Les festivités entachées par des débordements : qui sont "ces barbares" ciblés par Bruno Retailleau ? Thibault Tellier, historien, enseignant à Sciences-Po Rennes et auteur de "L'histoire des banlieues" aux éditions Perrin, répond aux questions de Jérôme Florin. Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin avec Jérôme Florin du 02 juin 2025.
00:03Et à la une ce matin cette polémique encore sur la sécurité après les nombreux incidents du week-end en marche de la fête après la victoire du PSG
00:10Peut-on célébrer sans violence ? Et on parle de la violence dans les rues, pas dans les stades, on parle pas ici des supporters, on est bien d'accord
00:17Bonjour Thibaut Tellier
00:18Bonjour
00:19Vous êtes professeur d'histoire contemporaine à Sciences Po Rennes, merci d'être avec nous ce matin sur RTL
00:24Vous avez écrit Histoire de la banlieue parue l'an dernier chez Perrin
00:28Qui sont ces casseurs qu'on retrouve sur ce genre d'événement ?
00:32Alors écoutez, effectivement il s'agit d'un événement qui tendrait à penser que ces casseurs sont majoritairement des gens issus des banlieues proches de Paris
00:45Pour autant il ne faut pas non plus systématiser puisqu'on voit qu'il y a un certain nombre d'incidents violents qui se sont aussi déroulés ailleurs que dans les banlieues
00:54Puisque le policier qui est dans le coma se trouve à Coutances
00:58Donc là c'est un rappel finalement des émeutes de 2023
01:01Où on voit que c'est désormais la France qui est largement concernée par ces phénomènes de violence
01:07Où finalement le sport n'est qu'un prétexte à défier l'ordre public
01:11Mais quel est le profil de ces gens ? Ce sont des jeunes ?
01:14Oui, quand on regarde les images, alors après évidemment les enquêtes de police permettront d'en savoir plus
01:21Mais principalement ce sont effectivement plutôt des jeunes qui sont à l'origine de ces agissements
01:27Et on est d'accord, ce ne sont pas des supporters ?
01:29Non, non, non, encore une fois, c'est un prétexte
01:33Et vous verrez sans doute malheureusement que lorsqu'il y aura les commémorations, la célébration du 14 juillet
01:40On risque de retrouver aussi, c'est-à-dire qu'aujourd'hui effectivement les grands rassemblements festifs sont un prétexte, je le répète, pour défier l'ordre public
01:49Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau les a qualifiés de barbares
01:53Qu'est-ce que vous pensez de ce terme ?
01:56Écoutez, si, alors après, Bruno Retailleau est ministre de l'Intérieur, c'est aussi un personnage public
02:02Donc il a aussi un discours politique
02:04Par contre, ce qui est certain, c'est que si on regarde rétrospectivement, pour reprendre un événement sportif
02:09Qui était la Coupe du Monde de 98
02:11A l'époque d'ailleurs, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, qualifiait certains jeunes de sauvageons
02:17On voit quand même en 27 ans l'évolution de la situation
02:20C'est-à-dire qu'effectivement, on ne peut pas nier au moins une brutalisation
02:25Alors après, on pourrait reprendre aussi les paroles de l'ancien ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin
02:31Qui parlait d'un non-sauvagement
02:33On a parlé de décivilisation
02:36Donc on voit qu'aujourd'hui, c'est une vraie question
02:38Et qu'il faut l'aborder, je dirais, de manière sereine en termes de débats publics
02:42Mais Thibaut Tellier, vous êtes historien, à quand remonte cette violence ?
02:45Parce que vous évoquez 98, c'est vrai, plusieurs incidents avaient terni la soirée
02:50Mais en 1984, l'équipe de France de foot gagne l'euro au Parc des Princes
02:55On ne voit pas ça
02:57Il y a une fête sur les Champs-Elysées, mais ça se passe bien
02:59Oui, tout à fait
03:01C'est-à-dire que, alors si on remonte en tant qu'historien de l'urbain
03:05On sait par exemple que les premières émeutes urbaines ont lieu dès la fin des années 1970
03:10Mais disons que c'était souvent circonstancié quand même à une raison qui était souvent un affrontement entre la police et des groupes de jeunes
03:19Ce qu'on a encore vu d'ailleurs à l'origine des manifestations violentes de 2023 après la mort de Naël à Nantes
03:27En revanche, ce qu'on voit effectivement de plus en plus depuis quelques années
03:32C'est, je le répète, des prétextes à tout rassemblement pour, entre guillemets, cacher la fête
03:39Donc on a comme ça des exactions de plus en plus fortes, sans raison
03:43Et quelle est la solution contre ça ? Parce que le dispositif sécuritaire, il était conséquent en amont
03:47Oui, bien sûr, après je pense qu'il faudra sans doute que la police, que les instances du ministère de l'Intérieur réfléchissent
03:56C'est-à-dire qu'on voit très bien qu'aujourd'hui, on a, enfin je pense qu'il faut aussi souligner qu'on a quand même une police qui est extrêmement responsable
04:02C'est-à-dire que pour le coup, on aurait pu avoir des catastrophes humaines beaucoup plus importantes
04:08Maintenant, on regarde qu'il y a des différences avec le maintien de l'ordre, par exemple, en Grande-Bretagne
04:13Où là, la police va, ce qu'on appelle, au contact
04:15Mais donc, de ce point de vue-là, effectivement, le ministère de l'Intérieur avait prévu
04:22Quand on déploie 5000 hommes, c'est pas anodin
04:25Or, on voit effectivement que de plus en plus, les forces de l'ordre sont débordées
04:29Encore hier soir, vous avez eu des débordements, des violences commises
04:34Où on jette, par exemple, des vélos du haut du périphérique
04:38Donc, on voit aujourd'hui que le maintien de l'ordre traditionnel ne peut pas suffire
04:43Et qu'il faut donc sans doute s'attaquer aux racines du mal
04:46Eh bien, la question sera abordée tout à l'heure avec Laurent Nunes, le préfet de police de Paris