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  • 10/05/2025
L’histoire des femmes est jalonnée d’inégalités, de discriminations, d’épreuves… Pendant des siècles, les sociétés ont estimé qu’elles étaient faibles, fragiles, incapables de voter ou encore de réfléchir aux problèmes du monde… Alors qu’elles étaient infantilisées dans le Code civil, comment les femmes ont-elles réussi à gagner chèrement et durement des bribes de libertés et d’indépendance ? Comment le travail et le salaire ont-ils été déterminants ? Où en est-on aujourd’hui ? Travail, postes, fonctions, salaires… La partie est-elle gagnée pour les femmes ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :

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Transcription
00:00L'émancipation des femmes, une histoire d'argent, très beau film de Bénédicte Loubert,
00:06mais que l'on part de loin, que ce fût difficile pour les femmes d'obtenir quelques libertés si simples
00:12comme un salaire, un travail, un chéquier, un compte bancaire.
00:15Que reste-t-il à conquérir pour que la moitié de l'humanité soit complètement traitée à égalité ?
00:20On va en parler avec nos invités ici présentes, Christine Lavarde.
00:23Bienvenue, vous êtes sénatrice à l'air des Hauts-de-Seine,
00:26membre de la Commission des Finances, de la Commission des Affaires Européennes,
00:29présidente de la délégation sénatoriale à la Prospective.
00:32Je précise que vous avez aussi été vice-présidente de la Commission des Finances du Sénat pendant près de six ans.
00:38Dominique Méda, bienvenue à vous également, professeure de sociologie à l'Université Paris-Dauphine,
00:43philosophe, spécialiste des politiques sociales et de l'emploi,
00:46présidente de l'Institut Veblen, cercle de réflexion qui propose des réformes économiques socialement et écologiquement justes.
00:55Vous avez récemment publié Une société désirable, Comment prendre soin du monde, chez Flammarion.
01:01Beaucoup d'ouvrages aussi sur les femmes, sur l'emploi, dont celui-ci plus ancien, Le temps des femmes, pour un nouveau partage des rôles.
01:08Valérie Lyon, bienvenue à vous également, journaliste, rédactrice en chef de Vive Médias,
01:12un média qui fait partie du groupe Bayard au service de l'indépendance économique et financière des femmes
01:17et qui publie chaque année un baromètre sur le rapport des femmes avec l'argent.
01:20Vous y réalisez aussi des podcasts intitulés « Osons l'oseille » et « Osons investir pour agir »
01:26et vous travaillez depuis de très nombreuses années sur la place des femmes dans l'économie et les entreprises.
01:32Avant d'en venir au progrès relatif, aux batailles qu'il reste à mener pour les femmes,
01:37je voudrais vous entendre quelques minutes sur ce qu'on découvre ou sur ce qu'on redécouvre
01:41dans ce documentaire que j'ai trouvé édifiant.
01:44Pas de compte, pas de chéquier, pas de salaire, pas de travail ou travail invisible et non rémunéré,
01:48des petites activités d'appoint, un code civil qui les traitait comme des mineurs, comme des enfants.
01:55On a beau savoir que tout n'a pas été facile pour les femmes,
01:58on reste quand même assez surpris, voire interloqué par ce documentaire.
02:02Non, Christine Lavard ?
02:03On se dit surtout combien les choses ont changé finalement en un espace temps très court.
02:08On parle de 50 ans et des choses qui aujourd'hui nous paraissent complètement impossibles.
02:14demandons à la génération qui nous succède, pour les petites filles qui sont encore aujourd'hui à l'école.
02:21C'est un impensé.
02:22Et finalement, c'était la vie de leurs arrières-grands-mères.
02:25Et de nos grands-mères ou de nos mères Dominique Méda, on est quand même assez stupéfaits.
02:29Alors, vous ne le découvrez pas, vous êtes une spécialiste du sujet,
02:31mais je pense aux téléspectateurs et aux téléspectatrices qui viennent de voir ce film,
02:35ont peut-être découvert des choses.
02:36Bien sûr, je l'ai trouvé remarquable, très pédagogique.
02:41Alors, quand on voit ça, je trouve que la question qu'on se pose, c'est comment ça a été possible ?
02:45Comment ça a été possible d'organiser une telle exclusion de la moitié de la population ?
02:51Et je crois que ce qui est très important, c'est de bien comprendre pourquoi
02:53et sur quoi, à l'époque, on s'appuyait au XVIIIe siècle sur des textes philosophiques
02:59qui considéraient les femmes comme des moins que rien.
03:01Au XIXe, je relisais récemment les textes de Durkheim, de la division du travail social,
03:07un grand sociologue français, qui nous explique quand même qu'avec la différenciation,
03:11eh bien, au départ, il y avait une société un peu compacte où hommes et femmes se ressemblaient, finalement.
03:19Et puis, peu à peu, il y a eu une différenciation avec la civilisation.
03:22Et on a eu d'un côté des hommes qui s'occupaient plus du côté intellectuel
03:25et les femmes du côté affectif.
03:27Et surtout, le cerveau des hommes a grossi et le cerveau des femmes a rapetissé.
03:31Cette affaire du cerveau des femmes plus petits, ça a permis de fonder des politiques d'exclusion
03:41qui sont absolument folles.
03:42Et quand même, le code civil, les personnes privées de droits juridiques
03:46sont les mineurs, les femmes, les criminels et les débiles mentaux.
03:51C'est exceptionnel.
03:52Et je reviens sur cette question du cerveau, si petit qu'on nous jugeait incapables de s'instruire,
03:58de lire des livres, Valérie Lyon.
03:59Oui, c'est vrai que l'instruction des filles est arrivée très tardivement.
04:02Après la révolution 1848-1850, c'est dit dans le film, les premières écoles primaires.
04:10Et puis, il faut attendre 1879 pour voir la création des écoles normales pour filles
04:14qui vont permettre de former des institutrices.
04:17Ce que je trouve très intéressant dans le film, c'est la façon dont il montre le rôle de la loi.
04:22La loi qui enferme, parce que quand même, ce code civil napoléonien de 1804
04:27a marqué un recul terrible pour les droits des femmes,
04:31qui, au moment de la Révolution française, avait vécu une espèce d'épiphanie
04:34et puis tout s'est refermé.
04:36C'était une régression, ça a été un retour en arrière.
04:38C'était une régression terrible et on a quand même mis, pardon, 200 ans, plus de 200 ans.
04:41Pour l'instruction.
04:43Mais pour tout, pour revenir à un début d'égalité, à une égalité entre les hommes et les femmes.
04:51Et puis après, on voit le rôle de la loi pour justement corriger.
04:54Et ça, je trouve ça très bien montré dans le film.
