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  • 25/05/2025
Bruno David, spécialiste en paléontologie et ancien président du Muséum national d’histoire naturelle, était l'invité de France Inter dimanche, à quelques jours du sommet sur les Océans. Dans un rapport remis à Emmanuel Macron, il appelle à un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins.

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end

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Transcription
00:00Et dans le grand entretien ce matin avec Marion Lourdes, nous avons le bonheur de recevoir l'un de nos grands scientifiques naturalistes
00:06spécialisés en paléontologie et en sciences de l'évolution et de la biodiversité.
00:12C'est le meilleur connaisseur au monde sans doute des oursins, ces créatures étonnantes qui vivent dans les océans.
00:20Ancien président du muséum d'histoire naturelle, on lui doit un rapport commandé par le président de la République
00:27dans la perspective d'un important sommet qui sera consacré aux océans et une question, une question cruciale
00:34qui concerne notre présent et l'avenir même de la planète, exploiter ou préserver les fonds marins.
00:41Bonjour Bruno David. Bonjour. Et bienvenue, vous pourrez dialoguer avec les auditeurs d'interne en quelques minutes
00:47au standard au 01 45 24 7000 ou sur l'appli Radio France. Le sommet de Nice sur les océans se tiendra dans maintenant
00:55une quinzaine de jours avec des enjeux majeurs comme la ruée vers les métaux, les ressources des fonds marins.
01:03On va d'abord parler de ce qu'on appelle ces océans et ces fonds marins.
01:07C'est loin de nos yeux, l'eau n'y est pas si transparente.
01:11Exercice de définition, c'est extrêmement concret Bruno David. De quoi est-ce qu'on parle ?
01:16Alors là on parle des grands fonds marins, c'est-à-dire qu'il faut savoir que la profondeur moyenne de l'océan,
01:21la moyenne, c'est 3700 mètres. Autrement dit, c'est très profond et on ne voit pas du tout ce qui se passe au fond.
01:26Et ces grands fonds marins dont on parle, en gros, c'est ce qu'il y a au-delà de 3000 mètres de profondeur.
01:30C'est-à-dire qu'on peut cartographier Mars avec une précision supérieure à celle avec laquelle nous connaissons les fonds marins ?
01:39Oui, parce que Mars c'est facile, si j'ose dire. Je mets des grosses guillemets à facile.
01:43Il y a juste à envoyer un satellite, le faire tourner autour de Mars, il relève la topographie de la surface de Mars et on a une bonne idée de ce qu'est Mars.
01:51Les fonds marins, l'eau n'est pas si transparente que ça et par satellite on ne peut pas relever la topographie du fond.
01:57Donc il faut passer partout avec des bateaux et des sonars pour essayer d'avoir une idée de la topographie du fond marin.
02:02Et vous, vous êtes l'un des grands connaisseurs de ces abysses qui ne forment pas, alors il faut le savoir, un compartiment isolé du reste de la planète.
02:12C'est-à-dire que ce qui s'y joue, ça va avoir un impact ailleurs.
02:16Si on touche à ces fonds marins, ça risque de perturber les grands cycles et la biodiversité.
02:23On va en parler évidemment, vous avez publié de nombreux ouvrages de références, en plus d'hémerger des milliers d'espèces fascinantes, exemple ?
02:34Le poulpe d'Humbo, qui a des sortes de grandes oreilles.
02:37Le grain potétis ?
02:38Oui, le poulpe d'Humbo, il est gigantesque.
02:41Alors ça peut faire jusqu'à 1,50 m, mais sinon il y en a des petits et puis il y en a des grands.
02:45Et puis sinon je ne résisterai pas aux oursins, bien sûr.
02:48Évidemment, mais alors des oursins qui marchent sur des sabots ?
02:51Alors voilà, vous m'aviez bien écouté, ils vivent sur une vase qui est très fluide, donc ce n'est pas facile d'avancer là-dessus.
03:00Et il y en a qui ont des petits sabots en porcelaine, en quelque sorte, ça ressemble à de la porcelaine.
03:04Ça n'est pas de la porcelaine, mais ça ressemble à de la porcelaine, au bout de leur piquant.
03:07Et on a l'impression qu'ils ont des petits sabots.
03:09Et il y en a d'autres qui développent des sortes de montgolfières.
03:12Donc ils ont des sortes de montgolfières accrochées aux piquants qu'ils ont sur le dos, entre guillemets.
03:16Et ils avancent comme ça, un petit peu.
03:18Moi, ça m'évoque des images futuristes du début du 20e siècle, où on voyait ces sortes de montgolfières qui survolaient les villes.
03:26Là, c'est pareil.
03:27Mais ce sont des oursins qui volent un petit peu au-dessus du fond.
