Alors qu'Israël prépare sa riposte contre l'Iran en collaboration avec les États-Unis, le nouveau gouvernement français a dévoilé les premières pistes d'un projet de loi budgétaire à hauts risques. Anne Sinclair est l'invitée de Tout le monde savoir sur BFMTV pour réagir à l'actualité
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00:00Alors que notre invité du jour arrive sur ce plateau, journaliste, grand témoin de l'actualité ce soir, bonsoir Anne Sinclair.
00:11Bonsoir Benjamin Duhamel.
00:12Merci beaucoup d'être avec nous ce soir dans Tout le monde veut savoir.
00:15L'actualité est dense, les équilibres sont bouleversés en France mais aussi à l'international,
00:21on parlera bien sûr de la situation politique dans un instant,
00:24mais d'abord le monde qui est suspendu à l'éventuelle riposte israélienne après l'offensive iranienne,
00:28alors que les combats entre le Hezbollah et Israël font rage à la frontière.
00:31Anne Sinclair, on savait que le monde était dangereux, imprévisible, qu'on était bien loin de la fin de l'histoire théorisée par Fukuyama,
00:38là on se dit qu'on est quasiment au bord de l'embrasement généralisé ?
00:42Oui, c'est évident que la situation internationale interpelle tout le monde.
00:48Vous me demandez mon avis, je suis en effet une observatrice de l'actualité,
00:53une observatrice engagée mais je réponds volontiers à votre invitation.
00:57Je crois que ce qu'il faut comprendre c'est que le 7 octobre, dont l'anniversaire est dans 4 jours,
01:05le 7 octobre a été un point de bascule général.
01:09C'est non seulement le plus grand massacre de juifs depuis la Shoah,
01:15ça on l'a dit et redit, mais ça devient presque une phrase banalisée.
01:21Il y a aujourd'hui plein de livres qui sortent, de témoignages qui sortent, de rapports qui sortent.
01:27J'entendais l'autre jour une femme qui s'appelle Céline Bardet, qui est une enquêtrice internationale,
01:32qui dirige une ONG qui s'appelle « Women are not weapons of war »,
01:37c'est-à-dire les femmes ne sont pas des armes de guerre,
01:40et qui enquête sur les crimes sexuels, qui a été enquêtée sur beaucoup Aram,
01:44qui enquête sur l'Ukraine et qui dit que la sauvagerie de ce qui s'est passé le 7 octobre,
01:50elle n'avait jamais vu ça, que sur les corps suppliciés des femmes,
01:56même tuées, on s'est acharné à les violer, à les démembrer.
02:02Je ne reviens pas là-dessus.
02:04Il y a eu donc le massacre, il y a eu les otages, 250 otages,
02:08il en reste une centaine, on ne sait pas combien sont vivants.
02:11Mais surtout ce qu'il y a eu, et ce qui explique le traumatisme à la fois en Israël et des Juifs du monde entier,
02:20c'est la conscience que l'anéantissement redevenait possible,
02:25c'est-à-dire cette parenthèse qu'on a connue pendant 75 ans où c'était impensable,
02:30cette parenthèse est fermée, et qu'Israël qui était le refuge, le garant que ça ne pouvait plus recommencer,
02:39justement ça peut recommencer.
02:41Et si on comprend ça, on comprend que par exemple ce que fait en ce moment Israël au sud du Liban, au nord d'Israël,
02:52c'est quelque chose qui était programmé en se disant que si le 7 octobre recommence là, qu'est-ce qu'il se passe ?
03:02Avec cette crainte d'ailleurs d'une offensive équivalente des unités d'élite du Hezbollah dans le nord d'Israël.
03:07Absolument, et rien que les 70 000 personnes déplacées dont on parle comme ça,
03:12à l'échelle de la France c'est 500 000 personnes,
03:16imaginons dans le nord de la France qu'il y ait 500 000 personnes qui depuis un an ne peuvent pas retourner parce qu'elles seraient sous Liban,
03:23mais quel pays accepterait ça ?
03:25Donc je pense qu'il faut comprendre ce traumatisme du 7 octobre comme fondamental,
03:32et c'est peut-être ce que la diplomatie française a eu du mal à comprendre.
03:37Justement Anne Sinclair, c'est intéressant que vous abordiez la question de la façon dont la diplomatie française a réagi,
03:42puisque suite notamment à l'explosion des bipers, des talkie-walkie,
03:47opérations visiblement diligentées par Israël jusqu'à l'élimination d'Assad Nasrallah, le leader du Hezbollah,
03:54la diplomatie française, on a d'abord eu une vidéo du président de la République,
03:58vous dites lunaire, je le dis pour ceux qui ne l'auraient peut-être pas vu,
04:03témoigner sa solidarité vis-à-vis du peuple libanais sans évoquer le Hezbollah,
04:07en semblant faire une comparaison avec l'explosion du port de Beyrouth.
