Charlotte d'Ornellas, journaliste, à propos de l'inquiétude qui règne autour des jeunes utilisateurs de TikTok : «Il y a une explosion des contenus dépressifs sur le réseau social et l'algorithme provoque un engrenage chez des enfants déjà fragiles».
00:00 Et vous vous souvenez même sur la question de l'accès par exemple, sur la question de la pornographie, de l'accès pour les mineurs,
00:07 l'Arkom avait nommé un médiateur, c'était passé devant un tribunal et en fait,
00:10 on a l'impression que c'est des histoires sans fin de procédures déclenchées.
00:13 L'Union Européenne a déclenché une procédure sur TikTok pour savoir s'il respectait les règles européennes de protection de l'enfance.
00:21 Franchement, arrêtez votre enquête, on a compris que c'était non la réponse.
00:24 A force de déclencher des procédures et des procédures, et par ailleurs, évidemment, le problème est la manière dont ces géants gèrent leurs responsabilités.
00:33 Vous pensez bien qu'ils le gèrent très bien, ils ont des armées de juristes pour le faire.
00:37 On a deux rapports de l'ONG Amnesty International qui avaient travaillé en créant des faux profils,
00:43 mais exactement avec les mêmes paramètres que des profils de gamins de 13 ans sur les réseaux sociaux.
00:52 Ils se sont rendus compte, et ils ont fait ça avec à la fois des robots de l'intelligence artificielle et de véritables personnes qui alimentaient le profil et qui s'en servaient.
01:01 Et eux, à la fin de leurs deux rapports, ils ont expliqué que la stratégie de TikTok pour accrocher les utilisateurs risquait d'aggraver les problèmes de santé mentale,
01:10 comme la dépression, l'anxiété et l'automutilation.
01:12 Ça revient tout le temps à l'automutilation, on n'est pas sur un truc anecdotique quand même.
01:16 Et donc, ils expliquaient qu'au bout de 6 heures de consommation, pas en une fois, au bout de 6 heures dans une même semaine de consommation,
01:25 près d'une vidéo sur deux est relative à la santé mentale et potentiellement nocive pour les enfants.
01:30 Une vidéo sur deux au bout de 6 heures.
01:32 Je rappelle un chiffre, en 2022, vous avez un des fournisseurs d'accès de contrôle parental qui expliquait que les enfants passaient en moyenne sur TikTok deux heures par jour.
01:43 Donc 6 heures, c'est 3 jours et c'est en moyenne.
01:45 Donc ça va extrêmement vite.
01:47 Et 11-12 ans.
01:48 Et évidemment, vous avez même des enquêtes qui sont faites sur les enfants de 5-6 ans.
01:53 Ça vient très très tôt.
01:55 Et on a fait un rapport d'enquête du Sénat sur TikTok également, qui est paru il y a un an,
02:00 qui soulignait que l'influence du réseau social sur la santé mentale, encore une fois, des utilisateurs, était, je les cite, un enjeu de santé publique.
02:06 Ce rapport, il a un an déjà aujourd'hui.
02:09 Et nous avons des jeunes, et on en a beaucoup parlé ici aussi, qui vont extrêmement mal.
02:13 Et alors là, il y a des psychologues qui relèvent que même le rapport sur les réseaux sociaux a changé.
02:18 Avant la période Covid, eux, ils disent que ça date vraiment de la période Covid,
02:22 avant, et d'ailleurs on en parlait aussi, les réseaux sociaux avaient tendance à montrer la vie en rose.
02:26 Tout le monde était beau, tout le monde était parfait, la vie était facile, tout était absolument facile et magnifique.
02:32 Et bien là, c'est l'exact inverse.
02:33 Il y a une explosion du nombre de contenus tristes, dépressifs, autodiagnostiques, ce que je vous disais,
02:38 de dépressions, qui se sont littéralement, qui ont envahi le réseau social.
02:42 Et l'algorithme, évidemment, lui, provoque l'engrenage chez des enfants déjà fragiles.
02:46 Je rappelle là encore un chiffre de Santé publique France, cette fois-ci,
02:49 chez les 18-24 ans, les pensées suicidaires ont été multipliées par deux depuis 2014.
02:55 Les pensées suicidaires, entre 2017 et 2021, c'est le nombre de tentatives de suicide,
02:59 donc du passage à l'acte, qui a tout simplement doublé.
03:02 Donc là, vous avez un cocktail qui est explosif, et qui me semble plus important que beaucoup de sujets
03:06 dont s'emparent des journalistes préoccupés de la photo sur la carte de presse,
03:11 ou des députés au sein de l'Assemblée nationale.
