- 18/05/2025
Le sociologue, démographe et spécialiste de l'immigration François Héran revient sur sa leçon de clôture après huit ans passés à la tête de la chaire "Migrations et sociétés" au Collège de France.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00Dans le grand entretien d'Inter avec Marion Lourdes, nous recevons l'un de nos grands intellectuels.
00:05Il est sociologue, démographe, spécialiste notamment de l'immigration,
00:10auteur d'un livre qui a fait date, Immigration, le grand déni.
00:14Cela fait des années qu'il fait sale comble au Collège de France.
00:18Il faut voir les foules se précipiter pour assister à ses cours.
00:22Il est titulaire depuis 2017 de la chaire Migration et Société au Collège de France
00:27et jeudi dernier, il donnait sa leçon de clôture.
00:32Chers auditeurs, intervenez au 01 45 24 7000 ou sur l'application Radio France.
00:38Bonjour François Héran.
00:40Bonjour.
00:40Bonjour.
00:41Bonheur de vous recevoir.
00:42Vous étiez le titulaire de cette chaire, je le disais, depuis 2017
00:45et vous prononciez donc jeudi votre leçon de clôture.
00:51C'est un enjeu important que vous abordiez pour clôturer des années de recherche
00:57des années de recherche autour de ce thème face à l'immigration,
01:02le savant et le politique.
01:04Et dans ce titre, tout est dit, tout est posé,
01:07mais on va le déplier avec vous.
01:09Parce que sur la question de l'immigration,
01:11il y a deux discours, deux attitudes, deux approches
01:15qui ont des conséquences radicalement différentes,
01:19celles du savant et du politique.
01:21Est-ce que le savant est toujours perdant face aux politiques
01:25lorsqu'il parle d'immigration ?
01:27Et je pose la question de manière un peu provocatrice, François Héran.
01:31Alors bon, évidemment, le savant, le politique,
01:33il ne faut pas essentialiser, comme on dit.
01:35Il y a quand même une grande diversité chez les savants,
01:38une grande diversité chez les politiques.
01:39Mais en gros...
01:39Mais c'est une référence à un célèbre essai à Max Weber.
01:43Une conférence fameuse de Max Weber, qui est vieille,
01:461919, donc c'est 1917-1919.
01:50Sur l'éthique de conviction, d'un côté, l'éthique de responsabilité.
01:53Oui, il y a plusieurs phrases archi-célèbres,
01:55dont celles qui consistent à opposer l'éthique de conviction
01:59et l'éthique de responsabilité.
02:01L'éthique de conviction, c'est...
02:02On y va au nom de ses valeurs.
02:04C'est totalement attaché à ses principes.
02:07Peu importe les conséquences.
02:09Peu importe les conséquences.
02:10Et s'il y a des conséquences négatives,
02:12les imputer à autrui, mais surtout pas à soi-même.
02:16C'est ce que dit Max Weber.
02:17Et puis, l'éthique de responsabilité,
02:19c'est celle qui, effectivement, tient compte des conséquences.
02:23Bon, cette opposition, elle a eu un succès phénoménal en France.
02:29Parce que ces conférences ont été publiées,
02:32préfacées par Raymond Aron.
02:33Et c'est le petit bagage qu'ont tous les étudiants de Sciences Po.
02:38Et donc, ça permet...
02:41Mais ça a été complètement simplifié,
02:42parce que le texte Max Weber est beaucoup plus subtil,
02:45contradictoire.
02:46C'est simplifié.
02:46Et en gros, vous savez,
02:48ça consiste à dire,
02:50allez, arrêtons les états d'âme,
02:52prenons une décision,
02:54même si ça peut avoir des...
02:57Ne faisons pas de morale, faisons de la politique.
02:59Oui, mais face à l'immigration,
03:00pour reprendre votre titre, François Héran,
03:02il faut les faits, d'abord partir des faits,
03:05ou prendre en compte aussi ce qui relève du sentiment,
03:09ce qui relève parfois du discours purement idéologique.
