitent que
10:16très peu d'investissement.
10:17Donc, c'est un IA frugal
10:19qui n'infère pas de biais,
10:20qui n'a pas de boîte noire.
10:22Donc, en fait,
10:22on a une méthodologie
10:23de transparence
10:24qui permet, du coup,
10:25de l'appliquer
10:25à la compréhension des sociétés.
10:28Et la conviction,
10:28et je pense que tout le monde
10:30s'en rend compte,
10:31c'est qu'on rentre
10:32dans des sociétés
10:32qui sont totalement transformées
10:34par la révolution technologique,
10:35par la puissance éditoriale
10:37des algorithmes.
10:37On en parlait à 7h50,
10:38encore une fois,
10:39avec l'impact
10:39sur les plus jeunes
10:40de ce qui se passe
10:41sur les réseaux sociaux.
10:42Et on ne pourra pas
10:43résoudre ces grands enjeux
10:44sans s'en prendre
10:45de front à la question technologique.
10:47Donc, autant innover,
10:48autant pouvoir disposer
10:50d'outils qui vont nous permettre
10:51d'objectiver
10:51ce qui se passe
10:52dans le milieu informationnel
10:53sur les réseaux sociaux.
10:54Et ça, ça veut dire
10:55qu'il faut faire de l'IA.
10:57Il faut, je veux dire,
10:58avoir une approche volontariste
10:59de l'IA.
11:00L'IA, ce n'est pas que
11:01Tchadjpiti
11:01qui détruit des boulots.
11:03C'est aussi une méthodologie
11:04qui peut permettre
11:05de mieux comprendre
11:05les sociétés.
11:06Et ça, ça ne doit pas être capté
11:07par les géants américains
11:08et chinois.
11:08Une question de méthodologie.
11:12Vous dites que l'IA
11:14peut contribuer
11:15à faire tomber
11:15ce que vous appelez
11:16le mur de Berlin
11:17entre le Kali
11:18et le Kanti.
11:21Donc, cette distinction
11:22entre analyse qualitative
11:23et analyse quantitative
11:25qui est structurelle
11:26en sciences sociales
11:28depuis un siècle.
11:30Expliquez-nous l'enjeu
11:31là du sujet.
11:33Très simplement
11:34pour les auditeurs.
11:35Jusque-là,
11:36quand on voulait
11:36comprendre les sociétés,
11:37ce qu'on avait,
11:38c'était soit
11:38on faisait des très grandes
11:39enquêtes,
11:40ce qu'on appelle quantitatives,
11:41où on va chercher
11:42l'échantillonnage représentatif
11:44pour dire, voilà,
11:4550% des Français
11:46pensent que.
11:47Et le problème
11:47de ces éléments-là,
11:48c'est que c'est très généralisant,
11:49donc on manque de finesse.
11:50L'autre option,
11:51c'est de faire du Kali,
11:51ce que moi,
11:52en tant que chercheur,
11:52j'ai toujours fait,
11:53c'est-à-dire,
11:54on fait du terrain,
11:55donc on va très en profondeur
11:56sur un sujet
11:57et on va très loin
11:58et donc du coup,
11:59ce n'est pas représentatif
12:00mais c'est extrêmement significatif
12:02et ça permet
12:03d'éclairer en profondeur.
12:04Là,
12:04avec des modèles d'IA
12:05non supervisés
12:06comme ceux
12:06qu'on a développés,
12:07ça permet de faire les deux,
12:08c'est-à-dire qu'on peut
12:09traiter les très grands volumes
12:11tout en gardant
12:13la granularité
12:13et la finesse.
12:14Et ça,
12:15vous voyez,
12:15moi,
12:15je n'étais pas du tout porté
12:16à l'origine sur le grand débat,
12:17mais le cas,
12:18par définition,
12:19qui s'est présenté à nous,
12:20c'était les cahiers de doléances
12:21et surtout les réponses en ligne
12:22qui étaient le premier.
12:23Et ça,
12:24pour moi,
12:25c'était un devoir,
12:26c'est un devoir
12:26de la société civile
12:27et ce qui est très beau
12:28dans cette affaire,
12:29c'est de voir qu'en fait,
12:31plusieurs maillons
12:31des intéressés
12:32de la chaîne
12:32de la société civile
12:33se sont mis en marche.