03:30Et vous, vous avez en plus travaillé sur la révolution depuis le Crétacé.
03:33Il y a des concombres de mer qui font la danse des voiles.
03:37On va parler de cette biodiversité extrêmement riche.
03:40Elle est menacée aujourd'hui ?
03:42Alors, elle est menacée si on exploitait à grande échelle les grands fonds marins.
03:45Maintenant, ce n'est pas une biodiversité qui est très dense.
03:47Elle est simplement très originale.
03:49Il y a des mécanismes physiologiques très particuliers pour vivre dans ces environnements sous pression, dans l'obscurité.
03:54Et quand on est sur les sources hydrothermales, sur les dorsales, il y a des environnements qui sont extrêmement pollués à nos yeux.
04:02Pollués à nos yeux.
04:03Et il faut vivre dans des environnements qui sont bourrés de sulfure.
04:06Donc, il faut détoxifier littéralement les sulfures.
04:09Il y a des crevettes qui sont capables de vivre dans des environnements où nous, on serait empoisonné en rien de temps.
04:13Et qui sont adaptés à cet environnement étrange, en fait.
04:15Donc, il y a des mécanismes physiologiques très particuliers qui pourraient éventuellement nous intéresser,
04:20même y compris dans des dimensions thérapeutiques ou dans des dimensions comme ça.
04:24Donc, il y a ces animaux, y compris les requins lumineux, les poissons à tête transparentes et d'autres qu'on ne croise évidemment jamais.
04:32Ça, c'est pour la biodiversité.
04:33Mais vous disiez, il y a aussi dans ces 100% dont on connaît seulement 5% d'océans,
04:40il y a le rôle de poumon de la planète.
04:43Il y a ce rôle de stockage de carbone qu'on voit moins, qui est moins évident.
04:47C'est-à-dire que si on exploite les grands fonds, on menace évidemment ces animaux dont vous parlez.
04:51Mais on s'attaque aussi à quelque chose qui est fondamental pour toute notre planète.
04:54Oui, parce que c'est une zone de stockage du carbone.
04:56C'est-à-dire qu'en fait, il y a des floraisons de phytoplanctons,
05:00de planctons végétales proches de la surface, là où il y a de la lumière.
05:03Puis ce plancton finit par mourir, il va descendre sur le fond,
05:06il va s'accumuler au fond pendant des milliers et des milliers d'années.
05:09Et ça va donc piéger du carbone.
05:11Donc, on a ce rôle-là.
05:13Exploiter les grands fonds, notamment les zones à nodules,
05:15ça pourrait remobiliser une partie de ce carbone.
05:17Il va falloir expliquer les nodules.
05:19J'expliquerai les nodules.
05:20C'est Roland-Garros, donc c'est le bon moment pour expliquer les nodules.
05:24Je vous dirai pourquoi.
05:27Je vous le dis maintenant.
05:28Dites-le maintenant, parce qu'au cœur des convoitises,
05:30on va reprendre le titre de votre rapport,
05:32exploiter ou préserver les fonds marins,
05:34au cœur des convoitises, il y a les nodules polymétalliques.
05:38Alors, expliquez-nous pourquoi ils sont si convoités.
05:42Mais d'abord, ce que c'est ?
05:44Alors, les nodules polymétalliques, ce sont des boules
05:47qui font la taille d'une balle de tennis,
05:49d'où mon allusion à Roland-Garros.
05:51Donc, vous imaginez le fond parsemé de ces boules métalliques
05:54qui ont se situé de plusieurs types de métaux,
05:57qui jonchent le fond.
05:58Du cuivre, du cobalt, du zinc, du nickel.
06:02Fer manganèse, pour l'essentiel.
06:03Fer manganèse, pour l'essentiel,
06:05avec un peu de nickel, un peu de cuivre, un peu de cobalt,
06:07un peu d'autres choses.
06:08Dont on a besoin, aujourd'hui, pour faire nos téléphones,
06:10pour faire nos ordinateurs, pour des tas de choses.
06:13Pour les auditeurs, l'image qu'on peut en avoir,
06:15c'est un petit peu comme un joueur de tennis qui va s'entraîner.
06:17Je fais vraiment l'allusion à Roland-Garros.
06:19Un joueur de tennis s'entraîne, il y a des balles partout sur le cours.
06:22Là, c'est pareil, il y a des nodules partout sur le fond,
06:24sur des centaines de kilomètres carrés, des milliers de kilomètres carrés.
06:28Donc, l'idée, c'est d'aller voir une grosse moissonneuse batteuse,
06:30c'est de ramasser tous ces nodules, d'avoir un gros aspirateur,
06:33de les remonter en direction de la surface, vers un bateau,
06:36et de les récupérer.
