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  • 21/05/2025
L’Agence France Presse, rentable en 2024 pour la 6e année consécutive, a toutefois perdu son contrat avec Meta (Facebook, Instagram) pour ses activités de fact-checking. L’entreprise de Mark Zuckerberg a en effet décidé d’arrêter de faire de la vérification d’information sur ses réseaux sociaux aux Etats-Unis. En attendant peut-être d’élargir cette décision au monde entier, et d’être suivie par Google et TikTok.

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Transcription
00:00Et votre invitée média Céline Maïd-Arcourt est le PDG de l'AFP, l'agence France Presse.
00:08C'est l'une des trois agences d'information mondiale à couvrir les événements partout sur la planète
00:12afin de fournir des dépêches et des vidéos aux médias.
00:16Et malgré un contexte difficile, elle vient de présenter des résultats financiers positifs.
00:20Bonjour Fabrice Frisse.
00:21Merci d'être avec nous.
00:22L'AFP est en effet une entreprise, donc elle se doit d'être rentable,
00:25ce qui a encore été le cas en 2024, malgré des dépenses exceptionnelles
00:29liées à la couverture des Jeux Olympiques qui se déroulaient à Paris
00:32et puis aussi aux guerres en Ukraine et au Proche-Orient.
00:35Qu'est-ce qui vous sauve ?
00:36Lesquelles de vos activités affichent de la croissance ?
00:40C'est beaucoup l'activité vidéo qui est un produit nouveau,
00:46qui est installé depuis dix ans et qui est maintenant le meilleur du marché,
00:50je n'hésite pas à le dire, de par la diversité de la couverture et puis la qualité éditoriale.
00:57Et donc c'est ça qui nous a tirés ces dernières années.
01:02Nos principaux clients, ce sont les grandes chaînes de télé, c'est France Info qui est abonné,
01:09donc ce fil vidéo, mais l'ensemble de l'activité s'est plutôt pas mal porté.
01:13Et effectivement dans un monde des médias, puisque ce sont principalement nos clients
01:17qui sont un peu étranglés économiquement, on a fait de la croissance,
01:22ce qui est une belle performance collective de toutes les équipes AFP.
01:25Voilà, c'est vrai que les revenus des médias décroissent en raison d'un marché publicitaire
01:29qui est de plus en plus phagocyté par les GAFAM, les Google, les Amazon, etc.
01:34Est-ce que les médias peuvent encore se permettre d'être abonnés aux trois agences mondiales,
01:39l'AFP, Reuters et Associated Press ?
01:42Est-ce que vous constatez des désabonnements petit à petit ?
01:45De moins en moins, ils peuvent se le permettre et on voit des grands clients qui avant effectivement
01:50avaient les trois fils, n'en prennent plus que deux et bientôt plus qu'un.
01:55Et notre stratégie, c'est d'être celle qui sera retenue en dernier recours.
02:00Alors pour ça, il faut assurer à un client qu'il aura toute la couverture possible,
02:06des grands événements au moins grand.
02:08Nous, notre force, c'est notre réseau de terrain.
02:10C'est ce qui explique que par exemple, si vous voulez suivre le tremblement de terre en Birmanie
02:15ou bien la chute de Bachar et l'Assad, vous devez avoir un bureau sur place
02:21avec des journalistes permanents et pas des correspondants que vous envoyez de l'étranger
02:25qui arrivent deux jours après l'événement, le temps d'arriver sur place.
02:28Ça, c'est la force de l'AFP.
02:30Et c'est ce qui fait que nous sommes retenus par les BBC, Al Jazeera, CNN et autres
02:34qui sont nos grands clients, c'est parce qu'on peut les rassurer
02:38sur le fait qu'on aura cette couverture de tous les événements,
02:41de toutes les breaking news dans le monde entier.
02:44Ce qui n'est pas le cas donc des deux agences concurrentes ?
02:47Écoutez, on a forcé de constater qu'on a plutôt gagné des parts de marché ces dernières années.
02:52Mais on est face à des concurrents évidemment extrêmement redoutables.
02:56Mais on tire tout à fait notre épingle du jeu.
02:58On est à égalité, je dirais, dans ce combat.
03:01Et c'est une belle performance pour une entreprise aux racines françaises
03:05d'arriver à exister dans ce marché très anglo-saxon.
03:09Nous sommes la seule agence européenne des trois grandes mondiales.
03:12Donc c'est pas mal.
03:14L'année 2025 a pourtant mal commencé pour l'AFP
03:16parce qu'elle a perdu l'un de ses contrats.
03:18Meta a en effet cessé ses activités de fact-checking sur Instagram et Facebook aux Etats-Unis.
03:24Le fact-checking, je rappelle ce que c'est, c'est la vérification d'une info qui a déjà été publiée.
03:29C'est un moyen de lutter contre les fake news.
03:30Or, l'AFP contribuait à ce fact-checking en échange de revenus.
03:35Est-ce qu'on peut craindre déjà que Meta élargisse cette décision au reste du monde ?
03:39Et qu'il n'y ait plus de fact-checking dans le monde entier sur ces réseaux ?
03:42Alors cette activité de fact-checking est l'autre activité qui nous a beaucoup tiré ces dernières années
03:47puisqu'on a mis en place le plus grand réseau de fact-checking au monde.
03:52Donc c'est un facteur de différenciation par rapport à nos concurrents.
03:55150 journalistes à l'AFP, c'est ça ?
03:56Il y a 150 journalistes qui font ça à temps plein dans le monde entier.
04:00La décision de Meta qui a été prise en début d'année s'est concentrée sur les Etats-Unis.