03:13Lorsqu'on entend le Premier ministre parler de sentiment,
03:16de submersion migratoire,
03:18vous le situez où, justement,
03:19dans cette échelle ou cette opposition-là ?
03:23Figurez-vous que j'avais publié une tribune dans Le Monde
03:25qui portait sur un autre sujet,
03:27et Le Monde me dit,
03:28mais le Premier ministre vient de parler
03:29du sentiment de submersion migratoire,
03:31est-ce que vous ne pourriez pas rajouter un petit paragraphe ?
03:34Et une heure après l'apparition de ma tribune,
03:36le Premier ministre m'appelle,
03:39François Bayrou,
03:41me dit, écoutez,
03:42oui, il y a beaucoup de choses que je trouve très justes
03:44dans votre tribune,
03:46mais quand même, la dernière phrase,
03:47vous vous dites que c'est déplorable,
03:48que j'utilise le vocabulaire de l'extrême droite,
03:50vous y allez bien fort,
03:52est-ce que vous avez vraiment écouté
03:53mon interview ?
03:55Et que lui avez-vous répondu ?
03:56Et alors, il m'a envoyé
03:57le script de son interview
04:00qui confirmait qu'effectivement,
04:02il avait bel et bien utilisé
04:04ce vocabulaire d'extrême droite.
04:05Ensuite, est-ce que c'est du sentiment,
04:07est-ce que c'est de la réalité ?
04:08C'était un peu confus,
04:09et dans les déclarations qu'il a faites
04:10au Parlement, peu de temps après,
04:13il disait qu'il parlait de Mayotte,
04:15mais finalement, il parlait de tous les territoires de France.
04:18Et on, voilà.
04:19L'un n'a pas convaincu l'autre, si on vous entend.
04:21Et je cite dans ma leçon de clôture,
04:24je cite l'expression, je cite les propos de Marine Le Pen,
04:29qui dès 2015, voyant arriver quelques Syriens à nos frontières,
04:33disait, mais c'est une subversion migratoire organisée par l'Union Européenne.
04:38Donc, c'était effectivement un vocabulaire,
04:40en fait, le premier à l'utiliser, Saint-Jean-Marie Le Pen, en 2000.
04:43Donc, c'est une vieille histoire.
04:45Et vous pratiquez les sciences humaines à coups de marteau,
04:49parce que justement, rappeler les faits,
04:51ça n'est pas une attitude neutre, François Ayron.
04:53Non, mais je voulais dire que quand même le premier ministre a été piqué au vif.
04:56Et de temps en temps, il y a comme ça des contacts avec le politique.
04:59Ces contacts, ils peuvent marcher ou pas.
05:01Un jour, j'ai été invité par le directeur de cabinet du président de la République
05:05à présenter mes données, mes graphiques,
05:07ceux que j'ai présentés à ma leçon de clôture.
05:09On m'a dit, ah, c'est formidable, c'est passionnant.
05:11Ils ont passé une heure avec moi.
05:13Et ensuite, j'ai eu un billet comme quoi le président avait été très, très intéressé par mes propos.
05:19Et puis, ça s'est arrêté là.
05:21Il n'y avait plus rien.
05:23Donc, je pense que le politique,
05:25les hommes politiques sont tout à fait au courant
05:28de l'ordre de grandeur des migrations.
05:30Ils savent qu'en réalité, non, nous ne sommes pas aux avant-postes.
05:33C'est ce que vous montrez avec vos chiffres.
05:35Nous sommes, par exemple, si vous prenez le pourcentage des migrés dans la population,
05:39nous sommes au 15e rang en Europe.
05:41Si vous regardez de combien,
05:43quel est le surcroît de population en pourcentage chaque année apporté par les nouveaux entrants ?
05:49550 000 personnes, dit Bruno Retailleau, en faisant des doubles comptes.
05:54Là encore, nous ne sommes pas du tout en haut du tableau.
05:58Nous sommes vers le bas du tableau.
06:00Or, Bruno Retailleau n'a cessé de proclamer qu'il fallait qu'on redescende.
06:04La capacité d'accueil de la France, c'est totalement saturé.
