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00:00Oui. Camille, merci de prendre la parole. Bonjour.
00:04Oui, bonjour Brigitte et bonjour Samuel.
00:06Bonjour Camille.
00:07Alors, votre émission m'intéresse beaucoup parce que j'ai été diagnostiquée bipolaire il y a plus de 20 ans, on va dire 25 ans.
00:15Et je suis toujours sous médicaments et je me demande si je m'en sortirais de cette histoire.
00:21Parce que j'ai des crises d'angoisse pas possibles, j'ai une phobie sociale qui me rend dingue.
00:26Et donc, dans ces cas-là, j'avais arrêté les anxiolytiques, j'en reprends.
00:32Sinon, tout le temps, je suis sous antidépresseur.
00:35Il y a une dizaine d'années, mes enfants qui n'y croyaient pas du tout, qui disaient que de toute façon, ça n'existait pas cette maladie,
00:42ont demandé à voir la psychiatre qui me suit parce que j'ai été hospitalisée trois mois en psychiatrie.
00:47Ça a commencé suite à une mise au placard et j'ai été foutue à la porte de mon emploi que je tenais depuis 15 ans.
00:56Alors, justement, excusez-moi, je vous coupe, mais c'est important.
01:00Je salue d'ailleurs mon ami Jean-Michel Ougourlian, psychiatre,
01:05qui a écrit un livre formidable qui montre que le travail permet à des gens qui ont des maladies psychiques d'aller mieux.
01:13Et c'est important, encore une fois, de bien comprendre que dans une société, plus il y a des liens sociaux forts,
01:21plus ça va permettre aux gens de rester debout, si je puis dire.
01:25Oui, oui, je suis tout à fait d'accord.
01:27Et on voit bien que c'est votre licenciement qui vous fait tomber, si je puis dire.
01:31Ah, mais je suis tombée, je ne voyais même pas le lendemain, quoi.
01:35J'étais comme morte, je ne voyais pas, j'étais convoquée à la sécu parce qu'ils ne croyaient pas en ma maladie.
01:42Et bon, après, depuis, je suis passée en ALD, je suis retraitée.
01:46Et donc, j'avais une vie sociale en faisant beaucoup de bénévolat.
01:51Ça allait bien. Tant que je suis dans ma zone de confort, ça va bien.
01:54Et là, depuis quatre mois, j'ai été très anémiée, très malade.
01:58Et je replonge, mais je replonge complètement.
02:01Je fais des achats inconséquents.
02:03Je sais que je n'ai pas d'argent, mais j'achète quand même des trucs pour me faire plaisir.
02:07Et puis après, je vais flipper jusqu'à la fin du mois, en attendant d'en avoir un peu plus.
02:12Et bon, la psychiatre, elle a dit à mes enfants que c'était une béquille, ces médicaments-là.
02:16Et voilà, parce que tous les deux, ils voulaient savoir quand est-ce que j'arrêterai de prendre des antidépresseurs.
02:23Ma fille me dit, tu aimes bien l'essentiel et tout, prends des trucs naturels.
02:27Mais je ne peux pas, ça ne marche pas.
02:28Ben non, vous avez raison.
02:30Et puis, votre fille n'a pas à se substituer ni à vous, ni à votre médecin.
02:35Est-ce qu'on vous a prescrit un régulateur d'humeur aussi ou pas du tout ?
02:37Ah oui, du dépacote, on m'a prescrit ça, mais j'ai arrêté d'en prendre.
02:41J'ai arrêté ça.
02:43Oui, sur le coup, quand ils ont vu que j'avais aidé par moments, j'étais comme folle.
02:46J'étais en pleine forme à l'hôpital.
02:49On me disait, ce n'est pas que le med, tellement j'étais en forme que j'aimais tout le monde.
02:54Et puis après, j'étais dans un état de sombre.
02:59Et là, ça m'a repris il y a un mois.
03:01Quand je ne voyais pas la fin, je vis seule.
03:04J'ai appelé mon ex pour lui dire que je n'étais pas bien, etc.
03:06J'ai bien parlé pendant une heure.
03:08J'aurais voulu qu'ils me voient quand on parle, mais ils travaillaient, ils ne pouvaient pas.
03:12Et je me suis retrouvée encore plus seule.