12:35On a eu ce cri du cœur
12:37d'Anne Rosencher
12:38qui a tout ouvert
12:39mais derrière,
12:40on a une ancienne
12:40de France Inter,
12:42Isabelle Jordano
12:43à la fondation BNP
12:44qui saute dessus
12:45qui dit
12:45mais qu'est-ce que je peux faire
12:46pour aider ?
12:47Et puis,
12:47nous,
12:49dans les mains de la fondation.
12:49Et il y a moi
12:49qui vous interview ce matin.
12:51Exactement,
12:51le dernier magnon de la chaîne.
12:54Vos travaux ont,
12:56enfin,
12:56comment dire,
12:56débordent largement
12:57les frontières
13:00et les portes
13:00de ce studio
13:01mais merci
13:03pour le coup de chapeau.
13:05Venons-en tout de même
13:06au résultat,
13:07à ce que vous avez trouvé
13:08dans cette masse
13:09d'informations.
13:10Qu'est-ce qui vous a,
13:11Anne Rosencher,
13:13marqué,
13:13frappé,
13:14un résultat,
13:15une conclusion,
13:16quelque chose
13:16de contre-intuitif,
13:19et qui vous a sauté aux yeux ?
13:20Deux choses.
13:22La première,
13:23on publie d'ailleurs
13:24les extraits
13:25sur le site de l'Express,
13:26c'est dans le journal.
13:27La première,
13:27c'est les points
13:28de consensus
13:29qui apparaissent.
13:30C'est-à-dire que,
13:30vous le dites,
13:32c'est vrai qu'on ressent
13:33et qu'on voit
13:33une société française
13:34très fracturée,
13:35qu'on dit archipélisée,
13:37elle l'est à certains égards,
13:39mais il y a des choses
13:40qui spontanément
13:41émergent
13:42d'un point de consensus
13:44comme notamment
13:45ce qui est le plus frappant,
13:46l'école,
13:48l'hôpital,
13:49qui émerge comme ça,
13:50comme une priorité
13:52avec les mêmes désirs
13:54qu'il y ait les moyens
13:56pour avoir
13:56ce service public-là
13:57de qualité
13:58et que ces moyens
14:00soient bien répartis.
14:01Parce que,
14:02généralement,
14:02les gens sont assez
14:03au fait du fait
14:04qu'il y a assez
14:05de dépenses publiques,
14:07le niveau est normal,
14:08mais comment c'est réparti ?
14:10Il n'y a pas trop
14:11de démagogie,
14:12je dirais,
14:13qui ressort particulièrement,
14:14de pensée magique
14:15qui ressort particulièrement.
14:16Et ce qui est intéressant,
14:17c'est que ces deux points
14:18de consensus,
14:19on ne les retrouve pas
14:20spécialement
14:20dans le débat politique.
14:22Parce qu'en fait,
14:23on s'aperçoit
14:23quand on voit
14:24ce qui remonte
14:25spontanément
14:26que, finalement,
14:28le débat politique
14:29va se focaliser
14:30sur là où,
14:31justement,
14:31les gens sont fracturés,
14:32où ils peuvent faire
14:33la différence,
14:34où les partis peuvent
14:34faire la différence entre eux.
14:36Donc là, déjà,
14:37on se dit,
14:37bon, il y a un continent
14:39déjà à prendre
14:39qui serait
14:40de salubrité publique
14:42parce que c'est l'essentiel
14:43de la demande des Français.
14:44Et la deuxième chose
14:45qui m'a marquée,
14:46mais je l'entuitais déjà,
14:48mais je trouve
14:49que cette façon
14:49de pouvoir faire remonter
14:50des phrases
14:52et des réflexions
14:54est intéressante
14:55parce qu'on s'aperçoit
14:56qu'il y a aussi
14:56une réflexion
14:57extrêmement cortiquée
14:59autour de la représentation,
15:02de la représentativité
15:03et aussi, je dirais,
15:04qui va dans le détail.
15:06Je suis très marquée
15:07par une phrase
15:07qui est remontée
15:08sur quelqu'un
15:09qui disait
15:09qu'on n'a presque même
15:10plus la même façon
15:12de s'exprimer
15:13et ça bloque le débat.
15:14C'est-à-dire que nous,
15:15on arrive,
15:16on n'a pas l'habitude
15:17de parler avec des mots
15:18feutrés,
15:19de répéter mille fois
15:20les choses.