06:07C'est un discours qui revient fréquemment.
06:10Et je le disais, vous avancez des chiffres.
06:12L'idée que nous serions le pays d'accueil principal des demandeurs d'asile est fausse.
06:17Vous l'avancez, preuve à l'appui.
06:19Mais est-ce que c'est audible ?
06:21Alors, c'est toujours le problème.
06:24Dès qu'on m'invite, par exemple, que je donne une idée de la situation migratoire réelle,
06:30je commence par donner des faits et on me dit tout de suite, oui, mais l'opinion publique.
06:34Et je persiste à penser qu'il faut quand même qu'on établisse les faits.
06:38Mais ce n'est pas moi qui les établis.
06:40Il y a des organisations qui font ça de façon extrêmement sérieuse.
06:43Elles sont nombreuses, elles emploient des milliers de personnes.
06:46Il y a l'INSEE en France, il y a Eurostat au niveau européen,
06:49il y a l'OCDE qui a quand même son siège à Paris.
06:52Vous leur rendez hommage d'ailleurs dans votre question de clausure.
06:55Et grâce à eux, on a une idée précise de la place qu'occupe la France
06:59dans le tableau européen et dans le tableau des pays occidentaux en général.
07:03Vous parliez du président de la République tout à l'heure, Emmanuel Macron,
07:06qui, il l'a dit, il en a parlé cette semaine,
07:08il souhaite élargir l'exercice du référendum,
07:10mais en excluant les questions migratoires.
07:13Quand vous voyez le président de la République faire ça,
07:15vous qui êtes depuis 7 ans en train de présenter vos chiffres, vos courbes,
07:19vous vous dites le message à porter ou vous vous dites on est encore à côté ?
07:22Écoutez, je pense que, bon, après il y a tout le problème constitutionnel,
07:26est-ce qu'on pourrait ou pas, après on metter le sujet,
07:28mais ça je ne vais pas l'évoquer, ce n'est pas ma spécialité.
07:30Ce qui est frappant, c'est un travail qui a été fait par Damond Maiafre,
07:38qui est un chercheur qui étudie les discours, notamment des présidents,
07:43et il a montré récemment, je crois que ça va paraître dans un livre,
07:46le vocabulaire spécifique d'Emmanuel Macron lors du premier mandat
07:52et celui du second mandat.
07:54Et on voit que d'un mandat à l'autre,
07:56son vocabulaire sur l'immigration se noircit complètement,
07:59que les termes les plus négatifs dominent désormais dans le discours du président.
08:05Et ça, ça me semble important, parce que je n'ai jamais, je n'ai pas le souvenir,
08:09sauf peut-être pendant la période du Covid, où il y a eu une ou deux semaines de lucidité,
08:14mais je n'ai pas le souvenir que le président de la République,
08:16et encore moins un ministre, ait jamais fait un discours
08:19qui soit non pas naïf ou béat sur l'immigration,
08:23mais qui au moins reconnaissent que les immigrés jouent un rôle.
08:27Jouent un rôle, par exemple, dans l'économie,
08:29comme on s'en aperçut pendant le Covid.
08:31Ils ont contribué, plus qu'à leur tour,
08:34à faire fonctionner la société,
08:37à la nourrir, à la transporter, à la soigner, à la garder, etc.
08:41Et grâce à cette étude de Terra Nova,
08:43qui est sortie cette semaine,
08:44qui montre qu'au contraire, l'économie française
08:46a besoin de plusieurs centaines,
08:49de milliers d'immigrés chaque année
08:51pour maintenir son système social ?
08:53Alors, c'est un problème très intéressant,
08:55c'est-à-dire que j'avais assisté un jour
08:57à une réunion au Conseil économique social,
08:58où il y avait la plupart des grandes entreprises
09:01représentées, les grands secteurs,
09:03et presque tous disent,
09:05mais nous sommes en tension,
09:06nos métiers sont en tension,
09:07et vous savez qu'actuellement,
09:08il y a une bagarre entre le ministère de l'Intérieur
09:10et le ministère du Travail.