03:14Et heureusement, je ne bois plus.
03:16Parce que j'ai eu des périodes d'alcool qui me consolaient, mais qui me faisaient certainement beaucoup de mal.
03:23Oui, et qui vous mettaient en danger.
03:25Parce que quand on est trop alcoolique, on peut tomber, se casser.
03:28Oui, et surtout, et c'est pour ça que j'en parlais en préambule dans mon introduction,
03:34souvent, il y a un alcoolisme associé dans les troubles bipolaires,
03:37parce que c'est une tentative d'aller mieux, en fait.
03:39C'est une tentative d'autothérapie, et c'est pour ça que c'est très fréquent.
03:42Moi, je vais vous dire, en vous écoutant, madame, déjà, je salue votre courage,
03:45parce que vous nous faites part d'une expérience humaine qui est extrêmement violente,
03:48extrêmement douloureuse, très indicible et très taboue.
03:51Vous parlez de l'hospitalisation, vous parlez de l'alcoolisme,
03:54vous parlez des achats compulsifs, tout ce qu'on retrouve vraiment dans la manie,
03:59de cette élation terrible et destructrice.
04:02Et juste pour ça, déjà, je voudrais vous dire merci.
04:04Et aussi dire merci à Brigitte, parce que que cette émission existe, vous voyez,
04:07et c'est pour ça que c'est précieux, c'est que là, toute la France écoute et entend,
04:10en fait, qu'il est possible d'aller mal de cette façon-là.
04:14Il n'y a pas de honte à avoir à en parler, au contraire, il faut en parler pour pouvoir avancer.
04:18Et ça, pour ça, merci Brigitte et merci madame.
04:20Oui, et ce serait peut-être important de faire écouter à votre fille
04:23qu'elle comprenne bien que vous n'y êtes pour rien.
04:27Malheureusement, voilà.
04:28Et ce qui est terrible dans la maladie psychique, c'est qu'en fait, on est encore dans une sorte de tabou,
04:35comme si on n'a qu'à se secouer, il n'y a qu'à, il faut qu'on, et on retrouve le discours des coachs.
04:41Mais non, vous n'y êtes pour rien.
04:43Tout à fait. Mon fils dit que la dépression, ça n'existe pas, il n'aime pas les dépressifs.
04:48Bon, ben c'est bien, je ne lui souhaite jamais d'être dépressif.
04:51Quant à ma fille, elle demandait à la psychiatre, quand est-ce que j'allais arrêter de prendre les médicaments ?
04:56Comme si elle avait une boule de cristal et qu'elle allait pouvoir...
04:59Enfin, j'en rigole maintenant, mais je n'ai pas rigolé, j'ai beaucoup pleuré.
05:02Mais bien sûr, c'est violent que vos enfants ne vous reconnaissent pas dans votre vérité à vous.
05:10C'est ça, et alors attention, parce que d'expérience,
05:13il arrive parfois qu'un membre de l'entourage,
05:15lorsqu'un de ses proches semble souffrir de dépression et que le traitement ne produit pas d'effet,
05:20se rapproche par inquiétude du médecin traitant ou du médecin psychiatre
05:24pour savoir ce qui se passe et pour donner d'autres indications.
05:26C'est-à-dire que le psychiatre ne sait pas ce qui se passe au domicile, pas toujours,
05:29et là, les enfants peuvent réagir en disant
05:30mais attention, vous ne voyez pas, elle se met en danger.
05:33Moi, j'aimerais porter à votre connaissance ce qui se passe là.
05:36Par exemple, il y a des cas où certains patients, quand ils changent de phase,
05:39ils oublient complètement ce qu'ils ont fait dans la phase précédente.
05:42Là, ça peut être pratique.
05:43Mais attention, madame, là, ce que vous décrivez, c'est autre chose.
05:46Vous dites que vos enfants jugent votre traitement et qu'ils jugent votre psychiatre.
05:49Moi, j'ai un conseil.
05:51C'est terrible.
05:51C'est ça, j'ai un conseil à vous donner.
05:54Vraiment, si vous sentez qu'il y a de l'angoisse,
05:55si vous sentez qu'il y a une douleur qui reste, que vous vous interrogez,
05:58demandez un autre avis médical.
06:00Ça, vous voyez, vous avez parfaitement le droit de le faire.
