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  • 15/05/2025
Cette conférence a été donnée le 20 mars 2025 au Campus agro-environnemental du Pas-de-Calais en présence de 250 apprenants de l'enseignement agricole et d'un Lycée d'Arras. L'enseignement agricole forme les jeunes sur la biodiversité et les milieux naturels à travers le Bac Pro Gestion des Milieux Naturels et de la Faune (GMNF) et le BTS Gestion et Protection de la nature (GPN).

Catégorie

📚
Éducation
Transcription
00:00:00Bonjour chers apprenants, chers élèves, chers étudiants, chers collègues, chers partenaires.
00:00:14Bonjour, bienvenue au campus agroenvironnemental du Pas-de-Calais.
00:00:18Aujourd'hui, on accueille Jérôme Sueur.
00:00:20On va faire un petit mot d'introduction avec M. Bourgois pour que vous ayez les...
00:00:26que vous soyez dans les bonnes dispositions pour accueillir Jérôme Sueur.
00:00:29Voilà, on va dire comme ça.
00:00:30M. Bourgois.
00:00:33Merci Maxime.
00:00:35Donc bonjour à toutes et tous.
00:00:37Bienvenue sur le site Zaras de campus agroenvironnemental du Pas-de-Calais
00:00:42pour accueillir donc ce matin et sur cette journée, cette conférence avec Jérôme Sueur
00:00:48qui nous fait le plaisir d'être parmi nous aujourd'hui.
00:00:51Alors c'est un... j'allais dire c'est pour nous un événement important
00:00:56puisque ça fait du lien entre nos formations, entre l'approche territoriale
00:01:01qu'on peut avoir sur les sites du campus du Pas-de-Calais.
00:01:04Je compare ça un peu à de la ramification, à du rhizome dans une plante qui serait en terre
00:01:11et ça permet de créer ce matin du lien entre la pédagogie qui est une des missions d'enseignement d'école
00:01:18et l'animation, l'expérimentation qui est aussi une des missions d'enseignement d'école.
00:01:23Donc ça a tout à fait son sens on va dire au travers des programmes
00:01:28et pour vous les apprenants qui sont présents ce matin dans vos référentiels de formation.
00:01:34Alors un petit mot pour remercier les différentes entités qui sont présentes parmi nous.
00:01:40Donc je ne vais pas tout lister mais bien évidemment remercier les principaux partenaires.
00:01:47Le campus de biothèque Oignon vide de Douai qui est avec un certain nombre d'apprenants ce matin.
00:01:53Le lycée Robespierre d'Arras qui est aussi avec nous.
00:01:58Les partenaires fidèles qui sont le conseil régional, le conseil départemental
00:02:03et bien sûr tous les acteurs du territoire de la communauté urbaine d'Arras et du grand territoire d'Arras
00:02:11avec qui on tisse très régulièrement des liens sur différentes thématiques tant celle d'aujourd'hui.
00:02:16Je voudrais aussi remercier les services de l'ADRAF avec la participation du chargé de communication de l'ADRAF de France,
00:02:22Sébastien Cossnier qui est mobilisé aujourd'hui pour une captation vidéo tout au long de la journée
00:02:28qui permettra ensuite de rediffuser et d'avoir ça en termes d'archivage pour le futur.
00:02:36Et bien sûr remercier l'ensemble des équipes qui ont contribué à préparer cette journée du campus Sydarth.
00:02:45Alors vous l'avez bien compris, l'engagement pour un établissement comme celui du Pas-de-Calais du campus Allemands environnemental
00:02:54sur une thématique comme ça il est fort, j'allais dire même il est puissant
00:02:58puisqu'au travers des formations on a bien sûr une pédagogie qui ramène au cœur les sciences
00:03:05mais aussi la dimension environnementale.
00:03:07Donc ce matin parmi nous on a les filières GPL du site de Timo qui sont présentes.
00:03:13Nous présentons en quelques mots le campus, c'est trois sites géographiques
00:03:20donc Saint-Aubert qui est très orienté sur le maraîchage bio,
00:03:27Radagant qui est centré sur de l'élevage et du service à la personne
00:03:32et le site de Thillois qui est lui sur de la grande culture,
00:03:36gros volet d'expérimentation au titre de l'exploitation du col mais aussi tout ce qui est filière générale
00:03:42et technologique.
00:03:44C'est plusieurs domaines de formation, des formations en agriculture,
00:03:50je ne vais pas les détailler parce que c'est très large et très vaste les métiers d'agriculture aujourd'hui,
00:03:55l'environnement bien sûr et le paysage, le service à la personne et le sport depuis peu maintenant
00:04:03mais depuis quelques temps ainsi que les sciences qui sont fortement développées.
00:04:08Les sciences du vivant, l'écologie qu'on retrouve bien sûr dans nos référentiels de formation,
00:04:15je pense au BAC Général, je pense au STAP et je pense au BTS GPN dont je le citais tout à l'heure.
00:04:23Je voulais également saluer l'implication de Monsieur Pagny
00:04:28qui a oeuvré depuis plusieurs mois maintenant pour organiser cette journée.
00:04:35On peut dire que c'est un succès vu l'amphi qui est pratiquement plein,
00:04:38on se faisait la remarque tout à l'heure de la capacité d'amphithéâtre,
00:04:41on est à une capacité de 450 personnes donc on n'est pas très loin.
00:04:45Des enseignants en sciences et en technique du site d'Arras qui se sont mobilisés
00:04:51mais aussi des collègues qui sont de l'extérieur et bien sûr très largement les équipes
00:04:56qui se sont mobilisées pour réaliser cette journée.
00:04:59Je pense aussi au personnel technique qui travaille souvent dans l'ombre
00:05:02ainsi que les administratifs qui ont le plaisir d'avoir préparé ce matin
00:05:07et qui ont le plaisir d'avoir préparé le cocktail pour les gens qui iront à ce moment-ci,
00:05:10pour la bonne tenue de cette journée.
00:05:12Enfin, je voudrais remercier Monsieur Sueur, conférencier, professeur pour son expertise en écho-acoustique
00:05:22et son rôle au Muséum National d'Histoire Naturelle
00:05:25qui est au cœur de cette conférence pour la matinée et ensuite sur le terrain cet après-midi pour de l'expertise.
00:05:36Merci à vous tous et très bonne conférence et très bonne journée à vous.
00:05:48Je vais compléter quelques éléments.
00:05:51En quelque sorte déjà, pourquoi cette conférence ?
00:05:54Finalement, on fait du lien tous les jours dans nos référentiels,
00:05:58puisque l'on va parler des référentiels.
00:06:00Dans les référentiels, vous êtes amenés à faire de la lecture de paysages,
00:06:03de la lecture de paysages qui s'appelle à vos sens.
00:06:06Et là aujourd'hui, on va faire appel à un seul des sens qui est l'écoute.
00:06:11Donc prenez le temps de savourer, on est dans la journée du bonheur.
00:06:15Savourez ce sens pleinement.
00:06:17Vous allez l'explorer dans de nombreux sens et dans de nombreuses sphères.
00:06:22Allez-y pleinement.
00:06:25Ça fait du lien avec vos formations, ça fait du lien avec les valeurs du campus.
00:06:29Ça permet vraiment d'insister.
00:06:31Campus agro-environnemental, là aujourd'hui on est clairement dans l'environnemental
00:06:36et c'est très appréciable aussi.
00:06:39Le rôle de l'enseignement, c'est de transmettre, c'est d'inviter à rechercher, à rêver.
00:06:45Donc laissez-vous porter par ce que vous allez entendre, ressentir.
00:06:51Finalement, Jérôme Sueur va vous offrir un regard nouveau, une invitation dans un monde parallèle,
00:06:57on peut le dire comme ça en quelque sorte.
00:07:00Donc je vous invite à écouter la nature un peu autrement.
00:07:07Soyez à l'écoute, soyez attentifs de votre environnement,
00:07:10de l'environnement qui vous sera proposé aujourd'hui.
00:07:14Pour ce matin le déroulé, donc on va laisser la parole à Monsieur Sueur.
00:07:19Et pendant ce moment-là, je vous invite à prendre des notes si vous avez des questions
00:07:23parce qu'il ne va pas parler toute la matinée,
00:07:25à un moment donné il va s'arrêter et vous allez avoir la parole.
00:07:29On va avoir un micro qui va passer parmi vous.
00:07:31Donc soyez curieux, profitez-en.
00:07:33Ce n'est pas tous les jours qu'on a quelqu'un de cette envergure
00:07:37qui nous permet d'avoir des réponses directes à nos interrogations.
00:07:42Voilà, donc sans plus attendre, je vous laisse entre les mains de Jérôme Sueur qui est expert
00:07:46et qui va nous ouvrir les oreilles sur un monde fascinant des paysages sauvages.
00:07:51Bonne conférence.
00:07:59Ici je suis étonné de cette audience, je ne m'attendais pas à ça.
00:08:03Je pensais être dans une classe de cours avec 30 personnes.
00:08:07C'est très impressionnant.
00:08:09Je suis dans une région que j'aime aussi.
00:08:13Une partie de ma famille vient d'ici.
00:08:15Je suis très content d'être ici.
00:08:17Je vais vous parler d'un métier un petit peu original
00:08:21qui est être éco-acousticien.
00:08:23C'est une discipline scientifique qui est née il y a une dizaine d'années au muséum.
00:08:28On l'a nommé là-bas au Jardin des plantes.
00:08:31Je suis en effet enseignant-chercheur dans cet endroit.
00:08:36Je ne sais pas si certains d'entre vous ont déjà visité ce lieu à Paris.
00:08:40C'est un bel endroit, vous êtes les bienvenus.
00:08:42On a des jardins, des lieux d'exposition.
00:08:46On travaille dans ce laboratoire que j'ai formé.
00:08:52C'est de l'anglais pour que ce soit un peu international.
00:08:55Eco-acoustic research here pour l'oreille.
00:08:58Pour essayer de prêter une oreille partie.
00:09:00On repose notre communication, nos interactions
00:09:05qui sont essentiellement sur la vue.
00:09:07On oublie un petit peu nos oreilles.
00:09:09Mais avant d'aller dans le son, j'ai besoin de vous définir
00:09:13quelques concepts très simples.
