- 05/05/2025
Lundi 5 mai 2025, retrouvez Maelenn Poitrenaud (Responsable innovation et développement Agriculture, Veolia) et Éric Frétillère (Président des Irrigants de France, Irrigants de France) dans LE CHAMP DES POSSIBLES, une émission présentée par Sibylle Aoudjhane.
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00:00Ce podcast vous est présenté par Veolia.
00:15Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans le podcast Le Champ des Possibles,
00:20un podcast hors série consacré aux défis de l'agriculture face à la transition écologique.
00:25Un podcast qui explore comment le secteur agricole s'adapte, innove et se réinvente face aux enjeux climatiques.
00:32Pour ce quatrième épisode, nous nous penchons sur une ressource essentielle, l'eau comme pilier de tout modèle agricole.
00:40Si la France ne connaît pas encore de tensions hydriques majeures,
00:43une prise de conscience tardive sur la gestion de cette ressource pourrait avoir des conséquences dramatiques.
00:49Comment garantir un approvisionnement en eau stable tout en adaptant une gestion plus raisonnée, plus durable ?
00:55Nous en discutons maintenant avec nos invités et j'ai le plaisir d'être entouré de Maëllen Poitrenaud,
01:01qui est responsable innovation et développement, activité agriculture chez Veolia.
01:06Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
01:07Bonjour Sybille.
01:09Et à ma droite, Éric Frétillère, qui est président des Irrigants de France.
01:12Merci beaucoup d'être présent avec nous.
01:14Merci, bonjour. Je suis également agriculteur, ce qui est important de rappeler.
01:19Maëllen Poitrenaud, on va commencer avec vous.
01:22Est-ce que tout d'abord, vous pouvez nous dire quelle est la situation actuelle des ressources en eau en France ?
01:29C'est vrai que ce que je disais dans cette introduction, c'est que la tension hydrique n'est pas encore à son comble en France.
01:35Ce n'est pas quelque chose dont on parle quotidiennement.
01:38Où se situe la France aujourd'hui par rapport à ça ?
01:40Si vous me posez la question, aujourd'hui, en ce début 2025, la pluviométrie est plutôt excédentaire au global, vous l'aurez remarqué.
01:47Mais par contre, c'est très inégal, puisqu'on a des niveaux de stress hydrique dans le sud de la France.
01:51Il y a un déficit de 40% dans l'angle de Groussillon et ça atteint 70% dans les périodes orientales ou dans l'Aude.
01:58Donc des disparités très fortes sur la France, même aujourd'hui, alors qu'il pleut quand même beaucoup.
02:02Et si on se porte un petit peu plus en arrière, vous vous souvenez, 2022-2023, des années très difficiles.
02:07En 2023, il y avait 75% des nappes qui étaient en dessous des normales saisonnières et 68% en situation préoccupante.
02:14Et en 2022, vous vous souvenez, il y avait 93 départements qui ont connu des arrêtés sécheresses tout au long de l'été.
02:19Donc des situations qui varient selon les années, mais avec de plus en plus d'années où la sécheresse se fait ressentir.
02:26Éric Frédélière, est-ce que vous pouvez tout d'abord rapidement nous rappeler les missions d'Irigants de France ?
02:31Et puis après, on va aller un peu plus en détail sur les agriculteurs et leurs préoccupations par rapport à cette question.
02:36Alors, l'Irigant de France est une structure nationale qui représente l'ensemble des agriculteurs français, 81 000,
02:43qui sont répartis par associations, soit des associations d'irrigants départementales ou également des filières.
02:50On retrouve aujourd'hui toutes les filières.
02:52Et ce qui est tout à fait représentatif de l'adaptation au changement climatique, c'est qu'aujourd'hui,
02:56on se cantonnait, l'Irigant de France a beaucoup de départements du sud-ouest et du sud.
03:00Aujourd'hui, c'est l'ensemble de la France qui est impacté et on voit l'intérêt que portent tous les départements à la gestion de l'eau.
03:07Et même toutes les filières, que ce soit le maraîchage, l'arboriculture, l'horticulture, toutes ces filières adhèrent à l'Irigant de France.
03:16Justement, alors, est-ce qu'ils sont préoccupés par la question ?
03:20Est-ce que c'est quelque chose dont ils vous parlent ?
03:22La gestion de l'eau, est-ce que c'est quelque chose dont ils vous parlent régulièrement ?
03:26Oui, bien entendu, parce qu'un des enjeux majeurs, le monde agricole est en première ligne du changement climatique.
03:32On le vit et on est habitué à travailler et à vivre avec la météo et donc ça a un impact colossal.
03:37Alors, qu'est-ce que c'est le changement climatique ?
03:40En fait, c'est l'augmentation des températures qui est avérée, on le constate chaque année.
