• l’année dernière
En juin dernier, l’Ukraine lançait une vaste contre-offensive, dont l’objectif était de rejoindre la mer d’Azov pour couper l’armée russe en deux. Cinq mois plus tard, le front est figé, les Ukrainiens n’ont pas réussi à avancer. Dans une interview au magazine The Economist, le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaloujny, explique être dans « une impasse ». Pourquoi ces difficultés ? On vous explique avec Sylvie Kauffmann, éditorialiste au Monde.

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Transcription
00:00 Certains responsables décrivent une issue négative,
00:03 c'est-à-dire la défaite ukrainienne,
00:05 comme une hypothèse plausible.
00:07 En juin 2023, l'Ukraine lance une vaste contre-offensive
00:11 face à l'armée russe.
00:13 L'un des objectifs, c'est de rejoindre la mer d'Azov
00:16 pour couper en deux l'armée de Moscou
00:18 et l'empêcher d'utiliser ce passage pour se ravitailler.
00:22 Sauf que cinq mois plus tard, rien de tout cela n'est arrivé.
00:26 Les Ukrainiens n'ont que très peu avancé.
00:30 C'est ce que déplore l'un des chefs de l'armée ukrainienne
00:33 dans une interview au magazine The Economist.
00:35 Une interview qui a fait beaucoup de bruit,
00:38 car c'est la première fois qu'un général ukrainien
00:41 exprime autant de doutes.
00:42 Alors, comment expliquer ces difficultés ?
00:47 Que ce soit sur le terrain militaire, économique, diplomatique,
00:55 partout où on regarde, en fait, ça ne se passe pas très bien.
00:59 La première raison, c'est que sur le terrain,
01:01 les Russes sont mieux organisés qu'au début de la guerre.
01:04 Les Russes ont eu le temps de fortifier leur ligne de défense,
01:07 de les miner, ce qui fait que lorsque les forces ukrainiennes arrivent,
01:11 elles doivent d'abord déminer le terrain
01:13 ou alors subir des pertes humaines considérables.
01:16 Les hommes de Poutine, eux, subissent des pertes considérables,
01:19 mais cela n'a pas de conséquences majeures.
01:21 C'est là encore un des constats du général Valéry Zaloujny.
01:25 C'était mon erreur.
01:26 La Russie a perdu 150 000 hommes dans n'importe quel autre pays.
01:30 Ce niveau de perte aurait mis un terme à la guerre.
01:33 Et depuis le 10 octobre, les Ukrainiens doivent faire face
01:36 à une contre-attaque surprise de la Russie autour de la ville d'Afdifka.
01:41 On a l'impression qu'autour de cette petite ville
01:45 se déroule un combat du type de Barmoutes l'année dernière.
01:49 Les Russes tentent d'encercler la ville et les combats sont violents.
01:54 Selon un communiqué du ministère de la Défense britannique,
01:57 il s'agirait de l'opération offensive la plus importante
02:00 entreprise par la Russie depuis au moins janvier.
02:03 Deuxième raison, le manque de munitions côté ukrainien.
02:11 Les stocks ont été épuisés et il faut les réapprovisionner.
02:14 Mais ça bloque.
02:16 Kiev est dépendant de l'aide des Occidentaux
02:20 qui ont du mal à fournir autant que nécessaire.
02:23 Les Russes, eux, se sont mis en mode économie de guerre.
02:26 Leur industrie de défense tourne à plein régime.
02:29 Les Occidentaux ne se sont pas mis en mode d'économie de guerre
02:32 parce que les industries de défense occidentales
02:36 sont en grande partie des industries privées.
02:38 On ne peut pas les réquisitionner de la même manière
02:42 que les Russes réquisitionnent leurs entreprises.
02:46 Au début de l'année, l'Union européenne s'est engagée
02:49 à produire un million de munitions d'ici mars 2024.
02:53 En novembre 2023, seulement 300 000 ont été produites,
02:57 soit même pas le tiers.