04:04Donc là, on a déjà perdu.
04:05On avait en gros 11 fact-checkers.
04:07Là, on a dû redimensionner l'équipe.
04:11Il est très possible...
04:11Donc licencié ?
04:12Non, alors on a sur 10, très concrètement, ça vous donne un exemple de ce qu'on va faire
04:17si jamais cette décision est élargie par malheur au monde entier.
04:22On veut garder cette expertise parce qu'on considère que c'est essentiel dans le monde d'aujourd'hui
04:25d'être bon sur la désinformation parce que ça fait partie de l'info.
04:30Vous ne pouvez pas traiter d'un sujet aujourd'hui, malheureusement,
04:33sans vous intéresser aussi à toute la désinformation qui circule.
04:37Et donc avoir des équipes spécialisées en la matière, c'est absolument indispensable.
04:40Donc on redimensionnera le réseau, forcément, on ne gardera pas les 150.
04:45Mais on va garder un noyau dur très solide.
04:47Donc pour prendre l'exemple américain, on a gardé 4 fact-checkers
04:52qui se font beaucoup de fact-checking sur les Etats-Unis, sur la planète,
04:56des sujets un peu globaux.
04:58On en a sorti 3 qui étaient des CDD et on en a réaffecté dans le réseau les autres.
05:03Ça doit faire 4 plus 3, ça fait 7 plus 10 plus 4 qu'on a réaffecté dans le réseau d'autres choses.
05:09C'est ce qu'on fera si, par malheur, étendu à l'ensemble de l'agence, Meta décide d'arrêter.
05:16La décision n'est pas encore prise.
05:17Pour 2025, ils ont décidé de continuer.
05:20Le sujet, ce sera plutôt pour 2026.
05:22On doit se préparer au pire, évidemment.
05:24Il y a aussi le risque que Google, TikTok prennent la même décision.
05:27Suivent, évidemment.
05:28Il n'y a aucune pression politique aux Etats-Unis, évidemment.
05:30Bien au contraire, sur ces plateformes, pour qu'elles continuent la bataille contre la désinformation.
05:35C'est bien au contraire.
05:36C'est pour ça que Zuckerberg a pris une décision purement politique.
05:40Ce qui peut nous protéger, c'est le régulateur, en Europe, bien sûr, mais aussi au Brésil, en Inde.
05:48Le régulateur peut dire, attendez, les plateformes doivent mettre en place,
05:53doivent se doter des moyens de lutter contre la désinformation.
05:56Ça peut être le fact-checking, ça peut être autre chose, naturellement.
05:59Mais il faut qu'il y ait une action, et c'est bien naturel.
06:02L'AFP se diversifie de plus en plus.
06:04Vous venez de nouer un partenariat avec Mistral,
06:06qui est la start-up française de l'intelligence artificielle,
06:08qui propose son robot conversationnel, qui est l'équivalent de ChatGPT.
06:12Vous mettez vos archives depuis 1983 ?
06:16Depuis qu'elles sont numérisées, oui.
06:17À leur disposition, il y en a combien ?
06:20Je crois que c'est 11 millions de dépêches.
06:2411 millions de dépêches.
06:26Et que va en faire Mistral ?
06:27Il alimente le chatbot, qu'on dit en français, l'agent conversationnel,
06:33ce n'est pas très joli, qui s'appelle le chat.
06:36Il lui permet, quand le chat répond à une de vos questions,
06:40qui est centrée sur l'actu, c'est plutôt les sources AFP qui remontent,
06:45et qui vont nourrir la réponse.
06:47Donc ce n'est pas pour entraîner le modèle, mais plutôt pour l'alimenter.
06:50Oui, c'est pour l'alimenter. L'objectif pour nous, c'était d'abord d'atteindre une nouvelle catégorie de clients.
06:58Les médias étant un peu étranglés économiquement, on est bien forcés de trouver d'autres catégories de clients.
07:05Entreprises, administrations, ça a été les plateformes ces derniers temps,
07:09qui ne sont pas à proprement parler des médias, même s'il pourrait y avoir un débat là-dessus.
07:14Maintenant, c'est les acteurs de l'IA.
07:16Donc c'est une nouvelle catégorie de clients pour de nouveaux usages aussi de l'info,
07:20puisque là, il ne s'agit pas de faire de la veille média,
07:23vous n'utilisez pas le chat pour faire la veille média,
07:25mais plutôt pour répondre à des questions dans le domaine du travail.
07:30Ça peut être un étudiant, mais c'est beaucoup la cible,
07:33c'est beaucoup les entreprises et les administrations.
07:36Et comme vous savez, la force d'un chatbot, c'est de générer du contenu
07:42à partir de quelque chose d'existant, et pour répondre à des besoins extrêmement pratiques en entreprise,
07:48préparer un mémo, préparer une visite commerciale, etc.
07:51Donc, nouveaux clients, nouveaux usages de nos contenus pour un public très entrepris.
07:55Et nouveaux revenus pour l'AFP, c'est quoi le deal financier ?
07:57Donc, nouveaux revenus, on ne peut pas le dévoiler, c'est souvent comme ça que ça se passe.
08:02Mais enfin, c'est conséquent ?
08:03C'est conséquent, bien sûr.
08:05Ça ne va pas compenser la perte de Meta,
08:08qui est un acteur qu'on a développé sur 10 ans.
08:12Là, c'est une première année, puis Mistral est encore...
08:15À ses débuts ?
08:16À ses débuts.
08:16Merci beaucoup, Fabrice Péz.
08:18PDG de l'agence France Presse, merci beaucoup à tous les deux.

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