03:45Ils le ressentent régulièrement sur le terrain.
03:46On le ressent régulièrement sur le terrain.
03:48Et puis surtout, des chaleurs très précoces.
03:51On verra peut-être après les impacts de ce changement climatique sur l'agriculture.
03:55Mais ça a des impacts très pervers parce que l'augmentation des températures dans des printemps précoces pose des problèmes beaucoup plus tard.
04:03Et ensuite, l'eau.
04:06Alors, l'eau, si on regarde ce qu'annonce le GIEC, il y a une étude tout à fait intéressante d'Explore 2 qui vient de sortir.
04:12Le volume d'eau, il reste constant sur Terre.
04:14C'est sa répartition dans l'espace et dans le temps qui est différente.
04:18A l'échelle de la France, a priori, le volume d'eau, il va rester le même, avec un peu plus d'eau dans le nord de la France et un petit peu moins dans le sud.
04:26Donc, cette répartition, si on regarde Explore 2 qui a fait tout un tas de scénarii, dans tous les cas, une chose qui est sûre et qui ressort, c'est que dans tous les cas, on aura plus d'eau en hiver qu'en ce moment.
04:40Donc, plus d'eau en hiver, moins d'eau en été, évidemment, la question du stockage, elle doit se poser de façon importante et sérieuse.
04:48Alors, ce n'est pas la seule solution, on l'abordera certainement tout à l'heure.
04:51Il y a beaucoup d'autres solutions, mais la problématique du stockage est une problématique essentielle pour répondre aux enjeux du changement climatique pour le monde agricole.
04:58Oui, bien sûr, on va revenir après sur les solutions. Juste, à quel point, ça va être peut-être assez innocent comme question, mais à quel point les productions agricoles sont dépendantes de l'eau ?
05:09Est-ce que toutes les productions agricoles, est-ce que justement, on a cité aussi quelques zones qui étaient différentes dans leur dépendance à l'eau, à quel point elles le sont ?
05:18Alors, l'eau, c'est la vie. Et donc, en fait, il n'y a pas de production sans eau, ne serait-ce que pour la photosynthèse de la plante, il faut de l'eau.
05:28Donc, l'eau est absolument indispensable.
05:31Et la problématique essentielle, c'est que l'agriculteur, pour produire, il a besoin de l'eau, souvent à un moment où il n'y en a pas, c'est-à-dire le printemps et l'été,
05:39à un moment où il y aura vraisemblablement de plus en plus de sécheresse. Et c'est là où il faut amener l'eau. Mais elle est absolument indispensable.
05:48Vous savez, vous prenez une exploitation agricole au mois d'août, en pleine sécheresse, qui n'est pas irriguée, vous arrivez, c'est sec, c'est desséché, il n'y a pas de vie.
05:58Vous allez sur une exploitation agricole irriguée, où il y a de l'eau, vous avez de la vie, vous avez de la biodiversité, vous avez des flaques d'eau, vous avez des oiseaux qui viennent s'abreuver, etc.
06:07Et on voit que vraiment, l'eau, c'est un écosystème et que l'eau, c'est la vie.
06:12Maëlle Poitronneau, on a commencé à dire les mots sécheresse, etc. Quels sont les impacts du changement climatique sur la ressource en eau qui est possible ?
06:23Je vais compléter un petit peu ce qui vient d'être dit, mais vous avez bien abordé le sujet. On sait maintenant que le changement climatique va être surtout une intensification des épisodes intenses, justement.
06:32Donc ça veut dire plus de pluviométrie en hiver, vous l'avez dit, et des périodes de sécheresse plus fortes en été.
06:38Et donc ça veut dire effectivement une répartition de l'eau différente de celle qu'on a aujourd'hui et qui n'est pas forcément adaptée aux besoins de la plante.
06:44Et c'est ça le problème, c'est qu'en fait, l'eau ne va pas arriver quand la plante a besoin de pousser, donc en été.
06:48D'où cette notion d'accès à l'eau et de besoin d'irrigation.
06:51Donc les besoins en eau vont forcément être plus forts si la pluviométrie ne comble pas les besoins des plantes au moment où elles ont besoin de croître.
06:58Et puis aussi, il faut même une augmentation des températures qui augmente l'évapotranspiration et qui va accentuer aussi le besoin en eau des plantes.
07:05Donc cette évolution, même si le stock d'eau reste le même et si la quantité d'eau qui va arriver en France restera la même,
07:12la temporalité va faire que les besoins d'irrigation vont forcément croître.
07:16Donc il y a une nécessité de se poser la question de comment on fait pour gérer cette eau, gérer cette eau qui va être peut-être un excès en hiver et dont on va avoir besoin l'été.
