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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie Nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de Gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls, les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Je lui parlais d'Eddie et du coup que nous avions monté.
01:05Je lui dis aussi comment Eddie avait tué l'homme.
01:09Mais je crois que je ferais mieux de commencer par le commencement.
01:13J'avais rencontré Eddie dans un bar à San Francisco.
01:16Il ne me plaisait pas beaucoup à l'époque, mais nous étions tous deux au bout de notre rouleau.
01:19Et quand il émit l'idée de braquer ce bureau de près, ça semblait bien être notre dernière chance.
01:27Le coup avait marché comme sur des roulettes.
01:29Mais alors que nous sortions du bureau, un imbécile avait essayé de décrocher le téléphone et Eddie l'avait buté comme ça, froidement.
01:37Ce n'était plus un simple hold-up.
01:39C'était un meurtre.
01:40Et aux yeux de la loi, j'étais aussi coupable qu'Eddie.
01:43Nous avions réussi à prendre le large, mais ce type qui s'était fait descendre avait bouleversé nos plans.
01:51Au lieu de partager le butin sur le champ, nous l'avions fourré dans une valise et expédié à Saint-Louis.
01:56Nous avions décidé de nous y retrouver six mois plus tard pour en prendre livraison.
02:01De cette façon, il y aurait moins de risques que l'un de nous se saoule et vende la mèche en parlant à tort et à travers.
02:08De plus, s'il y avait des billets dont le numéro avait été relevé, le danger aurait considérablement diminué dans six mois.
02:16Nous avions déchiré le reçu en deux.
02:18Eddie en avait pris une moitié et moins l'autre.
02:21Puis, nous nous étions séparés en pensant que, de cette façon, nous courrions moins de risques de nous faire repérer que si nous restions ensemble.
02:29Eddie m'avait donné un numéro de téléphone à Pittsburgh, où je pourrais le joindre.
02:35Sa sœur y habitait, et nous pourrions avoir recours à elle pour rester en contact.
02:42Je revins à Philadelphie en stop et travaillais pendant trois semaines comme laveur de vaisselle dans un restaurant.
02:48Mais ça commençait à me tanner.
02:51Je suis comme tout le monde.
02:52J'aime bien tirer une bordée de temps à autre.
02:54Aussi, je braquais deux stations-service pour remettre mes finances à flot.
02:59C'est alors que je fais la grosse gaffe.
03:03Je grillais un feu rouge.
03:05Vous savez, c'était un de ces nouveaux feux qui restent rouges dans les deux directions pendant une quinzaine de secondes avant de passer au vert.
03:12Moi, j'ai l'habitude, comme tout le monde, de surveiller le feu sur la voie transversale et de m'engager quand il passe à l'orange.
03:18C'est ce que je fis.
03:20Mais l'orange avait beau avoir disparu à ma gauche, le feu en face de moi restait au rouge.
03:26J'avais déjà traversé quand je compris ce qui s'était passé.
03:30Seulement, c'était trop tard.
03:32Le phare d'une voiture de police me rejoignait avant le carrefour suivant.
03:35Je stoppais et je sortis mes papiers.
03:39Si j'avais pris la contravention et payé l'amende dans les jours suivants, je ne serais pas en train de rouler vers l'ouest en ce moment.
03:45Mais j'étais énervé et j'avoue que je n'avais pas ma tête à moi.
03:50Je ferai au flic de lui refiler la moitié de l'amende pour qu'il passe l'éponge.
03:56Et qu'est-ce qui arriva ?
03:57Il piqua une crise et m'embarqua pour tentative de corruption d'un agent dans l'exercice de ses fonctions.
04:06Oui, et c'est là que mes ennuis commençaient.
04:09L'employé d'une station-service m'identifia comme étant le type qui lui avait fauché sa caisse.
04:16Et je suis prêt à jurer que je n'avais jamais vu ce gars-là de ma vie.
04:20Mais ils envoya ma photo au service de diffusion.
04:23Tout s'écroula.