04:57Les différentes lois, 1907 sur le droit des femmes mariées à disposer librement de leur salaire.
05:041965, le compte bancaire sans l'autorisation du mari.
05:07Moi, 1965, c'est l'année de naissance de ma sœur.
05:10C'était hier, enfin, je veux dire, c'est vraiment très récent.
05:13C'est il y a 60 ans.
05:16On revient de très loin sur le rapport des femmes à l'argent
05:19et surtout sur l'exclusion des femmes du monde de l'argent.
05:22Et sur cette loi, Christine Lavarne, peut-être, puisque vous êtes la représentante de la loi sur ce plateau,
05:26qui a effectivement ce code civil qui a infantilisé les femmes,
05:29qui a fait régresser le sort des femmes et le quotidien des femmes dans le travail,
05:33mais pas que, dans l'instruction aussi.
05:34On était aussi à une époque où ceux qui faisaient la loi n'étaient que des hommes.
05:38Il faut aussi se repenser quelle était la forme du scrutin.
05:41On était sur un scrutin universel, majoritaire, mais masculin.
05:45Les femmes n'ont eu le droit de vote que beaucoup plus tard.
05:47Donc, finalement, les hommes parlaient aux hommes et faisaient la loi pour eux.
05:50Donc, on peut aussi…
05:51Voilà, le contexte historique peut aussi expliquer pourquoi les lois ont été écrites comme ça.
05:57On voit bien qu'aujourd'hui, les choses avancent.
05:59La loi a fait beaucoup, mais la loi ne fait pas tout.
06:02Moi, je pense qu'au-delà de la loi, il y a aussi les faits, il y a aussi la manière dont la société se construit.
06:07Et on n'a qu'à voir.
06:08On a voté une loi sur la parité, alors bien plus tard que 1965.
06:12Et aujourd'hui, regardons ce qui se passe dans la loi pour la parité.
06:16On n'a pas 50% de femmes à l'Assemblée nationale.
06:18On n'en a pas 50% au Sénat.
06:20On a fait une loi Copé-Zimmermann pour la représentation des femmes dans les conseils d'administration.
06:25On n'y est pas encore puisqu'on n'a même pas 25% de femmes.
06:28Donc, il y a encore besoin des faits.
06:30La loi, elle fait.
06:31Elle fait avancer.
06:32Mais après, il faut aussi que la société avance.
06:34Et moi, je crois beaucoup au fait que le temps aussi se construit.
06:38C'est-à-dire qu'effectivement, je pense que ma génération,
06:42a une grande liberté, a ouvert son compte bancaire,
06:46peut être mariée et pour autant continuer toujours à avoir son compte bancaire individuel,
06:51ne pas forcément prendre le nom de son mari.
06:53La femme peut rester en tant que femme.
06:56C'est son statut marital qui va changer sa manière de se comporter.
07:00Et ça sera encore plus vrai pour les filles de demain.
07:04Et ça accompagne la loi.
07:06La loi, elle l'aide.
07:07Mais je pense qu'elle ne fait pas tout et il ne faut pas se tromper sur ça.
07:09Et on y reviendra sur cette loi qui fait quand même un peu évoluer les choses,
07:12même si elle ne fait pas tout.
07:13Dominique Méda, une petite précision.
07:14Dans le Code civil, est-ce qu'il reste des lois étranges
07:18qui infantilisent les femmes ou font du mal au sort des femmes ?
07:22On sait s'il reste encore des règles et des lois.
07:24Il doit bien en rester.
07:26Mais ce que je trouve très intéressant quand même, c'est de comprendre les résistances
07:30qui se sont exprimées tout au long de ces 200 ans.
07:34Résistance des hommes qui, en effet, tenaient le pouvoir et ne voulaient absolument pas le lâcher.
07:38Résistance des syndicats quand même.
07:40Oui.
07:40C'est ce que dit Michel Perrault dans le film.
07:44On est un peu surpris d'ailleurs.
07:45Et toutes ces théories, la théorie des deux sphères.
07:47Alors on a deux sphères d'égale valeur, d'égale dignité.
07:50Les hommes dans le travail, les femmes à la maison.
07:54Et la théorie, les économistes qui apportent aussi de l'eau au moulin.
07:57La théorie du salaire familial.
07:59Le salaire de l'homme doit lui permettre de nourrir sa famille.
08:04Et donc ce qui fait que la femme est constituée comme salaire d'appoint.
08:08Et aussi cette obsession, ça je pense que c'est très important.
08:11Essaye de comprendre les arguments qui ont été mobilisés à l'époque pour garder les femmes à la maison.
08:17L'argument du natalisme.
08:19La fécondité, protéger le ventre des femmes.
08:21Pourquoi je dis ça ? Parce que là on le voit revenir.
08:23On voit revenir à bas bruit ou à grand bruit par exemple aux Etats-Unis.
08:28Cette idée que la mission principale des femmes, c'est d'être un ventre et de faire des enfants.
08:34Et donc qu'elles le feront beaucoup mieux à la maison.
08:36Et c'est sur cette question-là, je pense qu'il faut absolument qu'on se prépare à résister.
08:40Il y a quelque chose qui est très intéressant que dit Titiu Lecoq aussi dans ce documentaire.
08:44Elle dit « Les femmes donnent leur lait, leur sein, leur temps.
08:47Elles sont dans le soin et cela n'a aucune valeur économique. »
08:50Et on sait qu'aujourd'hui, ce sont encore majoritairement des femmes qui sont dans les métiers du soin.
08:55C'est l'héritage de tout cela ?
08:56Évidemment, les femmes sont dans le don et le don, c'est gratuit.
08:59Donc déjà, ça renvoie à ce que disait Dominique Méda sur la question du salaire et du salaire d'appoint quand les femmes se mettent à travailler parce qu'on a besoin d'elles.
09:08Elles ne vont pas travailler parce qu'on leur donne cette chance de s'émanciper par le travail.
09:13Ce que disait Simone de Beauvoir, que le travail permet effectivement l'émancipation de la femme.
09:19Elles vont travailler parce qu'on a besoin d'elles dans les usines fin 19e au moment de l'industrialisation, en 1914 à cause de la guerre.
09:26Enfin, c'est toujours parce qu'on a besoin d'elles et pas pour leur propre émancipation.
09:30Et c'est vrai que les femmes ont été… En fait, les femmes ont toujours travaillé.
09:34Elles ont travaillé au champ quand leur mari est… Enfin, dans la paysannerie.
09:39Elles ont travaillé dans les couvents. C'était les religieuses qui soignaient dans les couvents.
09:43Et puis, elles ont travaillé à la maison pour s'occuper des enfants.
09:45Mais un travail gratuit.
09:46Oui, mais un travail gratuit, un travail invisible qui n'est devenu rémunéré que tardivement.