04:10Sans évoquer le Hezbollah, qui est la plus grande milice terroriste existante au monde,
04:19qui est le bras armé de l'Iran, on parle des trois H, le Hamas, le Hezbollah, les Houthis,
04:26qui a du sang sur les mains, du sang français, le président n'en disait pas un mot,
04:31du sang français, du sang américain, du sang syrien.
04:34Il a fallu voir d'ailleurs dans la partie de la Syrie où les gens pouvaient s'exprimer leur joie
04:40de voir Nasrallah tué et le Hezbollah entamé.
04:46Donc c'est quand même, ils sont en plus responsables de 20% du trafic mondial de drogue.
04:52Donc la diplomatie française aurait dû dire davantage des choses.
04:54Par exemple, pour comparer les réactions des diplomaties,
04:57quand Hassan Nasrallah a été éliminé, le président américain dit que c'est une mesure de justice.
05:01Dans le même temps, la France ne dit rien et dit qu'il faut que les bombardements français cessent.
05:04Et la France ne dit rien jusqu'à hier, où la France au sein du G7 a enfin soutenu Israël.
05:11Mais on a l'impression que la France a du retard à l'allumage et prisonnière de vieux schémas.
05:18Et justement, finalement, j'ai lisé l'article d'Alain Frachon ce soir dans Le Monde
05:24qui explique très bien ce que c'est que le Hezbollah.
05:28C'est l'arme de l'Iran pour détruire Israël.
05:31Donc si on ne comprend pas ça, c'est qu'on passe à côté de beaucoup de choses.
05:36Et je pense que le 7 octobre est non seulement un bouleversement
05:45qui peut devenir une guerre régionale, on est d'accord,
05:48mais ça a infusé dans les sociétés occidentales, y compris dans la politique française.
05:56C'est-à-dire ?
05:57C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il y a eu un parti, nommons-le la France insoumise,
06:03qui a complètement tordu le sens de l'histoire,
06:07qui a voulu que ceux qui ont été massacrés deviennent les massacreurs.
06:12L'abus du mot génocide.
06:14La guerre de Gaza, c'est horrible.
06:16La guerre de Gaza, c'est atroce.
06:18On pleure autant les morts israéliens que les morts palestiniens.
06:23Mais les Palestiniens de Gaza sont les victimes du Hamas.
06:29Le Hamas aurait pu libérer les otages et la guerre s'arrêtait.
06:34Donc la guerre, elle est horrible, mais ce n'est pas un génocide.
06:38C'est très encadré ce que veut dire le génocide.
06:40Et d'ailleurs, l'opération qui a eu lieu le 7 octobre a des relents de génocide.
06:45Justement, vouloir détruire un peuple, ce n'est pas en effet ce que fait Israël.
06:50Et je ne défends pas la politique.
06:52Et d'ailleurs, vous aviez des mots très critiques contre Benjamin Netanyahou
06:54dans une tribune dans Le Point en mars dernier.
06:56Absolument, et je partage l'avis de mes amis israéliens
07:01qui manifestent le samedi soir, etc.
07:04Notamment aussi pour les otages dont tout le monde se fiche,
07:08y compris d'ailleurs le gouvernement.
07:10Mais ce que je veux dire simplement, c'est que les mots ont été détournés de leur sens.
07:15Et que ce parti dont je parle, LFI, en a fait une obsession.
07:20A fait d'Israël une obsession.
07:23Vous ne les entendez pas sur les femmes afghanes, sur les femmes iraniennes,
07:28sur les femmes afghanes emmurées qui, comme dit Meryl Streep,
07:32un oiseau à Kaboul peut chanter au soleil ce que ne peut pas faire une femme afghane.
07:37Vous ne les entendez pas là-dessus.
07:38Vous ne les entendez pas sur les crimes d'Assad,
07:40que le Hezbollah a aidé à massacrer son propre peuple.
07:44Donc c'est une obsession qui a créé un climat antisémite en France.
07:52Il faut le savoir.
07:54Et donc ça, c'est sur l'onde de choc du 7 octobre,
07:57dont on va commémorer la triste anniversaire dans quelques jours.
08:02Je voudrais, Anne Sinclair, qu'on parle de la situation politique française.