06:38Mais, au passage, ces nodules, ils sont posés,
06:40ils sont enfouis en partie, pour certains,
06:42dans une vase très très très molle.
06:44C'est pour ça qu'il y a des oursins qui ont des sabots.
06:46On est dans une vase très molle, et vous remobilisez cette vase.
06:49Donc, vous faites des nuages de particules gigantesques,
06:52mais absolument gigantesques,
06:53qui vont mettre très très longtemps à se redéposer.
06:55Et on ne sait pas si ces nuages ne vont pas perturber
06:57certains grands cycles, comme le cycle du carbone.
07:00Et si, finalement, ça ne va pas, in fine,
07:03perturber aussi le climat.
07:04Et avoir donc des répercussions sur ce qui se passe sous l'atmosphère.
07:10Voilà, ça pourrait se passer.
07:11On ne sait pas, en fait.
07:12On ne sait pas jusqu'à quel point ça pourrait perturber tout ça.
07:14C'est pour ça qu'il faut un moratoire,
07:16et c'est pour ça qu'il faut prendre le temps
07:17de mieux étudier ce type de processus,
07:20pour savoir simplement où on met les pieds.
07:21Alors, on va y venir, justement, à savoir ce qu'il faut faire,
07:24ou surtout ne pas faire.
07:25Il y a le point de vue environnemental,
07:26ça représente donc des risques.
07:28Mais ce n'est pas si rentable que ça,
07:30d'un point de vue économique, Bruno David ?
07:32Non, parce que le fer, il y en a partout,
07:34sur les continents.
07:36Donc, il n'y a pas besoin d'exploiter les nodules pour le fer.
07:38Le manganèse, ce n'est pas terrible.
07:39Le métal le plus critique, en ce moment,
07:41pour la transition énergétique,
07:43pour basculer vers l'électrification,
07:45c'est le cuivre.
07:46Alors, le cuivre, qu'est-ce qu'il y a comme cuivre
07:48dans les nodules ?
07:49Si on prend la zone de Clarion-Clipperton,
07:51donc, Clipperton, c'est un petit îlot
07:52qui est au large de l'Amérique centrale, dans le Pacifique.
07:54Entre Hawaï et le Mexique ?
07:56Entre Hawaï et le Mexique,
07:57et il y a une grande zone, une grande surface
07:59qui est couverte de nodules.
08:00Donc, on pourrait dire, on va exploiter ça.
08:02On a estimé qu'il y avait 34 milliards de tonnes
08:05de nodules dans ce secteur-là.
08:07Mais le cuivre, c'est 1% de ce poids-là.
08:11Donc, il faudrait aller chercher...
08:131% seulement ?
08:15Chaque tonne de nodules que vous ramassez,
08:16c'est 10 kilos de cuivre.
08:17Donc, ce n'est pas beaucoup.
08:18Donc, il faut dépenser une énergie considérable,
08:20parce qu'on est à plus de 4000 mètres de profondeur,
08:22pour aller chercher tout ça,
08:23le ramener en surface,
08:25le traiter, bien sûr.
08:26Il va falloir extraire le cuivre de ce nodule, etc.
08:28Donc, le jeu n'en vaut pas la chandelle ?
08:30C'est très limite,
08:31parce que les gisements de cuivre du Chili,
08:32qui sont des gisements assez riches,
08:33ils sont à 0,6%.
08:35Alors, c'est un peu moins,
08:36mais c'est immensément plus simple
08:38d'aller chercher du cuivre sur les continents
08:40que d'aller le chercher à 10 000 mètres de profondeur.
08:43Alors, là, vous nous avez parlé des risques
08:44pour l'environnement, pour la biodiversité,
08:46pour le poumon de la planète.
08:48Vous nous dites,
08:48ce n'est pas forcément économiquement rentable
08:50non plus d'aller exploiter les grands fonds.
08:51Il y a quand même des arguments pour.
08:53Les entreprises comme The Metal Company
08:55qui veulent exploiter ces fonds,
08:57elles nous disent,
08:58effectivement, ce que vous disiez,
08:59on a besoin de ces métaux
09:00pour faire la transition énergétique,
09:02donc aussi pour la planète.
09:04Et puis, ça peut être un instrument de souveraineté
09:06pour des pays qui n'ont pas forcément accès
09:08à ces métaux.
09:08C'est une forme de justice.
09:10Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
09:12Alors, c'est une forme de justice pour certains
09:14et d'injustice pour d'autres.
09:15Parce que, bien sûr,
09:16si vous avez les moyens technologiques
09:17d'aller exploiter ces grands fonds,
09:19vous pouvez éventuellement y aller,
09:20faire des bénéfices potentiels.
09:22Pour le moment,
09:22ils ne sont vraiment que potentiels avec.
