Ceci n’est pas une courgette

  • il y a 7 mois

Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 - Emmanuel Ducrot, vous nous parlez ce matin lors des résultats d'un sondage qui vous a laissé perplexe, mais vous n'êtes pas la seule.
00:07 Sondage consacré par l'institut Harris Interactive à l'alimentation quotidienne des Français. Qu'est-ce qu'on apprend dans cette enquête ?
00:14 - C'est un sondage large qui s'intéresse à toutes les habitudes, à la préparation des repas, aux liens perçus entre la santé et l'alimentation.
00:20 Les résultats ont été dévoilés hier par Olivia Grégoire, la ministre du commerce, qui veut s'attaquer à la malbouffe et liée à du boulot.
00:26 Alors il y a un point qui a fait l'objet de beaucoup de commentaires, parce que l'étude révèle qu'un jeune de 15-24 ans sur 5 ne sait pas reconnaître une courgette.
00:34 18% d'entre eux pensent que c'est un concombre, 2% que c'est une aubergine, pourtant ça ne se ressemble quand même vraiment pas.
00:40 On apprend aussi dans cette enquête que 12% des jeunes ne distinguent pas un pamplemousse d'une orange.
00:45 - Bon, on pourrait rire de l'ignorance, mais ce serait quand même passer à côté du sujet, vous nous dites.
00:50 - Oui, ça a été mon premier réflexe, de rire, mais si ces jeunes ne reconnaissent pas ou connaissent mal ces légumes, c'est parce qu'ils ne voient pas leur famille les acheter et les cuisiner.
00:59 Seuls 46% des familles cuisinent tous les jours ou presque, pour les autres, plus de la moitié des foyers donc, non.
01:05 Et on apprend en observant résultats, moins d'un tiers des jeunes adultes cuisinent au quotidien. Ce sont des enseignements qui se perdent.
01:12 - Qu'est-ce qui explique cette évolution de la société vers le fait de ne plus se faire à manger ?
01:17 - Eh bien, les spécialistes de la nutrition soulignent le fait que dans les foyers monoparentaux, cuisiner c'est souvent ingérable.
01:22 Le sociologue de l'alimentation Eric Berlouès, qui fait un très bon travail, me l'expliquait l'année dernière.
01:27 C'est plus facile pour un couple, pour un cadre, avec du télétravail, de cuisiner des produits frais plutôt que des produits transformés,
01:33 mais ces plats tout près simplifient la vie des familles monoparentales moins fortunées avec des journées très longues.
01:37 Et en 15 ans, la part de ces familles monoparentales a doublé dans la société et 85% de ces familles ont à la tête une femme.
01:45 - Et ça a des conséquences sanitaires qui frappent principalement les plus modestes ?
01:49 - Eh bien oui, parce que quand on ne cuisine pas, on se nourrit de plats transformés, de fast-food.
01:53 Ça, c'est ce que montre cette étude qui a été publiée hier.
01:56 Autant dire que les 400 grammes de fruits et légumes par jour recommandés par les programmes de santé PASTA-LAS,
02:01 remplacés par du trop gras, du trop salé, du trop sucré, les maladies du métabolisme, l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires explosent.
02:10 Les chiffres de santé publique France montrent qu'elles frappent bien plus les milieux modestes, et ça dès l'enfance.
02:15 À 10 ans, les enfants des classes populaires ont deux fois plus de risques de surpoids que les enfants des cadres.
02:20 Vous voyez, on aurait tort de rire de cette histoire de courgettes, ça va bien au-delà de ça.
02:24 - Oui, vous dites qu'il y a un sujet de justice sociale derrière cette courgette ?
02:27 - Oui, l'État devrait souvent se mêler plus de ce qu'il regarde,
02:30 mais clairement, l'éducation alimentaire fait partie de ces sujets-là parce que c'est un sujet de santé.
02:34 Là aussi, il faut simplifier les messages.
02:36 On a emberlificoté l'esprit des Français avec trop d'injonctions à base d'AMAP, de circuits courts, de bio, de local, de saison, de petits producteurs,
02:43 de bilans carbone comparés et de légumes oubliés,
02:46 des messages qui ne s'adressent qu'à ceux qui ont le temps et les moyens, et qui en fait alimentent la fracture alimentaire.
02:52 Alors il faut reprendre les bases, hein. Bio, pas bio, frais, en conserve, surgelés, peu importe. Faites simple.
02:57 Cuisinez des légumes bruts pour votre santé et votre budget, et si l'école a un rôle à jouer dans tout ça,
03:02 c'est peut-être celui qu'elle avait jadis. Pas de la morale alimentaire, mais de la leçon de choses et de l'économie domestique.
03:07 - Voilà, on apprend à faire à manger, tout simplement. Mais est-ce que les profs savent faire encore à manger ?
03:12 - Ça c'est une vaste question. - Ils ont déjà plein de choses à enseigner.
03:14 - Ils ont beaucoup de choses à faire, mais... - Oui, effectivement.
03:16 Merci beaucoup Emmanuel Ducroix, signature Europe 1. 8h52.
03:19 7 heures.

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