04:25San Francisco télégraphia qu'il me recherchait pour l'attaque du bureau de prêt.
04:29Et le juge local décida que ce serait gaspiller l'argent des contribuables de Pennsylvanie
04:34que de me faire comparaître pour une simple histoire de vol à main armée
04:38alors que la Californie me tenait dans le collimateur pour une affaire de meurtre.
04:43Voilà pourquoi je roulais vers l'ouest,
04:47solidement amarré au bras de Joe Biazon et par une paire de bracelets en bon assiettrempé.
04:53Comme je l'ai déjà dit, nous avons beaucoup parlé le deuxième jour.
05:01Je racontais toute mon histoire à Joe.
05:04Il eut l'air de penser que, puisque c'était Eddie qui avait appuyé sur la détente,
05:09je pourrais sauver ma peau au lieu de faire le grand plongeon dans les vapeurs d'acide cyanédrique.
05:13Mais la possibilité douteuse d'être relégué à vie ne me paraissait pas non plus particulièrement enviable.
05:23Aussi, omige de lui dire que j'avais téléphoné à la sœur d'Eddie
05:28avant qu'il découvre quel gros gibier je représentais.
05:33Après ce qui s'était passé, je ne pourrais plus jamais me fier à Eddie,
05:37mais sa sœur avait l'air réglos.
05:39« T'en fais pas, kid ! » m'avait-elle répondu.
05:44« J'ai des contacts. Eddie saura dans quel train tu es.
05:48Ils ne t'emmèneront jamais jusqu'à la côte.
05:50T'énerve pas, tu peux compter sur Eddie. »
05:54Plus je réfléchissais et plus je pensais qu'elle avait raison.
05:58C'est vrai, sans ma moitié du reçu d'expédition,
06:02le magot du bureau de prêt pourrait rester dans la salle des bagages de la gare de Saint-Louis
06:06jusqu'à ce qu'il soit complètement moisi.
06:09« Personne ne pourrait y toucher.
06:12Si Eddie ne me sortait pas de ce pétrin,
06:14il ne lui resterait plus qu'à faire son deuil de la galette.
06:18Et comment pourrait-il être sûr que je ne le dénoncerai pas
06:21et que je ne le chargerai pas à fond devant le tribunal ? »
06:24Hein ?
06:25Oui, Eddie était obligé d'intervenir.
06:29Et c'est ce qu'il fit.
06:33Je ne le remarquais même pas quand il monta dans le train à Springfield.
06:38J'avais dû m'endormir pendant l'arrêt.
06:41Mais il était bien là,
06:43avachi sur une banquette à l'autre bout du wagon,
06:46près de la porte des toilettes.
06:49Il lisait un journal du soir.
06:50Il ne regarda pas une seule fois dans ma direction,
06:55mais je compris ce qu'il voulait faire.
06:59Avec un soupir, je m'enfonçais dans mon siège et tentais de dormir.
07:02Joe, mon gardien,
07:07m'a remonné quelque chose à propos de Johnny, l'artardataire,
07:12et il était déjà au trois-quarts endormi.
07:16Pour ma part, je dormis aussi bien qu'on peut le faire dans un wagon
07:19qui vous conduit à votre propre exécution.
07:23Je m'attendais à quelque chose quand nous atteignîmes Saint-Louis,
07:26mais il ne se passa rien.
07:30Eddie ne bougea pas de son siège,
07:31sommeillant ou lisant tour à tour.
07:35Je me demandais ce qu'il attendait.
07:38Le fric était à Saint-Louis.
07:39Logiquement, c'était l'endroit idéal pour filer.
07:43Mais Eddie resta imperturbablement assis sur sa banquette,
07:48se contentant de regarder par la fenêtre
07:49pendant toute la durée de l'arrêt.
07:53Puis le train se mit à rouler.
07:56J'étais trop tendu pour arriver à dormir ou même à réfléchir.
07:59Joe était assoupi à côté de moi.
08:03Il ronflait légèrement,
08:05et je remarquais qu'Eddie étudiait l'horaire des chemins de fer.