09:24Et puis, les pays qui n'ont pas les moyens,
09:26eux, tant pis pour eux.
09:28Il y a des pays qui n'ont pas forcément les moyens
09:30et qui ont des ressources
09:31dans leurs eaux territoriales,
09:33dans la zone économique exclusive.
09:35Mais là, bon,
09:35ils sont chez eux, après tout.
09:36Parce que là, il faut expliquer.
09:37Là, on est en fait dans une zone
09:38qui n'appartient aujourd'hui à personne.
09:41Il y a...
09:41Qui est-ce qui édicte les règles
09:42dans ces fonds,
09:43dans ces abysses
09:44qui se trouvent finalement loin
09:45de nos pays,
09:47de nos eaux territoriales ?
09:48Alors, nous sommes dans la haute mer.
09:50C'est-à-dire que ces grands fonds marins,
09:51ils sont patrimoine commun de l'humanité.
09:53C'est bien ça aussi qui pose problème.
09:54C'est-à-dire en quoi,
09:55au nom de quoi,
09:56les pays technologiquement les plus développés,
09:59en capacité d'aller éventuellement
10:00chercher ces richesses,
10:03s'en accapareraient
10:04au détriment des autres
10:06qui, eux,
10:06regarderaient passer le train
10:07sans pouvoir monter dedans.
10:08Il n'y a pas de règles ?
10:09Il n'y a pas de règles
10:10ou il y a des essais de règles.
10:11Il y a une autorité internationale
10:13des fonds marins
10:13qui est en Jamaïque,
10:15à Kingston en Jamaïque.
10:16Depuis 1994 ?
10:17Qui essaye de réguler les choses.
10:19Mais ce n'est pas parce que même
10:20il y aurait des régulations édictées.
10:21Alors, il y a une réunion
10:22qui va se tenir au mois de juillet
10:23à Kingston,
10:24justement,
10:24pour essayer d'édicter des règles.
10:26Mais ce n'est pas pour autant
10:27qu'il y aurait une surveillance
10:28et qu'il y aurait une police.
10:30Une police des mers et des océans.
10:31Une police des mers.
10:31On est très, très loin de ça.
10:33Et quand on voit
10:34le vent qui souffle
10:35du côté des Etats-Unis...
10:37Donald Trump,
10:38qui vient de faire un décret
10:39pour dire qu'effectivement,
10:40on allait pouvoir exploiter ces ressources...
10:42Il a signé une ordonnance
10:42en se disant, allons-y,
10:43on n'a plus qu'à y aller.
10:44De toute façon,
10:45la loi américaine est très bien pour ça.
10:46Je ne vois pas pourquoi
10:47on s'encombrerait
10:47d'autres types de règles.
10:49Mais c'est vraiment là,
10:50premier servi,
10:52le premier qui arrive se sert
10:54et les autres,
10:55tant pis,
10:55ils auront éventuellement
10:56des miettes au mieux.
10:57Et on voit bien
10:58que la puissance américaine là
10:59se déploie en plein
11:00pour s'accaparer des richesses
11:02qui ne leur appartiennent pas,
11:03en tout cas pas en totalité.
11:05Alors, il y a une image
11:06assez surprenante.
11:07Vous avez le sentiment
11:08que les fonds marins,
11:09justement parce qu'ils sont
11:10assez méconnus,
11:12réception ou en tout cas
11:13sont davantage exposés
11:15aux volontés d'exploitation
11:17que sur Terre, par exemple.
11:18Et vous dites,
11:19qui aurait l'idée
11:19d'aller exploiter le bois
11:21des arbres qui poussent
11:22dans les oasis du Sahara ?
11:24C'est une drôle de comparaison
11:25quand on parle des fonds marins.
11:26Oui, alors là,
11:27je ne fais pas allusion
11:27aux nodules,
11:28à ces immenses plaines,
11:29mais plutôt aux sources
11:30hydrothermales sur les dorsales
11:32et puis à des monts sous-marins
11:33où il y a des encroûtements
11:34de cobalt.
11:35J'ai pris souvent une image
11:37en disant,
11:37c'est un petit peu comme
11:38si vous aviez
11:38des téléphones portables
11:39au fond de l'eau.
11:40Il y a un petit peu tout ce qu'il faut
11:41pour faire un téléphone portable
11:42dans ces environnements.
11:44Ce sont des environnements
11:45qui sont beaucoup plus éparses,
11:47épars, pardon,
11:48qu'on va trouver un petit peu partout,
11:50mais qui sont très localisés,
11:52très, très localisés.
11:53Et on a parlé, d'ailleurs,
11:54quand on les a découverts
11:55dans les années 1970,
11:57on a parlé d'oasis hydrothermales.
