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  • 16/05/2025
Il sera question de littérature, mais aussi de politique sur le plateau de « Au bonheur des livres », où Claire Chazal accueille Patrice Duhamel et Karine Tuil.Le premier publie avec « La photo » (Ed. de l‘Observatoire) une passionnante enquête qui s’apparente presque à un récit de fiction : son point de départ est la fameuse photo d’octobre 1942, longtemps restée secrète, qui montre François Mitterrand, jeune homme de 26 ans, accueilli à Vichy par le Maréchal Pétain. Cette photo n’a jamais été utilisée politiquement par les adversaires de Mitterrand, qui pourtant la connaissaient : pourquoi ? Et si cela avait été le cas, l’histoire de la Ve République en aurait-elle été changée ? Ce sont souvent les « si » qui font les meilleurs récits, et on le voit avec le formidable roman de Karine Tuil, « La guerre par d’autres moyens » (Ed. Gallimard), où elle imagine le destin contemporain d’un président de la République déchu, dont le sort public et la vie privée se compliquent de même et font penser à bien des situations réelles de notre époque présente… Et si cette fiction venait effectivement à rejoindre la réalité ? Quelle vérité nous délivre alors le roman sur les rapports de force dans notre société ? Année de Production :

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Transcription
00:00Retrouvez au bonheur des livres avec le centre national du livre
00:04Bienvenue dans l'émission littéraire de Public Sénat, je suis ravie de vous retrouver pour un nouveau numéro d'Au bonheur des livres.
00:29Vous le savez, chaque semaine, nous tentons de vous donner envie de lire tout simplement ces livres et de mieux connaître ou de découvrir leurs auteurs.
00:37Alors nos deux invités aujourd'hui s'intéressent, chacun à leur façon, à la vie d'un président de la République.
00:43L'une, Karine Thuil, sous la forme d'une fiction qui d'ailleurs ne donne guère le beau rôle encore que à cet homme de pouvoir et à d'autres hommes de pouvoir d'ailleurs.
00:53Et puis l'autre, essayiste et journaliste, Patrice Duhamel, qui explore les rapports qu'ont pu entretenir quatre présidents de la République, de la Ve République, avec un autre pilier de cette Ve République, François Mitterrand.
01:06Alors Karine Thuil, votre roman a pour titre « La guerre par d'autres moyens » chez Gallimard.
01:11Une histoire, j'allais dire, pour résumer, bien sûr, de violence du pouvoir, qu'il s'exerce d'ailleurs en politique, dans le cinéma ou dans l'édition.
01:20Et puis vous, Patrice Duhamel, votre livre a pour titre « La photo », Pétain Mitterrand, l'histoire secrète du document qui aurait pu bouleverser la Ve République.
01:28C'est publié aux éditions de l'Observatoire, cette fameuse photo de Pétain et Mitterrand, date de 1942.
01:35Elle a été révélée en 1994, on va en parler, dans un livre d'ailleurs, et vous expliquer principalement pourquoi les présidents successifs de cette Ve République ne se sont jamais servis de cette arme atomique,
01:47de cette photo qui aurait pu, bien sûr, détruire le dirigeant socialiste.
01:51Ils auraient pu faire d'ailleurs la guerre par d'autres moyens.
01:53Absolument.
01:54Grâce à cette photo.
01:55Karine Tuile, donc vous avez fait des études de droit, vous avez beaucoup d'ailleurs travaillé dans la justice, dans ce secteur-là, dans le secteur judiciaire.
02:01Vous avez écrit sur la justice, vous avez d'ailleurs reçu le prix Interallier et le concours des lycéens en 2019 pour les choses humaines.
02:10Et puis vous avez ensuite publié La Décision, qui là aussi avait trait à la chose judiciaire.
02:14Et voici une nouvelle fiction qui nous fait réfléchir, je le disais, sur le pouvoir et ce qu'il comporte de violence et d'isolement,
02:21de violence d'ailleurs entre hommes et femmes et aussi, bien sûr, de déchéances personnelles.
02:27Ça s'appelle La Guerre par d'autres moyens.
02:28Alors votre personnage, Karine, s'appelle Dan Lehmann.
02:33Il a été élu président de la République.
02:36Mais, d'ailleurs je précise qu'il est juif et de gauche, vous le dites, mais il a échoué à sa réélection.
02:41Et le voici donc, il sombre dans la dépression, l'alcool.
02:45Il perd son pouvoir de séduction, naturellement.
02:47Est-ce que vous avez eu des exemples en tête avant d'écrire ?
02:50Est-ce que vous êtes allée au contact de certains présidents de la République pour voir comment on se sortait de cette position de pouvoir ?
02:56C'est vrai que ce livre est né d'insurgissement, parce que je n'avais pas du tout prévu d'écrire sur cet univers-là.
03:02Qui n'est pas le vôtre d'habitude.
03:04Pas du tout, et j'étais même d'ailleurs, j'avais envie d'écrire encore sur la justice.
03:07Et puis par les hasards de la vie, j'ai rencontré deux anciens présidents de la République,
03:11des conseillers aussi, et le personnage de Dan Lehmann est né vraiment, oui, d'insurgissement.
03:18Je peux dire que c'est un livre qui m'a presque été imposé par une inspiration extérieure.
03:22Alors il n'est pas nourri de ces personnalités réelles,
03:25mais c'est vrai qu'à leur contact, j'ai eu envie de réfléchir à la question de l'après-pouvoir.
03:30Qu'est-ce qu'on devient quand on n'est plus président de la République ?