00:09:15Je vais passer par l'image.
00:09:17C'est un peu étonnant.
00:09:19Cette image, qu'est-ce qu'elle vous évoque d'un point de vue sonore-acoustique ?
00:09:29Un bruit blanc, très bien.
00:09:32Il y en a déjà qui ont des concepts, des idées de physique.
00:09:36Un bruit blanc, très bien.
00:09:38Un bruit, c'est un peu ce qu'on voyait avant sur les vieilles télés
00:09:42quand ça ne fonctionnait plus.
00:09:44Très bien, il n'y a pas de bonne réponse.
00:09:46Ça, qu'est-ce que ça ?
00:09:48C'est du noir.
00:09:49Qu'est-ce que ça vous évoque d'un point de vue sonore ?
00:09:51Rien.
00:09:52C'est quoi, rien ?
00:09:54Du silence.
00:09:56Ok, pourquoi pas.
00:09:58Et ça ?
00:10:01Rien.
00:10:03Du silence, ok.
00:10:05En lumière, le blanc, c'est quoi ?
00:10:07Est-ce que c'est de l'absence de couleurs ?
00:10:10C'est rien ?
00:10:12C'est l'inverse.
00:10:16Oui, c'est toutes les couleurs.
00:10:18Toutes les couleurs, c'est l'inverse.
00:10:20C'est le plein.
00:10:22Mais encore une fois, il n'y a pas de bonne et de mauvaise réponse.
00:10:24Le blanc peut évoquer du silence,
00:10:26mais ça pourrait être aussi tous les sons qu'on somme.
00:10:28Ça pourrait être exactement l'inverse.
00:10:32Et cette peinture de Kandinsky,
00:10:34qu'est-ce qu'elle vous évoque comme son ?
00:10:36Est-ce que vous pouvez imaginer des sons à partir de ça ?
00:10:38C'est déjà plus dur.
00:10:40La musique.
00:10:42La musique ? Quel type de musique ?
00:10:44Contemporaine.
00:10:46Pardon ? Contemporaine ? C'est ça ce que j'ai entendu ?
00:10:48Oui, ça peut être ça.
00:10:52En fait, vous faites ce que vous voulez.
00:10:54Vous imaginez tous les sons que vous voulez.
00:10:56C'est exactement les mêmes sons d'un voisin à l'autre.
00:11:04J'ai fait ça rapidos dans le TGV ce matin.
00:11:06Il faut que je prenne une image locale.
00:11:08Alors, qu'est-ce que ça vous évoque comme son ?
00:11:10Vous connaissez tous cet endroit.
00:11:12Qu'est-ce que vous entendez ?
00:11:14Des bières.
00:11:18Quoi d'autre ?
00:11:22Il n'y a que des bruits de bière.
00:11:24Les gens ?
00:11:30La fête.
00:11:32On est dans un milieu urbain.
00:11:34Mais vous voyez que d'une image,
00:11:36il n'y a pas que l'image.
00:11:38Cette image, finalement, si je rajoutais du son,
00:11:40elle ne deviendrait plus vivante.
00:11:42On va vers le cinéma,
00:11:44si elle se met aussi à bouger.
00:11:46Et celle-là ?
00:11:50Les oiseaux ?
00:11:52Moi, j'ai du mal à vous entendre.
00:11:54Le vent ?
00:11:58C'est loin d'ici.
00:12:00Pour le coup, c'est dans les Pyrénées.
00:12:02Mais vous voyez que vous ne répondez pas du tout la même chose.
00:12:04A chaque endroit,
00:12:06à chaque paysage visuel,
00:12:08va correspondre un paysage sonore.
00:12:12Alors,
00:12:14qu'est-ce qu'un bruit ?
00:12:16Ceux qui ont vu ça en physique,
00:12:18il y a plein de définitions possibles.
00:12:20Un bruit physique, ça va être un son,
00:12:22une vibration qui n'est pas organisée,
00:12:24ni dans le temps, ni en amplitude,
00:12:26ni en fréquence.
00:12:28Il y a notamment cette histoire de bruit blanc,
00:12:30mais il y a aussi des bruits roses, des bruits violets,
00:12:32il y a toutes les couleurs de bruit.
00:12:34Ça va dépendre de leur contenu spectral.
00:12:36Je vais vous provoquer un petit peu,
00:12:38mais est-ce que vous savez faire du bruit ?
00:12:40Allez-y !
00:12:42Applaudissements
00:12:46C'est déjà pas mal organisé.
00:12:48Il y a des applaudissements,
00:12:50c'est une manifestation collective,
00:12:52organisée.
00:12:54Déjà, on n'est presque plus dans le bruit,
00:12:56parce que vous faites passer une information.
00:12:58Ok ?
00:13:02Alors, qu'est-ce qu'un son ?
00:13:04Un son,
00:13:06ça va être une vibration qui va être transmise dans l'air,
00:13:08ou dans l'eau, ou même dans un solide,
00:13:10qui va être structurée.
00:13:12Donc, qui va avoir une organisation temporelle,
00:13:14une organisation en amplitude,
00:13:16en temps, et une organisation fréquentielle.
00:13:18Et qui, le plus souvent,
00:13:20mais pas toujours, va transmettre une information.
00:13:22D'accord ?
00:13:24Qui va coder quelque chose.
00:13:26Est-ce que vous pouvez faire tous un son en même temps ?
00:13:28Alors, lequel ?
00:13:30C'est compliqué.
00:13:32Mais peut-être que d'applaudir, mais pas pour moi.
00:13:34Mais c'est un son.
00:13:36Ou si vous siffliez tous en même temps ?
00:13:40Ah !
00:13:46Ah !
00:13:48Ça commence à être structuré.
00:13:50Vous faites des sons purs,
00:13:52avec peut-être des harmoniques,
00:13:54et ça a une qualité acoustique.
00:13:58Alors, le silence, c'est quoi ?
00:14:00Qu'est-ce que c'est, le silence ?
00:14:04C'est ? Pardon ?
00:14:06Zéro variation.
00:14:08C'est rien, c'est le vide.
00:14:10Alors, on peut discuter longtemps sur le silence.
00:14:12Mais est-ce que vous êtes capables ?
00:14:14Attention, ça c'est peut-être le plus dur.
00:14:16Est-ce que vous êtes capables
00:14:18de faire du silence ?
00:14:30Non, vous n'êtes pas capables.
00:14:32Vous voyez ?
00:14:34C'est extrêmement difficile.
00:14:36C'est très facile de faire du bruit,
00:14:38du son, mais du silence, ce n'est pas possible.
00:14:42Pourquoi ? Parce que nous sommes des animaux
00:14:44qui sont très visuels et très communiquants.
00:14:46Et on a tout le temps
00:14:48besoin d'échanger des informations.
00:14:50Est-ce que vous avez entendu quelque chose ?
00:14:52Qu'est-ce que vous avez entendu ?
00:14:54C'était quoi comme oiseau ?
00:14:56Ah bon ?
00:14:58Ah, il n'y a que ça.
00:15:00Non, il n'y a pas que ça.
00:15:02J'ai entendu un troglodyte, mais peut-être il m'est entouré.
00:15:06Il y avait une maison charbonnière.
00:15:08Ok, j'ai mal écouté.
00:15:10Et voilà, faire silence,
00:15:12c'est extrêmement difficile.
00:15:16Alors, pourquoi on fait silence ?
00:15:18On fait silence
00:15:20pour écouter le son et le bruit.
00:15:22Là, vous allez faire silence,
00:15:24c'est un peu...
00:15:26obligé, presque.
00:15:28Je suis désolé, parce que j'ai la parole,
00:15:30j'ai la chance d'avoir la parole et de dire ce que j'ai envie de dire,
00:15:32même si c'est des conneries.
00:15:34Voilà, je peux le dire.
00:15:36Donc, on fait silence pour écouter,
00:15:38pour écouter à la fois le son des autres,
00:15:40dans lequel il peut y avoir une information,
00:15:42une ou plusieurs informations,
00:15:44et potentiellement aussi le bruit,
00:15:46qui là, lui, ne contient pas d'informations
00:15:48et qui est plutôt dérangeant.
00:15:50Alors,
00:15:52j'ai travaillé un petit peu sur le silence,
00:15:54et j'ai travaillé un peu longtemps même,
00:15:56trois ans sur le silence,
00:15:58et la meilleure définition que j'ai trouvée,
00:16:00ça sort de la bouche d'un enfant de maternelle,
00:16:02que j'ai retrouvée par mes enfants,
00:16:04par mes propres enfants,
00:16:06et qui est, le silence
00:16:08est un son, c'est quand même quelque chose,
00:16:10c'est pas le rien,
00:16:12c'est pas le vide,
00:16:14mais c'est un son qui ne fait pas de bruit.
00:16:20Voilà, on est dans le silence.
00:16:22Alors, je vous laisse méditer sur ça.
00:16:24Et donc,
00:16:26en fait, cette idée de silence,
00:16:28de bruit, de signal,
00:16:30de son, tout ça, c'est relatif.
00:16:32C'est-à-dire que,
00:16:34là, moi, je fais du son,
00:16:36mais peut-être que ça vous ennuie,
00:16:38vous n'avez pas envie d'écouter,
00:16:40ça va devenir du bruit pour vous.
00:16:42Et pareil, là, vous vous êtes en train
00:16:44de communiquer les uns les autres,
00:16:46en train de discuter, vous faites du son,
00:16:48mais ça va être du bruit pour moi,
00:16:50parce que ça va me distraire.
00:16:52Et donc, tout ça, tout est hyper relatif.
00:16:54Tout va dépendre du contexte
00:16:56dans lequel vous êtes,
00:16:58et un son,
00:17:00le oiseau, pourtant,
00:17:02il peut finir par nous casser les pieds,
00:17:04alors que c'est un son, normalement,
00:17:06plutôt agréable.
00:17:08Donc, tout est relatif.
00:17:10Mon son et votre son ne sont pas les mêmes,
00:17:12mon bruit et votre bruit ne sont pas les mêmes,
00:17:14et mon silence et votre silence
00:17:16ne sont pas les mêmes.
00:17:18Et puis, on peut aller jusqu'à la musique.