08:10Il était quatre heures dix du matin
08:11quand il me fit un signe de la tête avant de se lever
08:14et d'entrer dans les toilettes.
08:15Je donnais un coup de coude à Joe et il se réveilla instantanément.
08:22« Ça m'ennuie de te déranger, Joe,
08:24mais j'ai besoin d'aller faire un petit tour aux toilettes. »
08:28Il répondit par un grognement tandis que nous nous levions.
08:32Je retins mon souffle tout le long du couloir
08:34tandis que nous passions à côté des voyageurs endormis.
08:37Mais Joe ne remarqua même pas que la place d'Eddie était vide.
08:45J'entrais le premier dans les toilettes et il me suivit.
08:48Eddie, qui s'était planqué derrière la porte,
08:50la referma sur lui
08:51et enfonça le canot d'un 45 dans les côtes de Joe.
08:56Eddie allait-il à battre Joe ?
08:59Comment allions-nous nous enfuir ?
09:01J'étais toujours attaché à Joe avec ses maudites manottes.
09:05Ça n'allait pas nous faciliter la tâche.
09:07Comment allait se terminer ce fichu voyage vers l'Ouest ?
09:12C'est ce que vous saurez dans quelques instants.
09:20J'étais en route pour la chambre à gaz
09:22dans un train allant vers l'Ouest.
09:24J'étais enchaîné à un flic,
09:27un brave homme qui, en d'autres circonstances,
09:30aurait été mon ami.
09:32À bord du train,
09:34venait de se glisser Eddie, mon complice,
09:37celui avec lequel j'avais fait le braquage du bureau de prêt
09:40et qui, dans un instant de panique,
09:43avait tué l'employé.
09:45C'est lui aussi qui avait l'autre moitié du reçu de la consigne
09:48où on avait caché le butin,
09:50un butin fabuleux.
09:53Il était 14h du matin quand Eddie me fit un signe
09:56avant de se diriger vers les toilettes.
09:58Je réveillais Joe, le flic,
10:01lui demandant d'aller faire un petit tour.
10:05Eddie nous attendait dans les toilettes.
10:08J'entrais le premier.
10:10Eddie referma la porte et enfonça le canon de son 45
10:13dans les côtes de Joe.
10:14Joe jura doucement,
10:23mais s'il était effrayé,
10:25il ne le montra pas.
10:26Dédégnant Eddie,
10:28il se tourna vers moi.
10:31« Est-ce que je me serais trompé sur ton compte, kid ?
10:34Tu ne peux pas t'en tirer comme ça,
10:35tu le sais bien.
10:37« Te presse pas de parier là-dessus, flicaille ! »
10:40coupa Eddie.
10:43Dans ses yeux,
10:44brillait le même reflet de folie que j'avais déjà vu
10:47quand il avait abattu le gars du bureau de prêt.
10:50« Prends-lui son arme, kid ! »
10:52Joe ne fit pas un geste
10:54pendant que je fouillais sous sa veste.
10:57Je pris le revolver réglementaire dans son étui
10:59et je le glissais dans la poche de mon pantalon.
11:02« Maintenant, faites un prière ! »
11:05grinça Eddie.
11:07Les jointures de ses doigts crispées sur la crosse étaient blanches.
11:11« Eddie ! » soufflai-je.
11:13« Eddie, fais pas l'idiot !
11:15Je suis toujours attaché à ce gars-là. »
11:17« Hein ? »
11:20Eddie ricanait
11:21et il y avait quelque chose d'inquiétant dans ce ricanement.
11:26« Hein ? »
11:26« Je vois, je vois. »
11:28« Bon, c'est bon, flicaille. »
11:30« Ça va te faire gagner un peu de temps. »
11:32« Où est-ce qu'est la clé des menottes ? »
11:34« Je n'ai pas la clé ! »
11:36répondit Joe.