07:22Et quelles sont les autres solutions alternatives qu'on peut proposer pour avoir accès à l'eau ?
07:26Est-ce qu'on a déjà observé des tensions significatives ?
07:30Vous avez cité il y a quelques années certains épisodes. Est-ce qu'il y a vraiment un épisode marquant qui a peut-être éveillé les consciences ?
07:38Alors on a vu, il y a certaines collectivités dans le sud de la France qui ont été même en manque d'eau potable.
07:42Donc c'est l'événement le plus marquant quand il faut ravitailler certaines collectivités en camions, citernes pour les alimenter en obotope.
07:52C'est qu'il y a vraiment un problème d'accès à l'eau et forcément ça va être prioritaire par rapport à l'irrigation.
07:57Éric Friteillère, une manière d'optimiser la ressource est d'améliorer la gestion de l'irrigation.
08:01Est-ce que vous pouvez nous détailler quelles sont les solutions, les technologies possibles pour améliorer cette irrigation ?
08:08Alors en fait, face à des enjeux tels que le changement climatique, il n'y a pas une solution miracle qui existe malheureusement.
08:16Donc c'est un panel de solutions qu'il faut trouver.
08:20Je fais juste un petit aparté parce qu'on est structuré, Irrigan de France, je suis également vice-président d'Irrigan d'Europe.
08:26Et ce qui est intéressant, c'est de se comparer aux autres pays européens.
08:29Et pour revenir à votre première question, lorsqu'on regarde l'abondance en eau, on se situe comme le deuxième pays européen derrière la Norvège au niveau de l'abondance en eau.
08:38Et on est dans les derniers pays par rapport à l'utilisation.
08:40Et ce qui est intéressant de se comparer avec les pays méditerranéens, je pense Espagne, Italie, Portugal, c'est des pays qui vont avoir le climat qu'on va avoir demain.
08:48Regardons ce qu'ils font, notamment au niveau de la réutilisation d'eau, notamment au niveau des transferts d'eau, notamment au niveau du stockage.
08:56Ils font des choses très bien, ils font des choses beaucoup moins bien.
08:59Regardons et appuyons-nous là-dessus.
09:01Alors dans les solutions qui existent, déjà ce qu'il faut rappeler, c'est que le monde agricole a fait un effort colossal de 30% d'amélioration de l'efficience dans les 20 dernières années.
09:10Ça veut dire, en fait, on est passé du gravitaire, des lacs dans les montagnes, avec des cours d'eau qui datent d'ailleurs de l'époque napoléonienne, parce que l'irrigation remonte à très loin, aux Romains.
09:21Et donc on irriguait les parcelles par ce biais-là.
09:24On est passé à l'aspersion avec des pompes pour pomper dans les cours d'eau.
09:28On a baissé les volumes de façon très importante.
09:31De l'aspersion, on est passé à la micro-irrigation d'eau pour produire la même chose à l'hectare.
09:38D'accord.
09:38Et de l'aspersion, on est passé à la micro-irrigation.
09:43De la micro-irrigation, aujourd'hui, on est au goutte à goutte.
09:45Alors ce n'est pas valable dans toutes les productions, dans tous les secteurs, mais c'est pour vous dire la trajectoire dans laquelle on est.
09:51Alors est-ce qu'il reste une trajectoire encore possible ?
09:54Bien entendu.
09:55Moi, je crois beaucoup à tout ce qui est nouvelles technologies, à l'intelligence artificielle, adaptée au monde agricole.
10:03Vous savez, aujourd'hui, on parle de périodes de sécheresse qui vont être compliquées à gérer.
10:06Aujourd'hui, on connaît les niveaux des cours d'eau.
10:10On apprend à connaître de mieux en mieux les besoins de la plante par rapport à l'eau.
10:14On sait de façon affinée l'évolution du climat.
10:20Faisons tourner des algorithmes, niveau des cours d'eau, besoin de la plante, projection de météo,
10:25et on va aider à pouvoir avancer dans la gestion de l'eau.
10:29Ça, c'est un élément important.
10:31Après, il y a la génétique aussi.
10:32Les plantes qui vont mieux s'adapter au stress hydrique, ça, c'est quelque chose d'important.
10:38Il ne faut rien exclure.
10:40Et puis après, au niveau de la ressource en eau, le stockage, je l'ai évoqué.
10:45Il ne faut pas faire de dogmatisme là-dessus.
10:47Le stockage sera indispensable.
10:48On dit qu'en France, tous les grands projets restructurants ont été faits.
10:52Je ne crois pas que si on intègre le changement climatique, qu'ils aient tous été faits.
10:55Je pense qu'il y a des projets qu'il va falloir re-réfléchir.
10:59Il va y avoir du petit stockage pour des petits agriculteurs, des projets de territoire plus globaux.