00:17:20Je vais vous parler un chouïa de musique,
00:17:22parce qu'en fait, en écoacoustique,
00:17:24je fais de l'écologie vraiment scientifique,
00:17:26je suis très souvent contacté par des musiciens
00:17:28qui s'intéressent au son de la nature,
00:17:30qui vont faire de la musique, des compositions
00:17:32avec le chant de la mésange
00:17:34qui peut être enregistré ici.
00:17:36Et là, on revient à toutes les questions
00:17:38de qu'est-ce que la musique aussi.
00:17:40Je vais aller un petit peu vite là-dessus,
00:17:42parce que ce n'est pas vraiment le sujet,
00:17:44mais on peut penser à des grands classiques,
00:17:46hyper classiques, peut-être redevenus
00:17:48trop classiques,
00:17:50les quatre saisons de Vivaldi,
00:17:52on est dans le
00:17:54classicisme
00:17:56de la musique.
00:17:58Je vous conseille d'écouter
00:18:00cette recomposition des quatre saisons
00:18:02par Max Richter qui est extraordinaire
00:18:04et qui, à la fin,
00:18:06varie vers ce qu'on appelle
00:18:08de l'électro-acoustique
00:18:10de la musique composée avec des sons enregistrés
00:18:12et notamment beaucoup d'oiseaux.
00:18:14Et donc, on part de Vivaldi
00:18:16et on va jusqu'à la musique des oiseaux.
00:18:18Est-ce que
00:18:20quelqu'un connaît ça ?
00:18:22Est-ce que vous connaissez
00:18:24Lou Reed déjà, le Velvet Underground ?
00:18:26Non ? Pas du tout de votre génération ?
00:18:28Bon,
00:18:30Lou Reed, c'est
00:18:32un musicien
00:18:34étasunien
00:18:36de New York
00:18:38et il a lancé un courant musical
00:18:40qui s'appelle La Noise.
00:18:42Est-ce que quelqu'un a déjà écouté La Noise ?
00:18:44Non ?
00:18:46On va écouter,
00:18:48vous allez voir.
00:19:16Alors, qu'est-ce que vous en pensez ?
00:19:18Est-ce que c'est de la musique
00:19:20ou est-ce que c'est du bruit ?
00:19:22Du bruit !
00:19:24Eh bien, il y en a qui adorent La Noise
00:19:26et ils le considèrent comme de la musique.
00:19:28Il y a des concerts de Noise
00:19:30et si
00:19:32j'ai un film à vous conseiller sur l'audition,
00:19:34c'est ce film
00:19:36Sound of Metal.
00:19:38Ça parle d'un groupe de Noise
00:19:40dont le batteur devient sourd
00:19:42et il y a une musique
00:19:44de Noise dont le batteur devient sourd
00:19:46et c'est toute son
00:19:48évolution
00:19:50vers la surdité
00:19:52où il perd justement la capacité d'entendre
00:19:54sa musique
00:19:56et son environnement sonore.
00:19:58Et puis,
00:20:00en musique, il peut y avoir d'autres choses encore plus dérangeantes
00:20:02qui requestionnent ces idées
00:20:04de son, bruit,
00:20:06silence.
00:20:08John Cage, un autre
00:20:10musicien étasunien,
00:20:12alors lui, il a composé
00:20:14une musique
00:20:16qui dure 4 minutes 33. Pourquoi 4 minutes 33 ?
00:20:18Parce que c'était la durée moyenne
00:20:20des singles dans les années
00:20:2250-60. Alors on va
00:20:24écouter un petit peu de cette composition.
00:20:42...
00:20:52...
00:21:04...
00:21:14...
00:21:24...
00:21:34...
00:21:44...
00:21:52Deuxième mouvement.
00:21:54...
00:21:56Bon, on ne va pas aller jusqu'au bout
00:21:58parce qu'on n'a pas le temps.
00:22:00C'est 4 minutes 33 de silence.
00:22:02Est-ce que vous pourriez refaire cette composition ?
00:22:044 minutes 33.
00:22:06On a tenu 15 secondes, je crois, à peu près.
00:22:08...
00:22:10Qu'est-ce qu'il veut nous dire, John Cage ?
00:22:12Il nous dit que
00:22:14dans le silence, vous allez entendre des sons
00:22:16il va y avoir des sons dans la salle comme il y a des sons
00:22:18aujourd'hui et que tous ces sons
00:22:20ont un intérêt
00:22:22et qu'ils peuvent être considérés comme de la musique.
00:22:24Et l'idée, c'est que
00:22:26pareil, quand vous allez aller dehors,
00:22:28quand vous allez sortir du lycée,
00:22:30ouvrez vos oreilles et tous les sons
00:22:32ont un intérêt. Alors moi j'ai un peu plus
00:22:34d'intérêt pour les sons de la mésange
00:22:36ou du troglodyte, mais c'est l'idée.
00:22:38C'est qu'on ne vit pas que dans un monde visuel,
00:22:40on vit aussi dans un monde sonore
00:22:42et qu'il faut juste aller chercher ces sons
00:22:44avec nos oreilles et que c'est pas si difficile que ça.
00:22:46...
00:22:48...
00:22:50Je vais passer ça parce qu'on n'a pas trop le temps.
00:22:52Alors, on va voir
00:22:54aux sons, aux bruits
00:22:56et au silence dans les paysages sonores
00:22:58dits naturels essentiellement.
00:23:00Donc je reprends cette photo
00:23:02de vacances pour tout vous dire
00:23:04dans les Pyrénées.
00:23:06Vous avez un paysage visuel
00:23:08qui déjà va vous dire
00:23:10quelque chose d'un point de vue sonore.
00:23:12On a parlé d'oiseaux, de vent.
00:23:14Et en effet,
00:23:16émanent
00:23:18de ce paysage visuel
00:23:20un paysage sonore.
00:23:22Un paysage sonore, c'est quoi ?
00:23:24C'est très compliqué. Il y a eu plein de définitions
00:23:26au cours du temps.
00:23:28Mais aujourd'hui, on peut dire d'une manière
00:23:30un petit peu générale que c'est l'ensemble des sons
00:23:32qui émanent d'un endroit
00:23:34à un temps donné
00:23:36et que ces sons ont été filtrés
00:23:38par l'environnement.
00:23:40Alors, ce qui se passe,
00:23:42c'est qu'il n'y a pas qu'un seul paysage sonore
00:23:44à chaque endroit,
00:23:46je vais entendre des choses différentes.
00:23:48Si je me mets plutôt dans la forêt,
00:23:50je vais entendre, comme on a dit tout à l'heure,
00:23:52des oiseaux, un peu de vent, peut-être des insectes
00:23:54qui volent.
00:23:56Si je me mets plutôt dans le village,
00:23:58je vais avoir des sons urbains,
00:24:00des petits villages,
00:24:02des klaxons, des cloches, des gens qui parlent,
00:24:04des voitures qui passent, des chiens qui aboient.
00:24:06Et puis, si je monte et que je fais une rando
00:24:08et que je monte tout là-haut,
00:24:10je vais avoir d'autres sons, peut-être plus de vent,
00:24:12de pluie, je vais en altitude,
00:24:14ça va être un peu plus rude, je vais avoir un autre paysage.
00:24:16Et en fait, à chaque endroit
00:24:18où on va se positionner dans notre paysage,
00:24:20on va avoir un paysage sonore
00:24:22qui est différent.
00:24:24Si je me mets en haut de l'amphi, je ne vais pas entendre
00:24:26comme là, sur la scène.
00:24:28Et, en plus,
00:24:30nous avons tous des oreilles différentes,
00:24:32nous avons tous des nerfs auditifs,
00:24:34des cerveaux différents,
00:24:36et des expériences, des vies différentes,
00:24:38et donc on ne perçoit pas,
00:24:40on n'interprète pas de la même manière ce que l'on entend.
00:24:42Donc, même si quelqu'un vient se mettre
00:24:44juste à côté de moi,
00:24:46ce qu'il percevra, ce qu'il interprétera
00:24:48d'un point de vue acoustique, sera différent.
00:24:50Alors là, je vous ai fait
00:24:52un paysage
00:24:54montagnard, mais évidemment,
00:24:56on peut se balader en bord de mer,
00:24:58selon l'endroit, je ne vais pas entendre de la même manière
00:25:00la mer, la plage,
00:25:02la ville.
00:25:04Là, c'est un paysage urbain
00:25:06parisien, c'est la même chose,
00:25:08on va avoir des choses différentes selon
00:25:10où l'on se trouve.
00:25:12Alors, l'idée,
00:25:14c'est d'essayer de décrire
00:25:16ces paysages sonores, qu'ils soient
00:25:18urbains, périurbains, ou en pleine campagne,
00:25:20en pleine nature, en réserve, etc.
00:25:22Pour ça,
00:25:24moi je viens du muséum, au muséum,
00:25:26vous savez, on aime bien classer, trier
00:25:28les choses, on met des noms sur les individus,
00:25:30on met des noms d'espèces, on les classe
00:25:32dans des genres,
00:25:34des tribus, des familles,
00:25:36des superfamilles, etc.
00:25:38On a besoin de trier, pourquoi ? Parce que nommer,
00:25:40en nommant, évidemment qu'on connaît mieux
00:25:42et on peut mieux décrire.
00:25:44Et donc, il y a une classification
00:25:46un peu générale, grossière,
00:25:48des sons que l'on peut entendre dehors.
00:25:50Alors, la première classe,
00:25:52celle qui m'intéresse le plus
00:25:54en tant qu'écologue, c'est
00:25:56les sons issus des êtres vivants.
00:25:58Alors, dans
00:26:00être vivant, évidemment, on inclut
00:26:02humain et non-humain,
00:26:04mais c'est vrai que, bon,
00:26:06humain, d'un point de vue sonore, on est un petit peu
00:26:08différent, enfin,
00:26:10on a cette parole. Donc,
00:26:12on peut aussi distinguer
00:26:14ce qu'on appelle l'anthropophonie,
00:26:16donc les sons anthropo
00:26:18de l'homme, ce qui vont être des sons
00:26:20naturels, la voix, le chant,
00:26:22là, quand je bouge, je fais un petit peu de son,
00:26:24les sons de
00:26:26mon estomac, parce que je vais commencer à avoir
00:26:28faim, des choses comme ça, mais ça reste
00:26:30des sons naturels, et qui sont
00:26:32évidemment très proches ou inclus dans
00:26:34la biophonie. La biophonie sont
00:26:36tous les sons naturels,
00:26:38dans ce cas-là, qui sont non-humains. Donc, ça
00:26:40va être quoi ? Alors, il y a des pictogrammes,
00:26:42mais qui
00:26:44fait des sons dans les espèces
00:26:46animales non-humaines ?