03:33Et Patrice Duhamel avait réfléchi à cette question dans un livre sur lequel il parlait justement de l'après-pouvoir de plusieurs personnages réels.
03:39Les jours d'après, oui.
03:40Les jours d'après, voilà, et évidemment les réactions sont diverses.
03:42Alors cet homme, ce Dan Lehmann, avait quitté sa femme, Marianne, la mère de ses enfants,
03:48et pour une actrice plus jeune, grâce à sa force de séduction évidemment,
03:53qui elle va finir, d'ailleurs cette jeune femme va finir par le tromper avec un réalisateur,
03:58parce qu'elle est actrice, et évidemment il se retrouve seul, il boit.
04:04Et vous en faites un portrait, j'allais dire, pas très sympathique, mais pas, on pourrait presque s'attacher à lui,
04:13et le trouver finalement touchant, non seulement parce qu'il veut retrouver sa femme, la mère de ses enfants,
04:20mais qu'il souffre aussi, et qu'on le sent vraiment souffrir.
04:23Oui, déjà j'avais envie d'aborder la thématique de la dépendance, de l'alcoolisme,
04:27c'est un homme qui doit cacher aussi cette dépendance.
04:29Quand on est à ce niveau de pouvoir, on doit évidemment le dissimuler.
04:33Et puis, à travers ce livre, j'avais envie d'aborder la question de l'attachement.
04:37Qu'est-ce qui se produit quand les liens sont rompus ?
04:39Donc il a quitté, comme vous l'avez dit, sa première femme, et il le regrette.
04:43Et donc il y a aussi cette réflexion sur le couple de longue durée, les liens,
04:46la complicité intellectuelle aussi, ce qui fonde et ce qui forme une personnalité à ce niveau-là.
04:52Je crois qu'on ne réussit pas tout seul à devenir président.
04:56Non, on réussit, parce qu'on est accompagné par des gens qui nous portent
05:00et aussi qui nous stimulent intellectuellement.
05:02Donc il y avait ce personnage de Marianne, qui est une écrivaine de 58 ans,
05:05et à travers elle, j'avais envie d'aborder la question de la condition de la femme à la cinquantaine,
05:12un peu en contrepoint justement au portrait d'actrice,
05:16qui, elle, est beaucoup plus jeune,
05:17mais qui subit aussi la disqualification due à l'âge dans un monde d'images.
05:23Également violent aussi, à sa façon.
05:26On précise d'ailleurs, pour ce côté attachant de ce personnage,
05:30qu'il a une fille qui est née sourde et muette,
05:33et à laquelle il est extrêmement attaché justement,
05:36et qui est très importante pour lui.
05:38Oui, j'avais...
05:40C'est à travers ce personnage, il y a aussi, donc encore une fois,
05:43cette révélation des liens authentiques dans un univers de représentation permanente,
05:49très factice, où l'image prime sur le reste.
05:52Et puis, il y a cette petite avec laquelle il doit trouver des parades pour communiquer,
05:56donc il apprend le langage des signes, et il y a cette affectivité, cette complicité très forte avec cet enfant.
06:03Et puis, c'était aussi l'occasion de parler de la paternité tardive,
06:07qui, il me semble que c'était un beau sujet contemporain à explorer,
06:11à la fois ce qu'elle signifie pour les hommes, mais aussi pour les femmes,
06:16parce que pour son ex-femme, ça peut aussi être une révélation difficile à vivre,
06:22puisque sa première femme, elle, ne peut plus avoir d'enfant,
06:25et elle voit l'homme qu'elle aimait quand même refaire sa vie avec une femme plus jeune et redonner la vie.
06:30Alors, même si, effectivement, il retourne vers Marianne,
06:33que, comme vous dites, il peut toujours se recréer des liens d'amour
06:36entre deux personnes qui ont eu une complicité, intellectuelle notamment.
06:41Au fond, celle qui a le beau rôle, je dirais, dans ce livre, c'est elle,
06:45c'est cette Marianne qui pardonne, ou en tout cas qui comprend ou qui tolère,
06:51et qui a sa propre existence, tout à fait autonome.
06:53Je pense qu'elle incarne d'ailleurs une sorte de sursaut contemporain,
06:58c'est une femme qui est à la fois lucide sur les réalités du couple,
07:03et en même temps qui trouve et qui cherche des moyens de supporter
07:07certaines difficultés quand même aussi de la condition spécifique
07:13et propre à la condition féminine, et qui trouve notamment dans la littérature,
07:17plus que dans la sororité, parce que c'est vrai que ces dernières années,
07:20on parle beaucoup de cet élan collectif féminin qui existe,
07:22mais chez elle, ça passe beaucoup par les lectures,
07:27par la littérature, par l'écriture,
07:30et par ce lien intellectuel, d'ailleurs, qu'elle a conservé avec son ex-mari.
07:36– Avec son ex-mari, oui, bien sûr.
07:38Vous avez croisé énormément de présidents de la République,
07:40on va en reparler, Patrice Duhamel,
07:41mais au fond, il y a toujours des parts d'ombre et de lumière
07:45dans ces hommes de pouvoir, ça, vous les avez vus,
07:47qui peuvent être à la fois durs et puis touchants, c'est ce qu'on constate.
07:51– Oui, mais ce que je trouve très bien vu dans le livre de Karine Tuile,
07:55là, j'ai retrouvé des, même presque des moments que j'ai vécus,
07:59agréables ou d'ailleurs désagréables,
08:02c'est que la violence dont vous parliez,
08:04elle est réelle et elle est présente, voire omniprésente,
08:08pour tout le monde autour des présidents,
08:11où là, en l'occurrence, c'est un président,
08:12mais si c'est un Premier ministre, c'est la même chose,
08:14parce qu'il y a aussi les enfants de son premier mariage
08:17qui ne vivent pas forcément bien le fait d'avoir un père.
