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  • 19/05/2025

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00:00Le carrefour de l'info sur Arabelle.
00:06Et dans ce carrefour de l'information, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a récemment adopté
00:11une réforme de l'enseignement qualifiant qui suscite pas mal de polémiques jugées brutales, précipitées, mal adaptées aux réalités du terrain.
00:19Une réforme qui affecte tout particulièrement les jeunes issus de milieux socio-économiquement défavorisés.
00:25Plusieurs associations dont Inforjeune-Laken ont décidé de saisir la cour constitutionnelle
00:30dénonçant une atteinte grave à l'égalité des chances et aux droits de l'éducation.
00:34L'audience est prévue le 21 mai et une mobilisation citoyenne est d'ailleurs organisée devant la cour
00:39pour faire entendre la voix des jeunes, des éducateurs et aussi des associations engagées.
00:45Et pour nous en parler, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Chantal Massard, directrice chez Inforjeune-Laken.
00:50Bonjour.
00:51Bonjour.
00:51Merci d'être avec nous sur Arabelle.
00:53Pour commencer une première question, peut-être nous expliquer concrètement en quoi consiste cette fameuse réforme de l'enseignement qualifiant.
01:01Oui, en fait, cette réforme a un certain nombre de mesures phares.
01:06Donc il y a une économie budgétaire de 3% qui va toucher l'ensemble du qualifiant.
01:13Mais en plus de ça, il y a un grand nombre de septièmes qualifiantes qui vont être supprimées
01:18et des septièmes professionnels qui ne seront plus accessibles à des jeunes qui sont déjà porteurs d'un CESS.
01:26Et la ministre nous dit, en fait, ces jeunes sont des jeunes adultes et il serait mieux dans l'enseignement dit pour adultes,
01:34c'est-à-dire l'enseignement de promotion sociale qui vient d'être rebaptisé.
01:38Mais nous ne sommes absolument pas d'accord, ni avec ce constat, ni avec les conséquences qui vont être engendrées par cette réforme.
01:47Alors pour vous, cette réforme vise les jeunes issus essentiellement de milieux défavorisés ?
01:52Oui, c'est très clair. Il suffit de reprendre les indicateurs de l'enseignement et toutes les études aussi de l'OCDE
01:59qui montrent à quel point notre système est inégalitaire.
02:02Et par ailleurs, lorsqu'il s'agit du qualifiant, du technique et du professionnel,
02:07eh bien on voit que les jeunes de milieux populaires sont surreprésentés dans ces filières.
02:14Pourquoi ? Parce qu'en troisième, encore à l'heure actuelle, et c'est un des enjeux aussi importants du tronc commun,
02:19les jeunes sont relégués vers l'enseignement qualifiant.
02:24C'est-à-dire qu'ils n'ont plus le choix, on leur dit, c'est vraiment de l'orientation par défaut,
02:28d'ailleurs ça ne peut pas s'appeler de l'orientation à mon sens.
02:31On leur dit, voilà, tu n'es pas bon pour le général, tu vas avoir des restrictions,
02:35tu pourras aller dans le technique ou dans le professionnel.
02:40Et on sait que ces filières mènent à un métier.
02:42Et donc quand cette orientation est mal faite, ce qui est le cas,
02:45eh bien c'est déjà très problématique.
02:47Et je vais dire, ces jeunes sont touchés à deux reprises.
02:51Une fois parce qu'ils n'ont pas le choix de leur orientation,
02:54et ensuite quand ils trouvent leur voie, ce qui peut mettre du temps,
02:57eh bien tout d'un coup le continuum pédagogique auquel ils ont le droit,
03:01mais il est cassé.
03:04Il est simplement cassé, brutalement balayé.
03:07Est-ce que vous pensez que la ministre Glatini a consulté suffisamment les acteurs de terrain
03:11avant, disons, d'imposer, d'appliquer cette réforme ?
03:14Elle ne l'a consulté personne, j'ai envie de dire.