00:26:48Il y a des exemples, mais est-ce que vous pouvez me donner des exemples ?
00:26:52À part la maison
00:26:54charbonnière.
00:26:56Chien. Alors, chien, ouais,
00:26:58c'est un animal domestique, mais oui, c'est un
00:27:00canidée, c'est un mammifère, les mammifères.
00:27:02Quoi d'autre ?
00:27:04Canard,
00:27:06oiseau. Alors, on va faire
00:27:08tout oiseau, d'accord, mais canard, ouais.
00:27:10Vache, mammifère,
00:27:12ouais. Sanglier,
00:27:14j'ai entendu.
00:27:16Chiropthère, mammifère,
00:27:18encore, donc, chauve-souris.
00:27:20Cigale. Ah, merci.
00:27:22J'ai fait ma thèse sur les cigales.
00:27:24Qui a dit les cigales ?
00:27:26Tout à l'heure. Donc, cigale,
00:27:28on va remettre ça. Insecte.
00:27:30Qu'est-ce qu'il y a d'autre, là ?
00:27:36Vous n'avez pas d'amphibiens, ici ?
00:27:38Poisson. Les poissons font des sons.
00:27:40On ne le sait pas beaucoup, mais on sait de plus en plus
00:27:42que les poissons font des sons. Ils grognent.
00:27:44Les amphibiens,
00:27:46les mammifères marins,
00:27:48les baleines, évidemment. Pardon ?
00:27:50Ouais, les cétacés.
00:27:52Les cétacés.
00:27:54Et puis, on a tous les sons
00:27:56qui sont naturels, mais qui sont
00:27:58abiotiques. Ils ne sont pas biologiques.
00:28:00Ce sont essentiellement les sons de la
00:28:02météo, les sons du vent, les sons de la pluie,
00:28:04on en a parlé, le son d'une rivière, d'un torrent,
00:28:06le ressac de la mer,
00:28:08un tremblement de terre. C'est pas forcément
00:28:10le truc qu'on a envie d'expérimenter, d'écouter, mais
00:28:12des sons qui restent naturels.
00:28:14Et puis, on a
00:28:16les sons de la...
00:28:18C'est la géophonie, pardon.
00:28:20Les sons de nos machines, qui sont des sons
00:28:22liés à l'activité humaine, mais qui sont des sons
00:28:24liés à des machines,
00:28:26à des artifices, des outils.
00:28:28On appelle ça la technophonie.
00:28:30Ça va être les sons des avions,
00:28:32des transports, des usines,
00:28:34des engins agricoles,
00:28:36des tracteurs,
00:28:38des constructions, des destructions de la musique,
00:28:40etc.
00:28:42De savoir ça, ça nous permet déjà de
00:28:44décrire un petit peu les paysages sonores.
00:28:46Alors, ce que l'on sait,
00:28:48je fais d'une manière
00:28:50très simpliste,
00:28:52c'est que la technophonie
00:28:54nous fait du mal et fait du mal à la biophonie.
00:28:56C'est-à-dire que là, on est passé
00:28:58le long de la route,
00:29:00et ça circule, et ça circule.
00:29:02On commençait déjà à avoir du mal à discuter,
00:29:04on était fatigué par ce bruit.
00:29:06Ça nous fait du mal, ça fait du mal à notre santé,
00:29:08à notre état psychologique.
00:29:10Ça a des effets
00:29:12très variés sur notre santé
00:29:14et sur la santé des autres êtres vivants,
00:29:16les oiseaux.
00:29:18Ça a été beaucoup étudié chez les oiseaux,
00:29:20mais aussi chez les amphibiens,
00:29:22chez les mammifères.
00:29:24En revanche,
00:29:26la biophonie nous fait du bien.
00:29:28On sait aussi, il y a des études
00:29:30qui démontrent qu'écouter les oiseaux,
00:29:32on en a reparlé dans les médias
00:29:34il y a deux jours,
00:29:36écouter les oiseaux nous fait du bien
00:29:38pour notre santé mentale, notre santé
00:29:40physiologique. Donc, il y a une sorte
00:29:42d'opposition, un petit peu,
00:29:44entre ce que nous laissons que l'on fait
00:29:46faire du mal aux autres, alors que les sons des autres
00:29:48nous font plutôt du bien.
00:29:52Alors, est-ce que justement les paysages sonores
00:29:54sont menacés par le bruit ? Oui.
00:29:56Clairement, ils sont menacés par
00:29:58cette technophonie, nos transports.
00:30:00Alors, je ne vais pas vous faire écouter le bruit
00:30:02de l'avion parce que c'est un bruit d'avion,
00:30:04ça va saturer,
00:30:06c'est insupportable.
00:30:08Et puis de l'autre côté, c'est un peu une provocation,
00:30:10mais la perte de biodiversité,
00:30:12la chute de la biodiversité qu'on a
00:30:14aujourd'hui, notamment liée à une
00:30:16agriculture extensive,
00:30:18n'améliore pas
00:30:20les niveaux de biodiversité.
00:30:22S'il n'y a pas de haies, par exemple, s'il n'y a pas de bosquets,
00:30:24dans ces endroits,
00:30:26là,
00:30:28on va vers du silence
00:30:30plutôt que vers la présence de la
00:30:32biophonie.
00:30:34Et ça, là, je vous parle du terrestre
00:30:36parce que moi, je travaille en milieu
00:30:38terrestre, mais c'est aussi vrai
00:30:40en milieu marin, un milieu marin qu'on ne connaît pas beaucoup.
00:30:42Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui plongent,
00:30:44mais si vous plongez,
00:30:46même en snorkeling, vous pouvez entendre
00:30:48des sons, des sons de crevettes,
00:30:50des sons de poissons aussi qui grognent
00:30:52à la bonne heure, plutôt le matin.
00:30:54Mais il y a une pollution
00:30:56marine qui est extrêmement importante
00:30:58liée au bateau,
00:31:00liée à la recherche
00:31:02de pétrole, à la recherche
00:31:04minière,
00:31:06liée à l'activité militaire
00:31:08aussi, les sonars militaires
00:31:10font extrêmement de bruit
00:31:12et impactent la faune sous-marine.
00:31:14Vous voyez là
00:31:16les traces des circuits
00:31:18du trafic marin.
00:31:20Tout ça, c'est en fait du bruit.
00:31:22Donc l'idée, c'est
00:31:24on a nous
00:31:26notre santé qu'il faut préserver
00:31:28évidemment, mais il y a aussi
00:31:30la santé des autres,
00:31:32la santé animals,
00:31:34des animaux, des autres êtres vivants
00:31:36et la santé des environnements.
00:31:38Et tout ça, ça fait un tout
00:31:40combiné qu'on appelle
00:31:42One Health, une seule santé.
00:31:44Et donc si je veux me protéger,
00:31:46je protège aussi les autres
00:31:48des impacts du bruit.
00:31:50Alors, pourquoi
00:31:52en écologie étudier les paysages
00:31:54sonores ? En fait, à partir des
00:31:56paysages sonores, on a des informations
00:31:58sur l'état écologique
00:32:00de l'environnement que l'on écoute,
00:32:02que l'on enregistre. On va pouvoir
00:32:04suivre des espèces
00:32:06particulières, des espèces d'intérêt
00:32:08qui vont avoir un intérêt écologique,
00:32:10qui vont avoir un intérêt patrimonial
00:32:12ou un intérêt, voire économique.
00:32:14Juste de savoir quand est-ce que
00:32:16ces espèces sont présentes, où elles sont présentes
00:32:18dans le paysage, dans votre territoire,
00:32:20dans la réserve, dans le parc que vous
00:32:22êtes amené à gérer.
00:32:24Éventuellement, combien il y a d'individus.
00:32:26Essayez
00:32:28de faire un suivi
00:32:30de ces espèces d'intérêts par l'écoute,
00:32:32par le son. Donc on va vers une
00:32:34estimation de la biodiversité
00:32:36en essayant, et on va peut-être essayer
00:32:38de le faire cet après-midi, d'estimer le
00:32:40nombre d'espèces et quelles espèces
00:32:42sont présentes,
00:32:44quelles sont leurs dynamiques en termes
00:32:46d'espace et de temps, quand est-ce qu'elles arrivent, quand est-ce qu'elles
00:32:48partent, notamment les espèces
00:32:50migratrices. Et puis on peut
00:32:52estimer, c'est aussi le rôle des
00:32:54écologues, le niveau de pollution,
00:32:56on appelle ça l'exposome,
00:32:58de pollution sonore dans un environnement
00:33:00naturel. Lorsque vous
00:33:02allez dans une réserve, on parlait d'une
00:33:04réserve là qui n'était pas
00:33:06loin, si vous allez dans une réserve, vous devez vous attendre
00:33:08à être dans un espace sonore qui est préservé.
00:33:10Mais les sons
00:33:12n'ont pas vraiment de frontières, les bruits
00:33:14n'ont pas vraiment de frontières. Donc s'il y a une route qui n'est pas
00:33:16loin, les sons vont entrer et c'est
00:33:18une forme de pollution pour cet
00:33:20endroit, pour les espèces qui vivent
00:33:22et pour les visiteurs humains.
00:33:24Donc on peut faire ça
00:33:26par le son, on pourra peut-être essayer de le faire cet après-midi
00:33:28aussi. Et puis
00:33:30on peut aussi, alors ce n'est pas
00:33:32le truc le plus intéressant, détecter des
00:33:34infractions, il y a des
00:33:36détecteurs automatiques de coups de feu,
00:33:38voilà, détecter les
00:33:40braconniers, des trafiquants de bois,
00:33:42des exploitations qui
00:33:44ne sont pas légales, par le son, on peut
00:33:46faire ça
00:33:48potentiellement. Ce n'est pas du tout ce qu'on fait,
00:33:50mais potentiellement on peut le faire. Alors comment on
00:33:52fait ? On part d'un endroit,
00:33:54nous on travaille beaucoup en forêt,
00:33:56c'est notre milieu préféré, de
00:33:58cette forêt émanent
00:34:00plein de sons mélangés, c'est un mix
00:34:02de sons
00:34:04que l'on va enregistrer avec des
00:34:06magnétophones, je vais vous montrer.