09:12Vous établissez la liste ?
09:13Ah oui, le ministère de l'Intérieur
09:14va la réduire au maximum,
09:15et le ministère du Travail,
09:17qui lui a une vision beaucoup plus réaliste,
09:19parce que c'est quand même incroyable
09:20que le ministère de l'Intérieur
09:21doit juger d'une question
09:23qui concerne en réalité l'emploi et le travail.
09:27Donc, vous voyez,
09:29même le...
09:31État des lieux, François Héran,
09:33pour qu'on prenne la mesure, justement,
09:35de ce réel besoin de main-d'oeuvre étrangère
09:38pour ce qu'on appelle les métiers en tension,
09:41l'expression, elle est technique,
09:42mais en Ile-de-France, par exemple,
09:43il représente combien de pourcentage des aides à domicile ?
09:48Oh, écoutez, ça doit être au moins 30%, quelque chose comme ça.
09:5161%, ils sont près de 61 des ouvriers du gros oeuvre,
09:56près de la moitié des personnels de nettoyage,
10:00et à l'échelle nationale, c'est vrai que c'est considérable.
10:0328% des agents de sécurité, 22% des cuisines,
10:06et 39% des employés de maison.
10:08Et vous remarquerez que ces chiffres-là,
10:10c'est surtout à partir du Covid...
10:11Ça, ce sont les chiffres de Terranova.
10:12Oui, ce sont des chiffres qu'on peut obtenir
10:15grâce à l'enquête emploi de l'INSEE.
10:17L'enquête emploi est extensée.
10:18C'est 100 000 personnes interrogées chaque année.
10:20Donc, on peut avoir toutes les minorités de façon très précise.
10:23Oui, et tout ça n'est jamais rappelé, ou très peu.
10:28Donc, ce sur quoi j'ai insisté dans ma leçon de clôture,
10:31c'est ce décalage extraordinaire
10:33entre le débat public, le discours public,
10:36et les réalités telles qu'on les connaît sérieusement.
10:40Comment vous l'expliquez, justement, ce décalage ?
10:43C'est assez incroyable, au vu des chiffres que vous donnez,
10:45d'entendre des discours aussi, j'ai envie de dire,
10:49aussi radicaux que ceux, par exemple, de l'administration Trump,
10:52qui dénonce encore aujourd'hui une décision de justice
10:54qui l'empêche de bloquer l'immigration vénézuélienne ?
10:58Alors, c'est vrai que la politique de Trump,
11:01d'une certaine manière,
11:03elle donne une image anticipée de ce que pourrait être
11:05l'arrivée au pouvoir de certains extrémistes en France.
11:09Je crois que c'est...
11:10Ah ben oui, c'est quand même...
11:12En gros, si vous voulez,
11:13nous avons quand même
11:16notre système démocratique,
11:18c'est la voix du peuple,
11:20c'est la vox populi, c'est l'élection,
11:22et c'est un certain nombre de garde-fous
11:24de la démocratie incarnée par de grandes institutions
11:26comme le Conseil constitutionnel,
11:28le Conseil d'État, la Cour européenne,
11:29les droits de l'homme, etc.
11:30Et donc, il y a une tendance actuellement
11:32pour essayer de supprimer ces garde-fous
11:34et de légiférer ainsi à notre guise.
11:37Et moi, je rappelle
11:38que les garde-fous de la démocratie
11:40font partie intégrante de la démocratie.
11:43Et c'est d'ailleurs un des enjeux
11:44de l'élection
11:46à la présidence des LR
11:48où apparemment, les deux candidats
11:50sont d'accord
11:50pour laisser tomber
11:51des pans entiers.
11:52Bruno Retailleau.
11:53Voilà, des pans entiers.
11:55Alors, il ne faut pas croire du tout
11:57que le droit européen, par exemple,
11:59oblige la France systématiquement,
12:01automatiquement,
12:02avait dit un jour Éric Ciotti,
12:04le recommand familial.