11:04Il va y avoir une évolution.
11:07Et puis, vous savez, le monde agricole bouge constamment.
11:09Il évolue.
11:10Aujourd'hui, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, dans la nature, par exemple, en hiver, il n'y a plus de terres quasiment nues.
11:15Beaucoup d'agriculteurs font des couverts hivernaux pour laisser les terres couvertes toute l'année.
11:21On découvre sur la plante, sur la génétique de la plante.
11:24On sait qu'il y a des communications entre les plantes.
11:26On va découvrir plein de choses sur le sol également, la nature du sol.
11:30Donc, tous ces éléments vont contribuer pour nous aider à améliorer à la fois l'efficience de l'eau et la production.
11:37Maëlle, on a commencé à parler de cette manière d'étendre l'accessibilité en eau.
11:43Est-ce qu'il y a aussi d'autres alternatives qui existent pour diversifier la ressource ?
11:47Ça a été évoqué à l'instant.
11:50Il y a le sujet de la réutilisation des eaux usées traitées.
11:52Sortie station d'épuration qui est une ressource alternative aux ressources classiques utilisées pour l'irrigation.
11:59Qu'est-ce que c'est peut-être déjà la réutilisation des eaux usées traitées ?
12:02Chaque mot à son importance, c'est de la réutilisation d'eau usée traitées.
12:05On part d'une station d'épuration qui, au lieu de rejeter au milieu naturel, va ajouter un traitement complémentaire qu'on appelle traitement tertiaire
12:12pour traiter de façon complémentaire l'eau et être conforme à la réglementation qui permet d'utiliser cette eau pour l'irrigation.
12:18Ce n'est pas de l'eau directement sortie station d'épuration. Il y a bien un traitement adapté.
12:22Traitement tertiaire, ça veut dire qu'on va rajouter des éléments de traitement technologique.
12:27Ça peut être des UV, du chlore, de la microfiltration.
12:31Ce sont des traitements complémentaires qui vont permettre de continuer le traitement de l'eau, d'abattre un peu plus,
12:36d'abattre notamment les paramètres microbiologiques, de façon à être conforme aux critères qui permettent d'utiliser cette eau pour l'irrigation.
12:41Une fois qu'on a fait ce traitement, on a une eau qui est conforme aux critères d'irrigation et on peut utiliser cette eau pour l'irrigation.
12:47Malheureusement, aujourd'hui, c'est quelque chose qui est très peu développé.
12:49On a moins de 1% des eaux usées qui sont réutilisées en France.
12:53On disait à l'instant qu'il faut se comparer aux pays d'Europe du Sud qui seront notre climat de demain.
12:59Ces pays-là ont des pratiques beaucoup plus développées.
13:01C'est 30% en Espagne, 15% en Italie et en Israël, c'est 90%.
13:05On voit qu'il y a plein de pays qui utilisent déjà massivement cette pratique.
13:08Il n'y a pas de raison de la développer ici en France.
13:11Et pour plus, des fruits et légumes qui sont importés en France.
13:14Oui, c'est ça. Il y a cette petite anecdote.
13:17C'est qu'un avocat sur deux consommé en France, c'est produit en Israël.
13:22Et tous les avocats d'Israël sont produits à partir de réutilisation des eaux usées traitées.
13:25Donc nous consommons déjà de toute façon en France des produits à partir d'eau usées traitées.
13:29Mais ça ne pose pas de problème parce qu'il y a un sondage réalisé par le baromètre Elab-Veolia l'année dernière.
13:3480% des usagers consommateurs sont prêts à consommer des produits issus de l'agriculture qui ont utilisé des eaux usées traitées.
13:43Donc ce n'est pas un frein en fait.
13:44Oui, ce n'est pas une barrière psychologique.
13:46Visiblement, ça l'était à quelques années.
13:47Mais aujourd'hui, les utilisateurs, les consommateurs sont tout à fait prêts à consommer ce type de produit.
13:54Parce que s'il y a une barrière, c'est plutôt une barrière réglementaire.
13:57Il y a une barrière réglementaire, il faut se l'avouer.
14:01Il y a une réglementation en France depuis longtemps.
14:03Il y a une réglementation dès 2010 sur cette pratique qui était complexe, contraignante.
14:08Ce qui fait qu'il y a très peu de projets qui sont développés en France.
14:10Il y a un règlement européen qui est arrivé à partir de 2023 avec une déclinaison en France.
14:15Ça reste compliqué, pour être tout à fait honnête.
14:17Ça reste contraignant.
14:19Et donc ce qui inquiète en fait l'ensemble des acteurs qui doivent se lancer dans ces projets-là.
14:25Et c'est pour ça que ces projets, quand ils se lancent, ils mettent aussi beaucoup de temps à se mettre en place.