00:34:08Ces enregistrements, on les récupère,
00:34:10ils sont évidemment numériques
00:34:12et on en fait une analyse. Alors on a
00:34:14plein d'outils pour les analyser et c'est un de nos
00:34:16rôles aussi au laboratoire, c'est de développer
00:34:18des outils pour comprendre ces paysages
00:34:20sonores, les décomposer,
00:34:22les décrire. On utilise,
00:34:24un peu comme tout le monde maintenant, de l'intelligence
00:34:26artificielle pour ça. Ça nous donne
00:34:28des données qui vont nous permettre de
00:34:30décomposer le paysage sonore et d'avoir des informations
00:34:32sur les différents
00:34:34éléments de ce
00:34:36paysage sonore et donc d'avoir des informations
00:34:38d'écologie pour
00:34:40notamment le suivi de la biodiversité
00:34:42et la conservation des espaces naturels.
00:34:44Alors ces appareils,
00:34:46j'en ai emmené un, d'ailleurs
00:34:48je vous le montrerai peut-être tout à l'heure.
00:34:50On ne va pas avec un microphone
00:34:52comme ça dehors pour
00:34:54enregistrer à la main. C'est pas possible
00:34:56parce qu'on a besoin d'enregistrer beaucoup.
00:34:58Donc on a des magnétophones automatiques,
00:35:00par exemple celui-là, qui sont
00:35:02plutôt discrets, qui peuvent s'accrocher
00:35:04un peu partout. On les accroche souvent
00:35:06sur des arbres ou sur des piquets
00:35:08et on les programme avec un téléphone
00:35:10et on leur dit
00:35:12d'enregistrer quand on veut.
00:35:14Donc ça c'est un processus qu'on fera,
00:35:16on y réfléchira cet après-midi sur
00:35:18le quand on veut et pas si simple.
00:35:20Est-ce que j'enregistre tout le temps ? Est-ce que j'enregistre
00:35:22le matin parce qu'il y a les oiseaux ? Est-ce que j'enregistre
00:35:24la nuit parce qu'il peut y avoir
00:35:26des oiseaux nocturnes, des insectes, des loups, je n'en sais rien.
00:35:28Il faut réfléchir
00:35:30à quand on enregistre en fonction
00:35:32de la question scientifique que l'on
00:35:34se pose. Donc vous voyez
00:35:36différents modèles ici, dans différentes
00:35:38situations. Je vais vous faire écouter.
00:35:40Le premier, c'est dans une
00:35:42clairière au Jura
00:35:44où il y a essentiellement des insectes.
00:35:46J'espère que ça va fonctionner.
00:35:54Vous voyez, moi je deviens vieux
00:35:56parce que j'entends de moins en moins, c'est des orthoptères.
00:35:58C'est aigu. En plus, en étant derrière
00:36:00les enceintes, ce n'est pas terrible.
00:36:02Là, dans un endroit complètement différent,
00:36:04en forêt tropicale, en Guyane.
00:36:06Territoire d'outre-mer en Amérique du Sud.
00:36:14Ça, c'est dans l'eau au Jura.
00:36:24Qu'est-ce que c'est ?
00:36:40Alors, on repasse, j'espère,
00:36:42en forêt tropicale.
00:36:54C'est là qu'il y a l'eau.
00:37:24...
00:37:44Est-ce que vous avez une idée de ce que vous avez entendu ?
00:37:46Oui, Saint-Jure-leur, bravo.
00:37:48Saint-Jure-leur.
00:37:50Un son très impressionnant.
00:37:54...
00:37:56Alors,
00:37:58on va revenir en France hexagonale.
00:38:00On travaille depuis
00:38:02sept ans
00:38:04maintenant dans une forêt.
00:38:06Ça s'appelle la forêt du Rizou,
00:38:08dans le parc naturel régional
00:38:10du Haut-Jura.
00:38:12Pour les GPN, on travaille dans cette forêt
00:38:14qui est un lieu très protégé.
00:38:16On est dans le PNR.
00:38:18C'est une zone nature à demi-île.
00:38:20C'est une Zniev.
00:38:22Il y a un arrêté
00:38:24de biotopes.
00:38:26C'est une zone qui est très protégée.
00:38:28On est centre-est
00:38:30de la France, à la frontière
00:38:32avec la Suisse. Pour ceux qui connaissent,
00:38:34on est en face de la station de ski Les Rousses.
00:38:36C'est une forêt
00:38:38qui est plutôt petite, c'est 3500 hectares,
00:38:40mais
00:38:42qui est habitée par une faune très particulière,
00:38:44à la fois charismatique
00:38:46et qui a une haute valeur
00:38:48écologique et patrimoniale.
00:38:50Est-ce que vous savez
00:38:52quel est le premier oiseau en haut à gauche ?
00:38:54Oui, la Grande Tetrase.
00:38:56Est-ce que vous voulez l'écouter ?
00:38:58On va voir si ça fonctionne.
00:39:20La Gélinote
00:39:22des Bois,
00:39:24le Pic Tridactyle,
00:39:26qui est une espèce très rare,
00:39:28la Chouette de Tegman,
00:39:30je vais vous la faire écouter après
00:39:32parce que je vais vous en reparler.
00:39:34Le Brame du Cerf, on l'a entendu.
00:39:36Le Loup, vous voulez écouter le Loup ?
00:39:38Oui.
00:39:50...
00:40:16Alors faites-moi le lynx maintenant.
00:40:18...
00:40:20Vous n'êtes pas loin.
00:40:22Vous n'êtes pas loin.
00:40:24C'est une photo,
00:40:26pour parler photo,
00:40:28une photo de Vincent Munier,
00:40:30que vous connaissez peut-être,
00:40:32qui est un grand photographe animalier.
00:40:34Il y a combien de lynx sur la photo ?
00:40:36Oui, c'est bien. J'avais pas vu le deuxième.
00:40:38...
00:40:40Vous allez être surpris.
00:40:42Boris Jolivet.
00:40:44...
00:40:46...
00:40:48...
00:40:50...
00:40:52...
00:40:54...
00:40:56...
00:40:58...
00:41:00...
00:41:02Alors, je ne vous surprendrai pas en vous disant que c'est en période de rute.
00:41:16Alors, cette forêt est un milieu très riche, qui a une grande qualité écologique, mais
00:41:29qui est très menacée, je veux dire un peu comme tous les environnements.
00:41:33Alors, elle est menacée, j'ai mis en premier, ce n'est pas tant que ça, mais quand même
00:41:36par les usages humains, c'est une forêt qui est un lieu de loisirs, ski de fond l'hiver,
00:41:43beaucoup de ski de fond, évidemment VTT, course à pied, cueillette, etc.
00:41:48C'est normal, mais il y a une part de loisirs dans cette forêt.
00:41:54Elle est exploitée par l'ONF, pour ne pas les nommer, puis par des exploitants privés
00:42:01autour de la forêt.
00:42:03On coupe des arbres dans cette forêt, je ne suis pas sûr que ce soit absolument nécessaire
00:42:07pour moi, mais à chaque fois, ça c'était en octobre, moi ça me fait toujours mal de
00:42:13voir des arbres par terre, dans des épicéas qui sont quelquefois très vieux.
00:42:17Et puis surtout, on est en train de voir cette forêt changer à cause du changement climatique.
00:42:23C'est une forêt qui est très froide, on est près du lieu le plus froid de France,
00:42:27vous savez, Moult, où ça descend jusqu'à moins 30, moins 40 degrés, enfin ça descendait,
00:42:31cet hiver ça est descendu très bas, la première fois qu'on est allé, il faisait moins 10
00:42:36degrés, mais il y a une augmentation de la température et ça a des effets tout de suite,
00:42:41on le voit, vous voyez les épicéas, ils sont tout secs, ils sont en train de mourir
00:42:44sur place.
00:42:45Ce qui fait qu'on les coupe avant, donc la forêt est en train de changer, j'espère
00:42:49qu'elle ne disparaîtra pas, mais elle est en train de changer de physionomie.
00:42:53Alors, on a, pour ceux qui sont en GPN, on a été contacté par le PNR, en fait, pour
00:42:58faire un suivi acoustique de cette forêt sur le long terme, pour voir les changements
00:43:03en termes de son sur plusieurs années, donc on va travailler sur 10, 15, 20 ans et on
00:43:10enregistre en permanence cette forêt pour savoir comment le paysage sonore est en fait
00:43:14affecté par les changements globaux, les changements longs, notamment le changement
00:43:19climatique.
00:43:20Donc vous avez une carte de cette forêt, en vert, c'est la partie centrale de la forêt
00:43:26où il n'y a que des épicéas et donc l'idée là c'était de dire comment on va enregistrer
00:43:30cette forêt, combien de magnétophones on met, combien de temps ils enregistrent et
00:43:35ça en pensant qu'on doit durer sur 10, 15 ou 20 ans.
00:43:38Donc au final, après exploration sur le terrain, données géographiques, etc., on a décidé
00:43:45de placer 4 magnétophones, ce sont les points jaunes qui sont en cœur de parc, loin des
00:43:50pistes de ski, des chemins, etc.
00:43:54Donc sur chaque point jaune, on a cette installation où vous avez un magnétophone, alors c'est
00:44:01pas celui-là, c'en est un autre, qui est accroché à 3 mètres de hauteur à peu près
00:44:07parce que quand il y a la neige, sinon il risque d'être recouvert par la neige, il
00:44:11est alimenté par une batterie de 12 volts, une type batterie de moto, il est cadenassé
00:44:20parce qu'au moins on s'est fait voler du matériel, et il y a des capteurs météo,
00:44:26donc d'ensoleillement, d'humidité relative de température, on a un piège photo, une
00:44:31caméra qui prend des photos régulières de la végétation pour suivre l'enneigement
00:44:35parce que l'enneigement c'est très difficile à mesurer d'un point de vue météo, et
00:44:39on enregistre une minute tous les quarts d'heure, tout le temps, jour et nuit, 7 jours
00:44:43sur 7, donc on va arriver en juillet, on sera à 7 ans d'enregistrement.