11:59Et donc, je reprends volontiers
12:00cette image en disant,
12:01c'est un petit peu comme
12:01si on allait chercher
12:02et couper les arbres
12:03des oasis du Sahara
12:04pour faire des meubles.
12:06Là, on va aller exploiter
12:07les encroûtements
12:08qui vont se trouver
12:09sur ces sources hydrothermales.
12:11Et pour moi,
12:11c'est une aberration totale,
12:13évidemment.
12:13Alors, avant de donner la parole
12:14aux auditeurs d'Inter
12:15qui ont des questions
12:16assez précises, d'ailleurs,
12:17sur les fonds marins,
12:19sur cet univers mystérieux.
12:21Mystérieux pour nous,
12:22en tout cas,
12:23beaucoup moins pour vous.
12:24Mais donc,
12:24je rappelle que vous avez remis
12:26donc ce rapport
12:26à Emmanuel Macron
12:27sur l'exploitation minière
12:29des fonds marins,
12:29sur lesquels vous appelez
12:30un moratoire
12:32pour les 15 prochaines années.
12:34Il faut aller au-delà
12:34du principe de précaution.
12:36Expliquez-nous
12:37en quoi il faut aller plus loin.
12:39C'est simplement
12:40parce que les scientifiques
12:42avaient souvent eu l'habitude
12:43de dire
12:43on fait une analyse
12:45et voilà ce que l'on conclut
12:46de cette analyse.
12:47La conclusion de l'analyse
12:48qu'on a pu faire
12:49avec un panel de scientifiques
12:50et à l'international,
12:52c'est de dire
12:52il faut appliquer
12:52un principe de précaution.
12:53Il y a vraiment des choses
12:54qu'on ne connaît pas bien.
12:55Et moi, il m'a semblé
12:56que c'était important
12:56de franchir un pas de plus,
12:58c'est-à-dire
12:59de tenir en quelque sorte
13:00presque la main du politique
13:01et lui faire une proposition concrète
13:03en disant
13:03si on veut mettre en place
13:04ce principe de précaution,
13:05voilà, ils font un moratoire
13:06de 10 à 15 ans.
13:07Et on l'a même chiffré.
13:08On l'a chiffré
13:09pour pas que ça soit dans l'infini
13:10et qu'éventuellement
13:11on veut mettre à l'accompagnement
13:12ou d'autres disent
13:12c'est scientifique,
13:13de toute façon
13:14c'est toujours le même discours,
13:15ils veulent toujours en savoir plus
13:16et dans 10 ans ça sera pareil,
13:18dans 20 ans ça sera pareil,
13:19donc de toute façon
13:19on n'a pas besoin de leur avis.
13:20Non, c'est de dire
13:21voilà, on veut un moratoire
13:22et pour ce moratoire,
13:24pourquoi c'est faire ?
13:25C'est pour mieux comprendre
13:25justement les grands cycles
13:27auxquels je faisais allusion
13:28tout à l'heure,
13:29comment fonctionnent
13:30ces grands cycles,
13:30comment, en quoi finalement
13:32ce compartiment
13:32de l'océan profond
13:34qui est très loin de nos yeux,
13:35il est quand même
13:36interconnecté
13:37au reste de la planète.
13:38The Metals Company
13:38pour nos auditeurs,
13:40c'est une multinationale canadienne
13:42qui s'appelle TMC
13:44et qui veut déjà contourner
13:46le rôle de cette autorité
13:48internationale des fonds marins.
13:50Combien de pays aujourd'hui
13:51s'engagent,
13:53comme la France par exemple,
13:54à ne pas exploiter
13:55les fonds marins ?
13:56Alors, pour le moment,
13:57d'après l'ambassadeur
13:58pour les pôles et la mer,
13:59Olivier Paul d'Arvor,
14:01il y a un peu plus de 30 pays
14:02qui se sont engagés
14:03derrière le moratoire,
14:04derrière l'idée d'un moratoire
14:05et j'espère qu'à Nice,
14:06il y en aura d'autres
14:07qui vont se joindre
14:08le 9 juin prochain,
14:09donc au sommet des océans.
14:10Cette idée d'un moratoire
14:11de manière à ce qu'il y ait
14:12une pression internationale.
14:13Je ne suis pas du tout certain
14:14que ça suffise.
14:15Je ne suis pas d'un optimisme
14:16complètement béat et naïf.
14:18Je ne suis pas certain
14:18que ça suffise,
14:19mais j'espère qu'il y aura
14:20plus de pays
14:21qui vont s'engager
14:21dans cette direction.
14:2260, ça serait un minimum, oui.
14:24Et pourquoi 60 ?
14:25Parce que je crois
14:25que c'est une règle de l'ONU.
