Si l'Ukraine n'est pas en échec face à la Russie, elle n'est pas non plus dans une position victorieuse, comme l'explique notre journaliste Jean-Dominique Merchet.
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00:00L'Ukraine n'est pas en échec, mais elle n'est pas non plus dans une position victorieuse.
00:08Parce que l'année dernière, on s'en souvient,
00:12l'Ukraine avait lancé une vaste offensive dans le sud
00:15pour essayer de chasser l'armée russe du sud de l'Ukraine.
00:18Et cette offensive, ou cette contre-offensive, comme on l'appelait,
00:21a échoué devant la résistance des lignes russes.
00:24Cette année, la situation est différente.
00:26Il n'y a pas eu de nouvelle offensive ukrainienne.
00:29Il y a une offensive russe qui dure depuis dix mois maintenant,
00:34depuis le mois d'octobre 2023.
00:37Et cette offensive russe, les Ukrainiens parviennent à la contenir à peu près,
00:42mais ils cèdent néanmoins du terrain,
00:45et surtout, ils n'ont pas les moyens de se réorganiser.
00:48Ils sont, comme on dit en langage militaire, fixés sur la ligne de front face aux Russes.
00:54On estime que les Ukrainiens ont reculé d'environ 1200 km² au cours des dix derniers mois.
01:01Ce n'est pas énorme, 1200 km², c'est 0,2%, je crois, de la superficie d'Ukraine.
01:08Mais ils n'ont pas l'initiative.
01:10Ils sont obligés de résister à la pression russe.
01:13C'est une vraie guerre, avec des batailles très dures,
01:16des batailles d'infanterie, avec des pertes humaines énormes.
01:19On n'a pas les chiffres.
01:20Au sommet de l'OTAN, les Alliés disaient que les Russes perdaient parfois jusqu'à 1000 hommes par jour,
01:251000 hommes blessés ou morts.
01:27Côté ukrainien, on ne sait pas, mais on sait que la guerre continue,
01:30qu'il y a une situation de blocage tactique,
01:32donc ce n'est pas un été favorable à l'Ukraine.
01:35L'Ukraine n'est pas en échec, mais elle n'est pas non plus dans une position victorieuse.
01:43On peut parler d'un blocage tactique,
01:46au sens où aucune des deux armées ne parvient à bousculer son ennemi.
01:50Ni l'armée russe n'est parvenue à percer le front ukrainien,
01:54les défenses ukrainiennes,
01:55et l'armée ukrainienne de son côté n'a aujourd'hui pas les moyens
01:59de monter une offensive pour tenter de chasser les Russes des territoires qu'ils occupent.
02:04La situation est donc un combat sur le front,
02:06un combat fait essentiellement d'infanterie et d'artillerie.
02:10Les Russes sont les plus nombreux, les plus puissants.
02:13C'est eux qui ont le plus d'armements,
02:15c'est eux qui ont le plus de munitions,
02:17c'est eux qui ont le plus d'hommes.
02:18Ils contraignent donc l'Ukraine à se maintenir dans des positions défensives,
02:23parfois à reculer, notamment dans le Donbass,
02:26qui semble être l'axe essentiel de la poussée russe,
02:29mais tout ça au prix de pertes élevées.
02:31Ça, c'est ce qui se passe sur le front terrestre.
02:34Puis il y a un deuxième front,
02:36celui des frappes dans ce qu'on appelle la profondeur,
02:38c'est-à-dire des frappes à longue distance,
02:40que ce soit des Ukrainiens qui frappent dans les zones russes
02:43ou les zones occupées par la Russie,
02:44ou des Russes qui frappent dans les villes ou les installations ukrainiennes.
02:51Côté ukrainien, la nouvelle de ces derniers jours,
02:54c'est l'arrivée enfin des premiers avions de combat F-16
02:57livrés par des Européens avec l'accord des États-Unis.
03:00Ça fait plus d'un an qu'ils sont attendus,
03:03deux ans même en réalité qu'ils sont attendus.
03:05Ils commencent à arriver,
03:07ils arrivent avec des missiles RR à moyenne portée,
03:10des missiles de combat aérien,
03:12des missiles qui sont capables d'engager des cibles
03:14entre 50 et 70 km,
03:16mais pas des missiles qui sont capables d'engager des cibles
03:19à 120, 150, 200 km,
03:21comme il en existe dans les arsenaux occidentaux.
03:24Donc c'est un plus pour l'armée ukrainienne,
03:27clairement, c'était une attente,
03:29mais ce n'est pas ça encore qui va changer la guerre,
03:31on le dit depuis le début de ce conflit,
03:33il n'y a pas de game changer,
03:35de système qui changerait tout d'un coup la nature de la guerre,
03:38c'est un renfort clair pour l'armée ukrainienne.
03:41Par ailleurs, on voit que l'armée ukrainienne rencontre des succès,
03:44elle rencontre des succès en mer Noire notamment,
03:46elle a quasiment réussi à chasser la flotte russe de Sébastopol,
03:50mais de l'autre côté,
03:51on voit que les Russes rencontrent d'autres succès,
03:54par exemple en détruisant les installations énergétiques de l'Ukraine,
03:57ce qui inquiète énormément les Ukrainiens
04:00pour leur capacité à produire suffisamment d'électricité l'hiver prochain,
04:03et l'électricité dans un pays où il fait extrêmement froid,
04:06c'est simplement le chauffage des gens,
04:08et donc il y a la crainte d'un choc humanitaire
04:11qui pourrait pousser à l'exode de nouveau.
04:13Donc on est dans une situation,
04:15personne n'a gagné, personne n'a perdu pour l'instant,
04:17nous sommes au troisième été de la grande guerre
04:20qui a débuté en février 2022,
04:22mais la vraie guerre entre la Russie et l'Ukraine
04:25a débuté maintenant il y a dix ans,
04:27un été de plus,
04:28et il y aura sans doute encore d'autres dans les années à venir,
04:30malheureusement, puisqu'on ne voit pas de perspective
04:32ni militaire ni politique.