00:44:48Donc là à 45, il va bientôt être moins qu'à, nos 4 magnétophones vont se réveiller
00:44:52en même temps, ils vont enregistrer une minute, tout ce qui passe, tous les sons, ils ne sont
00:44:57pas du tout sélectifs, ce sont des microphones omnidirectionnels, et puis ils vont s'endormir
00:45:01pendant 14 minutes, puis ils vont se réveiller, puis ils vont recommencer, etc.
00:45:05Donc, par an, on obtient 140 000 fichiers, 2300 heures, un peu plus de sons, et évidemment
00:45:13on ne peut pas écouter ces sons, il faut qu'on en tire des informations d'une manière
00:45:17automatique.
00:45:18Alors la première chose qu'on a faite, c'est qu'on a essayé de décrire d'une
00:45:22manière un petit peu globale le paysage sonore de cette forêt du Rizou, en essayant
00:45:26de voir ce qu'il y avait de biophonie, de technophonie, d'anthropophonie, etc.
00:45:30Vous vous souvenez, j'en ai parlé juste il y a quelques instants.
00:45:33Dans cette forêt, la biophonie, ce sont essentiellement les oiseaux, les insectes et les mammifères,
00:45:38il n'y a quasiment pas d'amphibiens.
00:45:39La géophonie, c'est essentiellement de la pluie et du vent, il n'y a pas de torrent
00:45:44par exemple.
00:45:45Et puis, la technophonie, quand on est sur le terrain, ce qu'on entend surtout, ce
00:45:50sont les avions.
00:45:51Donc, Elie Greenfeder, qui était un doctorant chez nous, a fait un petit système de détection
00:45:59automatique de ces sons par un système d'intelligence artificielle, BACU, un truc finalement très
00:46:05simple à mettre en œuvre, mais qui a bien fonctionné, pour détecter automatiquement
00:46:10les avions, le vent, la pluie, la biophonie, les oiseaux et le ciel.
00:46:14C'est une représentation qui s'appelle spectrographique.
00:46:17On obtient une image à partir du son, vous avez le temps en abscisse et les fréquences
00:46:22en ordonnée.
00:46:23Et donc, avec ce système, sur un an d'enregistrement, on a pu mettre en évidence que
00:46:29le son principal de la forêt, qui est encore une fois un environnement naturel exceptionnel,
00:46:34le premier son, c'était les avions.
00:46:36La première chose que l'on entend dans cette forêt, ce sont les avions.
00:46:40Après viennent les oiseaux, les insectes, la biophonie, puis vient le vent et la pluie,
00:46:46il ne fait pas toujours très beau là-bas, et puis enfin, on a ce silence.
00:46:49On revient à la définition, qu'est-ce que le silence ? Là, pour nous, c'est qu'on
00:46:52n'entendait rien et on ne voyait rien sur ces images, ces graphiques en deux dimensions.
00:46:57Donc, première information, le premier son, ce n'est pas quelque chose qui est naturel,
00:47:01c'est de la technophonie, c'est du bruit.
00:47:03Si on regarde un peu plus précisément, l'évolution de l'importance des avions
00:47:08au cours de l'année, c'est à peu près de là, toute l'année, de août à juillet,
00:47:13on avait commencé l'expérience en août, la biophonie, donc les oiseaux, on retrouve
00:47:17un profil attendu, c'est-à-dire que c'est en hiver qu'il y a le moins d'oiseaux et
00:47:21d'insectes, et puis ça monte avec le printemps, jusqu'au mois de juin, le printemps est tardif là-bas.
00:47:25Pour le vent, il y a un pic en mars qui est connu, ça correspond à l'abysse, la pluie
00:47:31est la plus faible en hiver parce que c'est de la neige en fait, et le silence, il n'y
00:47:35en a quasiment jamais finalement, quel que soit le mois de l'année.
00:47:39Quand on regarde en fonction de l'heure, les avions, vous voyez que le trou, c'est
00:47:46en pleine nuit, à 3-4 heures du matin, c'est aussi quelque chose qui est attendu.
00:47:49Mais regardez le pourcentage, c'est quasiment 25%, un quart de nos fichiers, même à 3-4
00:47:56heures du matin, on a des avions dedans.
00:47:57Nous sommes des animaux durs, on se lève, certains d'entre nous prennent l'avion,
00:48:02ils prennent l'avion plus tôt le matin, ça monte au lever du soleil et ça cumule
00:48:06vers midi, et vers midi, 14h, c'est 95% de nos enregistrements avec des avions.
00:48:13C'est-à-dire que quand vous allez là-bas, sur place, quasiment toutes les 4-5 minutes,
00:48:18il y a un avion qui passe, j'exagère à peine, en tout cas quasiment tous les quarts d'heure.
00:48:24Et la biophonie, encore une fois ce sont essentiellement les oiseaux, vous voyez qu'ils ont le même
00:48:28profil.
00:48:29La nuit, il ne se passe pas grand-chose dans cette forêt, il y a peu d'insectes, il y
00:48:33a peu d'oiseaux nocturnes, ça monte avec le lever du soleil, et puis après c'est
00:48:38assez actif pendant la journée, puis ça va rediminuer.
00:48:40Et le silence, vous voyez que c'est le pattern complètement opposé, c'est-à-dire qu'on
00:48:44a du silence dans cette forêt quand il n'y a plus d'avions et quand il n'y a plus d'oiseaux.
00:48:50Donc ce que l'on montre, c'est que finalement il y a du bruit, de la technophonie quand
00:48:56il y a de la biophonie.
00:48:57Or on sait que les oiseaux, comme nous, souffrent du bruit, notamment du bruit des avions.
00:49:03Donc potentiellement ils sont impactés par cette intrusion humaine, en fait dans cette
00:49:08forêt, cette intrusion par les avions.
00:49:11Alors dans cette forêt, on travaille aussi, ça c'était le paysage, vraiment son entité
00:49:16la plus globale, on peut travailler à d'autres échelles, notamment on va se concentrer
00:49:20uniquement sur les sons, avec des techniques qui ont été développées notamment par
00:49:24Sylvain Hopper au laboratoire, qui permettent de détourer les sons dans cette image, ce
00:49:32sonogramme ou ce spectrogramme.
00:49:33Vous savez comme on détoure les visages sur les téléphones ou les appareils photos,
00:49:38c'est à peu près la même chose avec les sons, et on peut les compter, et comme ça
00:49:42si on compte ces sons au cours de l'année, on peut décrire l'évolution du paysage
00:49:47sonore sur une année complète.
00:49:48Vous avez sur ce graphique, en X ici, c'est dans votre sens, là il est minuit et on fait
00:49:58tout le tour de l'horloge et on retourne à 23h.
00:50:01Et là, en Y, c'est l'année, la première semaine de janvier jusqu'à la dernière
00:50:07semaine de décembre.
00:50:08Et vous voyez, qu'est-ce qu'on voit en fait ? Il y a deux années, 2019-2021, qu'est-ce
00:50:14qui apparaît ?
00:50:15Il y a des pics d'activités en fonction du mois et de l'heure, et donc le pic d'activité
00:50:25est plutôt par ici, 25e semaine, on est en mai-juin.
00:50:30Et c'est quoi cette courbe là ? Ça fait une courbe ici et puis de l'autre côté
00:50:35là.
00:50:36À quoi ça correspond ? Levé et couché du soleil.
00:50:40Donc on suit l'activité sonore de cette forêt, on l'a calculée pour 2019, 2020
00:50:46on ne l'a pas fait, là c'est pour l'exemple 2021, etc.
00:50:49Et l'idée c'est de faire ces photographies sonores année après année et de voir s'il
00:50:53y a des décalages, des shifts temporels, on s'attend à ce que le printemps soit plus
00:50:57précoce et qu'il soit plus long avec une augmentation de la température.
00:51:01Donc on essaie de résumer un an d'enregistrement dans un seul graphique.
00:51:06On a travaillé aussi sur les insectes de cette forêt, il y a des clairières qui sont
00:51:16maintenues ouvertes par le pâturage, par des moutons, et on a étudié les communautés
00:51:25acoustiques des insectes.
00:51:26Je vous en ai fait écouter tout à l'heure avec ce petit magnétophone, ce sont essentiellement
00:51:31des orthoptères, donc des criquets et des sauterelles.
00:51:34Et là pareil avec un système automatique d'analyse des sons, de ces stridulations,
00:51:39on peut suivre l'activité sonore de ces clairières, ça a été fait par un autre
00:51:43étudiant.
00:51:44Donc vous avez là des graphiques qui vous montrent l'évolution de l'activité sonore
00:51:53au cours de la journée, de minuit à minuit, sur chaque site.
00:51:56Et on a un pic d'activité qui est tardif, en fait je ne m'attendais pas à ça, je pensais
00:52:01que le pic d'activité était plutôt autour de midi ou 14 heures, non, il est plutôt tard
00:52:05le soir, enfin en fin de journée, et donc après on peut comparer site par site et voir
00:52:11s'il y a des similarités ou des différences entre les sites.
00:52:14Et voir après au cours des années s'il y a aussi des décalages dans ces rythmes
00:52:20d'activité de la faune de ces prairies.
00:52:22On s'est intéressé aussi à des fonctions écologiques dans cette forêt, pas spécifiquement
00:52:30à certains groupes, mais indirectement, en s'intéressant à la pollinisation.
00:52:36La pollinisation vous savez c'est une fonction essentielle pour le maintien de la reproduction
00:52:42des plantes et donc de la diversité végétale, et la plupart des insectes qui pollinisent,
00:52:48notamment dans les champs, font des vibrations à l'air que l'on entend, on appelle ça
00:52:53du buzz.
00:52:54Je vais vous faire écouter, alors c'est un peu particulier, là vous allez voir, c'est
00:52:56des syrphes, ce sont des mouches qui imitent des abeilles ou des guêpes, c'est un son
00:53:01de Fernand des Roussennes.
00:53:02Alors c'est pas que des syrphes là, c'est tout le monde, je me suis trompé d'idée.