09:51Et donc, on a eu tendance… C'est cette fameuse ségrégation sexuelle des métiers quand même qui est encore…
09:56Alors, si on regarde où on en est aujourd'hui, beaucoup de choses ont évolué.
09:59Mais la ségrégation sexuelle des métiers, ça reste une réalité.
10:03Les femmes sont majoritaires dans les métiers du soin, de l'éducation, par exemple,
10:06parmi les professeurs notamment des écoles en maternelle et en primaire.
10:12Et elles sont minoritaires dans des métiers qui vont être scientifiques, techniques.
10:19Et je dirais, quelque part, dans des métiers très rémunérateurs aussi.
10:24Parce qu'il y a la question de la rémunération avec ces métiers.
10:26Il y a autre chose qui m'a frappée.
10:27Alors, on va y venir à cette question de « elles ont travaillé par nécessité ».
10:30Ça, c'est un point qu'on va vraiment détailler.
10:32Mais d'abord, quand enfin on se dit qu'elles peuvent travailler,
10:34ce qu'on voit dans ce film et qui est frappant,
10:37c'est qu'elles n'ont pas le droit d'aller aux toilettes,
10:38qu'elles n'ont pas le droit de parler entre elles.
10:40C'est-à-dire qu'elles travaillent, mais on les malmène, on les maltraite.
10:44Comme si elles étaient considérées comme quoi ? Inconscientes, légères ?
10:49N'ayant pas droit à la parole,
10:51toujours cette histoire de cerveau et de faiblesse.
10:55En plus, elles sont faibles.
10:57Donc, elles sont vraiment… C'est une sous-catégorie, quoi.
10:58C'est ça qui est complètement…
11:00Citoyennes de seconde zone.
11:01Absolument.
11:02Alors, finalement, ce qui a sauvé les femmes, vous l'avez dit,
11:05ce qui leur a permis de s'émanciper, d'être visibles dans le monde du travail.
11:09Et c'est une des thèses très fortes du film, ce sont les crises.
11:12Ce sont les guerres.
11:13Ce sont tous ces moments où l'État a eu besoin d'elles,
11:17de leur service, de leurs mains et de leur travail.
11:20Écoutez.
11:22C'est souvent la nécessité qui fait loi pour le travail des femmes.
11:26Ça, c'est quelque chose d'important à comprendre.
11:28Il y a les discours idéologiques, il y a les normes,
11:30d'une part, mais d'autre part, il y a aussi les besoins de l'État
11:36et les besoins du patronat.
11:38Et ce sont souvent ces besoins-là qui l'emportent à certains moments.
11:44Donc, moi, ce que je comprends de ce film et de cet extrait,
11:46c'est que l'émancipation des femmes s'est faite à coup de crise,
11:49à coup de guerre, Dominique Méda.
11:50Oui, les guerres ont été très importantes,
11:53mais on sait, les historiennes le racontent très bien,
11:55qu'il y avait des évolutions avant, à bas bruit,
11:58que les femmes, en effet, travaillaient déjà beaucoup.
12:04Et il n'y a pas que ça.
12:05Il y a eu, évidemment, la lutte des femmes elles-mêmes,
12:07les féministes qui ont essayé, sans arrêt, de pousser.
12:11Oui, mais on se demande dans quelle mesure, finalement, ça a aidé.
12:14On a l'impression que presque les crises et les guerres ont été...
12:17Elles ont été tout à fait essentielles.
12:20Il y a aussi les hommes, le rôle des hommes.
12:23On peut penser à Jaurès, qui a essayé de pousser l'émancipation féminine.
12:28Croisa, d'une manière générale, pour certains partis politiques, les communistes.
12:33On sait que les radicaux ont été très contre le travail des femmes
12:37parce qu'ils pensaient que les femmes allaient voter comme l'Église leur disait.
12:41Et puis, quand même, les communistes ont fait avancer beaucoup de choses.
12:44Oui, les guerres ont fait massivement avancer les choses
12:48parce que les femmes remplaçaient les hommes qui étaient partis,
12:51qu'elles pouvaient montrer de quoi elles étaient capables.
12:53Mais souvent, il y a eu, après, des régressions.
12:55Par exemple, on sait très bien que dans les années 30,
12:57il y a un énorme retour en arrière
12:59parce qu'à la fois, les catholiques veulent que les femmes reviennent à la maison,
13:04toujours à cause de cette affaire de natalité.
13:07Il faut refaire des enfants, il faut repeupler...
13:08Exactement.
13:09Et ce qui est très important, je voudrais juste insister sur une différence
13:12entre trois pays, entre l'Angleterre, les pays nordiques,
13:16notamment la Suède et la France.
13:18En France, finalement, on n'a pas empêché le travail des femmes.
13:22Les femmes qui voulaient travailler,
13:23si elles arrivaient à concilier les choses, elles y allaient.
13:26En Angleterre, il y a eu la règle du mariage,
13:28l'interdiction du travail des femmes mariées,
13:30ce qui fait que les femmes sont arrivées
13:32sur le marché du travail très tardivement
13:35et à temps partiel parce qu'il n'y avait pas de politique familiale.
13:38Et en Suède, les choses se sont passées autrement.
13:40Pourquoi ? Parce qu'on a eu notamment des théoriciens,
13:43les Myrdal, un couple de sociodémocrates, d'économistes,
13:46qui ont expliqué que, d'accord, il y avait un problème de fécondité,
13:49il fallait en effet avoir plus d'enfants,
13:51mais il ne fallait pas que ça se passe sur le dos des femmes,
13:54il fallait mettre en place une politique familiale
13:57qui donnerait des allocations aux familles
13:59pour qu'elles puissent supporter cela.
14:01Et de surcroît, ils ont ajouté,
14:03pour faire en quelque sorte contrepoids
14:05à la fameuse théorie des deux sphères,
14:07ils ont sorti la théorie du double rôle,
14:10c'est-à-dire hommes et femmes ont un double rôle,
14:13le rôle de parents et le rôle de travailleurs.
14:16Ça, c'est extraordinaire.
14:17Donc la France n'est pas si mal placée que ça, en fait.
14:19La France est toujours, comme d'habitude, intermédiaire.
14:22Et donc la Suède, vous voyez,
14:23elle s'est appuyée sur ces efforts théoriques,
14:27en quelque sorte, pour, dans les années 70,
14:29alors c'était légèrement, en quelque sorte,
14:31pour mettre en place des politiques
14:32qui ont été tout de suite très pro-femme.
14:36Les crises et les guerres plus efficaces
14:37qu'une volonté politique, finalement,
14:40Christine Lavarde, au fil des siècles.