12:06Quand on regarde,
12:06quand on prend soin
12:07de regarder la jurisprudence de la Cour,
12:10souvent, elle prend le parti des États
12:12et elle n'est pas d'accord
12:13pour qu'il y ait un regroupement familial.
12:14C'est beaucoup plus subtil que ça.
12:16Donc, on est dans des discours
12:17de caricature.
12:19On a une espèce de souverainisme
12:20complètement étriqué
12:21qui nous fait croire
12:23que le respect des droits,
12:24ce serait nécessairement
12:25perdre notre souveraineté.
12:26Non.
12:27Si on est leader
12:28en matière de droits humains,
12:29nous exercerons une souveraineté
12:33qui aura une ampleur internationale
12:36et pas simplement
12:36de défense étriquée
12:38de notre identité.
12:40Vous plaisantiez jeudi
12:41dans votre leçon de clôture
12:42en vous qualifiant vous-même
12:44d'agent de l'obscurantisme woke.
12:46C'est un terme
12:47qu'on a employé à votre égard ?
12:49Oui, parce que pas plus tard
12:51que le dernier week-end,
12:52le Figaro Magazine
12:53a publié un trombinoscope
12:56des chantres du wokisme,
12:58un abécédaire.
13:00Et donc, j'y figure en bonne part.
13:01Et c'est intéressant
13:02parce que tous ces gens-là
13:03sont accusés de diminuer la France,
13:06de la rapetisser
13:06au lieu de la grandir.
13:08Et donc, vous avez là-dedans
13:09une prix Nobel de littérature,
13:11vous avez un champion de football
13:14d'Europe et du monde
13:15et tous ces gens-là,
13:16c'est bien connu.
13:17Là, vous avez un historien
13:18comme Patrick Boucheron,
13:19ces gens-là rapetissent
13:20l'image de la France
13:21au lieu de la grandir.
13:22À faire l'histoire mondiale
13:23de la France.
13:23C'est un peu grotesque.
13:24Et j'ai insinué que...
13:27Parce que, vous savez,
13:28il y a beaucoup d'attaques
13:29dans la droite dure,
13:31à l'extrême droite,
13:31contre la parabole
13:32du bon samaritain.
13:34Parce que la parabole
13:35du bon samaritain,
13:36c'est un jour,
13:37un homme allait de Jérusalem,
13:38à Jéricho,
13:39il est attaqué par des voleurs,
13:41il est laissé pour mort
13:42et un homme,
13:44finalement,
13:45prend soin de lui,
13:45le soigne,
13:46l'amène chez le bergide,
13:47etc.
13:47C'est une parabole extraordinaire.
13:49Elle n'existe que chez Saint Luc.
13:51Il y a dans un seul
13:51des évangiles.
13:53Et alors,
13:54ce qui est intéressant,
13:55c'est qu'il y a eu
13:55toutes sortes d'attaques
13:56pour dire,
13:56oui, mais la parabole
13:57du bon samaritain,
13:58c'est uniquement pour les saints,
13:59c'est uniquement pour les croyants.
14:02Le bon samaritain,
14:03c'est le Christ lui-même,
14:04ça n'est même pas
14:04le chrétien ordinaire.
14:06Et puis,
14:06ça ne peut pas s'appliquer aux États,
14:07ça ne doit s'appliquer
14:08qu'aux individus.
14:09Donc, c'est intéressant
14:10de voir toute cette critique.
14:14Et c'est cette fameuse idée
14:16qu'au lieu de faire de la politique,
14:17il faudrait faire de la morale.
14:18Et vous vous souvenez
14:19que Philippe de Villiers,
14:20votre grand instituteur national,
14:23a récemment expliqué
14:24que le pape François
14:25était un papouac.
14:26Moi, je soupçonne,
14:27je soupçonne que
14:28l'auteur de l'évangile de Luc
14:31était un évangéliste woke.
14:33Et je me demande même
14:35si le Christ,
14:36cet homme admirable,
14:37selon Ronan,
14:38n'était pas woke.
14:40Comment est-ce que
14:41Saint-Brie,
14:42comment s'articulent
14:43migration et société ?