00:53:17Bon ben c'est un son très particulier que potentiellement on peut reconnaître automatiquement
00:53:22pour savoir s'il y a des insectes volants qui sont là pour polliniser.
00:53:25Et de l'autre côté on a des piques, les piques vous savez tambourinent.
00:53:29Il y a des pivers là, j'ai entendu le piver, le piver ne tambourine pas, mais il y en a
00:53:41un.
00:53:42Les piques ont un rôle très important dans le fonctionnement de la forêt, vous savez
00:53:47ils creusent des cavités, ils se nourrissent d'insectes xylophages, les cavités ne se
00:53:54font que dans des arbres morts, donc ça veut dire qu'il y a une certaine évolution de
00:53:58la forêt, un âge de la forêt, ça peut être représentatif de l'âge de la forêt.
00:54:02Ces cavités sont utilisées par d'autres oiseaux, notamment la chouette qu'on va
00:54:06voir juste après.
00:54:07Donc de savoir s'il y a des piques dans une forêt, ça nous donne une indication
00:54:11sur l'état écologique de cette forêt.
00:54:13Donc on a détecté automatiquement ces sons par de l'intelligence artificielle, un peu
00:54:18plus compliquée que tout à l'heure, je ne rentre pas dans les détails, mais bon c'est
00:54:22ce qu'on appelle de l'apprentissage profond, et on a pu faire des cartes temporelles de
00:54:28ces sons.
00:54:29Vous avez à gauche les activités des insectes qui volent, donc potentiellement de la pollinisation
00:54:36en fonction de l'année ici, et de l'heure en Y.
00:54:39Et la même chose pour les piques, on s'aperçoit que pour les insectes, ils sont actifs essentiellement
00:54:44après et avant le coucher du soleil, et assez tardivement, de mai jusqu'à octobre.
00:54:50Et ce qui est intéressant, c'est des faux positifs, c'est des erreurs, très bien vu.
00:55:03Quand on regarde et qu'on compare l'activité des insectes bourdonnants, ici en bleu, en
00:55:12fonction de la température, et de la température disponible dans la forêt, vous voyez que
00:55:19ces insectes aiment une température assez chaude qui n'est pas forcément disponible
00:55:23dans la forêt, parce qu'encore une fois c'est une forêt froide.
00:55:26Ces insectes ne régulent pas la température de leur corps, il faut du soleil, de la chaleur
00:55:30pour voler.
00:55:31Donc pour eux c'est une forêt froide.
00:55:34Si la température augmente de 1,5, 2 degrés, finalement ça pourrait leur être profitable,
00:55:40parce qu'ils auront plus de périodes où il fera bon ou chaud, qui leur permettront
00:55:46de voler.
00:55:47Les piques, en rouge, sont complètement calés sur la température de la forêt.
00:55:52Ce sont plutôt des animaux qui aiment le froid, pour simplifier.
00:55:57Si on augmente la température, ça va les impacter négativement.
00:56:01On a regardé aussi avec l'humidité relative, la luminosité, on commence à voir des messages
00:56:09sur l'impact des conditions environnementales sur l'activité de ces animaux qui représentent
00:56:16des fonctions écologiques.
00:56:18Ce qui est bien en écoacoustique, et j'ai commencé aussi par ça, c'est qu'on peut
00:56:24faire des connexions avec l'art, avec les musiciens.
00:56:29Ici on est encore dans la forêt du Rizou, vous avez une ancienne doctorante, qui est
00:56:33docteur maintenant, Adèle de Beaudoin, qui a eu un projet à l'interface entre écoacoustique
00:56:37et électroacoustique, composition à partir de sons enregistrés notamment.
00:56:43Elle a travaillé sur la forêt du Rizou.
00:56:46Elle a aussi, dans un souci pédagogique de diffusion des connaissances, de sensibilisation,
00:56:52fait des installations à la fois visuelles et sonores qui peuvent être mises dans des
00:56:56musées, notamment celle-ci qui s'appelle Interstice Sonore.
00:57:01Elle a travaillé à la fois en visuel et en sonore pour représenter, pour partager
00:57:06des informations scientifiques sur la structure du paysage sonore du Rizou.
00:57:12Vous voyez ici une représentation fréquentielle, notamment avec les avions dans les basses
00:57:17fréquences, les oiseaux dans les fréquences moyennes et puis les insectes dans les fréquences
00:57:22aiguës.
00:57:23Elle a fait des compositions électroacoustiques, je crois que ça va être un petit peu juste
00:57:29pour que je vous fasse écouter, mais on pourra peut-être écouter un petit peu cet après-midi,
00:57:32qui sont faites à partir d'enregistrements, soit scientifiques, à partir de nos enregistrements
00:57:38automatiques, soit d'enregistrements qu'elle a fait directement sur le terrain.
00:57:43Alors, c'est qu'une forêt le Rizou.
00:57:45C'est peut-être un cas très particulier, cette histoire d'avion.
00:57:48Peut-être que ce n'est pas du tout le cas dans d'autres forêts, même pas très loin
00:57:52dans le Haut-Jura.
00:57:53Donc l'idée, c'est d'étendre ce projet et au lieu d'enregistrer une seule forêt,
00:57:57c'est d'enregistrer le plus de forêts possibles protégées de France.
00:58:02Donc c'est un projet que l'on a lancé l'an dernier avec l'Office français de la biodiversité
00:58:07qui s'appelle Sonosilva.
00:58:09Là, vous avez une plaquette de diffusion des connaissances, justement de sensibilisation
00:58:15faite par une étudiante en design de l'école Estienne à Paris qui nous a fait cette plaquette.
00:58:22Elle en a fait d'autres et qui explique le projet.
00:58:24Donc ce projet qui consiste à aller enregistrer plus de 100 forêts dans toute la France.
00:58:29Vous avez la carte de l'an dernier, il y avait 103 forêts.
00:58:33Cette année, on a 110 forêts.
00:58:35La plus proche ici, c'est la forêt de Crécy.
00:58:37Je ne sais pas si vous la connaissez.
00:58:40Et donc l'idée, c'est d'enregistrer et de faire un petit peu ce qu'on a fait dans le Rizou.
00:58:47Commencer à décomposer les paysages sonores, savoir quelle est leur dynamique temporelle,
00:58:51savoir quelle est l'intrusion humaine, quel est le niveau de pollution sonore.
00:58:55Et puis aussi de sensibiliser à l'écoute.
00:58:58Donc là, vous avez différents magnétos installés dans différents sites.
00:59:03On enregistre du mois de mars au mois de septembre, tous les quarts d'heure, sur le même principe.
00:59:12C'est pour la France.
00:59:14Il m'arrive aussi, j'essaye maintenant de moins voyager.
00:59:17Je ne voyage presque plus pour des soucis écologiques de bilan carbone.
00:59:21Mais ça peut être aussi sous la forme de collaborations.
00:59:26On travaille dans d'autres endroits du monde.
00:59:29Le petit point jaune, c'est la Guyane.
00:59:36On a travaillé en Équateur, en Afrique, dans le Pacifique, en Corée, en Russie, avant la guerre.
00:59:45Je vais, pour finir, vous faire écouter des sons un petit peu plus exotiques.
00:59:51Ça, on a déjà vu.
00:59:53Une forêt, justement, russe, avant la guerre, où il n'y a pas du tout d'intrusion humaine.
01:00:00Vous allez entendre cette forêt.
01:00:02Ça a été fait par un étudiant, Simon Targov, là.
01:00:06Alors, j'espère que ça fonctionne.
01:00:23Ça, on a déjà entendu.
01:00:42Je vous fais écouter d'autres choses un peu plus en Afrique, en Ouganda.
01:01:18Qu'est-ce que c'est ?
01:01:25Quoi ?
01:01:27Attends, j'entends rien.
01:01:33C'est qui, ces énervés ?
01:01:36Des internes.
01:01:40Des secondes.
01:01:42Peut-être.
01:01:43Autre suggestion ?
01:01:45En Ouganda, forêt tropicale.
01:01:48Ça, ce sont des chimpanzés.
01:01:51Je vous fais écouter un dernier truc.
01:01:56Ça, c'est très particulier.
01:01:58C'est toute la puissance aussi de l'écho-acoustique.
01:02:01C'est que, grâce à ces mélétophones, on peut enregistrer sans être là.
01:02:04C'est un des principes fondamentaux.
01:02:06On ne perturbe pas puisqu'il n'y a plus d'observateurs.
01:02:09On fait, je ne devrais pas le dire comme ça, mais une forme d'espionnage de la nature.
01:02:14Et là, c'est dans une zone très sensible qui est entre les deux Corées.
01:02:18Entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.
01:02:20Je ne vais pas refaire toute l'histoire de la Corée, mais vous savez que ça ne se passe pas très bien entre les deux Corées.
01:02:26On a pu rentrer dans la zone dite démilitarisée, qui est en fait hypermilitarisée,
01:02:31et installer des magnétophones.
01:02:33C'est surtout l'université d'Iwa à Séoul qui a fait ça.
01:02:38On rentre dans cette zone.
01:02:41C'est très particulier.
01:02:42Vous passez une zone militaire très forte.
01:02:45Et puis, vous n'avez pas le droit de rentrer dans la forêt parce qu'il y a des mines partout.
01:02:49Donc, il y a des petits panneaux.
01:02:50Attention, mine.
01:02:51Et au début, franchement, je dis oui, c'est bon, ça va.
01:02:54Donc, je commençais à rentrer.
01:02:56Elle dit non, non, non.
01:02:58Pris un petit peu à la légère, mais le dernier jour, on est passé à côté de ça.
01:03:04Et ça, c'est une mine.
01:03:06Ça, c'est une mine.
01:03:07C'est grand comme un Rubik's Cube.
01:03:10Après, je me suis dit, je vais quand même faire attention.
01:03:12On marche.
01:03:13Et donc, il y a des magnétophones qui enregistrent la nuit dans un endroit où personne ne va, où personne n'est.
01:03:18Je vais vous faire écouter un enregistrement.
01:03:39Voilà, on a la préparation à la guerre et les oiseaux, des piques qui se mélangent dans un lieu très particulier du monde.
01:04:02Ça, c'est pour tout à l'heure.
01:04:08Voilà, on verra ça tout à l'heure.
01:04:11J'en ai fini de ma présentation des sons et des paysages sonores.