03:17En fait, il y a peu, l'opposition a organisé symboliquement dans les locaux,
03:23dans l'hémicycle du Parlement, une rencontre où les gens du milieu,
03:28les syndicats, les jeunes concernés, les directions d'écoles, etc.
03:32ont pris la parole symboliquement.
03:35Pourquoi ? Parce que la ministre a refusé toute concertation.
03:40Donc elle n'a eu aucune concertation, ni avec le terrain,
03:43ni avec des associations comme les nôtres,
03:44ni encore avec les directions d'école et avec les jeunes concernés.
03:49Donc il y a vraiment un manque énorme à ce niveau-là.
03:53Alors, on parlait des élèves.
03:56Quels sont justement les principaux risques pour ces élèves actuellement inscrits dans ces filières qualifiantes ?
04:01Alors à notre sens, un des risques majeurs, c'est le risque du décrochage.
04:05Donc, parce qu'il faut vraiment voir que ce qu'on nous présente comme étant équivalent ne l'est pas.
04:12Si vous allez dans l'enseignement demain, dans l'enseignement dit pour adulte,
04:15la gratuité ne vous est pas assurée, comme dans l'enseignement obligatoire.
04:19Alors, les déclarations de la ministre varient.
04:21À certains moments, elle dit oui, mais on prendra ça en charge,
04:23en tout cas pour une période transitoire, puis après ce n'est plus clair.
04:26Et on sait très bien qu'un jeune qui va s'inscrire en promotion sociale,
04:31donc dans l'enseignement pour adulte,
04:33va pouvoir débourser jusqu'à 250 euros d'inscription parce qu'il y a différents modules.
04:39Donc déjà, ça c'est une situation qui est fondamentalement différente.
04:42Sur un plan pédagogique, on a une situation tout à fait différente également.
04:46On a des jeunes qui souvent ont encore besoin de travailler leur savoir-être,
04:50qui peuvent encore avoir des problèmes de ponctualité, des questions de cet ordre.
04:53Or, dans l'enseignement obligatoire, ils vont bénéficier d'un encadrement avec des éducateurs,
04:58ce qui ne sera absolument pas le cas dans l'enseignement dit pour adulte.
05:03Et ce qui nous frappe aussi, c'est que vraiment, pour nous, à notre sens,
05:08c'est une discrimination parce que ces économies ne viennent pas toucher le général.
05:12Il y a une septième qui est organisée dans le général pour permettre aux jeunes
05:16qui veulent aller faire des études en mathématiques, etc.,
05:20pour avoir un surcroît de formation.
05:21Par contre, on le refuse à des élèves qui sont plus fragilisés.
05:27Je rappelle aussi que c'est un peu la génération Covid qui arrive aujourd'hui.
05:31Et donc, ils sont doublement sanctionnés.
05:34Alors, si on voit un peu plus loin, on se projette vers l'avenir,
05:39disons, quels effets à long terme on peut anticiper pour ces jeunes concernés par cette réforme ?
05:43Je vous dis, d'abord, il va y avoir un énorme problème.
05:45Il y a un énorme problème d'information.
05:47Dans certaines écoles, les jeunes savent qu'il y a un risque que la septième qualifiante soit supprimée.
05:52Dans d'autres, ils ne sont déjà pas du tout au courant de cela.
05:56Et on nous dit qu'il va y avoir une transition et une organisation de ces cours ailleurs.
06:01Mais aujourd'hui, toute cette organisation-là est encore, comment dirais-je, probable, mais pas assurée.
06:09On sait que pour organiser cet enseignement, il y a encore des circulaires qui doivent être votés.
06:13Il doit encore y avoir un décret.
06:15Les parlementaires estiment que ce décret fourre-tout serait voté en juillet.
06:19Pour organiser septembre, c'est juste impossible.
06:23C'est juste impossible.