08:20Moi, je n'ai jamais connu d'enfant, de président de la République,
08:23garçon ou fille, heureux.
08:25– Ah oui.
08:25– Ils peuvent être épanouis pour telle et telle chose,
08:27mais qu'ils peuvent vivre une vie normale…
08:30– C'est impossible.
08:30– C'est impossible, même quand on est enfant d'un ancien président.
08:35Et la violence pour les conjoints,
08:38pour l'instant, il n'y a eu que des conjoints femmes,
08:40j'espère qu'un jour, il y aura des conjoints hommes,
08:42mais c'est aussi invivable, on dit toujours que c'est invivable.
08:48Alors que les femmes de président jouent un rôle
08:51beaucoup plus important qu'on ne le dit.
08:53Yvonne de Gaulle, on disait que c'était une potiche
08:56qui passait son temps à la messe, etc.
08:58– En fait, elles ont soutenu leur…
08:58– Alors qu'elle a vraiment convaincu son mari sur la pilule,
09:04ce n'était pas facile, parce qu'il n'était pas d'accord.
09:06En 1944, elle avait beaucoup insisté auprès de lui
09:09pour qu'il aille très vite pour le droit de vote des femmes, etc.
09:11alors qu'on la présente toujours comme quelqu'un
09:13qui était totalement effacé.
09:14– C'est un actrice et effacé, oui.
09:15– Donc voilà, c'est dur et violent pour tout le monde,
09:18c'est toujours ça qui m'a beaucoup frappé.
09:20– C'est ce qu'on voit bien, c'est un livre aussi sur la solitude,
09:23subi ou choisi.
09:25Alors je dirais qu'Arendu, c'est un livre choral,
09:27parce qu'il y a plein de personnages,
09:29et c'est ce qui en fait d'ailleurs l'intérêt, je trouve,
09:31avec quand même une virtuosité d'écriture,
09:33que j'ai trouvée, enfin, pas différente,
09:36mais enfin, oui, peut-être plus assumée,
09:41enfin, je ne sais pas si vous avez senti vous-même
09:43que vous progressiez dans la façon d'écrire,
09:45ou que vous changiez votre façon d'écrire.
09:47– Non, on n'en a pas conscience quand on travaille,
09:49mais c'est vrai que là, c'était un roman choral,
09:51il y a beaucoup de personnages,
09:52et j'ai voulu travailler les ambiguïtés de chacun,
09:56qu'ils soient tous très incarnés.
09:57Donc c'est vrai qu'il y a eu un travail d'écriture
10:01et aussi de tissage,
10:02ça je vous donne un peu les coutures de l'écriture d'un livre,
10:05pour que tous ces personnages soient en lien,
10:08évidemment, parce que là, on en parle de manière un peu détachée,
10:11mais il y a une intrigue,
10:13un enchauffètrement des liens dans le livre,
10:16autour notamment d'un film dans lequel…
10:18– Et un livre, puisque le lien entre les deux femmes,
10:22au fond, existe.
10:23– C'est le roman de la première qui est adapté au cinéma,
10:26et dans ce film joue la nouvelle épouse.
10:30– Voilà, donc on voit bien comment les femmes se situent,
10:32et ce sont évidemment les personnages aussi attachants,
10:36et chacun à sa façon,
10:38avec ses ombres et ses lumières là aussi,
10:40et c'est ce qui fait, je trouve, la qualité du livre.
10:43Juste un mot peut-être sur l'idée
10:44qu'un président juif de gauche peut arriver à la tête de l'État,
10:49je ne sais pas si Patrice Yomel, c'est crédible, peut-être ?
10:52– Ah oui, oui, oui, je te demande, j'ai entendu.
10:55J'espère que ça arrivera aussi, dans l'ordre de priorité,
10:59je préfère d'abord une femme présidente de la République,
11:01à titre personnel, mais un homme politique juif de gauche,
11:04bien évidemment, c'est clair,
11:06on aurait pu en avoir un il y a quelques années.
11:08– Oui, bien sûr.
11:09Pourquoi d'ailleurs avoir fait ce choix-là,
11:11enfin de le décrire comme ça, Karine ?
11:13– Parce que j'avais quand même envie d'aborder cette question
11:16de la montée quand même d'un antisémitisme à l'extrême-gauche,
11:20notamment, et donc de la façon dont un président juif
11:24serait accueilli de nos jours,
11:27c'était aussi en écho à ce que des hommes politiques
11:30comme Indes France ou Blum avaient pu subir en leur temps,
11:33voilà, c'était une façon de…
11:34– Blum, ça a été terrifiant.
11:35– Alors, Patrice Duhamel, vous, vous êtes, je le disais, journaliste,
11:38vous avez notamment dirigé France 2, France 3, France Inter,
11:41enfin, énormément de choses, Le Figaro,
11:43vous êtes essayiste et spécialiste de la Ve République,
11:46on parlait aussi de cet autre livre,
11:48vous en avez écrit ô combien sur cette période
11:51que nous avons, pour certains, un peu vécue,
11:56et vous y revenez avec ce livre qui s'appelle La Photo,
12:00Pétain Mitterrand, l'histoire secrète du document
12:02qui aurait pu bouleverser la Ve République.