14:45Pourquoi et comment
14:46cette question est devenue
14:47absolument centrale
14:48dans le débat public,
14:49François Héran ?
14:50Alors, d'abord,
14:51il faut dire des choses
14:52tout à fait claires.
14:53Oui,
14:54l'immigration progresse en France.
14:55Et depuis l'an 2000,
14:57elle a progressé d'à peu près
14:585...
14:59Le nombre des immigrés
15:00a progressé de 50%.
15:01C'est une vérité
15:02qu'il ne faut absolument
15:03pas cacher,
15:03au contraire.
15:05Alors, dans l'ensemble
15:06de l'Europe occidentale,
15:07c'est une progression,
15:08c'est un doublement
15:08des immigrés.
15:09Et dans le monde,
15:10c'est de 74%.
15:12Donc, nous connaissons
15:13une progression très importante,
15:16nous ne pourrons pas échapper
15:17à cette poussée mondiale
15:18de la migration,
15:19mais en même temps,
15:20il faut dire que nous sommes
15:21assez en dessous
15:21de la moyenne européenne,
15:23deux fois moins.
15:24Donc, il faut dire tout ça
15:25et c'est ça qui rend
15:26la communication
15:26un peu compliquée.
15:27Oui,
15:28l'immigration progresse.
15:29Par exemple,
15:30ça s'attrait par le fait
15:31qu'à mesure qu'ils progressent
15:33en nombre,
15:34eh bien,
15:34ils se répartissent mieux
15:35sur le territoire.
15:37J'ai montré comment
15:38un tiers des arrondissements
15:39parisiens ont perdu
15:40des immigrés depuis 15 ans.
15:43Certaines villes de banlieue
15:45bien connues
15:45pour la part des immigrés
15:47ont aussi perdu des immigrés
15:49et on en voit par contre
15:50plus, davantage,
15:51sur la façade atlantique.
15:53Mais,
15:54quand on dit,
15:56vous vous rendez compte,
15:56le nombre des immigrés
15:57a doublé
15:57dans les ports de l'Ouest,
16:00etc.,
16:00ben oui,
16:01ils passent de 2% à 4%,
16:02ils passent de 3% à 6%,
16:04ce n'est pas une invasion.
16:05Avant de filer au standard,
16:07François Héran,
16:07il faut quand même
16:08que vous nous
16:10fassiez prendre la mesure
16:12de ce qu'ont vu
16:13ceux qui ont assisté
16:15à la dernière séance
16:16au Collège de France,
16:18à savoir
16:18les différents types
16:20d'immigration.
16:21On parle d'immigration
16:22en confondant
16:23tout et n'importe quoi
16:24et il y a notamment
16:26un graphique
16:27qui s'est imprimé
16:28dans mon cerveau,
16:29c'est celui
16:30du nombre de morts,
16:31du nombre de morts
16:32depuis une dizaine d'années
16:34avec ceux notamment
16:35qui sont en Méditerranée,
16:37morts en Méditerranée.
16:38trentaines de milliers.
16:41Vous faites une sorte
16:42de carte du monde
16:43effrayante
16:45de ceux qui risquent
16:46leur vie
16:47pour chercher
16:49un territoire d'accueil.
16:51Alors,
16:51je n'ai pas eu assez de temps
16:52pour aller jusqu'au bout
16:53de ma conférence
16:54et présenter cette carte,
16:55mais elle sera publiée
16:56puisque le Collège de France
16:57va publier la totalité.
17:00Voilà,
17:00donc je vous l'ai envoyée.
17:01Oui,
17:0132 000 morts,
17:0232 000 morts
17:03depuis que l'Organisation
17:04internationale
17:05d'immigration
17:05fait un relevé.
17:06C'est un chiffre minimal.
17:08Ce sont des gens
17:08qu'on a pu individualiser,
17:11mais il y en a au moins
17:11les deux tiers
17:12dont on n'a même pas
17:13retrouvé les corps.
17:14Mais c'est en interrogeant
17:16les ONG,
17:17les survivants,
17:18les familles,
17:18etc.,
17:19qu'une grande enquête
17:20a permis d'y dire.