14:28Puisqu'il y a de la concertation nécessaire.
14:30Il y a des échanges entre acteurs.
14:32Il y a des organisations à trouver.
14:33Il y a des arrêtés à obtenir.
14:35Donc en fait, c'est des projets qui sont très longs à se développer.
14:37Donc c'est pour ça qu'il faut anticiper.
14:38C'est que si la sécheresse n'est pas encore trop forte en France aujourd'hui, tant mieux.
14:42On a le temps de se préparer.
14:44Mais ce n'est pas le jour où on sera au pied du mur qu'on se dira, tiens, il faut faire de la Rio.
14:46Parce que là, on aura perdu 5 ans.
14:49Rio qui est le...
14:49Pardon, la réutilisation des OUS est traité.
14:52Il faut longtemps.
14:53Il faut 3-5 ans pour qu'un projet sorte de terre de façon efficiente.
14:56Donc si on veut anticiper la sécheresse de demain, il faut s'y préparer dès maintenant.
14:59Est-ce qu'il y a une barrière technologique ou maintenant la technologie est vraiment...
15:02Non, je l'ai dit, 80%, 90% même en Israël, il n'y a absolument aucune barrière technologique.
15:07C'est des solutions techniques qui existent, qui sont déployées dans d'autres pays.
15:10Donc la technique n'est pas un souci.
15:12C'est un souci de mise en œuvre.
15:14Et puis un souci de coût, il faut être tout à fait honnête.
15:16C'est forcément une eau qui est traitée, processée.
15:19Elle va coûter plus cher que l'eau qui tombe du ciel.
15:20Mais par contre, quand c'est la seule ressource pour protéger une production agricole,
15:26une activité économique sur un territoire, l'analyse coût-bénéfice doit se faire
15:30et l'ensemble des acteurs doit y prendre part.
15:32Vous avez cité justement cette étude menée entre Elab et Veolia.
15:37Est-ce que vous savez quelle proportion d'agriculteurs utilisent déjà ces solutions
15:41et quels sont leurs freins de leur côté ?
15:44Oui, oui, oui.
15:44Donc je l'ai dit, en France, c'est moins de 20% des volumes.
15:46Donc du coup, ce n'est pas beaucoup.
15:47Donc sur les 800 agriculteurs interrogés lors de l'enquête,
15:51c'est 6% qui utilisent déjà ces pratiques.
15:54Et par contre, 25% sont tout à fait prêts à l'utiliser.
15:58Et pour ceux qui doutent, arrivent en premier les craintes sur la partie
16:03aspect environnemental et sanitaire.
16:06Donc là, il faut les rassurer parce qu'on a des éléments pour les rassurer.
16:08Et en deuxième, juste derrière, à 50%, c'est les contraintes réglementaires
16:11dont on vient de parler assez logiquement.
16:13Éric Fréteilère, comment est-ce que vous communiquez avec, vous échangez avec les agriculteurs
16:18avec lesquels vous travaillez, justement ?
16:20Est-ce que vous arrivez à penser toute une stratégie globale de gestion de l'eau avec eux ?
16:25Oui, tout à fait.
16:26Alors, juste pour rebondir sur la réutilisation des eaux usées traitées,
16:30ce qui est paradoxal, c'est qu'il y a un règlement européen qui est plus contraignant
16:33en fait que le règlement français qui doit s'appliquer.
16:36Donc, c'est déjà un premier frein.
16:41Le deuxième, vous l'avez évoqué, c'est l'aspect économique parce que c'est une eau
16:44qui est beaucoup plus chère.
16:45Et puis, le troisième élément, c'est un aspect de responsabilité par rapport à l'aspect
16:51à la qualité sanitaire de l'eau qui est mise.
16:53Il faut protéger l'agriculteur, ne pas lui reprocher s'il y a un problème sanitaire
16:58que ça lui retombe dessus.
16:59Donc, tous ces éléments font qu'il y a peu de projets en France pour l'instant.
17:04Effectivement, vous évoquiez l'Israël qui est un des pays les plus arides au monde
17:09et qui nous importe des avocats, etc.
17:15qui exporte des avocats dans pratiquement le monde entier.
17:19Alors, ça pose une autre question, c'est qu'au-delà du changement climatique,
17:23climatique pour le monde agricole, depuis la période du Covid, on a été confronté
17:27à cette volonté de préserver notre souveraineté alimentaire.
17:32Préserver notre souveraineté alimentaire, c'est limiter nos importations.
17:35Je crois qu'en France, on a absolument tout pour le faire.
17:38Je l'ai dit en amont, on est un pays qui a beaucoup d'eau, même si la répartition
17:41est un petit peu différente.