14:41Mais on voit que c'est un phénomène
14:43qui se répète encore aujourd'hui,
14:45dans le conflit entre l'Ukraine et la Russie,
14:47où le taux de travail des femmes était...
14:50Les femmes, les hommes partis à la guerre,
14:52les morts-mères à la guerre,
14:53ont pris le rôle des hommes
14:55pour faire vivre l'économie.
14:57Et effectivement, le jour où la paix arrivera,
15:01il faudra aussi reconstruire le pays
15:03et on aura quand même besoin de cette main-d'œuvre.
15:07Et peut-être même encore aujourd'hui,
15:08cette nécessité financière,
15:09qui est d'avoir deux salaires,
15:10parce que le pouvoir d'achat a baissé
15:12et que la vie est chère,
15:13alors les femmes sont appelées à aller travailler
15:16parce qu'on a besoin d'un deuxième salaire.
15:17Ça fait aussi partie des nécessités
15:19qui poussent les femmes au travail.
15:20C'est sûr que la femme,
15:22ça a d'abord été un salaire d'appoint,
15:24comme c'est très bien dit dans le film.
15:26Et là aussi, il faut voir,
15:28Dominique Méda a mentionné Ambroise Croizat,
15:29c'est seulement en 1946
15:31que la notion de salaire féminin disparaît de la loi
15:33et donc qu'on arrête de légitimer
15:36un écart entre le salaire des femmes
15:40et le salaire des hommes.
15:41C'est quand même assez incroyable d'imaginer ça.
15:45C'est-à-dire que même les syndicats,
15:46on parlait aussi des syndicats tout à l'heure,
15:47dans les années 20,
15:49on considérait que ce n'était pas totalement anormal
15:51qu'il y ait un écart de salaire
15:53entre les hommes et les femmes.
15:54Ça paraissait même pas anormal au syndicat.
15:56C'est ce que dit Michel Perrault.
15:57Ça paraissait même pas anormal au syndicat.
15:59Ah oui, lutte contre !
16:00Voilà, il a quand même fallu,
16:02la première loi sur l'égalité salariale,
16:04c'est 1972,
16:06et en 50 ans,
16:06on a eu une dizaine de textes.
16:08Quand même, il faut quand même le rappeler
16:09pour essayer d'arriver à une égalité salariale
16:12et aujourd'hui, d'après les chiffres de l'INSEE,
16:14à temps de travail égal dans le secteur privé,
16:16on a quand même encore 15% de différence de salaire
16:19liée notamment aux différences d'emploi occupées
16:22qu'on évoquait tout à l'heure.
16:24Donc c'est vrai que le salaire de la femme,
16:26il est nécessaire,
16:27mais aujourd'hui, il est d'autant plus nécessaire
16:28qu'il y a un phénomène sociologique très important
16:31qui est l'exposition des familles monoparentales.
16:3325% des familles en France aujourd'hui
16:35sont des familles monoparentales
16:36et dans 82% des cas,
16:38c'est une femme qui est la chef de famille.
16:41Donc son salaire est loin d'être un salaire d'appoint.
16:43– Là aussi, une nécessité vitale.
16:46– Une question d'ordre politique quand même,
16:49on a l'impression que c'est un combat plutôt de la gauche,
16:52cette émancipation des femmes par l'argent.
16:55Tout de même, deux textes ont joué un rôle majeur
16:57pour les femmes dans le monde du travail au XXIe siècle
16:59et ils ne viennent pas de la gauche.
17:00La loi Zimmerman-Copé dont vous parliez en 2011
17:02qui visait à accélérer l'égalité économique et professionnelle
17:05entre femmes et hommes,
17:06la loi Rixin 2021 qui a imposé des quotas
17:08dans les postes de direction des grandes entreprises
17:10à horizon 2030.
17:11Finalement, un combat transpartisan,
17:13plutôt de la gauche ou plutôt de la droite ?
17:15– Mais en fait, je pense que la cause des femmes
17:16comme la cause de l'écologie,
17:18ce n'est pas un combat ni de droite ni de gauche,
17:20c'est des combats de société.
17:22Effectivement, la gauche s'érige toujours en étendards porte-drapeaux
17:25et donc on oublie de dire que le premier ministère de l'écologie,
17:29il a été créé par la droite.
17:30Comme vous le rappelez,
17:31il y a un certain nombre de textes fondateurs
17:33qui viennent aussi de la droite,
17:35mais effectivement, peut-être qu'on met moins ça en avant
17:38et on en fait moins des combats
17:39parce que moi, je reste persuadée
17:41que c'est vraiment des combats de la société
17:43et que la loi, elle est là pour accompagner,
17:45mais c'est aussi les mentalités qu'il faut faire changer
17:47et ça passe par l'éducation aussi
17:49et par un vrai rôle des parents
17:51dans la manière dont ils vont se comporter
17:52vis-à-vis de leur enfant.
17:54C'est-à-dire que si on continue à dire à la maison,
17:56à sa fille, qu'elle doit débarrasser,
17:58mettre le couvert, remplir le lave-vaisselle
18:00et que le garçon peut aller jouer
18:02parce que ce n'est pas pour lui,
18:03on ne fera pas avancer la société.
18:04Tout de même, je reviens à ce combat gauche-droite.
18:06Plus un combat de la gauche, plus un combat de la gauche.
18:08Historiquement, c'est quand même la gauche qui a poussé.
18:10C'est là que vous n'êtes pas d'accord.
18:13Non, mais historiquement, c'est bien la gauche qui a poussé.
18:15Il faut voir, en effet, je disais tout à l'heure,
18:16le Parti communiste.
18:18Donc les deux lois que je cite
18:18sont plutôt des exceptions dans l'histoire ?
18:20Non, je pense en effet qu'il y a eu un tournant
18:25d'un certain nombre de partis
18:27en faveur de ces questions d'égalité hommes-femmes.
18:31Je serais curieuse quand même aujourd'hui
18:32si on faisait un sondage
18:34à la fois parmi les femmes et hommes politiques
18:37et les militants.
18:38Et les sympathisants.
18:39Et les militants, je serais curieuse.
18:40Je pense quand même que la gauche reste...
18:43À la pointe de ce combat.
18:44Oui, je crois.
18:46Modulo, le rôle des syndicats
18:49qui n'ont pas toujours été à la pointe de ce combat.
18:51Il faut quand même le dire.
18:52D'accord.
18:53Et moi, je dirais que c'est surtout
18:54des femmes et des hommes de conviction.
18:55Parce que la loi Copé-Zimmermann,
18:57c'est une femme de conviction
18:59et un homme de conviction.
19:00Jean-François Copé qui le dit.
19:02D'ailleurs, ce que ça a changé
19:03dans son conseil municipal d'avoir une parité.