12:04Alors, d'abord, précisons que cette photo,
12:07donc, date de 1942, le maréchal Pétain et François Mitterrand,
12:12qui est très jeune, il a quoi, 26 ans ?
12:13– 26 ans, ils ont 60 ans d'écart, il a trois générations.
12:16– Voilà, et il est fonctionnaire de Vichy, à ce moment-là.
12:18– Il s'occupe, oui, il s'occupe d'associations
12:20d'anciens prisonniers de guerre.
12:25– Et donc, il se trouve face au maréchal Pétain,
12:28cette photo a été ensuite publiée par un livre de Pierre Peyer en 1994,
12:33mais peut-être on l'a oublié, ça, finalement,
12:36peut-être beaucoup vont le découvrir en voyant votre couverture.
12:39– Secrète pendant 52 ans, c'est ça qui était,
12:42que j'ai trouvé absolument fascinant quand j'ai découvert cette photo,
12:45c'est le fait d'abord de la voir, parce qu'elle était inconnue,
12:48et deuxièmement qu'elle avait pu être secrète pendant 52 ans.
12:50– Et le contraste, là aussi, la résonance avec la vie politique,
12:57même l'histoire actuelle, qu'une photo comme ça puisse,
13:00qui aurait quand même déclenché un séisme politique.
13:04– Un séisme politique.
13:05Alors, précisons, et vous expliquez bien sûr
13:08dans quelles conditions cette photo est prise,
13:10que ce n'est pas une petite chose à la sauvette.
13:13– Non, c'est 20 minutes.
13:14Mitterrand dira, ah, c'est 20 minutes,
13:16avec Pétain à l'hôtel du Parc à Vichy,
13:19genre, on me le reprochera toute ma vie.
13:20En l'été, il avait fait ce qu'il fallait aussi
13:22pour que la photo reste cachée et ne sorte pas.
13:25– Voilà, et vous précisez d'ailleurs que peu de temps après,
13:28nous sommes en 1942, mais que dès 1943,
13:31même s'il a reçu la Francisque, etc.,
13:33il va rentrer dans la résistance.
13:34– Ah oui, il est…
13:35– Pour préciser les choses.
13:37– Le thème du livre, ça c'est la photo,
13:40le premier chapitre,
13:42il est à ce moment-là sincèrement pétainiste,
13:44attaché à la personne de Pétain
13:47et à certains éléments de ce qu'on appelait
13:50la Révolution nationale.
13:51Il est bien entendu, il n'est pas antisémite,
13:52il n'est pas xénophobe,
13:53il est bien entendu anti-allemand,
13:55mais tout ce qui tourne autour de l'ordre moral
13:57dans la Révolution nationale, il y adhère.
13:59Il vient d'une famille qui était très à droite, etc.
14:02Mais effectivement, après, il devient sincèrement résistant,
14:06c'est pour ça qu'il incarne ce que les historiens appellent
14:08les vichistos résistants.
14:10– Les vichistos résistants.
14:12– Alors, bien sûr, cette photo,
14:14on a bien compris que vous ne la révélez pas,
14:16mais vous allez nous expliquer,
14:17et c'est ça qui est passionnant,
14:18pourquoi tous les dirigeants qui se sont succédés ensuite,
14:21et qui ont eu pour adversaire François Mitterrand
14:23à un moment ou à un autre,
14:24et d'abord le général de Gaulle,
14:26n'ont pas voulu s'en servir.
14:27On est en 1965,
14:29et évidemment, de Gaulle va se trouver en balotage.
14:32– On est à dix jours du premier tour,
14:34ce ministre de l'Intérieur de l'époque
14:35vient lui montrer la photo.
14:36– Et là, c'est une révolution.
14:38– De Gaulle connaissait le parcours de Mitterrand
14:40sous l'occupation,
14:42il connaissait la période de Vichy,
14:43puis après il l'avait vu à Alger, à Londres, etc.
14:46Il connaissait tout ça,
14:47il avait beaucoup de mépris pour Mitterrand,
14:50mais Mitterrand en même temps l'intéressait quelque part.
14:53Voilà, et quand on lui montre la photo,
14:55on dit, mon général, tout le monde vous tombe dessus,
14:58il avait refusé de faire campagne
14:59pour la première élection.
15:01– Il pensait être élu au premier tour,
15:02– Il pensait être élu au premier tour,
15:03donc c'est pas la peine, et puis…
15:04– Et il va verser sur ne pas vouloir utiliser cette photo.
15:07– Et il dit pourquoi…
15:09– Ça, c'était extraordinaire.
15:10– Il dit un…
15:10– Mais il ne veut pas des boules puantes, ça il dit bien.
15:12– Voilà, il dit un, oui je sais,
15:14Mitterrand est une arsouille,
15:15c'est de l'argot, ça veut dire un voyou,
15:17deux, je ne veux pas faire la politique des boules puantes,
15:20et puis cette phrase extraordinaire,
15:23surtout quand ça résonne aujourd'hui,
15:25imaginez qu'un jour,
15:27François Mitterrand devienne président de la République,
15:29on est à 16 ans de 81 quand même,
15:31je ne veux pas affaiblir la fonction présidentielle,
15:34c'est quand même…
15:35– Alors ça, ça dénote une hauteur de vue,
15:38qu'on va retrouver d'ailleurs chez Georges Pompidou,
15:41puisque vous dites bien que le deuxième aussi en 73,
15:44qui est menacé quand même par la gauche aux législatives,
15:46c'est tout de même un peu,
15:47il va mourir peu de temps après,
15:49mais devant Chirac,
15:51qui quand même s'interroge,
15:52est-ce qu'on ne peut pas utiliser cette photo,
15:54Pompidou la jette au feu.