17:43On a une connaissance inégalée en termes d'agriculteurs et de production agricole.
17:49Et je crois qu'on a tout pour produire.
17:50Et on doit se poser des questions, quand on importe des produits de pays
17:54qui ont un accès à l'eau beaucoup plus contraint que le nôtre,
17:58de la finalité de ce qu'on doit faire, nous, en tant qu'agriculteurs.
18:02C'est pour ça que l'enjeu de l'eau, il est absolument fondamental
18:05pour pouvoir répondre et essayer de trouver une solution
18:09par rapport à cette sécurité alimentaire.
18:11Je pense qu'on a tout en France pour pouvoir produire.
18:13Est-ce qu'il y a des pratiques culturelles, des bonnes pratiques,
18:17des manières de gérer son exploitation qui permettraient de réduire la tension sur l'eau ?
18:23Pour comprendre la complexité du monde agricole, je vais vous donner un petit exemple.
18:27La théorie de l'esquive.
18:28La théorie de l'esquive, c'est qu'on sème plutôt, je vais prendre l'exemple du maïs,
18:34on sème plutôt son maïs.
18:36Normalement, le maïs sème au mois d'avril, courant le mois d'avril.
18:41Et il a ses besoins en eau au moment de la floraison qui se situe fin juillet.
18:46On se dit, on a des printemps plus chauds, si on sème au mois de mars,
18:49on va avoir les besoins décalés au mois de juin,
18:52à une période où on a plus de chances d'avoir de l'eau.
18:54Donc on va diminuer le volume d'eau.
18:57Donc on incite tous les agriculteurs à faire ça.
19:00Malheureusement, ça a commencé il y a trois ans,
19:03printemps précoce, superbe,
19:06les agriculteurs s'aiment, ils sont ravis dans de très bonnes conditions.
19:09Au mois de mars, superbe.
19:11Au mois d'avril, les plantes avaient déjà bien poussé.
19:14Sauf que là, on a eu des gelées tardives du mois d'avril
19:17et ils ont perdu toute leur production.
19:20Donc inciter les agriculteurs,
19:21ce n'est pas quelque chose de cartésien,
19:24comme une usine où on peut produire,
19:26on vous dit, on va décaler la production, on va sortir.
19:29Non, c'est très fragile.
19:31Mais il existe des théories, bien entendu,
19:34à la fois, j'évoquais les couverts hivernaux,
19:36les couverts hivernaux retiennent l'humidité,
19:38retiennent l'eau et permettent, lorsqu'on travaille derrière,
19:41de pouvoir avoir des sols qui sont plus humides.
19:43La théorie de l'esquive peut marcher aussi sur certaines années.
19:47Mais voilà, il y a toujours des risques.
19:47Le dérèglement climatique aussi fait que chaque année,
19:49maintenant, c'est moins visible.
19:52C'est moins visible.
19:53Tout à fait.
19:54Et en fait, le risque, c'est l'agriculteur qui le prend sur son exploitation.
19:58Donc c'est très, très complexe.
19:59Mais effectivement, il existe des solutions.
20:02Et puis souvent, on dit, mais il faut changer vos assolments.
20:05Il faut aller vers des assolments qui consomment moins d'eau.
20:08Mais un agriculteur, lorsqu'il fait une production,
20:11il a une production chez lui.
20:12Je vais vous donner mon exemple.
20:13Je suis producteur de maïs irrigué sur une exploitation
20:16qui produit du maïs depuis 65 ans.
20:18Ce qui est souvent marqué comme une culture emblématique consommatrice de l'eau.
20:23Je suis en Périgord.
20:25Mon maïs, il reste en local et il sert à produire tous les bons produits.
20:28Les foie gras, les magrets pour l'alimentation des poulets, des cochons et de la volaille.
20:36Et donc, en fait, ce maïs, il y a une histoire sociale et familiale de production.
20:44Il y a une culture.
20:45Derrière cette culture, il y a une production.
20:48Derrière cette production, il y a une filière.
20:51Derrière cette filière, il y a un territoire.
20:53Et en fait, une production agricole, c'est un ensemble d'enjeux sur un territoire.
20:57Ce n'est pas uniquement un agriculteur qui décide,
20:59aujourd'hui, je fais du maïs, demain, je vais faire du tournesol,
21:04après-demain, ça implique beaucoup de choses.
21:07Il faut pouvoir le commercialiser, il faut avoir les outils pour le produire,
21:10pour le semer, pour le récolter.
21:12Et donc, ce sont des enjeux qui sont très, très importants.
21:15Le gouvernement a présenté un plan haut en 2023.
21:18Est-ce que c'est un plan qui répond à ces problématiques agricoles ?
21:23Et là, maintenant, en 2025, est-ce qu'on peut déjà en tirer un bilan ?