08:05Elle est inédite, majorité plus étriquée que jamais,
08:08prise de position politique affront renversée,
08:10notamment sur la question des impôts.
08:11Je voudrais avoir votre sentiment d'abord sur le ministre de l'Intérieur,
08:14Bruno Retailleau, que l'on a beaucoup entendu ces derniers jours,
08:16notamment avec des propos qui ont créé la polémique.
08:19L'État de droit, pas intangible ni sacré.
08:22Vous disiez, observatrice, avisé, femme de gauche.
08:26Est-ce qu'ils vous ont choqué ces propos ?
08:27Mais comment ? Ils ont choqué tout le monde.
08:30Ah, pas tout le monde, à droite.
08:32Oui, pas tout le monde, en effet.
08:35Bernard Cazeneuve, dont on reparlera peut-être,
08:39a fait une interview dans Le Monde ce soir,
08:41où il explique bien que le ministre de l'Intérieur
08:43est le ministre de l'État, de l'État de droit.
08:46Ça ne se discute même pas.
08:48Après, il a essayé de dire que c'est l'État du droit.
08:51On est tous d'accord que les lois peuvent changer.
08:53Mais il parle comme le Rassemblement National, Bruno Retailleau ?
08:55Oui, d'ailleurs.
08:57Je pense que le Rassemblement National ne trouve rien à redire.
09:01La Vallée disait même qu'il parle comme un porte-parole du RN.
09:04Exactement.
09:05C'est d'ailleurs une situation ubuesque que nous vivons.
09:08Je regardais la déclaration de Michel Barnier à l'Assemblée,
09:12comme vous l'avez faite.
09:14Il fait ce qu'il peut.
09:17D'ailleurs, il ne pouvait pas dire grand-chose,
09:19puisqu'il n'y a même pas de contrat de gouvernement.
09:21Donc, on ne sait pas.
09:22Il n'y a pas d'accord entre les différentes formations.
09:25Mais on vit une situation où le chef du gouvernement
09:30est le plus petit parti de l'Assemblée,
09:35celui qui n'a pas appelé au Front républicain.
09:38S'il y avait un message le 7 juillet, il y a trois mois quand même,
09:42c'était non au RN à 63 %,
09:46et on est sous la surveillance du RN.
09:50Anne Sinclair, je voudrais qu'on écoute un petit fleurilège
09:53de ce que l'on pourrait appeler le style Barnier.
09:55Je vous le commenterai dans un instant.
09:58Monsieur Attal, je serai très attentif à vos propositions
10:04d'économie supplémentaire pour faire face à un déficit
10:08que j'ai trouvé en arrivant.
10:10J'ai du mal à comprendre votre ton et votre agressivité.
10:14Et moi, je vais vous dire une chose, Madame la Présidente,
10:16plus vous serez agressif, plus je serai respectueux.
10:20Et moi, je vais vous dire, M. Sotti, je vous connais bien depuis longtemps,
10:23je n'ai pas envie de faire des polémiques avec vous.
10:26Et puis, je n'ai pas le temps.
10:31Anne Sinclair, vous qui avez interviewé des présidents de la République,
10:35des premiers ministres, ils se classent en quelle catégorie, Michel Barnier ?
10:39Des hommes calmes, en tout cas.
10:41C'est d'une qualité dans la période ?
10:43Absolument, c'est d'une qualité dans la période.
10:45On ne peut pas lui dénier ça.
10:46Le malheureux fait ce qu'il peut, il est coincé.
10:49C'est d'ailleurs, quand je parlais de situation ubuesque,
10:52c'est un gouvernement de droite et un premier ministre d'un gouvernement de droite
10:55qui va augmenter de 20 milliards les impôts
10:59que les macronistes ne veulent surtout pas.
11:02Et on ne peut pas faire autrement, vu la situation catastrophique
11:07laissée par les finances publiques.
11:09Donc, Michel Barnier, oui, il fait ce qu'il peut,
11:14mais il est en effet sous la surveillance du Rassemblement national
11:17qui ne s'en cache pas du tout.
11:19Et surtout, quand il y a un ministre, le ministre des Finances,
11:24qui dit un mot désagréable sur le Rassemblement national…
11:28Il y a recadrage immédiat.
11:30Recadrage, ça, ça existe.
11:31Tous les premiers ministres ont recadré des ministres.
11:33Mais le coup de téléphone à Marine Le Pen pour s'excuser…
11:35Ça, c'était de trop ?
11:37Moi, je trouve que c'est de trop, mais c'est mon avis.
11:41Et donc, ça donne bien le climat.