11:38« La clé nous attend au commissariat central de San Francisco,
11:41expédié par avion. »
11:44« Il n'y avait toujours aucune crainte dans sa voix. »
11:48« Je ne pouvais m'empêcher d'admirer le cran de Joe. »
11:51« Si j'avais été à sa place, face à un cinglé comme Eddie, j'aurais crevé de peur. »
11:55« Mais Joe se comportait comme s'il ignorait ce qu'était la peur. »
11:59« Écoute, flicaille ! »
12:01gronda Eddie, le visage toujours tordu par un sourire inquiétant.
12:05« Écoute, tu vas faire une balade beaucoup plus longue que mon copain. N'oublie jamais ça ! »
12:11Il y eut une brusque embardée au moment où le train commençait à freiner pour s'arrêter à Oklahoma City.
12:17La secousse nous fit perdre l'équilibre à Joe et à moi et nous projeta contre la cloison,
12:21mais Eddie était calé dans le coin comme s'il avait prévu le coup.
12:26Nous attendîmes dans les toilettes jusqu'à ce que le train soit arrêté,
12:30puis nous sortîmes du wagon et traversâmes la gare.
12:35La menace d'Eddie collait à nos talons.
12:37Au parking, une voiture nous attendait.
12:43Joe et moi, on s'installa à l'arrière et Eddie se mit au volant.
12:49Il y avait peu de circulation à une heure aussi matinale.
12:53Après avoir serpenté à travers la ville, on prit la route 66 pour revenir à Saint-Louis.
12:59Eddie se maintenait autour de la vitesse maxima motorisée
13:01et on roula en silence pendant une cinquantaine de kilomètres.
13:05Puis, il ralentit comme s'il cherchait quelque chose.
13:10Finalement, il retrouva ses points de repère et s'engagea dans un chemin de terre.
13:16« Ça pose pas de problème, kid, » dit-il.
13:20« Je me doutais qu'il pourrait nous arriver, ce genre de truc.
13:23Je nous ai trouvé une planque et un outil pour enlever tes menottes. »
13:29Les jours s'étaient levés.
13:32Après dix minutes d'un trajet chaotant, on atteignait une ferme abandonnée.
13:39La grange s'était effondrée depuis longtemps,
13:41mais la maison d'habitation s'obstinait à rester debout,
13:45sans fenêtres, balayée par le vent et les murs tout décrépit.
13:49Eddie stoppa sur le côté du bâtiment.
13:51C'est alors que je remarquais que Joe respirait bizarrement.
13:58En effet, à plusieurs reprises, il avait pris de profondes inspirations
14:01avant de se mettre à haleter douloureusement, comme s'il était souffrant.
14:07« Ça va bien, Joe ? » lui demandai-je.
14:11« Ça va bien, kid, » répondit-il.
14:15Mais sa voix rendait un son anormal.
14:21On sortit de la voiture et on passa le coin de la maison
14:23pour monter à un escalier branlant.
14:26Au moment où on allait pénétrer dans la maison,
14:29Joe marmonna quelque chose où il était question de Johnny
14:32et s'écroula sur le plancher.
14:35Je l'attrapai au vol et réussis à ralentir sa chute.
14:39Joe venait de s'évanouir.
14:40« Qu'est-ce qui lui arrive ? » demanda Eddie.
14:45J'étais agenouillé près de Joe, incapable de répondre,
14:49et je cherchais son pouls de ma main libre.
14:52Pendant un instant qui me parut une éternité, je ne trouvais rien.
14:57Puis je sentais quelque chose sous mes doigts,
14:59une palpitation faible et maladive,
15:01comme celle d'un papillon englué dans une toile d'araignée.
15:05Je me tournais vers Eddie.
15:07Il a une crise cardiaque, Eddie.
15:09Il faut le conduire à l'hôpital.
15:11Si on ne l'emmène pas, il va mourir.
15:12Ça ne fait pas un pli.
15:14Eddie Smith a rire,
15:17mais à rire,
15:18comme si j'avais dit la chose la plus drôle du monde.
15:22« Écoute, qui... »
15:24Tu ne parles tout de même pas sérieusement ?
