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  • 23/05/2025
Regardez L'invité de Yves Calvi du 23 mai 2025.

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Transcription
00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Il est 18h19, bonsoir Nathalie Coutinet.
00:06Vous êtes économiste de la santé, enseignante-chercheuse au Centre d'économie de l'Université de Paris-Nord.
00:12Des pénuries massives, selon les représentants des pharmaciens,
00:16les trois quarts des officines sont actuellement touchées par des ruptures de stock,
00:20notamment sur les traitements psychiatriques.
00:22Il s'agit de médicaments contre l'anxiété, la dépression ou la bipolarité.
00:26Comment expliquez-vous cette situation ?
00:28Par exemple, si on prend juste une molécule, la kétiapine,
00:32qui est très utilisée dans le cadre des troubles bipolaires,
00:35ça s'explique par le fait que la principale usine de fabrication qui se situe en Grèce,
00:40qui approvisionne 60% du marché français,
00:43est en arrêt de production pour un problème de qualité.
00:47Et donc, on voit que le fait ici que seules une ou deux usines produisent une molécule
00:53suscite des risques très importants de tension ou de rupture d'approvisionnement.
00:58Qu'appelle-t-on un problème de qualité, très précisément ?
01:01La production de médicaments, elle est très, très contrôlée,
01:05heureusement, parce que c'est un produit dangereux.
01:07Oui, bien sûr.
01:07Alors, le problème de qualité en lui-même rencontré par cette usine, je ne le sais pas,
01:12mais ça peut être des problèmes sanitaires, ça peut être sur les chaînes de montage un défaut
01:17qui fait que la production est arrêtée parce qu'évidemment, dans le cas d'un médicament,
01:22le moindre soupçon de défaut de qualité entraîne la fermeture de l'usine ou l'arrêt de la chaîne de production.
01:28Alors, je pense que nos auditeurs sont surpris de découvrir que la France, en fait,
01:31n'est plus un pays important dans la production de médicaments.
01:33Vous nous le confirmez ?
01:35Alors, la France reste quand même, dans le monde, un pays important en termes de fabrication de médicaments,
01:40mais effectivement, la place qu'avait la France a beaucoup baissé ces dernières années.
01:45L'Italie, par exemple, qui était classée derrière la France il y a encore quelques années,
01:49est aujourd'hui passée devant.
01:51Donc, on a effectivement perdu des parts de marché mondial sur la fabrication de médicaments.
01:55Pourquoi ?
01:57C'est difficile de répondre clairement à cette question.
02:02Les entreprises, d'abord, c'est très difficile de suivre exactement,
02:08de tracer, si vous voulez, toute la fabrication d'un médicament
02:11parce qu'aujourd'hui, il y a énormément, comme dans d'autres ailleurs industries,
02:15il y a beaucoup de sous-traitances.
02:17Et la fabrication de médicaments est décomposée en différentes étapes
02:21qui peuvent être produites de différents endroits du monde.
02:24Par exemple, le principe actif d'un médicament, qui est la substance qui soigne,
02:28est souvent produite en Asie, en Chine ou en Inde.
02:31Et puis ensuite, ces principes actifs sont rapatriés plus souvent aux États-Unis et en Europe,
02:36sont ensuite par des façonniers mélangés à des excipients
02:39pour faire un comprimé, une gélule ou que sais-je.
02:43Et puis ensuite, ça va être mis dans des boîtes, etc.
02:45Et ce n'est pas forcément les mêmes entreprises qui vont faire toutes ces étapes.
02:49Et donc, il faut être capable de suivre, de savoir telle usine utilise tel principe actif
02:55qui vient de tel pays.
02:56Et ça, c'est extrêmement complexe.
02:57Alors, ce que vous nous dites est à la fois passionnant et très surprenant,
03:01je pense, pour beaucoup de nos auditeurs.
03:02Ce sont la Chine et l'Inde, les pharmacies du monde aujourd'hui ?
03:05En tout cas, les producteurs de premiers produits ?
03:07Oui, de principe actif, oui, essentiellement, tout à fait.
03:11Et puis, alors, par contre, ce ne sont pas forcément les fabricants du comprimé
03:15tel que nous, on peut l'utiliser ou le voir,
03:19puisque ça, c'est plutôt fabriqué pour le moment encore dans les pays du Nord,
03:24Etats-Unis et puis Europe.
03:26Mais est-ce qu'on fait fabriquer à l'étranger sous nom français ?
03:30Vous comprenez ma question ?
03:32Oui.
03:32Alors, pas forcément.
03:35C'est souvent les grands laboratoires pharmaceutiques qu'on connaît,
03:38Sanofi, Pfizer, etc.
03:39se sont beaucoup séparés de leurs unies de fabrication,
03:45comme d'ailleurs d'autres entreprises.
03:47Et ce ne sont plus forcément ces marques qui fabriquent les médicaments.
03:50Elles les font fabriquer par des sous-traitants
03:52qui sont, comme je le disais, localisés en Europe ou aux Etats-Unis,
03:57mais qui n'appartiennent plus aux grands laboratoires pharmaceutiques.
04:01Un petit peu comme Apple ne fabrique pas ses ordinateurs, si vous voulez.
04:05De plus en plus, dans le secteur pharmaceutique,
04:07on a cette configuration-là,
04:09où les laboratoires font fabriquer les molécules.
04:12Et c'est le cas notamment pour Sanofi,
04:14qui a longtemps été quand même le fleuron français.
04:17Oui, c'est le cas de Sanofi,
04:18mais comme d'autres,
04:20c'est vraiment une tendance mondiale.