11:45Et au fond, le Rassemblement national,
11:47le jour où ils voudront faire tomber le gouvernement,
11:50ils appuieront sur le bouton quand ils veulent.
11:53Pour l'instant, ils ne veulent pas, parce qu'ils ne sont pas prêts,
11:55parce qu'on l'a vu avec les élections,
11:57ils ont des candidats qui ne sont pas du tout à la hauteur
12:00et elle n'a pas intérêt tout de suite,
12:02mais le jour où elle le veut, elle appuiera sur le bouton.
12:04Encore un mot sur la politique française Anne Sinclair.
12:06Sur la gauche, vous citiez l'interview
12:08de l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve
12:10dans les colonnes du Monde.
12:11Il accuse la direction du Parti socialiste d'avoir empêché
12:13avec jubilation, dit-il, sa nomination à Matignon.
12:15À force de délits de faciès des plus raisonnables à gauche,
12:18on finit par devoir subir la vraie droite.
12:21Il y a eu un rendez-vous manqué avec Bernard Cazeneuve
12:24à cause de peut-être la gauche la plus bête du monde,
12:27selon l'expression consacrée ?
12:29C'est l'ironie mordante de Bernard Cazeneuve
12:32qui est à l'œuvre.
12:34C'est un bijou, cette interview.
12:37Il décrit ce que vous avez tous décrit
12:40et que tous les observateurs ont vu sur les plateaux.
12:44Emmanuel Macron n'avait pas envie de nommer Bernard Cazeneuve du tout.
12:48Mais il aurait été dans la panade
12:52si le Parti socialiste avait clairement dit
12:56qu'il ne censurerait pas d'entrer Bernard Cazeneuve.
12:59Le Parti socialiste, la gauche, n'a pas voulu que la gauche gouverne.
13:03Le Parti socialiste n'a pas voulu que Bernard Cazeneuve soit Premier ministre.
13:07Parce qu'il est un POD à Jean-Luc Mélenchon ?
13:09Parce qu'il colle à Jean-Luc Mélenchon.
13:11Parce qu'on voit le PS qui n'ose pas.
13:15Il y avait sur France Télévision
13:19un excellent documentaire sur Léon Blum.
13:22On se replonge dans les écrits et dans les discours de Léon Blum.
13:25Léon Blum a fait un discours extraordinaire
13:28qui est tout à fait d'actualité après la guerre
13:32où il s'adresse aux socialistes.
13:34Il leur dit, n'ayez pas peur du candidaton communiste.
13:38N'ayez pas peur de vous différencier.
13:40C'est exactement ce qu'on a envie de dire aux socialistes aujourd'hui.
13:44Et quand vous voyez Cazeneuve, Glucksmann, Delga et les autres
13:49qui essaient de ressusciter une gauche sociale-démocrate.
13:53Au fond, Glucksmann a fait 14%.
13:56Et ça voulait dire quelque chose.
13:59Cette gauche sociale-démocrate, il faut qu'elle rompe avec le parti LFI.
14:04Une toute dernière question Anne Sinclair.
14:06Sur un pays que vous connaissez bien, les Etats-Unis.
14:08Il y a quasiment pile un mois de l'élection américaine.
14:10Les outrances de Donald Trump ne le disqualifient pas.
14:14Loin de là, il peut encore gagner.
14:16Ça nous semble à nous totalement incompréhensible
14:19que Kamala Harris ne l'écrase pas.
14:22En ce moment, ils sont plus qu'à touche-touche
14:25dans les swing states, dans les états clés.
14:28Ils sont plus de points, moins de points.
14:31Et on ne peut absolument pas dire ce qu'il va se passer.
14:34Elle a un handicap.
14:36D'abord, sa dynamique s'est un petit peu affaissée.
14:41Mais elle a deux handicaps.
14:44C'est qu'elle est femme et elle est sortante.
14:48Donc c'est déjà deux handicaps.
14:50Et tout dépendra de la mobilisation.
14:54On dirait en France, canton par canton, disons district par district,
14:58dans les états clés.
15:00Là, je vois que la Géorgie, les femmes géorgiennes,
15:04parce que les femmes vont être très importantes dans cette élection,
15:07avec l'histoire des droits reproductifs et de l'avortement.
15:11Et donc, tout dépendra de la mobilisation.
15:13Et jusqu'à la dernière minute, c'est probablement l'élection
15:17la plus disputée que les Etats-Unis ont connue depuis 20 ans.
15:20Merci beaucoup Anne Sinclair.
15:21On aura l'occasion d'en reparler sur ce plateau avec vous, j'espère.
15:24Merci d'avoir été l'invité de Tout le monde veut savoir.