06:02Oui, pardon, je vous coupe.
06:04Non, aucun problème.
06:04Le psychiatre a pris sa retraite.
06:05J'en ai une autre qui m'a changé mes médicaments.
06:08Je trouve que ce n'est pas plus mal.
06:10Je n'ai plus besoin d'inducteur de sommeil pour dormir.
06:13Parce que parallèlement à ça, j'ai eu une agression sexuelle à 4 heures du matin dans mon lit.
06:19Donc, ça n'a pas fait pour arranger les choses.
06:21Toutes les nuits, à 4 heures du matin, je suis réveillée.
06:24Alors, j'ai fait un peu de MDR, mais après, je n'avais plus les moyens de me le payer.
06:28Enfin, je tourne en rond.
06:31J'ai vraiment l'impression de tourner en rond et je suis malheureuse.
06:34À vrai dire, je suis malheureuse.
06:35Oui, je l'entends bien.
06:38Et c'est là qu'il y a cette idée de demander d'autres avis.
06:41Il y a cette idée de trouver du souffle auprès de lieux qui vous font du bien.
06:46Essayer d'investir quand même des zones au refuge de votre existence.
06:50Que ce soit la créativité, que ce soit la nature, que ce soit la lecture, je ne sais pas, le cinéma.
06:55Mais investir cette énergie qui vous fait tellement mal ailleurs, en attendant que le soin puisse être adapté.
07:03Parce que vous le savez aussi, et vous avez dû vous en rendre compte, parfois, il faut un certain temps pour que le traitement fonctionne.
07:08Oui, c'est sûr.
07:09Mais ce qui est formidable, c'est que quand on m'a changé mon antidépresseur, j'avais plus l'impression d'être malade.
07:15J'allais tout le temps bien.
07:16Ça, c'était formidable.
07:17Sauf si c'est une phase maniaque.
07:18Maintenant, ça fait plus d'un an et je retombe avec des phases terribles.
07:26Ça, c'est des phases où on ne voit même pas le lendemain.
07:29Je voudrais pouvoir mourir.
07:31Heureusement, je n'ai quand même pas un tempérament à me suicider.
07:34Mais par contre, je voudrais bien être morte tout de suite.
07:36Je n'ai pas de mon fait.
07:38C'est terrible d'entendre ça et ça révèle vraiment la douleur qui naît parfois des problèmes de prise en charge médicale de ce type de trouble de tout mon cœur.
07:47J'espère que vous allez trouver le clinicien ou la clinicienne qui saura vous accompagner pour qu'il puisse y avoir un traitement adapté.
07:53Je crois vraiment du fond du cœur que c'est tout ce qu'on peut vous souhaiter.
07:56Vous trouvez la toute porte.
07:58Donc, d'après vous, les antidépressions, ça ne suffit pas ?
08:01Ouh là là, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
08:03J'ai dit qu'il fallait un autre regard.
08:04Je ne me permettrai certainement pas de porter un jugement sur un traitement à la radio.
08:08Mais peut-être qu'une autre consultation ou une autre psychiatre vous permettra de vous donner un traitement qui va vous permettre d'aller un petit peu mieux.
08:19Mais moi, ce que je voulais juste, Camille, de tout cœur, je vous remercie parce que votre témoignage, c'est dix fois mieux que le discours qu'on peut tenir, nous, sur ce que c'est que la maladie psychique.
08:31Parce qu'on entend à la fois votre souffrance et puis j'entends quand même une petite part de joie dans votre voix qui me permet de penser que si...
08:39Peut-être retrouver aussi des occupations comme vous l'avez fait pour que vous ayez l'impression aussi d'être relié et de vous sentir utile.
08:48Parce que je crois que c'est aussi ça qui peut parfois aider.
08:51Oui, ça c'est sûr, oui.
08:52Et en tout cas, vous avez fait votre part aujourd'hui en témoignant. Alors bravo.
08:57Merci beaucoup.
08:58Et merci à vous deux.
08:59Merci beaucoup.
09:01Merci Camille.
09:02On fait une petite pause, on se retrouve dans un instant avec Sabine, je crois, qui veut parler de sa mère qui serait également bipolaire.
09:10Venez apporter votre témoignage et réagissez à l'émission en appelant dès maintenant le 0 826 300 300.