15:55– Devant Chirac,
15:56il fait venir Chirac pour qu'il y ait un témoin,
15:58et qu'il y ait le geste,
15:59que Chirac se souvienne toujours du geste de Pompidou,
16:01qui prend la photo et qui la jette dans le feu de cheminée.
16:03– C'est pour les mêmes raisons.
16:04– L'hiver 112-113.
16:06– Oui, pour les mêmes raisons.
16:07– Qui n'a pas s'abaissé.
16:07– Et Pompidou aussi,
16:09ça c'est sans doute une histoire qui a dû vous passionner,
16:12que Claire, vous aussi,
16:13et moi, c'est une histoire qui est tellement épouvantable,
16:16j'ai écrit beaucoup de choses là-dessus,
16:18mais il a été totalement traumatisé par l'affaire Markovitch,
16:22donc il considère que les attaques personnelles,
16:24quelles qu'elles soient,
16:25ça n'a rien à voir,
16:25entre la photo et l'affaire Markovitch,
16:27ça n'a rien à voir,
16:28mais l'attaque personnelle,
16:29il a vécu,
16:30il a dit des choses au moment de l'affaire Markovitch,
16:32donc juste en une phrase,
16:34des attaques ignobles contre sa femme,
16:36avec des photos truquées, etc.,
16:39pour l'empêcher de succéder à De Gaulle,
16:43et ça venait des milieux gaullistes
16:45qui étaient hostiles à Pompidou,
16:46donc ça, ça l'a vraiment traumatisé,
16:48donc l'attaque personnelle, non.
16:50Et après Giscard,
16:52– Giscard pareil,
16:53en 1981,
16:54il dit pas de coup bas,
16:55et de fait, d'ailleurs,
16:58il n'y en aura pas tellement
16:59pendant le débat de 1981.
17:02– Non, ça sera très dur politiquement,
17:03très très dur,
17:05mais pas d'attaque personnelle.
17:07– Voilà, et pourtant Giscard,
17:08il avait été attaqué,
17:09l'affaire des diamants, etc.,
17:11mais voilà,
17:12il y avait ce que j'appelle
17:13la jurisprudence de Gaulle,
17:14donc de 1965,
17:16c'est-à-dire on ne rouvre pas
17:17les plaies de la période de l'occupation,
17:20sinon on ne sait pas
17:21comment ça se termine,
17:23il y a des centaines de milliers de familles,
17:24pour ne pas dire des millions,
17:25qui se sont déchirées,
17:27il y avait ceux qui avaient choisi Londres,
17:28ceux qui avaient choisi Vichy,
17:30ceux les plus nombreux
17:31qui n'avaient rien choisi du tout,
17:33qui passaient éventuellement
17:34l'un à l'autre, etc.,
17:35et donc il ne voulait pas,
17:37ce n'était pas possible,
17:38il considérait qu'on ne pouvait pas
17:40redresser la France
17:41si on ne rassemblait pas tout le monde,
17:43y compris,
17:44quand on imagine aujourd'hui
17:45que Maurice Papon
17:47a été préfet de police,
17:49ministre,
17:50alors qu'on a découvert en 1986
17:53vraiment ce qu'il avait fait,
17:56c'est-à-dire la rafle,
17:58tout simplement l'organisation de rafle,
18:00etc.,
18:00c'est terrifiant,
18:02donc de Gaulle,
18:03sa stratégie,
18:04à la fois politique
18:05et sociétale,
18:07c'était de pacifier la France,
18:08voilà.
18:09De faire que la France soit unique
18:09et qu'il n'y ait pas
18:11de règlement de compte,
18:12et on le retrouve
18:12dans tous ces présidents
18:13de la République,
18:14on n'imagine même pas aujourd'hui
18:15qu'Erin Tull,
18:16que des hommes de pouvoir
18:17puissent réfléchir comme ça,
18:18non,
18:18avec cette hauteur de vue,
18:20c'est une hauteur de vue,
18:20moi je ne sais pas,
18:21mais...
18:21Alors après,
18:24c'est vrai que là,
18:25il y avait aussi peut-être
18:26une volonté de justement
18:27ce que vous disiez,
18:28de dissimuler une partie
18:29de notre histoire
18:31qu'on voudrait un peu occulter,
18:33c'est pas...
18:34Là, c'est pas un élément
18:34de la vie privée,
18:35enfin de la vie intime
18:36ou de la vie sentimentale,
18:37on parle quand même aussi
18:38d'une période politique
18:40et d'une certaine pensée aussi,
18:42donc...
18:43Et ce qu'on ne sait pas,
18:45Patrice Duhamel,
18:46c'est que...
18:46Enfin, on ne sait pas
18:47si finalement Mitterrand
18:48a su que ces hommes-là
18:50avaient en leur possession
18:52la photo
18:52et qu'ils ne l'ont pas...
18:53Alors ça,
18:53je le dis à moi,
18:55moi je pense qu'il ne savait pas
18:57que De Gaulle,
18:58Pompidou et Giscard
18:59avaient la photo
19:00et n'avaient pas voulu
19:01l'utiliser contre lui,
19:03en revanche,
19:04Chirac,
19:05son premier ministre
19:0586-88,
19:07je pense que...
19:08Quand on est président
19:08de la République,
19:09on a quand même
19:09un certain nombre
19:10d'informations,
19:11et notamment confidentielles,
19:12je pense qu'il savait
19:13que Chirac l'avait
19:15et que c'est une des raisons
19:16pour lesquelles
19:16il va quand même
19:17l'aider en 95
19:19à devenir son successeur.