14:26Alors, j'avance là
14:27sur un terrain miné pour moi.
14:28Oui, vous n'êtes pas diplomate.
14:29Je ne suis pas diplomate,
14:30mais je crois que c'est un minimum
14:31pour qu'il y ait quelque chose
14:33qui s'enclenche derrière
14:34et qu'il y ait une régulation
14:35qui puisse éventuellement
14:36se mettre en place
14:37de manière plus efficace.
14:38Mais vous y serez, vous,
14:38par exemple,
14:39au sommet de Nice
14:40le 9 juin ?
14:41Alors, je serai à Nice.
14:42Je serai à Nice, oui.
14:43Et vous allez essayer
14:44de convaincre ?
14:45Vous allez partir
14:46avec votre rapport
14:47et essayer de convaincre
14:48les décideurs, les pays ?
14:49Mon rapport sera diffusé,
14:50mais ça se passe
14:50dans des réunions internationales
14:52qui sont très codifiées
14:53par l'Organisation des Nations Unies.
14:54Il y a deux zones,
14:55une zone verte,
14:55une zone de...
14:56Enfin, je vous passe les détails.
14:57Je suis invité dans la zone bleue.
14:59J'ai une accréditation zone bleue,
15:00donc avec les diplomates,
15:01mais les scientifiques
15:02n'ont pas la parole directement.
15:03Et qui est-ce qui bloque,
15:05en fait, ce moratoire ?
15:07Alors, il y a les États-Unis,
15:08on en parlait tout à l'heure.
15:09Il y a d'autres grands pays
15:10qui s'opposent
15:10à ce qu'on empêche
15:11pour le moment
15:12l'exploitation des grands fonds marins ?
15:14Alors, il y a des grands pays,
15:14il y a des petits pays,
15:15à Neuro, dans le Pacifique,
15:16une petite île
15:17qui, elle, veut exploiter
15:19pour des raisons
15:19de développement économique
15:20de sa population aussi.
15:22Et ça s'entend.
15:22Et ça peut s'entendre.
15:23Il y a des billards à trois bandes,
15:25par exemple le Chili
15:25et pour le moratoire,
15:27parce que,
15:27comme ils ont des mines à terre,
15:28ils n'ont pas forcément envie
15:29d'avoir de la concurrence en mer.
15:31J'imagine que ça peut être ça,
15:33mais il y a peut-être
15:33d'autres raisons.
15:34Et puis, ils ont l'une
15:40envie de préserver
15:40leurs ressources naturelles
15:42et ne pas les laisser exploiter
15:44par d'autres.
15:45Ça, on peut l'imaginer.
15:46Il y a de nombreuses questions
15:47d'auditeurs
15:47sur l'appli d'Inter.
15:49Et notamment, alors,
15:50qu'est-ce que le dark oxygène
15:52découvert récemment
15:54par les scientifiques,
15:55vous demande Olivia ?
15:56Dark oxygène,
15:58ça apparaît tout de suite
15:59menaçant, sombre.
16:00Ça n'a rien à voir
16:01avec Dark Vador.
16:02Non.
16:03Non, c'est l'année dernière,
16:04on a découvert
16:04que les nodules
16:05produisaient de l'oxygène.
16:07Donc, il y avait de l'oxygène
16:08qui était fabriqué
16:09par les nodules,
16:10donc par des bactéries,
16:11des micro-organismes
16:12qui sont à la surface
16:12des nodules,
16:13qui fabriquent un peu
16:14d'oxygène.
16:15On ne sait pas encore
16:16si c'est beaucoup.
16:17On ne sait pas encore
16:18si ça reste à proximité
16:19du fond et à proximité
16:20des nodules
16:21ou si ça passe également
16:22dans le reste
16:23de ce qu'on appelle
16:23la colonne d'eau,
16:24c'est-à-dire toute l'épaisseur
16:25de l'eau entre le fond
16:26et la surface.
16:27Est-ce que de l'océan,
16:29ça passe dans l'atmosphère ?
16:30Quel volume ça représente ?
16:31Comment ça participe
16:32au grand cycle
16:32de l'oxygène sur Terre ?
16:33On ne sait pas.
16:34Donc c'est vraiment
16:35emblématique
16:36et cette découverte
16:36finalement a apporté
16:37de l'eau à Montmoulin
16:38dans la mesure
16:39où c'est emblématique
16:40de choses qu'on ne connaît pas
16:41et qu'il faudrait
16:42absolument connaître
16:43avant d'aller y mettre
16:44les pieds
16:45et de commencer
16:45à ravager un peu tout ça.
16:47C'est-à-dire une démarche
16:48scientifique
16:49mais en même temps
16:49un combattant
16:51pour la biodiversité.