19:06Il le raconte, par exemple,
19:08suite à la loi en parité en politique.
19:10Et là, pour les entreprises,
19:11des personnes de conviction.
19:12Marie-Pierre Hixin,
19:13qui fait un travail extraordinaire
19:14sur la question de l'indépendance économique
19:17et financière des femmes,
19:18c'est surtout des personnes
19:20qui, à un moment, ont compris,
19:22en fait, qu'il y avait des leviers
19:24qui, parfois, sont des leviers
19:26qu'on n'a pas tout de suite vus.
19:27Par exemple, il faut quand même rappeler
19:30que dans la loi Marie-Pierre Hixin,
19:32la loi du 24 décembre 2021,
19:34la loi dit qu'on doit verser le salaire
19:38d'un employé sur un compte
19:41dont il est titulaire ou cotitulaire.
19:43Ça veut dire qu'avant 2021,
19:45vous pourriez verser le salaire
19:47d'une femme, par exemple,
19:48sur le compte de son mari
19:49sans que cela gêne personne.
19:51Il fallait le repérer.
19:52C'est comme la question des impôts
19:56et du taux individualisé
19:58versus le taux personnalisé.
20:00C'est des petites choses
20:01qui sont parfois...
20:02C'est des petites lignes.
20:03Il faut repérer.
20:04Donc, il faut des gens
20:05qui vont vraiment dans le détail
20:06le rôle des députés,
20:07des sénateurs
20:08qui travaillent ces sujets-là.
20:09Est-ce que ça veut dire
20:10que sans loi, sans quota,
20:12sans obligation, sans injonction,
20:14il n'y a pas d'avancée
20:15pour les femmes, Christine Lagarde ?
20:17En tout cas, ce qui est certain,
20:18c'est qu'aujourd'hui,
20:19il y a des choses encore toutes bêtes,
20:21mais typiquement, je me marie d'office.
20:24On m'envoie les papiers
20:25au nom de mon mari.
20:27Je ne pouvais plus aller à la poste retirée.
20:29Il fallait que je vienne
20:29avec mon livret de famille
20:30pour expliquer que, madame,
20:32c'était moi aussi.
20:33et pour moi, ça me paraît saugrenue.
20:35Quand on fait sa déclaration d'impôt,
20:38c'est toujours l'homme en premier,
20:39la femme en deuxième.
20:41Et il a fallu,
20:42et les choses évoluent
20:43parce que, pour le coup,
20:44alors je ne pense pas
20:45me revendiquer comme féministe,
20:47c'est des choses
20:47qui sont assez énervantes
20:49parce qu'il faut quand même reconnaître
20:50que les femmes, aujourd'hui,
20:51peuvent être celles
20:51qui s'occupent de l'administratif,
20:53s'occupent des impôts,
20:54s'occupent des démarches
20:55qui, avant, étaient celles des hommes.
20:57Quoique, on l'a bien dit,
20:58dans le monde agricole,
20:59c'était un peu la logique inversée.
21:00– Mais alors, vous êtes pour les quotas, vous ?
21:02– Alors, je ne suis pas pour les quotas
21:04et c'est ce que je disais en aparté.
21:07Mon premier, finalement,
21:08acte peut-être d'engagement politique,
21:09c'était à l'époque
21:10« Jeune lectrice ado de Phosphore »,
21:13donc un maquette de…
21:14– Très bon titre.
21:14– Voilà, du Bayard.
21:16– D'accord.
21:17– Et au moment, justement,
21:18de l'introduction de cette loi
21:19sur la parité et des quotas.
21:21Et donc, j'avais envoyé
21:21un courrier des lecteurs
21:22pour dire que moi,
21:24« Jeune femme »,
21:24je trouvais ça scandaleux
21:25qu'on doive, par la loi,
21:27imposer une place aux femmes.
21:29– Bon, mon courrier n'a jamais été publié,
21:31ça ne pouvait pas être l'air du temps.
21:32– C'est vrai que c'est scandaleux.
21:33– Mais c'est fou pour une femme
21:36qui a été à la commission des finances du Sénat
21:38où c'est majoritairement des hommes.
21:39– Ça va très majoritairement, oui, on peut le dire.
21:40– Et vous restez contre les quotas, aujourd'hui ?
21:43– Après, parce que je reste persuadée
21:45que c'est aussi la manière
21:47dont les femmes vont se battre
21:49et je pense qu'il n'y a pas besoin
21:50de travailler plus ou moins que les hommes.
21:52C'est-à-dire que,
21:52quand les compétences sont là,
21:53on la reconnaît,
21:54qu'elle soit portée par un homme ou un homme.
21:55– Alors, on la reconnaît peut-être.
21:57– Non, non, non.
21:58– Je vais quand même lancer mon propos
21:59en disant que, à l'inverse,
22:03on peut être plus facilement repéré
22:04parce qu'on va justement permettre
22:06de pouvoir mettre une relation paritaire.
22:09Et ça, j'en suis consciente.
22:09– Et être mise en avant.
22:10– Mais ensuite, avant d'entrer au Sénat,
22:13je verrais dans un milieu majoritairement masculin
22:16et je n'avais pas le sentiment
22:17d'avoir moins le droit de parler
22:18parce qu'il n'y avait que des hommes
22:20autour de la table.
22:21J'étais là, j'avais ma mission.
22:22– Alors, tout le monde me parlait.
22:23– Les quotas, toutes mes collègues,
22:25toutes mes collègues énarques dans les ministères,
22:28etc., on dit ça jusqu'au moment
22:30où, bam, elles se sont heurtées au plafond de verre.
22:33Moi, je crois absolument aux quotas.
22:34Je pense qu'il faut des quotas partout, encore plus.
22:38Quand on regarde, il y a eu,
22:39je pense à deux travaux très importants.
22:41Alors là, je parle des femmes diplômées.
22:42– Les quotas viennent en défaveur des femmes
22:44parce qu'il y a des endroits où il y a trop de femmes.
22:46– C'est vrai, c'est vrai.
22:46– Pas faux.
22:47– Il y a aussi des quotas pour les femmes.
22:47– Pas faux, oui.
22:48– Oui, la thèse d'Elsa Favier, très intéressante
22:52sur les femmes en politique et les femmes qui…
22:54En fait, plein de femmes qui renoncent à passer
22:57les concours, les concours à plus.
22:58Moi, j'ai été plusieurs fois dans les jurys de l'ENA,
23:00de l'INSP, etc.
23:02Elles renoncent parce qu'elles ont peur, finalement,
23:05de ne pas être assez soutenues.
23:06– Elles s'auto-censurent.
23:07– Donc, des quotas, ça va les aider.