19:20Il était assez content
19:21que Chirac puisse succéder.
19:23Et puis, bien sûr,
19:24il y a la révélation
19:25par ce livre de Pierre Péan,
19:26c'est en 94,
19:27et là,
19:28François Mitterrand
19:29se décide à parler.
19:30Oui,
19:30mais c'est un choc énorme
19:31parce que,
19:32pour l'opinion,
19:33pour ses amis,
19:34pour presque le monde entier,
19:36enfin,
19:36c'est quelque chose
19:37d'incroyable,
19:38ce livre,
19:39cette photo,
19:40ses relations
19:40avec René Bousquet.
19:42Alors,
19:42il n'a pas connu Bousquet
19:44pendant la guerre,
19:44il a connu Bousquet
19:45après que Bousquet
19:46ait été blanchi
19:47par la Haute-Courde,
19:48je ne sais plus
19:49si c'est 47 ou 48,
19:50et jusqu'en 86,
19:52jusqu'au moment
19:52où il est avéré
19:53que Bousquet
19:54a organisé avec Zell,
19:56au-delà même
19:57de ce que demandaient
19:58les nazis,
19:59la rave du Veldiv.
20:00Enfin,
20:01ces relations
20:02entre 47, 48 et 86,
20:04c'est quand même,
20:05c'est long,
20:06et puis,
20:06ils ne passaient pas
20:07leur vie ensemble,
20:09toutes leurs vacances ensemble,
20:11mais ils se voyaient beaucoup.
20:12Et tout ça,
20:13ça a provoqué
20:14un choc terrible.
20:15Il était obligé,
20:17je trouve que c'est très
20:17chexperien,
20:18c'est ça aussi,
20:19à la fois chexperien
20:20et romanesque,
20:21c'est-à-dire ce vieil homme
20:23malade,
20:23il souffre l'interview
20:25avec Elkabach,
20:26il souffre le martyr,
20:27qui, à la fois,
20:30se sent obligé,
20:32mais qui aussi a envie
20:34de dire des choses
20:35au moment où il sent
20:36que ça avait vraiment
20:37la fin, bien entendu,
20:38de son second mandat,
20:39mais aussi,
20:40il meurt 18 mois plus tard.
20:44Et il se justifie,
20:46mais avec quand même
20:47des approximations,
20:49quand il dit
20:49que les lois ont t'y juive,
20:50parce qu'Elkabach lui demande,
20:51il lui dit,
20:52pourquoi vous êtes allé
20:54à Vichy
20:54alors qu'il y avait
20:54les lois anti-juives ?
20:56Il y avait aussi
20:56la rave du Veldiv
20:57trois mois avant la photo.
20:59Oui, parce que c'est
21:00la tyrannique.
21:00Et il dit,
21:01les lois anti-juives,
21:02ce qui n'excuse rien
21:04et ne pardonne rien,
21:05dit-il,
21:06mais c'était
21:06les juifs étrangers.
21:07Ce n'est pas vrai.
21:09Ça concernait bien,
21:10évidemment,
21:10tous les juifs,
21:11la définition,
21:12entre guillemets,
21:13expression monstrueuse.
21:14Quand on imagine
21:15que des gens
21:16ont pu inventer ça
21:16de la race juive,
21:17c'était ça,
21:18la première loi.
21:19Et puis après,
21:20la liste des métiers interdits,
21:21c'était terrifiant.
21:23Et là,
21:24c'est toute l'ambiguïté
21:25de Mitterrand,
21:27qui était à la fois
21:28incroyablement charismatique,
21:31ambitieux,
21:32d'une culture formidable,
21:34et puis qui a caché
21:35des choses.
21:37Parce qu'en 69,
21:38il écrit un livre.
21:39En 68,
21:39il n'a pas senti
21:40les événements de 68.
21:42Donc il s'est planté,
21:43autant dire les choses,
21:45il n'a pas compris.
21:46Et en 69,
21:47il fait un livre
21:47pour essayer
21:48de se relancer.
21:48et il écrit
21:50« Rentrer en France
21:51après son évasion
21:52du stalag,
21:54courageusement d'ailleurs,
21:55il s'est événé
21:56très courageusement,
21:57troisième tentative,
21:59rentrer en France,
21:59je devins résistant
22:00sans problème déchirant. »
22:02Il ne cite même pas Vichy.
22:03Il ne cite pas Vichy
22:04où il a quand même
22:05passé plus d'un an.
22:06Donc ce mystère
22:08autour de la personnalité
22:09de Mitterrand,
22:10c'est quand même fascinant.
22:11C'est ça qui apparaît,
22:11je ne sais pas
22:12si vous êtes d'accord,
22:13Karine,
22:13mais à la lecture
22:15de cette histoire
22:16et de ses livres,
22:17au fond,
22:18c'est ce personnage
22:18de Mitterrand
22:19qu'on ne saisira jamais.
22:20Non,
22:21ça reste une énigme
22:21et c'est quelqu'un
22:22qui s'est aussi bien
22:23arrangé avec la vérité,
22:24qui avait un rapport
22:25à la vérité
22:26assez particulier.