06:25Et il y a beaucoup d'écoles de promotion sociale qui nous disent,
06:29en plus, normalement, l'enveloppe est fermée,
06:31même s'il y a certains coûts qui seraient pris en charge de manière transitoire.
06:36Ils nous disent, mais voilà, nous, on n'a pas vocation à être les soins palliatifs du qualifiant.
06:41On n'a pas forcément tout le matériel qu'ils ont.
06:44On ne sait pas ce qui va devenir des professeurs.
06:47Ces professeurs, ils vont être licenciés dans le secondaire.
06:50Ils vont aboutir chez nous.
06:52On est vraiment dans un chaos organisationnel et juridique.
06:57Et ça fait peur à tout le monde, évidemment.
06:59Une résultante de cette réforme, la déscolarisation et l'abandon scolaire, c'est un cas de figure...
07:04Oui, moi, je pense que c'est tout à fait...
07:06Ça fait partie des risques importants, oui, bien sûr.
07:10Or, on sait que depuis le Covid, le décrochage scolaire, il a explosé.
07:15Réritablement, il a explosé.
07:16Donc, on rajoute des difficultés aux difficultés.
07:19D'autant plus qu'on va toucher à des filières qui touchent des métiers en pénurie ou des métiers qualifiés.
07:25Et on frôle l'absurde.
07:27Vous avez évoqué les enseignants, justement.
07:30Comment les enseignants et les enseignantes, les éducateurs, les éducatrices réagissent face à cette réforme ?
07:36Il y a un énorme malaise.
07:37Il y a de la peur.
07:38Il y a un malaise.
07:39Il y a aussi des élèves qui, déjà, sont en difficulté scolaire, aujourd'hui.
07:46Je discutais avec un professeur d'esthétique qui me dit, voilà, j'ai des jeunes qui sont en cinquième,
07:51qui projetaient en septième de faire de la socio-esthétique et de faire aussi de la coiffure
07:57pour compléter la gamme des compétences qui devraient être les leurs.
08:01Et qui, aujourd'hui, voient que tout ça ne sera sans doute plus possible.
08:04Et donc, il y a déjà de la démotivation sur le terrain à certains endroits.
08:09Alors, on en parlait tout à l'heure.
08:10Après, demain, le 21 mai, il y a une mobilisation citoyenne devant la Cour constitutionnelle.
08:15L'objectif principal, la sensibilisation, mais pas que ?
08:19Oui, la sensibilisation, montrer que c'est une question de société qui tient à cœur à de nombreuses personnes
08:26parce qu'on va faire un pas de plus vers les inégalités.
08:30Et donc, voilà, ça, c'est réellement problématique.
08:35Et donc, à 14h, on aura une action citoyenne symbolique.
08:39Et à 14h30, on invitera toutes les personnes qui sont là à assister à l'audience auprès de la Cour constitutionnelle
08:46pour montrer aussi à la Cour qu'il y a un véritable intérêt dans la société pour ces questions.
08:50Alors, Chantal Massard, est-ce que vous avez déjà reçu un soutien politique ou syndical jusqu'ici ?
08:56Oui, absolument.
08:57Donc, on est quatre associations à partir en recours.
08:59Il y a donc un fort jeune, l'Aken, il y a la PED, il y a les Red Fox et puis il y a la Ligue des droits de l'enfant.
09:08Mais nous avons déjà un soutien des syndicats, un soutien financier et aussi un soutien au niveau de l'argumentaire.
09:15Vous pensez bien qu'eux sont concernés plus par le volet, la qualité de l'enseignement bien entendu,
09:20mais aussi le volet relatif aux travailleurs.
09:24Et nous, on entre dans cette question par le volet relatif aux jeunes.
09:29Mais il y a des conjonctions d'intérêt.
09:31Alors, vous parlez de quatre associations, quel rôle jouent, disons, les autres ASBL d'une manière générale,
09:37comme la vôtre dans cette lutte contre cette réforme ?