17:21Bon,
17:21c'est terrible en 2000.
17:23Après,
17:23il y a tout le débat
17:23à qui la faute.
17:25À qui la faute ?
17:25Et là,
17:26toutes les opinions existent.
17:28Certains disent,
17:28bon,
17:29les passeurs.
17:29Mais les passeurs,
17:30c'est plutôt une conséquence
17:31qu'une cause.
17:32quand on raréfie
17:35le passage,
17:36il y a un marché
17:36du passage
17:37qui s'établit.
17:39Les autres,
17:40on a beaucoup
17:40imputé
17:42la responsabilité
17:43aux ONG
17:44qui en réalité
17:45secourent
17:46les migrants.
17:47Et puis inversement,
17:48autre position extrême,
17:49la politique criminelle
17:50de l'Union européenne.
17:51Donc vous voyez,
17:52sur un sujet comme celui-là,
17:53c'est extrêmement difficile.
17:55Alors dire,
17:56il faut avoir
17:56une morale
17:57des conséquences,
17:58c'est compliqué
17:59de mesurer
18:00les conséquences
18:01d'une politique
18:02s'il y a encore
18:04d'autres intermédiaires
18:05qui jouent
18:05comme les passeurs,
18:07les familles,
18:09etc.
18:10Donc je ne suis pas
18:11du tout un extrémiste,
18:12je pense.
18:13Je ne suis pas
18:13un no-border,
18:14je crois que j'insiste là-dessus.
18:15No-border,
18:16sans frontières.
18:17Sans frontières.
18:18Mais j'insiste
18:19sur le fait
18:20qu'il faut
18:20qu'on mesure,
18:22qu'on prenne
18:23la mesure des choses,
18:24qu'on prenne
18:25la mesure des faits
18:26et qu'on réfléchisse
18:27un peu mieux
18:27à ce que l'on pourrait faire.
18:29On file au standard inter.
18:30Bonjour François Charles.
18:31Bonjour.
18:32Bienvenue dans le grand entretien
18:34avec François Héran.
18:35Oui, bonjour.
18:36Eh bien, voilà,
18:37bonjour monsieur.
18:38J'aurais voulu
18:38vous poser une question.
18:40L'autre jour,
18:40sur l'antenne de France Inter,
18:41j'ai entendu
18:42Bruno Retailleau
18:43utiliser l'expression
18:45« immigré de la seconde génération »
18:48et à mon sens,
18:49il me semblait
18:50que cette expression
18:50n'était pas recevable
18:52et j'aurais voulu savoir
18:53si les démographes
18:55utilisaient une expression
18:56pour qualifier
18:58des personnes
18:59qui seraient issues
18:59d'immigration
19:00ou qui seraient
19:01descendants d'immigrés.
19:03Bonne question.
19:04Merci François Charles.
19:05Alors,
19:05quand on est immigré
19:07de deuxième génération,
19:08ça n'existe pas ?
19:09Non, la formule
19:10avait été utilisée
19:12aux Etats-Unis
19:12il y a une vingtaine d'années
19:15où on commençait
19:16à l'utiliser en France
19:16et les démographes
19:17ont vraiment dit
19:17non,
19:18on ne peut pas appeler
19:19immigrés
19:19des gens
19:19qui n'ont jamais
19:20franchi la frontière.
19:21Des personnes nées en France
19:22d'un ou deux immigrés
19:24ne sont pas
19:24elles-mêmes immigrés.
19:25Ça ne veut pas dire
19:26qu'elles échappent
19:26à l'observation.
19:27On est immigré
19:28ou national ?
19:29Ce sont des enfants.
19:32Alors,
19:32on les appelle
19:32des descendants d'immigrés.
19:34C'est la formule
19:35utilisée par l'INSEE.
19:38Et donc,
19:39oui,
19:39à peu près,
19:40si on ajoute
19:41aux immigrés
19:42eux-mêmes
19:42les enfants nés
19:44en France
19:44d'un ou deux parents
19:45immigrés,
19:46ça double les chiffres.