23:09Ou l'article d'Hélène Périvier et Fabrice Lara
23:12qui montre comment à Sciences Po, on a 60% de femmes
23:15et puis, peu à peu, tout ça se perd et ne vont se présenter
23:18pour passer les concours, en effet, que 39% de femmes.
23:22Donc, je pense que les quotas, au moins dans un premier temps,
23:25ça les aide, ça leur donne confiance en elles.
23:29– Ça les pousse, quoi.
23:29– Je suis complètement d'accord avec Dominique Méda.
23:32Ils sont indispensables et la loi Copé-Zimmermann
23:34l'a très bien montré parce que la loi Copé-Zimmermann
23:36a permis qu'on atteigne un 40% dans les conseils d'administration
23:40et a permis la professionnalisation des conseils d'administration,
23:43leur ouverture. Avant, c'était un entre-soi.
23:46Maintenant, il y a eu une internationalisation.
23:48D'autres profils sont arrivés dans les conseils d'administration,
23:50des profils universitaires, etc.
23:52Et, moi, je donnerais juste un chiffre.
23:54Aujourd'hui, en France, plus de la moitié des diplômés
23:56de l'enseignement supérieur sont des femmes.
23:57– Oui.
23:58– Étonnamment, à peine 20 à 25% des membres
24:03des comités de direction et comités exécutifs des entreprises
24:06sont des femmes.
24:06– Oui.
24:07– Qu'est-ce qui se passe entre les deux ?
24:08– Elles disparaissent.
24:10– Oui.
24:10– Elles disparaissent.
24:11Donc, les quotas permettent qu'elles ne disparaissent pas.
24:14Après, je suis complètement d'accord avec vous,
24:16la loi est une chose, l'évolution des comportements
24:19en est une autre.
24:20– Alors, justement.
24:20– Et typiquement, sur l'aspect, par exemple,
24:23du compte bancaire, nous, dans le baromètre
24:26qu'on fait, Vive Média, chaque année,
24:28on interroge, donc on pose un certain nombre de questions,
24:31on voit que, dans les couples mariés,
24:33vous avez encore un quart des personnes en couple
24:35qui n'ont pas de compte bancaire personnel,
24:37en 2025, aussi bien d'ailleurs les femmes que les hommes.
24:42Or, le compte bancaire personnel,
24:44c'est vraiment la clé de l'indépendance.
24:45Enfin, Virgina, vous parlez d'une chambre à soi,
24:47mais un compte à soi, c'est essentiel pour l'indépendance.
24:51Et aujourd'hui, un quart des Français n'en ont pas
24:53quand ils sont en couple.
24:54– Oui.
24:55Alors, il y a eu les crises, il y a eu les textes de loi,
24:57il y a eu les quotas.
24:58On pourrait alors se dire que ça y est,
25:01tout va bien, les choses vont mieux,
25:03qu'on fait tout ce qu'il faut pour que les hommes et les femmes
25:05soient égaux dans ce monde du travail.
25:07Et pourtant, la fin du documentaire montre des chiffres
25:10qui, là encore, sont assez édifiants.
25:12Je voudrais qu'on les revoie ensemble et qu'on en discute après.
25:13– L'erreur serait de croire que les luttes touchent à leur fin.
25:17Triste constat, à temps de travail égale,
25:20les femmes touchent 15% de moins que les hommes dans le secteur privé.
25:24Le divorce entraîne une perte de niveau de vie de 22% pour les femmes
25:27contre 3% pour les hommes.
25:30Et leur retraite est en moyenne de 40% plus basse.
25:33– Tout cela veut dire qu'on a encore du chemin à parcourir,
25:37non, Christine Lavard ?
25:38– Oui, mais par exemple, on parle, après un divorce,
25:42le fait que la condition de vie de la femme se détériore plus.
25:45C'est parce que typiquement, quand on est dans une relation de paxe,
25:49on n'a pas les mêmes contraintes de prestations qu'on pense à soirée
25:52autre que quand on était mariée.
25:53Donc là, c'est bien une différence qui est prévue par le droit,
25:56mais qui a des conséquences directes sur la vie des femmes
26:00qui ont le plus souvent la charge des enfants.
26:03Donc il y a encore des choses, effectivement, à faire avancer.
26:06Et c'est là où on dit, après, le diable se cache dans les détails.
26:10Et c'est-à-dire qu'il faut aller regarder politique par politique,
26:13droit par droit, modification du cadre.
26:17Effectivement, il y a encore 30 ans, 40 ans, c'était le mariage
26:21qui était le cadre dans lequel naissaient les enfants très majoritairement.
26:25Désormais, ce n'est plus du tout le schéma classique.
26:27Et donc, ça veut dire qu'il faut repenser les droits,
26:30les droits des femmes, les droits des enfants,
26:31à l'aune de ce nouveau paradigme.
26:33Et le salariat des femmes aussi, parce que ce sont surtout,
26:36et encore et toujours, des postes plutôt à temps partiel,
26:38à mi-temps, moins rémunérés, moins reconnus.
26:41On égrène ces différences, ces inégalités tous les 8 mars,
26:44mais je crois qu'il faut bien, en effet, s'en soulever.
26:45C'est encore et toujours le cas.
26:46Ah mais oui, différence de salaire.
26:48Alors, le point principal, c'est que les femmes
26:51n'ont pas les mêmes emplois que les hommes.
26:53Elles ne se trouvent pas dans les mêmes emplois que les hommes
26:55et elles se trouvent à la fois dans des secteurs
26:57et dans des types d'emplois qui sont moins bien rémunérés.
26:59Alors, il y a plein de choses à faire.
27:00Je pense à une chose que beaucoup de chercheuses réclament,
27:04c'est de revoir les classifications.
27:05C'est-à-dire que vous avez un certain nombre de postes
27:07où on considère que les compétences sont naturelles,
27:10les femmes disposent naturellement des compétences
27:13pour exercer ces métiers.
27:13Dans le soin, notamment, l'empathie.
27:15Donc, on ne va pas les payer.
27:17Alors que vous avez...
27:18Donc, elles font des comparaisons avec, par exemple,
27:20des métiers d'hommes où là, on considère
27:22qu'il y a un apport technique, notamment de force, par exemple,
27:24et donc que dans les classifications, ça va être plus payé.
27:27Donc ça, je pense que c'est très, très urgent.
27:29Une autre question très, très, très urgente,
27:32c'est quand même l'orientation,
27:33c'est-à-dire le fait que, comme vous le disiez très bien,
27:36les femmes sont aujourd'hui beaucoup plus diplômées
27:38que les hommes, mais elles accèdent
27:39beaucoup moins aux postes supérieurs.
27:42Et...
27:44Mais le frein est où, alors ?
27:45Où est-ce que ça se passe ?
27:46L'orientation, c'est essentiel.