04:22Il n'y a pas de spécificité française en la matière.
04:25Le problème français, c'est peut-être qu'on manque de fabricants, justement.
04:30Alors, il y a des fabricants français,
04:32mais certains ont rencontré des difficultés financières,
04:35parce que c'est souvent adossé à des fonds d'investissement américains
04:39qui cherchent la rentabilité.
04:41Et dans le cas de médicaments génériques,
04:43c'est-à-dire médicaments qui ont perdu leur brevet,
04:45ce ne sont pas des médicaments qui sont très rentables.
04:48Et effectivement, c'est un peu difficile.
04:49La marge n'est pas la même.
04:50Voilà.
04:51Il vaut mieux produire des médicaments innovants,
04:54qui sont rémunérés très, très chers,
04:57plutôt que ces médicaments qu'on appelle génériques,
04:59qui sont anciens,
05:00mais qui restent très, très efficaces
05:02sur un certain nombre de pathologies.
05:05Sanofi a annoncé investir 20 milliards de dollars aux Etats-Unis.
05:08Ça ne plaît pas beaucoup à Bercy, d'ailleurs.
05:09Mais en revanche, un patron comme Michel-Édouard Leclerc
05:11nous dit que c'est une très bonne idée.
05:13Que faut-il en penser ?
05:14Qui joue quel rôle dans tout cela ?
05:17Alors, il y a des effets d'annonce
05:19qui sont liés aux mesures qu'annonce Trump régulièrement.
05:22On ne sait pas d'ailleurs si elles seront suivies des faits,
05:25puisque Trump a annoncé augmenter fortement les droits de douane
05:29sur les médicaments qui ne seraient pas produits aux Etats-Unis.
05:32D'ailleurs, les Etats-Unis sont un importateur de médicaments
05:36vis-à-vis de l'Europe.
05:38Et donc, pour essayer de combattre ça,
05:40les firmes ont promis des investissements massifs, tous.
05:43On ne sait pas forcément si ces investissements,
05:46ils n'étaient pas déjà programmés.
05:47Donc, c'est un petit peu difficile de s'y retrouver.
05:50En revanche, moi, je ne suis pas trop d'accord
05:52avec Michel-Édouard Leclerc.
05:53Il ne faut pas que la production de médicaments quitte l'Europe
05:57parce qu'il y a ensuite une question de souveraineté sanitaire
06:00et de dépendance de l'Europe au bon vouloir d'autres pays
06:04pour un produit qui est extrêmement sensible
06:09en termes de santé publique.
06:10L'Allemagne n'a pas hésité à investir pour son vaccin
06:13contre le Covid-19 dans l'entreprise BioNTech.
06:15Ça serait une bonne idée, notamment pour la France ?
06:18Alors, il y a différentes stratégies.
06:20Ce qu'il faut absolument, à mon sens,
06:22c'est relocaliser la production d'un certain nombre de molécules,
06:25ce qu'on appelle les molécules latérales thérapeutiques majeures,
06:27c'est-à-dire celles qui sont très importantes
06:29et qui n'ont pas forcément de médicaments alternatifs.
06:32C'est le cas de la kétiapine, par exemple,
06:33comme on parlait au début.
06:35Il n'y a pas de médicaments alternatifs.
06:36Donc, c'est extrêmement important pour les malades de troubles bipolaires,
06:40par exemple, qui n'ont plus le médicament qui les soigne.
06:44Donc, il faut effectivement envisager une stratégie,
06:48à mon sens, de grande ampleur au niveau européen
06:50pour relocaliser un certain nombre de molécules
06:53plutôt que d'aller au cas par cas.
06:55Alors, il faut effectivement aussi encourager l'innovation,
06:58comme l'a fait l'Allemagne avec BioNTech.
07:00Mais il ne faut pas négliger non plus les médicaments anciens.
07:04Et la stratégie française est aujourd'hui plutôt
07:07une stratégie de saupoudrage,
07:08un petit peu d'aide à différentes entreprises,
07:11sans forcément qu'on comprenne
07:13ou qu'on ait le plan de cohérence globale.
07:16Une toute dernière question importante pour nos auditeurs.
07:18Je vous demanderai une réponse brève, pardonnez-moi.
07:20Mais est-ce qu'on peut être vraiment confronté,
07:22à moyen terme, à de vraies pénuries de médicaments durables ?
07:25C'est très difficile de répondre.
07:28Mais dans l'absolu,
07:30rien ne nous permet de ne pas envisager ce scénario.
07:33Même à l'hôpital ?
07:35À l'hôpital, les schémas d'approvisionnement sont différents.
07:38Donc, c'est peut-être moins tendu à l'hôpital.
07:41D'ailleurs, il y a moins de pénuries à l'hôpital
07:44que dans les pharmacies d'officine.
07:45Mais on peut aussi avoir des lamoxicilines.
07:49Par exemple, l'hiver dernier, il y a deux hivers,
07:51était en tension très forte partout dans le monde,
07:53y compris dans les hôpitaux.
07:54Merci infiniment de toutes ces précisions, Nathalie Coutinet,
07:57économiste de la santé, enseignante-chercheuse
07:59au Centre d'économie de l'Université de Paris-Nord.
08:01Dans Direction Cannes, dans un instant,
08:04dernier jour de compétition au festival
08:05et l'homme du jour, c'est Roche Dizem.
08:07L'acteur est à l'affiche de deux films présentés hors compétition,
08:10dont un biopic sur le couple mythique Montand Signoret.
08:13Stéphane Boutsocque l'a rencontré.
08:14RTL Soir
08:17Yves Calvi et Agnès Bonfi