15:21Donc, on se met en colère
15:22et en face de ça,
15:24on a soit des élus
15:25qui se braquent,
15:26soit des élus
15:26qui font dans la démagogie
15:28et qui, dès qu'ils voient
15:29de la colère,
15:29disent,
15:30c'est que vous avez raison,
15:31vous avez raison,
15:31puis qu'ils passent
15:32à autre chose derrière.
15:33J'ai trouvé que dans le détail,
15:34cette façon d'analyser
15:36même le quotidien
15:38de la vie politique,
15:39l'éthos de la vie politique
15:40était très intéressante.
15:42Jérémy Pelletier ?
15:43Oui, on retrouve des choses
15:44alors qui ne sont pas surprenantes,
15:45qui ne sont pas révolutionnaires,
15:47mais ce qui est assez rassurant
15:48d'ailleurs quant à la fiabilité
15:50de l'outil,
15:51c'est la grande défiance
15:52en effet des Français
15:53vis-à-vis de la politique
15:54d'une façon générale.
15:55Des institutions !
15:56Des institutions,
15:57il y a le terme
15:58qui revient beaucoup
15:59et qui est très intéressant
16:00et qui montre aussi
16:01peut-être la lucidité
16:02d'une partie importante
16:03de la population
16:04vis-à-vis du débat public,
16:06c'est le mot de sectarisme.
16:07Globalement,
16:08quand il parle
16:08du débat public,
16:10du débat politique,
16:11de la façon
16:11dont se crée
16:12en effet la controverse nationale,
16:14ce mot de sectarisme
16:15revient énormément
16:16et ça,
16:17ça m'a frappé.
16:18Après,
16:18l'un des éléments,
16:19alors idem,
16:20qui n'est pas surprenant
16:20mais qui est important
16:21et à mon avis,
16:22en tout cas à mentionner
16:24parce que ça n'a pas été traité
16:25à mon avis depuis 2019,
16:27c'est la grande demande
16:28de démocratie.
16:28Ça, c'est un élément
16:30évidemment qui est très important
16:31et vous le verrez
16:31dans le rapport.
16:33Demande de participation,
16:34demande de démocratie participative.
16:37Un éloge aussi du local.
16:39Ça, c'est un élément
16:40très important
16:41et qui revient beaucoup
16:42dans les réponses.
16:44Une demande de proximité.
16:46Pas de critique
16:46de l'impôt
16:47ou du ras-le-bol fiscal.
16:48Alors ça,
16:49c'est l'élément,
16:50en effet,
16:51un des éléments
16:51les plus importants
16:52et vous le verrez
16:53dans le rapport.
16:54En effet,
16:54pas de ras-le-bol fiscal.
16:55En gros,
16:56ce qu'il y a beaucoup
16:57et ce qui revient énormément
16:58dans les réponses
17:00qu'on a analysées,
17:01c'est que les gens
17:02ne comprennent pas
17:03à quoi, entre guillemets,
17:05servent leurs impôts.
17:06L'idée n'est pas
17:06de payer moins d'impôts.
17:08L'idée est que l'impôt
17:09soit mieux utilisé.
17:10Et juste.
17:11Juste,
17:11qu'il soit efficace.
17:13Il y a une phrase,
17:13moi,
17:13qui m'a marqué.
17:14Il y a quelqu'un
17:15qui dit,
17:16moi,
17:16je paye des impôts
17:17et c'est très bien
17:18mais quand j'entends
17:18à la radio
17:19ou à la télévision
17:19une infirmière
17:20qui me dit
17:21avoir beaucoup de difficultés
17:22à acheter du matériel,
17:24qu'une infirmière me dit
17:25que ses conditions de travail
17:26se sont dégradées
17:27alors que mon niveau
17:28de fiscalité
17:29n'a pas évolué,
17:30ça,
17:31en effet,
17:32c'est un élément
17:32qui revient beaucoup,
17:33la demande d'efficacité
17:34et la demande d'équité.
17:36Demande d'équité,
17:36ça veut dire quoi ?
17:37Ça veut dire que
17:37peut-être que
17:38quelques mesures symboliques
17:40suffiraient aussi
17:41à apaiser un peu
17:42la situation
17:42et le niveau de tension
17:43dans le pays,
17:44notamment la question
17:46de l'ISF
17:47qui revient en effet
17:48énormément
17:48et il y a un élément
17:49et ça,
17:50pareil,
17:50je pense que c'est aussi
17:51toute la pertinence
17:52de l'outil
17:53et tout l'intérêt de l'outil,
17:54le fait que tout le monde
17:55paye ses impôts.