16:52Ce que vous êtes
16:53et depuis longtemps,
16:54je rappelle que vous êtes
16:55l'auteur d'un livre
16:56qui avait marqué
16:56les esprits à l'aube
16:57de la sixième extinction,
16:59comment habiter la Terre.
17:01Vous êtes un spécialiste
17:02de la biodiversité
17:03de crise en crise
17:05parce qu'il n'y a pas
17:06qu'une seule crise continue
17:08et d'ailleurs
17:09quand on parle
17:10de crise climatique,
17:11il y a la question
17:12du réchauffement
17:12et de l'accélération
17:13du réchauffement.
17:15Est-ce qu'elle touche aussi
17:16ces espaces,
17:18ces fonds marins
17:18aussi profonds ?
17:20Alors sans aller
17:20jusqu'au Marianne
17:21et à 11 000 mètres
17:23sous les mers,
17:25est-ce que c'est un espace
17:26aussi qui est concerné
17:27par ce qui nous arrive
17:29à la surface ?
17:31Alors pour le moment,
17:31non.
17:32On ne peut pas dire
17:32très objectivement
17:33qu'il n'y a pas
17:34de réchauffement
17:35des masses d'eau
17:35à 3 000 ou 4 000 mètres
17:37de profondeur.
17:37En tout cas,
17:38pas pour le moment.
17:39Le problème de l'océan,
17:40c'est qu'il y a
17:40une très forte inertie.
17:41C'est-à-dire que si jamais
17:42on arrivait à réchauffer
17:43des masses d'eau
17:44qui soient en profondeur,
17:45ça serait du quasi définitif.
17:47En fait, du définitif
17:48à notre échelle de vie.
17:49C'est-à-dire que ça reprendrait
17:50des millénaires
17:51pour éventuellement
17:51revenir en arrière.
17:53Moi, ce que je voulais dire aussi,
17:54c'est qu'il y a une vertu
17:56à vouloir électrifier
17:57et à résoudre
17:58le problème
17:58du changement climatique.
17:59En disant,
18:00on va passer
18:00à des électrifications.
18:01Ce qui demande
18:02l'usage de ces métaux
18:03dont on parle
18:03qui sont sur les véhicules.
18:04C'est-à-dire qu'au lieu
18:05d'extraire du charbon,
18:06du pétrole et du gaz,
18:07on va extraire des minerais,
18:08des métaux,
18:09pour passer
18:10à cette électrification
18:11et notamment avoir
18:11du cuivre,
18:12du nickel,
18:13du cobalt,
18:13enfin tout ce qu'il faut
18:14pour faire des batteries.
18:15Mais à mes yeux,
18:16on va essayer
18:17de résoudre un problème
18:18qui est un problème
18:18très réel
18:19qui est le problème
18:19du changement climatique
18:20qui est un problème grave
18:21en basculant peut-être
18:23ou en ouvrant la porte
18:24à un autre problème
18:25dont on ne sait pas encore
18:26s'il sera moins grave,
18:28aussi grave ou plus grave.
18:29Et le moratoire,
18:30c'est de dire,
18:31il faut quand même
18:31estimer un petit peu
18:32la gravité
18:34que représenterait
18:35l'exploitation
18:35de ces grands fonds marins.
18:37Question de Martin
18:38sur l'appli Radio France.
18:39Pouvez-vous nous expliquer,
18:41Bruno David,
18:42les risques
18:42pour les fonds marins
18:44de ce qu'on appelle
18:45la scène d'Emersal ?
18:47C'est une nouvelle technique
18:48de pêche technologique
18:50que vous connaissez.
18:51Elle consiste à placer
18:52un filet en forme
18:53d'entonnoir
18:54dans le fond marin
18:55relié par ses deux extrémités
18:58à un câble
18:58qui est déployé
18:59sur le fond
19:00et qui encercle
19:01une surface
19:02assez considérable
19:04de 3 km².
19:06Alors,
19:06est-ce que c'est
19:07une technologie
19:08de pêche risquée ?
19:09Faut-il l'interdire ou pas ?
19:11Alors,
19:11moi,
19:11je pense qu'il faut
19:12interdire la pêche profonde.
19:13La pêche profonde,
19:14c'est-à-dire ?
19:15La pêche profonde
19:15sur au-delà
19:16de 1000 mètres de profondeur
19:17ou de plusieurs centaines
19:18de mètres de profondeur
19:19simplement parce que
19:20les organismes
19:21qui vivent là
19:22sont des organismes
19:23avec un métabolisme
19:24très lent
19:24et que,
19:25si je prends une image,
19:26on pêche des poissons centenaires.
19:28Autrement dit,
19:29pour fabriquer un kilo de poissons,
19:30il faut 100 ans.