21:27Alors, le monde agricole, ce plan haut a été annoncé suite aux grands mouvements de manifestations
21:32qui ont été d'une ampleur historique dans le monde agricole.
21:36Le plan haut annoncé par le président de la République avait été très bien perçu,
21:39parce qu'effectivement, le monde agricole a pris conscience et s'est dit,
21:44enfin, les pouvoirs publics et politiques prennent conscience de la nécessité de l'eau
21:49et du rôle de l'enjeu de l'eau pour l'agriculture.
21:51Je ne sais pas si vous vous souvenez, dans ces manifestations,
21:54il y avait, un, le revenu des agriculteurs qui revenait en priorité,
21:58en deux, c'était la reconnaissance,
22:00et en trois, c'était la problématique de l'eau.
22:01Ce qui veut dire que l'eau est un enjeu majeur.
22:03Le président de la République a répondu.
22:05Malheureusement, depuis deux ans aujourd'hui,
22:08on a enchaîné une instabilité gouvernementale,
22:11on a enchaîné un nombre de premiers ministres qui se sont succédés,
22:14et les lois n'ont pas avancé.
22:17Il y a juste avant le salon de l'agriculture,
22:20la LOA, qui est issue notamment de cette émanation-là,
22:26une partie a été votée,
22:27et il y a quelque chose de fondamental qui a été voté pour moi,
22:30c'est l'intérêt général majeur de l'agriculture.
22:33Parce que l'eau est un des enjeux très complexes pour nous,
22:37parce que d'un point de vue politique,
22:39nous sommes rattachés au ministère de l'Environnement
22:41et nous sommes des agriculteurs.
22:42Et souvent, malheureusement, entre ces deux ministères,
22:45il y a des incompatibilités et des difficultés de compréhension.
22:49Et dans la priorité de la loi sur l'eau,
22:52l'eau est assez intéressante pour ça,
22:54c'est une directive cadre européenne,
22:56qui est déclinée en France par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques.
22:59D'ailleurs, c'est intéressant de comparer,
23:00parce que chaque État membre l'interprète,
23:02cette directive, comme il la souhaite dans son pays,
23:04et on s'aperçoit des inégalités qu'on a vis-à-vis des autres pays européens.
23:08Par contre, dans la loi sur l'eau et les milieux aquatiques,
23:11il y a des ordres de priorité.
23:12En premier, c'est l'eau potable, ce qui est le cas dans le monde entier.
23:15En numéro 2, en France, c'est le milieu.
23:16En numéro 3, c'est l'industrie.
23:18L'agriculture ne se trouve qu'en cinquième position.
23:21Et ce qui fait que ramener notre agriculture d'un intérêt général majeur,
23:25c'est dans la hiérarchie des normes,
23:26et notamment dans les jugements dans lesquels sont souvent attaquées l'agriculture,
23:31ramener l'intérêt général majeur de notre agriculture,
23:34c'est la ramener au niveau du milieu,
23:36parce qu'il faut quand même rappeler que l'être humain a besoin de s'hydrater avec une eau potable,
23:42de respirer un air de qualité et de manger.
23:44Et de se nourrir, c'est l'agriculture.
23:46Malène Poitrevenot, est-ce que vous pouvez nous citer un exemple de projet,
23:50peut-être accompagné par Veolia,
23:52qui fonctionne bien et dont la gestion de l'eau fonctionne bien ?
23:57Si j'ai le temps, je vais me mettre en deux,
23:59mais je vais reprendre ce que vous disiez à l'instant sur le maïs,
24:01puisqu'on a mené en fait un gros projet dans le sud-ouest,
24:06sur la station d'épuration d'Oreillon à côté de Tarbes,
24:08un projet de démonstration et d'expérimentation
24:13avec tout un tas de partenaires académiques et du monde des start-up et des PME locales.
24:17L'objectif, c'était de mettre en place un projet de réutilisation des eaux usées traitées
24:21sur des exploitations agricoles en proximité de la station d'épuration
24:24et de faire un très large plan de surveillance de la pratique
24:29pour démontrer l'intérêt à l'inocuité de la pratique.
24:32Donc on a suivi à peu près 300 paramètres dans l'eau, dans les plantes,
24:37dans le sol et même dans l'air
24:38pour amener de la connaissance en fait à l'ensemble des parties prenantes,
24:42donc les usagers, les agriculteurs,
24:45et montrer que les pratiques en place permettaient de produire en toute sécurité,
24:50qu'on a même un intérêt agronomique et économique
24:53par rapport au rendement des cultures sur cette pratique
24:55et également de rassurer l'ensemble des populations sur la réglementation.
25:02Elle met des barrières en termes de qualité sanitaire
25:04qui permettent effectivement de garantir cette qualité.