15:26Qu'est-ce qui a bien pu te faire croire
15:28qu'il sortirait vivant d'ici, hein ?
15:30Crise cardiaque ou pas ?
15:31Non, écoute-moi bien, mon gars.
15:33Je t'ai dit que j'avais un outil
15:35pour te débarrasser de tes menottes.
15:36Tu vas voir.
15:37Il se précipita vers la porte
15:40qui conduisait au fond de la maison.
15:43Le pouls de Joe avait l'air de se remettre un peu.
15:46Il vacillait, puis se mettait à battre
15:48presque régulièrement pendant quelques secondes,
15:50puis s'effondrait de nouveau.
15:53Joe ouvrait les yeux
15:54quand Eddie revint dans la pièce.
15:56« Regarde, regarde ça !
15:58C'est avec ça qu'on va détacher
15:59ce sale flic de ton bras ! »
16:03Eddie tenait un hachoir à viande dans la main droite
16:06et de la main gauche,
16:08il en caressait le tranchant.
16:11La lueur démente dansait de nouveau dans ses yeux
16:14quand il s'avança vers Joe.
16:17Peut-être ai-je pensé au fils de Joe,
16:22à ses petits-enfants
16:24et à sa petite Johnny,
16:25l'artin de la terre.
16:27Peut-être n'ai-je pensé à rien.
16:30Tout ce dont je me souviens,
16:33c'est du revolver de Joe
16:34qui tressautait dans ma main gauche.
16:36Il était vide à présent,
16:39brûlant et fumant,
16:41et Eddie était étalé sur le plancher,
16:45baignant dans son sang.
16:48Le reflet démentiel lui est encore dans ses yeux,
16:50mais pour l'éternité, cette fois.
16:54« Merci, kid. »
16:57Fille Joe.
17:00Sa voix n'était plus qu'un murmure
17:01et il s'évanouit de nouveau.
17:03Les larmes me jaillirent des yeux.
17:09Je pleurais de rage et de frustration,
17:12m'apitoyant sur mon sort malheureux.
17:15Je pleurnichais ainsi tout le temps
17:17que je soulevais, portais, traînais
17:19et hissais Joe dans la voiture.
17:23Quand je l'ai installé sur le siège avant de la voiture,
17:25j'étais trop crevé pour pleurer davantage.
17:28J'avais étendu Joe sur le dos
17:29et je lui avais plié les genoux
17:31pour pouvoir fermer la portière.
17:32Sa tête glissa contre ma cuisse droite
17:34quand je m'assis au volant.
17:36« Kid, » dit-il.
17:39Et je me rendis compte
17:40qu'il avait de nouveau repris connaissance.
17:43« Kid, »
17:45desserre ma ceinture.
17:47C'était pas commode
17:48avec ma seule main gauche,
17:50mais je réussis à l'ouvrir.
17:52Même en faisant ça,
17:53je ne remarquais pas le ruban adhésif
17:55fixé sous la boucle.
17:57Je changeais de position
17:58et me tordis pour atteindre
17:59la clé de contact et démarrer.
18:02« Kid, »
18:04« la clé des menottes,
18:06elle est sous la boucle de ma ceinture. »
18:12souffla-t-il.
18:14Et il s'évanouit de nouveau.
18:17J'ouvris les menottes
18:18et pris la direction d'Oklahoma City.
18:21Quand j'atteignais la grande route,
18:23je mis le pied au plancher.
18:24Oh, ce ne fut pas long.
18:25J'entendis bientôt hurler derrière moi.
18:27Je me rangeais sur le bas-côté.
18:28Quand le motard vit dans quel état
18:30était Joe,
18:31il m'ouvrit la route lui-même
18:32jusqu'au plus proche hôpital.
18:36J'aurais dû m'éclipser
18:37après avoir laissé Joe à l'hôpital,
18:39mais je ne le fis pas.
18:42J'attendis à la porte de sa chambre
18:44jusqu'à ce qu'on me dise
18:46qu'il s'en sortirait.
18:48Alors je me dirigeais vers la sortie,
18:51mais une infirmière me rappela.