19:31Donc,
19:31on comprend très bien
19:32que s'il faut 100 ans
19:33pour fabriquer un kilo de poissons,
19:34si vous y allez tous les ans,
19:35au bout d'un moment,
19:36ça coince.
19:36Mais ce ne sont pas
19:37les poissons
19:38que l'on trouve
19:38sur les étals
19:39des supermarchés
19:40ou chez les poissonniers.
19:41On a trouvé ce type de poissons.
19:42De temps en temps ?
19:42Notamment,
19:43il y avait des flottilles
19:44ou des flottes
19:45qui allaient chercher
19:46justement des poissons
19:47dans ces grands fonds.
19:49Il y a eu des moratoires,
19:50là aussi.
19:50Il y a eu des interdictions
19:51à l'échelle européenne.
19:53Et il faut interdire
19:54ce type de pêche
19:55parce que pêcher des poissons,
19:57notamment des grenadiers,
19:57par exemple,
19:58qui mettent 100 ans
19:59à se fabriquer,
20:01on comprend très bien
20:02que si vous coupez
20:02un chêne tous les ans,
20:04au bout d'un moment,
20:04vous n'en avez plus.
20:05Mais il y a des institutions
20:06internationales efficaces
20:07sur la pêche,
20:08par exemple,
20:08sur le thon,
20:09il y a l'ICAT.
20:10Pourquoi n'y aurait-il pas
20:11la même chose
20:12pour protéger les fonds marins ?
20:14Alors,
20:14c'est un petit peu
20:15ce qu'on espère.
20:16C'est ce que vous espérez.
20:17J'espère que de Nice
20:18sortira cela aussi.
20:19Il y a des traités
20:20qui sont en train
20:21de se négocier.
20:21Il y en a un qui porte
20:22un nom épouvantable.
20:23Il s'appelle BBNG.
20:24Ça veut dire
20:24Biodiversity Beyond National Juridiction.
20:26Au-delà des juridictions nationales.
20:28Au-delà des juridictions nationales.
20:29C'est pour justement
20:29réguler la pêche,
20:30réguler les activités halieutiques
20:32au-delà des juridictions nationales.
20:35Mais,
20:36encore une fois,
20:36qui surveille,
20:37qui fait la police ?
20:38Quelles sont les conséquences
20:39de quelqu'un
20:40qui ait pris la main dans le sac ?
20:41Quelles conséquences il encourt ?
20:42Tout ça,
20:43ça reste très flou.
20:44Donc,
20:44il faut réguler.
20:45Il y a urgence,
20:45Bruno David,
20:46parce que les entreprises
20:47et les États
20:48veulent arriver à...
20:49Certaines entreprises,
20:49certains États
20:50veulent arriver à un calendrier
20:51d'ici 2025.
20:52Ça veut dire que
20:53si on n'y arrive pas,
20:54quand est-ce qu'elle va commencer
20:55l'exploitation de ses fonds ?
20:56Elle risque de commencer
20:57très rapidement
20:57parce qu'il y a des entreprises
20:58comme The Metal Company,
21:00TMC,
21:00qui a beaucoup investi.
21:02Donc,
21:02maintenant,
21:02ils sont au milieu du guet
21:03et j'imagine que
21:04dire à leurs actionnaires
21:05« Ah ben non,
21:06mais finalement,
21:06on a déjà dépensé
21:07quelques milliards
21:08et on va les oublier
21:10et on va passer à autre chose »,
21:12ça ne ferait pas forcément plaisir.
21:13Donc,
21:14ils sont un peu trop avancés,
21:15peut-être de manière inconsidérée
21:16et maintenant,
21:17c'est difficile pour eux
21:18de revenir en arrière.
21:18Donc,
21:18il faut faire vite.
21:19Il faut faire vite
21:20et il faut une régulation.
21:22Merci infiniment,
21:23Bruno David,
21:25et vraiment
21:25de nous avoir permis
21:26de comprendre
21:27les enjeux de ce combat
21:28qui reste à mener
21:29de tout le travail scientifique
21:31qu'il reste à faire
21:32justement pour mieux comprendre
21:34ce qui occupe
21:36une immense partie
21:37de notre planète
21:38et que nous connaissons
21:39si peu.
21:41Vous allez suivre
21:41Roland-Garrous,
21:42j'imagine,
21:42du coup ?
21:43Écoutez,
21:44je vous dirais
21:44si les balles sont lourdes.
21:46Si les balles sont lourdes
21:47pour voir les nodules
21:48rebondir
21:49de part et d'autre
21:50d'un filet.
21:51Merci infiniment,
21:52Bruno David,
21:52d'avoir été l'invité d'Inter.
21:53Merci.
21:53Merci.

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