22:29Et moi,
22:30ça ne m'étonne pas,
22:31justement,
22:32parce que c'est vrai
22:33que pour avoir
22:33beaucoup travaillé
22:34aux assises,
22:35notamment,
22:35où on rencontre,
22:36on est face à des gens
22:37qui ont une complexité,
22:39c'est des histoires
22:40à chaque fois
22:40de l'ambiguïté humaine,
22:43je ne suis jamais étonnée
22:45par l'énigme
22:46ou l'ambiguïté
22:47ou le mystère
22:48que peut constituer
22:48un être humain
22:49quel qu'il soit
22:49et en particulier
22:51un chef d'État.
22:52Donc,
22:52c'était quelqu'un
22:54qui n'était pas simplement
22:54à double fond,
22:55je pense Mitterrand,
22:56mais à triple,
22:57quadruple fond
22:58et je ne suis pas étonnée.
23:01Et puis,
23:02je crois que c'était quelqu'un
23:03qui ne voulait pas
23:03rendre de compte aussi.
23:04Donc,
23:05il a été peut-être
23:05acculé à un moment donné
23:07de se justifier
23:08et d'expliquer,
23:09mais pendant longtemps,
23:10c'était quelqu'un
23:10qui ne voulait pas
23:11aborder ces sujets-là aussi.
23:13Et c'est secret,
23:14sa vie privée était secrète,
23:16sa pensée politique,
23:17je pense que très peu
23:18de personnes,
23:19ou personne d'ailleurs,
23:20n'a eu accès,
23:21peut-être à Anne Pinjot,
23:22enfin moi,
23:22j'ai eu la correspondance
23:23où j'avais l'impression
23:23qu'il y avait une vraie
23:24connexion entre ces deux êtres.
23:26Oui, oui, absolument.
23:27C'est sûr, oui.
23:28Mais lui, effectivement,
23:29de la droite à la gauche,
23:30on n'avait pas bien conscience.
23:31Mais Karine Thuil
23:32a bien connu Robert Bonnater,
23:34ils étaient extrêmement amis,
23:37une vraie amitié.
23:39Moi, je l'ai peut-être
23:40moins bien connu
23:40que Karine Thuil,
23:41Robert Bonnater,
23:43j'étais quelqu'un
23:45pour qui j'avais
23:45une admiration
23:46absolument sans borne,
23:48mais il y a eu un moment,
23:49je ne sais pas s'il faudrait
23:50faire un livre,
23:50un film sur ce moment
23:52où ils s'expliquent
23:53tous les deux sur Bousquet.
23:55Moi, je n'ai jamais osé
23:56aborder ce sujet.
23:57S'il y a bien,
23:58mais moi,
23:58dans la dernière interview
23:59que j'ai faite de lui
24:00pour l'INA avec Michel Cotard,
24:01on en parle,
24:02et il disait toujours oui,
24:03mais il l'a connu
24:03après la guerre,
24:04ce qui est vrai.
24:04Mais simplement,
24:06simplement,
24:08je crois qu'il a juste dit,
24:10il n'a jamais voulu parler
24:11de cette conversation
24:12entre les deux,
24:13je ne sais pas si elle est écrite
24:14ou à la fois écrite
24:15ou orale,
24:16je ne sais pas,
24:17il a simplement dit une fois
24:18une phrase magnifique,
24:20cette conversation
24:21ou cet échange
24:22n'a été agréable
24:24ni pour lui
24:24ni pour moi.
24:25C'est magnifique.
24:26Et puis se jouent aussi
24:28parfois dans l'amitié
24:28des ressorts
24:29très secrets,
24:31très incompréhensibles,
24:33comme dans l'amour d'ailleurs.
24:34C'est assez mystérieux.
24:36Et puis,
24:37il y a la vérité des êtres
24:38qu'on ne parvient jamais
24:40totalement à cerner
24:41et parfois même
24:42après leur mort,
24:43on découvre des choses.
24:44Mais je trouve
24:44qu'il y a quelque chose
24:45que je trouve très intéressant
24:46dans le livre de Karine Thuil,
24:48c'est aussi le fait
24:48qu'il perd l'élection.
24:51Oui, il se représente
24:52mais il n'est...
24:53Voilà.
24:54Et il y a un trou noir,
24:57ça a été souvent le cas
24:58pour les présidents
24:59qui étaient battus
25:00ou un Premier ministre
25:00qui s'en va,
25:01en l'occurrence président,
25:01et le téléphone ne sonne plus.
25:04Moi, j'ai entendu
25:06des présidents dire ça.
25:07Ils recevaient
25:08trois coups de fil par jour.
25:09Et encore,
25:10c'était les enfants,
25:11la femme, etc.
25:12Et là,
25:13il a deux vieux conseillers
25:14qui viennent le voir
25:17quand il a trop bu
25:18ou qu'il n'est pas en forme.
25:20Fidèle,
25:20mais c'est tout.
25:21Oui, c'est tout.
25:21Poids fidèle.
25:22Et les enfants,
25:23c'est ça
25:25qui est incroyablement
25:27shakespearien, quoi.
25:29C'est une histoire
25:30de la solitude,
25:31en réalité,
25:32l'exercice de l'État
25:33et même qu'il quitte.
25:33Pas que de lui,
25:34d'ailleurs,
25:35au-dessus des femmes,
25:36etc.
25:37Au moment du pouvoir
25:38de la solitude,
25:39de la prise de décision
25:40et puis la solitude
25:41parce que, finalement,
25:42vous n'avez pas d'amis,
25:43je pense, au pouvoir.
25:44Et puis,
25:44quand vous quittez le pouvoir,
25:45il y a aussi la vraie solitude
25:46qui est celle que vous décrivez.
25:48C'est sûr.
25:49Le téléphone qui ne sonne plus.