19:47On n'est plus
19:48à 11-12%,
19:49on est quasiment
19:49un quart.
19:50Ça veut dire
19:50qu'un quart
19:51de la population française
19:52soit immigré,
19:54soit enfant d'immigré.
19:55Et certains n'hésitent pas
19:56à le faire d'ailleurs
19:56pour instrumentaliser
19:57la question
19:58sur la scène politique.
20:00Ça,
20:00on le sait
20:00et on le sait bien,
20:01les mots ont leur importance
20:02et c'est assez fascinant
20:04d'ailleurs de voir
20:04la manière
20:05dont vous les décortiquez
20:06et dont vous appuyez
20:07non seulement
20:08vos travaux
20:09sur des statistiques,
20:10sur des chiffres,
20:11sur ce que produisent
20:13ces grandes institutions
20:14que sont l'INSEE,
20:15l'INED,
20:16mais également
20:17que vous appuyez
20:18vos travaux
20:19sur les mots.
20:20Les mots sont chargés,
20:22sont explosifs
20:24dans le débat public ?
20:25J'avais consacré
20:26une année entière
20:27à un cours
20:28sur la rhétorique
20:29du discours
20:30sur l'immigration,
20:31le type d'argument
20:32utilisé,
20:33le vocabulaire,
20:34les polémiques,
20:34etc.
20:35Donc c'est vrai
20:36qu'il faut faire
20:37un peu de sociolinguistique
20:38comme on dit
20:39pour mieux comprendre
20:40le débat.
20:41Par exemple,
20:42un argument,
20:43c'est l'argument
20:43de la ponte fatale.
20:44Si vous commencez
20:45à ouvrir,
20:45entre-ouvrir la porte,
20:46alors il va y avoir
20:47des millions de gens
20:48qui vont venir,
20:49toute la misère du monde.
20:50Il y a beaucoup
20:50de questions
20:51sur l'effet magnète,
20:53l'effet aimant.
20:55La France,
20:56c'est un pays
20:56qui attirerait
21:00beaucoup de questions
21:00sur l'application
21:01autour de ce sujet-là.
21:04C'est jugé ou non ?
21:06C'est totalement inexact.
21:08On a beaucoup prétendu
21:10pendant toute la discussion
21:11sur la loi d'Armanin
21:12et Bruno Retailleau
21:13l'a encore dit
21:13après son entrée en fonction
21:14que nous étions
21:16un des pays au monde
21:16les plus attractifs.
21:18Fondapol a beaucoup
21:19pour insister là-dessus.
21:20Si c'était vrai,
21:21si on était vraiment
21:22un des pays au monde
21:23les plus attractifs,
21:24nous ne devrions pas
21:24être au 15e rang
21:25de l'Union européenne
21:27pour le pourcentage
21:28d'immigrés,
21:28mais dans les tout premiers rangs.
21:30Tous les malades
21:30diront-les chez nous.
21:31Ce n'est pas parce
21:31qu'on démontre
21:32que l'allocation
21:33de vendeurs d'asile
21:34est plus élevée
21:35en France qu'en Allemagne
21:37qu'aussitôt
21:38des millions
21:39d'immigrés
21:40iraient en France.
21:41La seule démonstration
21:42possible d'un effet
21:43d'attraction,
21:44c'est de regarder
21:45comment les immigrants
21:46se sont vraiment répartis
21:47en Europe.
21:48Et là,
21:49la démonstration est claire.
21:50Merci François Héran
21:51d'avoir été l'invité
21:52de France Inter
21:53ce matin.
21:54On peut donc retrouver
21:55cette leçon de clôture
21:56au Collège de France
21:58sur le site
21:58du Collège de France
22:00augmenté.
22:01En audio aujourd'hui,
22:02on peut le trouver
22:02en audio aujourd'hui.
22:03Elle sera
22:04augmentée
22:05de sous vos powerpoint
22:07et en vision
22:07dans deux ou trois jours.
22:09Je vous souhaite
22:09une excellente journée.
22:10Merci François Héran.
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