18:52« Monsieur, votre ami voudrait vous parler,
18:57mais ne restez pas trop longtemps. »
19:01Joe n'avait plus l'air aussi costaud.
19:03Il avait le visage creusé,
19:05blafard,
19:06l'air faible et désemparé
19:08sous la tente à oxygène.
19:11J'avais peine à entendre
19:12ce qu'il disait.
19:13« Je n'ai pas l'intention
19:17de te faire coffrer, kid.
19:19Je ne peux pas faire ça.
19:21Mais pourquoi n'irais-tu pas
19:24te constituer prisonnier ?
19:26Hein ?
19:27Ça vaudrait mieux ? »
19:30Je ne répondis pas tout de suite.
19:33Je pensais à la chambre à gaz.
19:36Je pensais au procès.
19:39Je pensais à ce que serait ma vie
19:40derrière les barreaux.
19:42Même si j'étais libéré un jour,
19:44je resterais marqué
19:45tout le restant de ma vie.
19:48Je serais un ancien
19:49condamné de droit commun.
19:54Vraiment, Joe ?
19:56Tu crois vraiment
19:57que ça vaudrait mieux ?
20:00Je ne sais pas, kid.
20:02Je ne sais pas.
20:04Honnêtement, je ne sais pas.
20:06Mais quoi que tu décides de faire, petit,
20:10écris-moi une fois en passant.
20:12Fais-nous savoir au moins
20:14où tu es.
20:15Hein ?
20:16Écris-moi, kid.
20:19Je t'en prie, petit.
20:20Écris-moi.
20:23D'accord, Joe.
20:25Je t'écrirai.
20:28Il eut un faible sourire
20:29et ferma les yeux.
20:32Je sortis de la chambre
20:33et me faufila à travers les couloirs
20:34jusqu'à ce que je trouve la sortie.
20:37La voiture d'Eddie était là
20:39où je l'avais laissée,
20:40dans le parking.
20:41Je me dirigeais vers elle.
20:44Mais brusquement,
20:45je fis demi-tour
20:46et je m'éloignais.
20:48Oui, j'aurais pu retourner à la ferme
20:50et récupérer l'autre moitié du reçu
20:51qui était sur le corps d'Eddie.
20:53Mais à quoi bon tout ça ?
20:54Je fouillais dans mon portefeuille
20:57et en sortis la moitié de reçu
20:59que j'y avais planqué.
21:02Je le déchirai en petits morceaux
21:03et les semais sur la chaussée.
21:07Le vent les dispersa
21:08comme des confettis poussiéreux
21:10tandis que je prenais la direction
21:11des trains qui sifflaient
21:13dans le lointain.
21:15Tout en marchant,
21:16je m'interrogeais.
21:18Les choses auraient-elles tourné autrement
21:20si on m'avait fait escorter
21:22vers la côte ouest
21:23par un autre flic que Joe ?
21:25Joe, mon frère aîné ?
21:29Pauvre Joe.
21:32Je ne lui ai jamais donné
21:33beaucoup de raisons
21:33d'être fier de moi.
21:36Mais je me demande
21:37si j'aurais pu laisser Edie
21:39couper la main d'un homme,
21:40de n'importe quel homme,
21:42pour pouvoir ramasser ce fric.
21:45Je ne le saurais jamais.
21:48Mais je tiendrai ma promesse.
21:50Oui, un de ces jours,
21:53j'éclairerai à mon frangin.
21:57J'éclairerai à Joe.
21:57Vous venez d'écouter
22:04Au cœur du crime,
22:06un podcast issu des archives
22:08d'Europe 1.
22:09Réalisation,
22:10Julien Tarot.
22:11Production,
22:12Romy Azoulay.
22:13Patrimoine sonore,
22:14Sylvaine Denis,
22:15Laetitia Casanova
22:17et Antoine Reclus.
22:18Promotion,
22:19Marie Corpet.
22:20Au cœur du crime,
22:21est disponible sur le site
22:23et l'appli Europe 1.
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