27:48Et c'est aussi, alors là, je vous rejoins tout à fait,
27:49dans la tête, c'est-à-dire des femmes
27:51qui se projettent un peu dans l'idée
27:53qu'elles devront concilier, d'une part,
27:56donc qui vont aller vers, peut-être,
27:58des emplois plus supportables, en quelque sorte,
28:01et puis le nombre de discriminations invraisemblables
28:04auxquelles elles continuent de se heurter, quoi.
28:07Avec ça, les travaux le montrent extrêmement bien aussi,
28:10une fuite permanente, une fuite des hommes,
28:14des endroits où il y a trop de femmes.
28:16Et donc, avec des segmentations...
28:17Oui, bien sûr, avec des segmentations très fines.
28:19Alors, ça se voit dans l'orientation.
28:21Avant, quand il y avait le bac L et puis les deux autres,
28:25les filles, elles allaient dans les trois bacs,
28:27et équitablement, et les hommes fuyaient le bac L.
28:31Et on retrouve ça absolument dans tous les types de métiers.
28:35Lorsque des femmes arrivent dans une spécialité,
28:37par exemple médicale,
28:38alors les hommes vont aller dans une autre.
28:40OK.
28:40Et puis, les femmes sont-elles timides avec l'argent, Valérie Lyon ?
28:43Elles osent-en demander des augmentations de salaire ?
28:45Alors, ça, c'est certain.
28:46Nous, on voit l'écart.
28:47Vous avez plus de la moitié des hommes qui sont à l'aise
28:49pour demander une augmentation salariale ou négocière...
28:52Qui sont sûres de leur pré-value et de leur...
28:54C'est à peine, c'est 32 ou 33 % des femmes,
28:58donc il y a 20 points d'écart.
29:00Mais c'est normal aussi, quand on a été exclu d'un monde,
29:03du monde de l'argent,
29:04forcément, c'est plus difficile d'être à l'aise
29:08avec le sujet de l'argent.
29:10Mais les choses bougent, les choses évoluent.
29:14Je pense que dans les freins,
29:16il y a quand même le frein de la maternité,
29:18qui est montré par les études comme un impact
29:20sur la carrière des femmes et sur le salaire des femmes.
29:23Ça, pour le régler, il faut imposer un congé paternité ?
29:26Oui, et des modes de garde, des modes de garde de qualité,
29:29que les politiques d'entreprise aussi soient également intéressantes.
29:35Mentalité, texte, loi.
29:36Et que les pères s'impliquent plus.
29:38Vous parliez de la Scandinavie.
29:40L'exemple scandinave, de ce point de vue-là,
29:41est assez probant.
29:42Quand il y a une égalité du congé parental
29:45pour la mère ou le père, ça a un impact immédiat.
29:49Et puis, il y a effectivement oser parler d'argent.
29:53Que les femmes parlent de ce sujet entre elles,
29:57qu'elles échangent sur ce sujet,
29:59qu'elles s'interrogent sur le salaire de leurs collègues, etc.,
30:02pour savoir si elles, elles sont bien payées ou pas,
30:04ou si elles sont légitimes à aller réclamer
30:07d'augmentation de salaire.
30:08C'est-à-dire, c'est lever le tabou.
30:09Lever le tabou sur le sujet de l'argent,
30:11qui est un tabou qui pèse dans toute notre société.
30:13Et on y a tous intérêt ?
30:15C'est un vrai levier économique ?
30:16Moi, je pense que oui,
30:17parce que l'argent, quelque part,
30:19l'argent des femmes,
30:20c'est un impensé économique aujourd'hui.
30:22Or, si on pensait l'argent des femmes,
30:24c'est un réservoir de croissance.
30:26C'est un levier de croissance.
30:28Si les femmes, dans tous les métiers qu'on a évoqués,
30:30où elles sont majoritaires,
30:31étaient mieux payées,
30:32cet argent-là, il serait réinjecté.
30:34Et ça attirerait des hommes, en plus.
30:35Et ça attirerait des hommes.
30:36Mais c'est comme ça qu'il faut leur montrer.
30:38Et leur vendre.
30:39C'est comme ça qu'il faut le dire.
30:40Non, mais c'est vrai,
30:41la question du taux d'emploi des femmes,
30:43dans toutes les économies,
30:44et ce n'est pas vrai en France,
30:45c'est vrai partout,
30:46et le levier principal de croissance
30:48pour la plupart des pays développés,
30:52qui ont l'industrie,
30:53c'est là où, en fait,
30:53on trouve les gisements d'heures de travail non exploitées.
30:58Mais après, il y a aussi le regard de la société.
31:00Il y a une Alexia Laros-Joubert,
31:02dans le Monde des médias,
31:03qui a osé dire,
31:04osé dire, effectivement,
31:06elle a réussi,
31:06elle a une entreprise,
31:08mais j'ai externalisé l'éducation de mes enfants.
31:11Vous voyez le regard de la société
31:12sur une femme qui dit ça.
31:14Le même homme qui dit ça,
31:16je ne suis pas sûre
31:17qu'il attire les mêmes regards
31:20avec des éclairs,
31:22parce que ça paraîtra, entre guillemets, normal.
31:24Et moi, j'observe,
31:26alors après, c'est un milieu très urbain,
31:29très parisien,
31:30où les rythmes de travail sont...
31:32Enfin, les journées,
31:32pour travailler sérieusement,
31:34il fallait être parti de chez soi à 8 heures
31:36et parvenir avant 21 heures.
31:38Post-Covid,
31:39mais les choses ont complètement changé.
31:41Donc ça change, ça évolue.
31:42Avant le Covid,
31:42il était impensable de voir une mère,
31:45à la sortie de l'école,
31:46récupérer ses enfants.
31:48C'était que des nounous sur le trottoir.
31:50Désormais, un jour,
31:51deux jours par semaine,
31:52la mère peut être à la sortie de l'école,
31:55s'occuper de ses enfants
31:56jusqu'à l'heure de leur coucher
31:58et reprendre son travail derrière.
32:00Alors après, j'entends que ça s'applique
32:02pour des cadres,
32:02pour des gens qui peuvent télétravailler.
32:03Ce n'est pas duplicable sur toute la société,
32:06mais quand même une manière
32:07dont on pense le travail,
32:10le fait qu'on peut travailler
32:12sans être à son bureau.
32:12Donc là aussi,
32:13une crise a changé les choses,
32:14une crise majeure,
32:15celle du Covid.
32:15Sur le monde du travail
32:16et donc indirectement aussi
32:18sur la manière
32:18dont la famille fonctionne,
32:20dans la relation des parents
32:22avec leurs enfants
32:23et sur finalement
32:24cette externalisation
32:25qui a été forcée,
32:27qui devient,
32:29enfin ça devient pour moi
32:30plus facilement conciliable
32:31de s'occuper de ses enfants
32:33tout en ayant une carrière
32:34par le développement de télétravail.