17:56En gros,
17:56il y a quelque chose
17:56qui revient beaucoup,
17:57c'est qu'il y ait
17:58un impôt sur le revenu
18:01universel.
18:01Aujourd'hui,
18:02moins de la moitié
18:02des Français payent
18:03l'impôt sur le revenu,
18:04il y a cette demande-là
18:05du caractère universel
18:06de l'impôt sur le revenu,
18:07donc demande d'efficacité
18:08d'une part,
18:08demande d'équité d'autre part,
18:10mais donc pas finalement
18:10de ras-le-bol fiscal
18:11alors que ce qu'on entend
18:12aussi beaucoup
18:13dans le débat public,
18:13donc ça c'est intéressant.
18:14Vous établissez
18:15une typologie des répondants,
18:17quatre profils,
18:19Hugo Micheron,
18:20les civiques,
18:21un gros tiers,
18:23les conservateurs,
18:24un peu moins de 15%,
18:25les échos focalisés,
18:2815%
18:28et les pessimistes,
18:3030%.
18:31Est-ce que vous pouvez
18:32faire le portrait
18:33robot rapide
18:34de chacune
18:36de ces catégories ?
18:37Oui, déjà,
18:38premier point,
18:38ce n'est pas nous
18:39qui établissons la typologie
18:40et c'est ça qui est
18:40très intéressant,
18:41c'est l'outil,
18:41parce que justement
18:42à partir du moment
18:42de l'outil,
18:43ce qu'a l'intégralité
18:44des réponses
18:44des 400 000 répondants,
18:46il les regroupe automatiquement
18:47sur ce qu'ils ont répondu
18:48et c'est ça qui est très intéressant,
18:49c'est qu'on fonctionne
18:49sans hypothèse
18:50et donc sans biais du chercheur,
18:52c'est là où il y apporte
18:53un vrai plus.
18:54Donc sur le fond,
18:55ce qui est très intéressant,
18:56la première catégorie,
18:57les civiques,
18:57ce sont des gens
18:58qui veulent sincèrement
18:59s'engager au service de l'État
19:01et donc là,
19:01qui veulent pouvoir
19:02avoir un impact
19:03en soutien de l'action
19:04de l'État
19:04sur les territoires
19:05et ça,
19:05c'est ce qui va les regrouper.
19:07Sur les conservateurs,
19:11ils sont mus
19:13par l'objectif
19:14d'efficacité fiscale
19:16qu'évoquait Jérémy Pelletier
19:18et typiquement,
19:20l'efficacité
19:20de la dépense publique,
19:21l'idée que
19:22un euro dépensé,
19:24en gros,
19:25que les dépenses publiques
19:27ne permettent pas
19:28à l'hôpital
19:29ou au service public
19:30de bien fonctionner,
19:31ça c'est vraiment
19:31un point de contention.
19:33Sur les échos focalisés,
19:35alors c'est intéressant,
19:36c'est là où on va voir aussi
19:37des liens
19:37avec les gilets jaunes,
19:39ce sont des gens
19:39pour qui les questions écologiques
19:40et des mobilités
19:41sont très importantes
19:43avec la voiture
19:44et les transports
19:46de proximité
19:47et puis les pessimistes
19:49et ça,
19:49c'est près d'un tiers
19:50quand même
19:51de l'échantillon
19:52avec là,
19:54ils sont définis
19:54par la colère
19:55voire la défiance
19:56vis-à-vis
19:57des institutions publiques
19:58et notamment
20:00à une forme de dégoût
20:02pour la vie politique
20:03et c'est là-dessus
20:04qu'on trouve la base
20:05des abstentionnistes
20:05et du vote RN a priori.
20:07Il y a des consensus,
20:08des consensus négatifs
20:10et ce que vous appelez aussi
20:11les faux consensus
20:12ou la machine
20:13au sein de la société française,
20:15exemple,
20:16la transition écologique,
20:18les principes
20:19sont largement partagés
20:21mais dites-vous,
20:22les opinions diffèrent largement
20:24sur les modalités
20:25de la transition énergétique.
20:27Ça veut dire quoi
20:28selon vous
20:29qu'il y a une fragilité
20:32du rapport à l'écologie,
20:34de ce que ça implique ?