25:50Alors,
25:50une chose est sûre,
25:51c'est que pour le personnage
25:52de Karine Thuil,
25:53les réseaux sociaux
25:54et les mondes d'aujourd'hui
25:55n'auraient jamais pu permettre
25:57de cacher la moindre photo,
25:58la moindre chose.
25:59Non, mais la solitude,
26:00vous avez raison,
26:01c'est la solitude du pouvoir
26:03et de l'après-pouvoir.
26:04Moi, je me souviens
26:05le jour où Giscard
26:08s'est installé à l'Élysée,
26:09le soir,
26:09je l'ai croisé,
26:10parce qu'on avait fait
26:11une émission là-dessus,
26:12bien entendu,
26:13et je lui ai dit
26:14qu'est-ce que vous ressentez ?
26:16Et il m'a répondu
26:17depuis tout à l'heure,
26:20je suis seul.
26:21Ça m'avait beaucoup frappé, ça.
26:22Parce qu'effectivement,
26:24vous avez raison,
26:25ils ne peuvent pas avoir d'amis.
26:26C'est impossible,
26:26on ne peut pas avoir d'amis
26:27parce que si on a des vrais amis,
26:29il y a des choses
26:30qu'on ne peut pas leur dire.
26:31Il y a des secrets d'État.
26:33Oui, puis vous donnez un pouvoir,
26:34si vous vous confiez,
26:35vous donnez un pouvoir
26:36à celui qui vous écoute.
26:37Et donc,
26:38ce n'est pas envisageable.
26:40Et vous le gênez,
26:41d'une certaine manière,
26:42si vous lui parlez
26:44des secrets d'État.
26:45Je trouve que c'est pour ça
26:46que ce livre,
26:47moi, j'ai adoré ce livre.
26:49Moi aussi,
26:49et c'est le côté humain,
26:50d'ailleurs, de ce personnage
26:51qu'il y a quand même
26:51deux proches
26:52qui arrivent à le soutenir un peu
26:54et qui restent avec lui.
26:56Oui, il y en a toujours
26:57d'ailleurs dans l'entourage
26:58quand même des présidents.
27:01C'est un être humain.
27:02Et d'ailleurs,
27:02même pour Mitterrand,
27:03c'est vrai que dans la correspondance
27:05avec Anne Pinjot,
27:06on le découvre
27:07complètement différent.
27:08Bien sûr.
27:09Il y a un Mitterrand
27:10même sentimental.
27:11Énamouré.
27:12L'est très romantique.
27:13Oui, sentimental
27:13comme on l'est
27:14à 14 ou 15 ans.
27:15Voilà.
27:16Et c'est assez beau.
27:17C'est assez beau.
27:18Et donc,
27:19c'est vrai que
27:19quand on lit votre livre,
27:21on découvre encore
27:22une autre facette.
27:23Et c'est ça aussi
27:23qui fait l'intérêt
27:25d'un humain.
27:26C'est cette complexité-là.
27:28Alors,
27:28merci à tous les deux
27:29d'être venus nous parler
27:29de ce pouvoir,
27:30de ces chefs d'État
27:31qui sont évidemment
27:32dans une forme
27:33de solitude aussi.
27:35Karine Thuil,
27:36ça s'appelle
27:36La guerre par d'autres moyens.
27:37Patrice Duhamel,
27:38La photo,
27:38photo Mitterrand,
27:40Pétain,
27:41bien évidemment,
27:42de 42.
27:43Quelques coups de cœur
27:44avant de nous séparer.
27:45Les Cambrioleurs,
27:46c'est une très jolie chronique
27:47d'une jeunesse lyonnaise
27:48dans les années 80.
27:49Et c'est Fabio Viscoliosi,
27:52chez Actes Sud,
27:53qui nous la raconte.
27:55Et puis,
27:55Le Monde comme démangeaison,
27:56ça c'est Mathieu Lindon,
27:57bien sûr,
27:58qui publie ça,
27:59écrivain tout à fait singulier,
28:01mais aussi formidable critique
28:02et journaliste.
28:04C'est chez POL.
28:05Et puis,
28:06pour ma part,
28:07l'invention de Tristan,
28:08d'Adrien Bosque,
28:09qui est un bon éditeur,
28:10maintenant.
28:10Très bon éditeur,
28:11très bon écrivain,
28:12j'ai envie de le lire.
28:13C'est top.
28:14Alors,
28:15il s'empare toujours
28:16de faits réels,
28:17bien sûr.
28:18Par exemple,
28:19Marcel Serdant
28:19dans Constellation
28:20et bien d'autres.
28:21Alors ici,
28:22c'est l'invention de Tristan.
28:23C'est le portrait
28:23d'un météore de la littérature,
28:25un espèce d'écrivain
28:26maudit américain.
28:28Tristan et Golf,
28:29qui va mourir très jeune
28:30à 33 ans
28:30et qui va être découvert
28:31par Patrick Modiano,
28:33par le hasard de la vie.
28:34C'est évidemment
28:35à la fois touchant
28:36et brillant.
28:38Voilà.
28:38Merci à tous les deux
28:39d'être venus nous voir.
28:40Merci Patrice.
28:40Merci Karine.
28:42Vous pouvez bien sûr
28:43regarder cette émission
28:44sur le site
28:45de Public Sénat,
28:46publicsénat.fr
28:47et nous nous retrouvons
28:48très vite
28:48pour une nouvelle émission littéraire.
28:50À vite.
28:50C'était Au Bonheur des Livres
29:09avec le Centre National du Livre.
29:11Sous-titrage Société Radio-Canada

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