32:36Mais je précise
32:37que ça ne peut pas s'appliquer
32:37à toutes les professions
32:38et ça je...
32:39Évidemment, on en a conscience.
32:40Il me semble quand même
32:41que la question centrale,
32:42c'est la représentation
32:43que l'on a
32:44du rôle respectif
32:45des hommes et des femmes.
32:46Et ça, ça reste vraiment au cœur
32:48et si on continue à penser
32:49que parce que les femmes
32:50portent les enfants,
32:51alors c'est elles
32:52qui doivent s'en occuper
32:53essentiellement jusqu'à
32:54leur 12 ans par exemple,
32:55là on restera tout à fait coincés.
32:57Moi je pense que oui,
32:58ce sont les femmes
32:58qui portent les enfants
32:59mais qu'après,
33:00ce sont les personnes
33:03qui élèvent cet enfant
33:04qui doivent s'en occuper complètement,
33:05de même qu'elles doivent
33:06partager équitablement
33:07les tâches domestiques, etc.
33:08Et ça, ça me paraît très important
33:10et important aussi de le dire
33:11dès les petites classes
33:12parce que là on voit
33:12quand même un retour
33:13du sexisme très fort
33:15en particulier
33:15chez un certain nombre
33:16de jeunes garçons.
33:17Donc on a un travail à faire,
33:19je repense aux ABCD de l'égalité
33:20ou des choses comme ça
33:21qui sont l'objet de disputes
33:23en France.
33:24Je pense que c'est hyper important
33:26dès les toutes petites classes
33:28de montrer que l'égalité
33:31homme-femme
33:31c'est quelque chose
33:32d'absolument essentiel.
33:33Et puis déjà que maman travaille,
33:34c'est déjà peut-être aussi
33:35une manière de commencer.
33:37On arrive à la fin
33:38de cet échange
33:39et j'avais envie de terminer
33:40avec cette phrase
33:40de Laurence Rossignol
33:41dans le film
33:42et je voudrais vous faire réagir
33:43juste après.
33:44Elle dit avec beaucoup d'ironie
33:45« Il ne faut pas que les femmes
33:47aient un salaire
33:47qui leur permette
33:48d'être autonome.
33:49Le risque,
33:49c'est que les femmes
33:50soient libres.
33:51Que deviennent les hommes
33:52si les femmes sont libres ? »
33:53Évidemment,
33:54beaucoup de provocation
33:55et d'ironie dans cette phrase.
33:56Mais pour conclure là-dessus,
33:57est-ce que c'est vrai
33:58qu'il y a une part comme ça
33:59chez les hommes
34:00qui voudrait éviter aux femmes
34:01d'être libres ?
34:02Alors, historiquement,
34:03c'est quand même
34:04ce qu'on a vu.
34:05Des hommes qui ont peur
34:07que les femmes
34:07prennent trop de place,
34:09y compris quand elles votent,
34:10qu'il y ait plus de femmes
34:10qui votent que des hommes,
34:11etc.
34:12Oui, et je crois
34:13que cette peur,
34:14on doit la prendre en considération
34:15parce qu'elle existe
34:15dans notre société aujourd'hui.
34:17Donc, il faut qu'on avance,
34:18mais il faut qu'on avance
34:19peut-être subtilement
34:20parce que,
34:21pour ne pas leur faire trop peur.
34:23Ce qui est certain,
34:24c'est que l'indépendance économique
34:25et financière des femmes,
34:27à mon sens,
34:27est la clé
34:28de l'égalité réelle.
34:29C'est-à-dire qu'il n'y aura pas
34:31d'égalité réelle
34:31tant qu'il n'y aura pas
34:33de réelle indépendance
34:34économique et financière
34:35des femmes.
34:36Et j'ai envie de dire,
34:37c'est la dernière frontière
34:39du féminisme.
34:40Aujourd'hui,
34:40c'est ça qu'il faut conquérir.
34:42C'est ce territoire
34:43économique et financier.
34:45Christine Lavard,
34:45pour conclure.
34:46En fait, moi,
34:47je suis choquée
34:48quand j'entends ou je lis
34:50qu'on parle des hommes déconstruits
34:51quand ils commencent
34:52à s'occuper de leur famille.
34:53C'est juste scandaleux
34:54puisqu'en fait,
34:54c'est ce qu'on n'arrête pas de dire.
34:55Ça devrait juste être
34:57le cours normal des choses.
34:59Il y a deux parents,
35:00que ce soit l'homme, la femme.
35:01Chacun a ses tâches,
35:02a son travail pour avoir
35:04son insertion dans la vie économique,
35:06dans la vie sociale
35:06et a son rôle à la maison,
35:08dans sa vie familiale.
35:09Et donc, voilà,
35:10c'est juste en fait
35:11un peu tous ces clichés
35:12femmes trop libres,
35:13hommes déconstruits
35:13qui font qu'en fait,
35:14ça freine aussi, moi, je pense,
35:16l'égalité réelle,
35:17l'égalité des comportements.
35:19À force de mettre ces clichés,
35:20on remplit les choses naturelles
35:21et donc, effectivement,
35:22on crée des freins
35:24pour que les enfants,
35:26naturellement,
35:27eh bien, une petite fille,
35:28elle va très bien jouer
35:28avec un camion de pompiers
35:29et un garçon avec une poupée,
35:30il suffit de les observer
35:31à la crèche.
35:32Il n'y a pas besoin
35:32de faire des cours genrés,
35:33il n'y a pas besoin
35:33d'en faire des tonnes
35:34naturellement
35:35parce qu'ils ont envie
35:35de jouer ensemble
35:36et c'est parce que
35:36c'est comme ça
35:37que fonctionne la société.
35:38Et je précise
35:38qu'il nous a été difficile
35:40et même impossible,
35:40vous le voyez,
35:41d'avoir un homme
35:42sur ce plateau.
35:43On n'a pas trouvé
35:43de spécialiste reconnu
35:46et qui ait envie
35:46de venir discuter
35:47de ce sujet.
35:48Donc, je présente
35:49nos excuses
35:50aux téléspectateurs
35:50mais voilà,
35:51ça a été un débat
35:52entre femmes.
35:53J'en suis désolée.
35:53Merci en tout cas
35:54à tous les trois
35:55d'avoir participé
35:55à cet échange.
35:56Merci à vous
35:56de nous avoir suivis
35:57comme chaque semaine.
35:58Émissions et documentaires
35:59à retrouver en replay
36:00sur notre plateforme
36:01publicsénat.fr.
36:03À très vite.
36:03Merci.

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JEREMwav
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