01:04:14Je vous remercie pour votre écoute.
01:04:16Applaudissements.
01:04:45Ça a l'air d'être bon.
01:05:04Maintenant, ça va être à vous de jouer.
01:05:07On a un micro qui est là.
01:05:09J'imagine que ça éveille plein de réflexions chez vous, plein de questions.
01:05:14C'est l'occasion. Profitez.
01:05:16On a quelques...
01:05:18On va aller jusqu'à 11h30, là, pour répondre un peu aux questions.
01:05:28Est-ce qu'il y a des...
01:05:31Là-bas, tout en haut.
01:05:33Un piège, merci.
01:05:45Bonjour.
01:05:47J'aurais aimé savoir à combien de kilomètres ça capte le son.
01:05:52Super question.
01:05:57C'est très difficile d'estimer ça.
01:05:59Alors, ça fait partie de notre recherche.
01:06:01Ça va dépendre de l'endroit où on est.
01:06:03Si on est en forêt ou dans un milieu ouvert, les sons vont se propager plus ou moins loin.
01:06:08Et surtout, ça dépend de la source sonore.
01:06:12On a entendu le brame du cerf super fort, ou le singe hurleur.
01:06:16Lui, on va pouvoir l'entendre à l'échelle du kilomètre.
01:06:19Et puis, le petit insecte qui fait un tout petit son aigu, ça va être quelques mètres.
01:06:25Alors, d'une manière en moyenne, on est de l'ordre de 100 à 200 mètres.
01:06:32Et donc, on espace justement nos magnétophones à minima de 200, 300, 400 mètres
01:06:37pour ne pas enregistrer le moins de fois possible la même chose.
01:06:40Parce que sinon, on va surestimer.
01:06:42On va enregistrer deux fois la même chose et on va dire
01:06:44il y a deux fois, je ne sais pas, quel oiseau, alors qu'en fait, ce n'était qu'un oiseau.
01:06:47Très très bonne question et très difficile à traiter.
01:06:58En fait, je voulais savoir si les appareils pouvaient entendre le son de la nuit.
01:07:06Je pense à la forêt du Jura, le son de la neige qui tombe et qui s'échoue.
01:07:16Très délicat, on n'a pas été jusque là.
01:07:19Alors, il faut savoir que ce sont des micros qui sont de qualité moyenne.
01:07:23En fait, ce n'est pas de la haute technologie comme je peux avoir, je ne sais pas ce que j'ai là,
01:07:27du Shennheiser.
01:07:29Donc, je ne suis même pas sûr qu'ils vont capter ça parce que c'est tellement faible comme son.
01:07:34Non, on n'a pas fait ça.
01:07:36Mais par exemple, le niveau de pluie, ça on peut le faire.
01:07:40Le niveau de pluie, oui.
01:07:42Ce n'est pas la même chose.
01:07:51On a vu que l'écho va plus vite, ça permettait d'analyser l'évolution ou l'état d'un milieu.
01:07:57Est-ce que ça peut permettre de quantifier par exemple une espèce sur un site ?
01:08:02Alors, j'ai une question aussi.
01:08:07Au niveau des populations, ce qu'on voudrait, c'est compter le nombre d'individus, avoir la densité.
01:08:13Et ça, c'est dur.
01:08:15Pourquoi ? Parce qu'en fait, il faut pouvoir localiser les individus, savoir où ils sont et quand ils ne bougent pas.
01:08:21Ou alors, savoir les individualiser.
01:08:23On a tous une voix différente.
01:08:24Chez les animaux, c'est aussi souvent le cas.
01:08:26Alors, j'ai un collègue, Frédéric Seb, à l'OFB, qui a fait ça pour les lagopèdes alpins.
01:08:30C'est des oiseaux d'altitude.
01:08:32Et il a réussi pour ça, mais c'est quand même assez rare.
01:08:34Sinon, on fait des estimations un peu grossières.
01:08:37On l'a fait pour les insectes aquatiques, c'est-à-dire rien, 1, 2, 3, et puis plus que 3, 4.
01:08:43Parce qu'après, on n'y arrive pas.
01:08:44Mais on aimerait bien, ouais.
01:08:50Alors, vous nous avez beaucoup parlé des milieux terrestres, des forêts, mais est-ce que c'est possible
01:08:54de réaliser des chutes d'écho-acoustique dans la mer, dans la lumière, pour éviter la faune marine ?
01:09:00Ouais, tout à fait.
01:09:03Parce que moi, je suis terrestre, mais historiquement même, l'écho-acoustique a plutôt commencé en milieu marin
01:09:10après la Seconde Guerre mondiale, tout simplement pour la surveillance des océans,
01:09:15la surveillance militaire et la surveillance des essais atomiques.
01:09:18Donc, il y a beaucoup de recherches, alors qu'il y a beaucoup accès à mammifères marins aussi,
01:09:22baleines, dauphins.
01:09:24Et maintenant, on arrive aussi à l'analyse des paysages sonores sous-marins.
01:09:29Pour ce qui est des milieux aquatiques terrestres, nous, on a travaillé, Camille Desjoncaires,
01:09:34qui est au CNRS, on a travaillé sur les paysages sonores des mars et des rivières à faible cours d'eau,
01:09:41où il y a des insectes, notamment, qui produisent des sons.
01:09:43Donc, oui, on peut, c'est plus ou moins dur, mais tout à fait.
01:09:52Est-ce que vous voyez déjà une évolution sur les pics d'activité des espèces ?
01:10:01Sur le jurard, on a pour l'instant six ans de données.
01:10:06Six ans, c'est beaucoup et à la fois, ce n'est pas beaucoup.
01:10:09Donc, pour l'instant, nous, on ne l'a pas encore vu.
01:10:13C'est trop court.
01:10:16J'avais une question, est-ce que, grâce au confinement en 2020,
01:10:21vous avez pu avoir une hausse des sons des espèces ?
01:10:28Il y a eu des projets participatifs au moment du confinement,
01:10:32un qui s'appelait Silent Cities, où des collègues ont demandé,
01:10:37plutôt à des scientifiques, mais un peu à tout le monde,
01:10:39d'enregistrer, justement, pendant le confinement.
01:10:42Ce que ça montre, de manière un peu simple,
01:10:45c'est qu'évidemment, il y a une baisse de la technophonie.
01:10:49Il n'y avait plus de transport, on n'était plus dehors.
01:10:51Et il n'y a pas une augmentation de la biophonie.
01:10:53L'impression que ça nous a donné, c'est qu'il y avait plus d'oiseaux qui chantaient.
01:10:56C'était le printemps, il faisait beau.
01:10:58Mais en fait, c'était même plutôt l'inverse.
01:11:00Les oiseaux, quand il y a du bruit, comme nous,
01:11:03ils ont tendance à chanter plus fort et à chanter plus, à répéter.
01:11:07Et là, il y avait moins de bruit.
01:11:09Et donc, ils ont plutôt diminué leur activité sonore.
01:11:12Mais l'impression, elle était liée au fait que nous, on était disponibles.
01:11:16Enfin, autant que ce peut.
01:11:19Et que, surtout, il n'y avait plus de bruit.
01:11:21Donc, on les entendait mieux.
01:11:23Mais oui, il y a quelques études sur le temps du confinement.
01:11:27Non.
01:11:29Je suis en train de réfléchir...
01:11:34Comme ça.
01:11:35Donc telles qu'on les fait, automatiquement, non.
01:11:38En revanche, le son permet de décrire ce qui se passe dans le confinement,
01:11:42mais au niveau de l'ambiance,
01:11:44qui permet de décrire ce qui se passe dans les zones environnées.
01:11:48C'est-à-dire qu'il y a des soins qui sont mis à la main,
01:11:51qu'on sent, par exemple.
01:11:53En revanche, le son permet de décrire de nouvelles espèces, parce qu'il y a des espèces qui se ressemblent énormément les unes par rapport aux autres morphologiquement,
01:12:03on appelle ça des espèces cryptiques, mais qui ont des sons très différents.
01:12:06Nous c'était le cas pour une espèce de cigale, on a décrit une cigale, on l'a décrite d'abord dans l'Est de l'île de France,
01:12:13et qui ne se distingue pas morphologiquement mais qui a un son complètement différent.
01:12:18C'est marrant parce qu'au début, quand on l'a décrite, on s'est fait critiquer, on disait que c'était similaire à une autre espèce,
01:12:25et maintenant l'espèce est complètement reconnue, elle a été rapportée de beaucoup des Hauts-de-France,
01:12:31c'est une espèce vraiment plutôt nordique, d'Allemagne, de l'Est de la France, ça s'appelle Cicadeta cantillatrix.
01:12:38Donc en termes de taxonomie, de description des espèces, le son peut être super puissant.
01:12:49Bonjour, vu que c'est une nouvelle science, est-ce qu'elle est vraiment fiable ?
01:12:53Parce que je pense aux étourneaux sans sonner qui imitent les autres oiseaux et qui vont biaiser tous vos résultats.
01:13:00Oui, bien sûr. Merci pour la question, comme toute science, il y a des biais possibles.
01:13:08D'identifier ces biais et d'essayer de les prendre en compte.
01:13:11Alors en effet, l'étourneau sans sonner, il fait n'importe quoi,
01:13:15et si je mets mon micro dans un nuage d'étourneaux sans sonner, il va me dire qu'il y a plein d'espèces différentes.
01:13:22Alors c'est un cas très particulier. D'ailleurs, une collègue du CNRS a déposé un projet pour suivre les étourneaux sans sonner par le son.
01:13:30En fait, ce qui se passe, c'est que ces cas particuliers, comme on enregistre énormément,
01:13:35pour le projet Sono Silva, c'est un million d'enregistrements par an,
01:13:40ce genre de cas va être tamponné par la masse des données.
01:13:44Mais la situation inverse peut être vraie aussi,
01:13:47c'est-à-dire qu'on peut avoir plein d'espèces qui ont des champs qui vont se ressembler,
01:13:50c'est assez simple, et on va sous-estimer.
01:13:52Mais sur la masse de données, cette surestimation ou cette sous-estimation qui est plutôt exceptionnelle va être tamponnée.
01:13:59Mais il faut identifier ces biais, tout à fait.
01:14:02Merci.

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