02:58 Les un million ne sont pas atteints, il faut s'en sortir.
03:01 Je crois qu'il y a aussi un problème politique,
03:04 qu'on n'a pas encore pris la mesure de l'enjeu
03:09 de ce que ça pourrait représenter de perdre cette guerre.
03:15 La troisième raison, c'est qu'en dehors du champ de bataille,
03:21 là aussi, la Russie résiste mieux qu'espérée.
03:23 Les nombreuses sanctions économiques imposées par les Occidentaux
03:27 n'ont pas les effets escomptés,
03:29 notamment grâce au contournement de certaines d'entre elles.
03:32 L'Occident a fixé un plafonnement des prix du pétrole
03:36 dont on pensait que ça allait faire baisser
03:39 les prix du pétrole de manière considérable
03:41 et donc réduire les revenus pour le budget russe.
03:46 En réalité, comme les sanctions sont contournées,
03:49 la Russie continue à fournir son pétrole à la Chine, à l'Inde.
03:55 Donc, en réalité, les revenus des hydrocarbures
03:59 continuent à alimenter le budget russe.
04:02 Mais si la Russie résiste aussi bien,
04:04 c'est aussi car elle empêche toute contestation
04:07 de sa propre population sur cette guerre.
04:09 Dans l'ensemble, la société russe tient,
04:13 sachant que les gens qui n'étaient pas d'accord sont partis
04:16 et ceux qui sont restés, soit sont d'accord,
04:19 soit ne sont pas d'accord mais ne peuvent pas le dire,
04:22 soit vivent avec.
04:24 Depuis le 7 octobre, les Ukrainiens doivent également
04:28 faire face à une nouvelle actualité mondiale,
04:31 la guerre entre Israël et le Hamas.
04:33 Sur le front diplomatique, l'irruption de cette guerre
04:38 a accaparé la tension et détourné l'opinion publique
04:41 des Occidentaux, ce qui peut avoir des conséquences militaires.
04:45 Le soutien de l'opinion publique européenne est très important
04:48 pour que les gouvernements puissent continuer à voter
04:50 de l'aide financière, de l'aide militaire, etc.
04:53 Aux États-Unis, la crainte est, est-ce qu'ils peuvent faire face
04:57 à deux conflits, deux guerres chaudes ?
04:59 On voit déjà que sur le plan des munitions, par exemple,
05:03 les deux conflits sont en concurrence
05:05 pour l'approvisionnement américain.
05:07 Et puis, le soutien inébranlable de plusieurs pays occidentaux
05:11 à Israël ouvre une polémique dont Poutine tire avantage.
05:15 Ça réintroduit la polémique sur le deux poids et deux mesures
05:19 de l'Occident, c'est-à-dire comment est-ce qu'on peut justifier
05:22 de demander le soutien du monde entier pour la Russie
05:27 qui fait des victimes civiles en Ukraine,
05:31 alors que l'Occident est en train de soutenir Israël
05:35 qui fait des victimes civiles à Gaza.
05:38 Pour Poutine, c'est le triomphe de ce double jeu de l'Occident
05:44 qu'on nous reproche depuis longtemps,
05:45 mais qui, là, fait la preuve dans les faits.
05:48 Cinq mois après le début de la contre-offensive,
05:52 l'Ukraine est donc dans une position délicate.
05:55 Et l'hiver approchant, une autre inquiétude fait surface.
05:58 Les Russes pourraient frapper les infrastructures énergétiques.
06:02 Une stratégie déjà utilisée l'année dernière
06:05 et qui avait été très difficile à subir pour l'Ukraine.
06:08 L'ONU avait évalué le coût des destructions
06:11 à 9,3 milliards d'euros et jusqu'à 12 millions de personnes
06:16 avaient été privées d'énergie.
06:18 Sous-titrage Société Radio-Canada
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06:23 [SILENCE]

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