25:09Donc l'ensemble de ces données a permis de démontrer cet intérêt-là
25:13et quand on voit que le frein principal à mettre en place,
25:16il est réglementaire, on a un vrai sujet,
25:18mais aussi crainte sanitaire.
25:20Le fait d'avoir ces données permet de les porter à connaissance de tout le monde
25:23et de démontrer l'intérêt de cette pratique-là.
25:26Et on avait aussi pu mettre en place exactement ce que vous disiez,
25:29un système de pilotage de l'irrigation et de la ferti-irrigation
25:32parce qu'il reste un petit peu d'azote dans les eaux usées traitées,
25:34donc c'est autant d'économiser.
25:36Et on avait mis en place un programme de pilotage
25:39qui avait permis d'économiser 30% d'eau
25:41aux agriculteurs qui pilotaient leur eau avec ce système-là
25:44et 10% d'économie d'azote grâce à l'azote qui était présent dans l'eau.
25:47Donc un intérêt global pour tout le monde.
25:50Donc ça, c'est un projet de recherche et de démonstration.
25:52Et dernier petit exemple, c'est dans le sud de la France,
25:55à Grissant, où Veolia et la station d'épuration
25:58irriguent 80 hectares de vignes grâce à ces eaux usées traitées.
26:02Mais encore une fois, c'est des expérimentations
26:04qui ont démarré en 2010 sur ce site-là.
26:06Donc on voit qu'il faut très longtemps pour que ça se mette en place.
26:08Mais aujourd'hui, ça y est, les vignes sont irriguées
26:10grâce aux eaux de la station d'épuration.
26:13Et c'est nos 80 hectares qui économisent de l'eau grâce à cet usage.
26:17Eric Frédillère, rapidement, parce que c'est la fin de cette émission.
26:21Comment vous voyez l'avenir ?
26:22Comment vous préparez une année sur l'autre la gestion de l'eau ?
26:26Est-ce que vous avez des données sur lesquelles vous pouvez vous appuyer ?
26:28Je prends conscience qu'on va pouvoir se rapprocher de Veolia
26:31pour travailler en collaboration avec le monde agricole.
26:34Et ça, c'est déjà un premier point très intéressant.
26:38Vous savez, sur une exploitation agricole,
26:39l'eau est passée d'un facteur de productivité à un facteur de durabilité.
26:44On s'aperçoit notamment sur le dernier RGA,
26:47le recensement agricole,
26:50que les exploitations irriguées se transmettent beaucoup plus que les autres.
26:53Et au-delà de tout ça, moi je crois que,
26:58vous savez, le monde agricole, dans les années à venir,
27:00on l'a vu, tous les enjeux qu'il va y avoir,
27:02changement climatique, souveraineté alimentaire,
27:05il va falloir qu'on produise.
27:08Et le monde agricole va devoir changer.
27:10Il va devoir changer ses pratiques.
27:11Par contre, on ne change pas les pratiques du monde agricole
27:15comme ça du jour au lendemain.
27:17Par contre, l'eau est l'élément majeur
27:20qui sera un accélérateur de la transition agroécologique.
27:23Et c'est un des messages que je voulais faire passer.
27:26Donnez de l'eau à un agriculteur.
27:28D'abord, contrairement à ce que parfois j'entends dire,
27:31les exploitations irriguées sont souvent les plus petites
27:33parce qu'elles ont les plus grosses valeurs rajoutées à la surface.
27:37Aujourd'hui, toutes les productions industrielles,
27:39eh bien, ce sont les...
27:43Ils nécessitent d'avoir l'irrigation
27:46parce que sans irrigation, ils refusent de produire.
27:49Donc, pour accélérer cette transition,
27:51il va falloir donner de l'eau aux agriculteurs.
27:53Et on l'a vu tout à l'heure,
27:55tous les moyens vont être importants,
27:58toutes les cartes vont être importantes à jouer
27:59pour jouer cette transition.
28:01Et au-delà de tout ça,
28:02je crois, j'évoquais la relation entre l'agriculture
28:08et l'environnement,
28:10je pense que l'eau peut jouer ce rôle d'interface
28:13entre l'environnement et l'agriculture.
28:15On va terminer sur ces belles paroles.
28:17Merci beaucoup à tous les deux.
28:19Éric Retier, vous êtes président des Irrigants de France
28:21et agriculteurs.
28:23Et Maëllen Poitreneau,
28:24vous êtes responsable innovation et développement
28:26activité agriculture chez OV,
28:28chez Veolia.
28:29Merci beaucoup à tous et tous de nous avoir suivis.
28:31C'était le podcast Le Chant des Possibles.
28:33Ce podcast vous a été présenté par Veolia.
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