09:40Ce qui nous frappe, c'est qu'on se dit, des mesures similaires auraient été prises dans le général,
09:45il y aurait eu une levée de boucliers et il y a des parents de milieux plus aisés
09:49qui, avec leur enfant, auraient entamé des procédures.
09:53Mais ici, on a des jeunes qui sont loin de l'information, sont loin de cette capacité.
09:58Et puis c'est cher aussi d'ester en justice.
10:01Et donc, je pense que c'est fondamental que des ASBL qui ont, comme nous, pour objet social,
10:07de défendre les droits des jeunes, puissent aller en justice avec eux.
10:12Donc, on n'a pas de jeunes qui est en justice de manière directe,
10:15mais dans le dossier déposé auprès de la Cour constitutionnelle,
10:18il y a plus d'une vingtaine de témoignages de jeunes en difficulté face aux réformes qui se profilent.
10:23Alors, est-ce que vous auriez, disons, des alternatives face à cette réforme
10:28pour améliorer cet enseignement qualifiant, justement ?
10:30Mais de toute façon, si, parce que la volonté de rationaliser les options, etc.,
10:35dans le qualifiant et sur la table, et puis on nous dit tout le temps qu'on va revaloriser le qualifiant.
10:40Moi, j'y croirais quand il y aura un vrai tronc commun polytechnique
10:44qui fera que des jeunes de tout horizon auront envie, le cas échéant,
10:49de devenir plombier ou ébéniste ou horloger ou un de ces métiers-là.
10:54Mais en l'état actuel des choses, ces filières sont des filières
10:58qui sont les parents pauvres de l'enseignement et qu'on veut sortir de l'enseignement
11:01pour amener des jeunes à être...
11:03Ce qu'on me disait aussi, par exemple, en section boulangerie,
11:07il y a un jeune qui me disait avec son professeur,
11:09« Ici, je suis formée, je vais apprendre à faire de la pâte,
11:12je vais devenir un véritable artisan. »
11:14Si je vais dans l'enseignement pour adultes,
11:17ce qu'on me propose, c'est vraiment le B.A.B. du métier.
11:21Et donc, là, on va me donner de la pâte et je pourrais,
11:23chez Carrefour ou ailleurs, je ne veux pas faire de la publicité,
11:25être un exécutant.
11:27Mais est-ce qu'on mesure bien la différence entre le fait d'être un ouvrier qualifié
11:32ou le fait d'être un pur exécutant
11:35qui sera alors beaucoup plus volatile sur le marché de l'emploi ?
11:39Encore peut-être une ou deux questions avant de nous quitter.
11:42Si vous avez un message, notamment, à adresser directement à la ministre,
11:46Glatini, si vous avez l'occasion de la rencontrer.
11:48Ah ! Écouter le terrain, écouter les besoins du terrain,
11:53accepter la rencontre, accepter le débat,
11:55parce qu'en l'état actuel des choses, il n'en est rien.
11:58Alors, on parlait de Glatini, de la réforme, du nouveau gouvernement.
12:02Selon vous, tout ça rentre dans une perspective globale de la majorité chez nous ?
12:06Oui, je pense qu'on est dans une logique d'austérité,
12:08mais encore une fois, je souligne que cette austérité, je ne le souhaite pas,
12:12n'est pas une austérité qu'on entend implémenter dans le général de manière directe.
12:17C'est une première chose.
12:18Et je pense qu'on est véritablement dans une société qui,
12:22comment dirais-je, elle veut faire de l'enseignement élitiste
12:25et à côté de ça, avoir des petites mains.
12:28Et ça nous renvoie directement, pour moi, au XIXe siècle.
12:31Ça nous renvoie au XIXe siècle.
12:32C'est la conclusion de Chantal Massard, directrice chez un forgeur Nacken.
12:36Merci d'avoir été avec nous.
12:37Merci à vous.
12:38Avec plaisir.
12:38On se retrouve dans quelques instants pour la suite de votre Carrefour d'Info.

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