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  • 27/05/2025
La spécialiste des politiques éducatives et de l'enfance, Sophie Audugé, lit la lettre de la mère d'Elias, tué pour son téléphone portable.

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Transcription
00:00Oui, alors je pense que par rapport à ce que vient d'expliquer Georges,
00:05je pense que vous avez tout à fait raison, il faut donner le plus grand écho à cette lettre,
00:09qui est une lettre qui bouleverse par sa sincérité autant que sa pudeur,
00:12c'est le récit d'une tragédie, la voix est portée par la mère,
00:17une voix digne, simple et juste, une voix qui dit quelque chose d'universel
00:21sur le lien indéfectible entre une mère et son enfant,
00:24ce lien programmé pour célébrer la vie qui ici va au-delà de la mort d'Elias,
00:30ce qui est touchant dans le texte de cette maman,
00:34c'est que la maman d'Elias commence à l'aide par le récit d'un jour
00:37qu'aurait dû être ordinaire, un vendredi comme les autres,
00:39qui s'achève par l'entraînement de foot,
00:41et elle évoque leur rituel du vendredi soir.
00:44Comme chaque vendredi, Elias doit me téléphoner, je ne suis pas loin de lui,
00:48comme chaque vendredi, nous allons discuter de sa journée
00:50et décider s'il dîne avec nous à la maison,
00:52s'il va manger un burger avec ses potes ou rejoindre sa petite amie.
00:55Chaque mère peut se reconnaître dans ses mots évidemment,
00:57mais sous sa plume, ce quotidien devient déchirant.
01:01Puis elle parle de son fils, ce qui est important.
01:04Elias est un adolescent gentil, elle insiste, vraiment gentil,
01:08joyeux, beau et fort, aimé et aimant.
01:10Elle le décrit tel qu'il reste pour elle un adolescent dans la fleur de l'âge.
01:14Un élève, un frère, un ami, un amoureux, un coéquipier et un fils.
01:18Par ces mots, Elias n'est plus une victime abstraite.
01:22Il est un enfant, un visage, un cœur, une vie.
01:25Puis le récit bascule.
01:27La mère d'Elias nous plonge dans la soirée du 24 janvier.
01:30Elle abandonne le temps du présent.
01:32Ce vendredi 24 janvier, un peu avant 20h,
01:35ce n'est pas Elias qui m'a appelée, c'est son meilleur ami.
01:37Elias était à terre.
01:39Je suis arrivée en courant.
01:40J'ai pu m'allonger contre mon enfant.
01:42L'embrasser, lui parler, le rassurer, lui dire que son papa arrivait.
01:46Ces mots touchent au cœur chaque mère.
01:49Ce j'ai pu, qui sonne comme un privilège arraché.
01:53Ce geste instinctif, s'allonger contre son enfant.
01:56Ce réflexe maternel, faire corps.
01:59Quelle que soit la maladie, la blessure, la peur, se blottir contre lui.
02:02Faire battre son cœur à l'unisson.
02:04Essayer de transmettre par amour un dernier élan vital.
02:08L'issue, nous la connaissons.
02:09Elias mourra de ses blessures le lendemain.
02:12Perdre la chair de sa chair est un arrachement indicible.
02:15Il n'y a pas de mots assez forts.
02:16Pour décrire cette douleur.
02:17Et pourtant, la mère d'Elias ne s'épanche pas.
02:20Elle ne demande rien pour elle.
02:22Et c'est là toute la puissance de ce texte.
02:23Je fais une parenthèse.
02:24Qu'est-ce que Céline ? Tout va bien ?
02:27En fait, ça vous semblait...
02:30Vous allez poursuivre tout de suite.
02:32Il ressemble à mon fils, à tous les gamins.
02:37Je peux arriver à lire la lettre jusqu'au bout.
02:40Je suis désolée.
02:41Mais c'est important que vous la lisiez.
02:42C'est pour ça que je le fais.
02:43C'est pour ça que je le fais.
02:46C'est pas...
02:47Je veux dire, Elias vit en nous par cette lettre.
02:51Voilà.
02:52Non mais tu as raison.
02:54Elle ne demande rien pour elle.
02:56Et c'est là toute la puissance de ce texte.