20:36C'est une bonne nouvelle,
20:36il y a un consensus
20:37sur la transition écologique,
20:38c'est pas remis en question.
20:39On est un pays,
20:40on n'est pas comme aux Etats-Unis
20:41où justement,
20:42c'est un point de contention
20:43énorme dans le débat public
20:44où les opinions
20:46sont hyper polarisées
20:47autour de ça.
20:48En France,
20:49c'est pas du tout le cas,
20:50tout le monde est d'accord
20:50avec cette idée.
20:51La question des modalités
20:52intervient sur comment on procède.
20:54Et là,
20:55il y a du désaccord
20:56et c'est là où la démocratie
20:57à mon sens opère
20:57et c'est là où on peut désormais
20:59arriver à un niveau
21:00de finesse supplémentaire
21:01pour justement comprendre
21:01quelles vont être
21:02les positions majoritaires
21:03sur les questions de modalité
21:04et on peut pousser
21:05beaucoup plus loin.
21:06Donc,
21:06je pense que ce qu'on gagne ici,
21:08c'est en clarté
21:09et l'intérêt d'avoir
21:11des outils
21:12qui font des coupes transversales,
21:13c'est qu'on ne se retrouve pas
21:15finalement
21:15à tourner toujours
21:16autour du pot
21:17des mêmes catégories
21:17qui sont celles
21:18qui ont construit
21:18les grands sondages.
21:20Jérémy Pelletier ?
21:21C'est là où la demande
21:22d'équité a un lien
21:23parce qu'en effet,
21:25si tout le monde
21:26est d'accord
21:26pour dire qu'il y a
21:28un problème évidemment
21:29avec le réchauffement climatique,
21:30si tout le monde
21:30est d'accord
21:31pour mettre à un moment donné
21:32en œuvre aussi
21:33une société décarbonée,
21:34ça passe aussi
21:36par plus d'équité
21:37et je l'ai dit tout à l'heure,
21:39ça passe par quelques
21:39mesures symboliques
21:40pour qu'en gros,
21:41les plus démunis
21:42aient le sentiment
21:42que les plus riches aussi
21:44jouent leur part
21:45dans toutes ces machines
21:46et donc on évoquait
21:47les questions fiscales
21:48tout à l'heure
21:48mais le fait
21:49de remettre
21:50l'ISF
21:51est un des éléments
21:52en effet
21:52qui revient beaucoup.
21:53Le fait de lutter
21:54beaucoup plus fort
21:55par exemple
21:55contre l'évasion fiscale
21:56est un élément
21:57qui revient énormément
21:58dans les cahiers
21:58et tout ça,
21:59un élément,
22:00il y a des éléments
22:01symboliques,
22:01il y a des éléments
22:02aussi très importants
22:03notamment sur l'évasion
22:04fiscale
22:04d'un point de vue économique
22:05et ça permet
22:06en effet de dire
22:07aux individus
22:08peut-être
22:09les plus en déclassement
22:11et les plus en difficulté
22:12pour mettre en œuvre
22:13la transition énergétique
22:13dans leur vie quotidienne
22:14bon, finalement
22:15tout le monde
22:15prend sa part
22:16et je pense que
22:17c'est un des éléments
22:18vraiment qu'il faut retenir
22:19de ce rapport-là
22:20pour que la société
22:21reste une société
22:22avec un peu de cohésion.
22:23Eh bien merci
22:24à tous les trois
22:25pour cette plongée
22:26passionnante
22:27dans le grand débat
22:29national
22:30et vous ne faites
22:31que commencer
22:32votre travail.
22:33Merci Anne Rosencher
22:34de L'Express,
22:36Hugo Micheron,
22:37Sciences Po,
22:38Jérémy Pelletier,
22:39Fondation Jean Jaurès
22:41et si l'intelligence
22:42artificielle
22:43était au service
22:44de la démocratie
22:45l'exemple
22:45du grand débat
22:46national.
22:47Je vous signale
22:48également un épisode
22:49du magazine
22:50Interception sur Inter,
22:52Cahier de doléances,
22:53le bruit sourd
22:54de la France.
22:56C'était en novembre
22:572024
22:58et c'est à retrouver
22:59en podcast
23:00sur l'application
23:01Radio France.
23:01Merci à tous les trois.
23:02Merci.
23:03Merci.
23:03Sous-titrage Société Radio-Canada