02:58Elle prend acte, sobrement, d'une ironie tragique du calendrier.
03:01La grande-sœur d'Elias est née le 23 janvier, son grand-frère le 26.
03:06Elias a été poignardé le 24 et est mort le 25.
03:09Désormais, pour cette famille, les deux jours qui séparent l'anniversaire de leurs aînés
03:13seront à jamais marqués par la mort du petit dernier.
03:17La mère d'Elias écrit.
03:17Les chiffres de l'avis se sont moqués de moi.
03:21Puis vient la question.
03:22Celle qui résonne comme une gifle.
03:24Mais qui s'est moqué d'Elias ?
03:26Elle replace Elias au centre.
03:27Elle refuse que son fils soit une victime sans visage, un prénom parmi d'autres,
03:31un chiffre dans les bilans de l'insécurité.
03:35Elle dénonce avec une lucidité froide.
03:37Pas pour elle, pour lui.
03:38Car c'est à Elias que doivent rendre des comptes ceux qui ont failli.
03:41Elle énonce les faits.
03:43Elle énumère les manquements.
03:44Tout d'abord les mineurs violents, récidivistes, plusieurs fois condamnés,
03:47parfaitement identifiés, mais jamais neutralisés,
03:49qui terrorisent et tuent en toute impunité.
03:51La mère du 14e arrondissement, qui savait les liens dangereux
03:54et qui n'a rien sécurisé.
03:56Les médias, qui ont réécrit l'histoire par idéologie,
03:59remplaçant la machette par un simple couteau
04:00et suggérant qu'Elias avait résisté pour protéger son téléphone.
04:04Les juges des enfants et leurs ordonnances dans le vent.
04:07Pas fichus de vérifier que les récidivistes qu'ils interdisent de contact
04:10habitent dans la même résidence.
04:11Les ministres de la Santé, de l'Éducation, de la Justice, de l'Intérieur,
04:15qui croulent sous les rapports, sous les alertes d'experts reconnus
04:18et qui ne font rien.
04:20Elles dressent un constat.
04:21Ce constat que nous connaissons tous ici.
04:23Une violence extrême, de plus en plus forte, de plus en plus jeune,
04:27alimentée par les réseaux sociaux et le désengagement des parents.
04:30Face à cela, des cours d'empathie à l'école.
04:32Une justice qui ne condamne pas, un système qui ne protège plus.
04:35Au continuum de la violence, il faut désormais ajouter le continuum de la lâcheté,
04:39de l'inaction, de la désinvolture.
04:42Elias a payé de sa vie et sa famille a pris perpétuité.
04:46En ce jour de fête des maires, la voix de Stéphanie nous bouleverse.
04:50Depuis quatre mois, elle attend de voir si la société va se réveiller.
04:53Si ceux qui gouvernent, ceux qui administrent, ceux qui jugent,
04:55vont être à la hauteur de leurs devoirs et de leurs responsabilités vis-à-vis d'Elias.
04:59Et avec elle, nous nous interrogeons.
05:03Combien d'années de renoncement faudra-t-il encore subir
05:05avant qu'un adolescent de 14 ans puisse rentrer d'un entraînement de foot ?
05:09Une collégienne de 11 ans de l'école,
05:12une étudiante de 19 ans traverser le bois pour prendre son train,
05:15un élève de 15 ans suivre son cours de français sans risquer leur vie.
05:19Et tous les autres, les Thomas, les Nicolas, les Matisse.
05:22La liste est longue.
05:24La mère d'Elias conclut avec ses mots.
05:26Je tente de survivre à l'absence de mon fils Elias,
05:28à ses coucou-maman, à ses bisous-maman,
05:31à cette carte et à ce petit cadeau que je n'aurai pas pour la fête des mères.
05:34Je patiente et je serai qui s'est moqué de nous.
05:38Stéphanie, mère d'Elias.
05:41Vous êtes sûr, c'est difficile, mais merci vraiment de l'avoir fait
05:45parce que, je vais dire, nous avons pris des extraits hier pour en parler
05:51et je trouve que la lire, la mettre dans son contexte,
05:56montrer cette voix, faire résonner cette voix digne, simple et juste,
05:59comme vous l'avez dit, ça change tout.
06:01Sous-titrage Société Radio-Canada

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