• il y a 10 mois
La France rend un hommage national à ses victimes du 7 octobre en Israël. "C'est l'attentat le plus meurtrier contre des Français depuis l'attentat de Nice", affirme Yonathan Arfi, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-07-fevrier-2024-9798660

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00:00 Sonia De Villere, votre invitée ce matin est le président du CRIF, le conseil représentatif
00:05 des institutions juives de France.
00:07 Et nous le recevons donc à quelques heures de l'hommage national rendu aux victimes
00:11 françaises de l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre.
00:14 42 morts et 3 présumés otages.
00:18 Bonjour Yonatan Arfi.
00:20 Bonjour.
00:21 Vous rentrez tout juste d'une visite en Israël.
00:23 Hier après-midi, vous avez pris l'avion avec 30 familles de victimes françaises qui
00:28 voyageaient vers Paris et qui se tiendront debout aux Invalides tout à l'heure.
00:32 Est-ce que vous pourriez nous décrire l'atmosphère de ce vol vers Paris ?
00:36 Oui, vous savez, c'était un vol où chaque échange avec les passagers était émouvant.
00:43 Il y avait de la gravité.
00:44 Il y avait aussi une volonté farouche de chacune des familles de venir en France pour
00:51 témoigner.
00:52 Le mot que j'ai le plus entendu c'est « je veux que les Français sachent ce qu'il
00:56 s'est passé ».
00:57 Il y avait dans cet avion une affirmation de leur amour pour la vie.
01:01 Et puis, il y a eu à chaque fois des histoires, des destins poignants qui m'ont été racontées.
01:08 Je pense à cette mère qui m'a montré, tatouée sur son bras, avec ce que cela signifie
01:13 de tatouer des chiffres sur un bras pour des juifs, les chiffres 8/42, comme 8h42, l'heure
01:20 à laquelle elle a vu le dernier message de sa fille ce samedi 7 octobre.
01:23 Des parents qui m'ont montré, là aussi, des photos de leur enfant assassiné le 7 octobre.
01:29 Et ce sont tous ces drames individuels qui formaient ensemble cette tragédie collective
01:33 dans ce vol.
01:34 Le CRIF dévoile ce matin un chiffre frappant.
01:36 83% des Français sous-estiment le nombre de Français morts le 7 octobre sur le sol israélien.
01:43 Et ça pose une vraie question, c'est-à-dire comment faire entrer le destin de ces Français
01:47 dans notre mémoire nationale ?
01:48 Oui, je n'étais pas surpris de voir ce chiffre.
01:52 Pour beaucoup de Français, c'est loin le 7 octobre, c'est loin dans le temps et c'est
01:57 loin dans la géographie aussi, parce que ça s'est déroulé en Israël.
02:01 Mais 42 Français, c'est le nombre de ressortissants étrangers en dehors des Israéliens qui est
02:07 le plus élevé.
02:08 Il y a eu plus de Français tués ce jour-là que d'Américains, que d'Allemands, que
02:12 d'Anglais.
02:13 La France…
02:14 C'est-à-dire de tous les pays du monde, la France est celui qui compte le plus de
02:16 morts en Israël le 7 octobre ?
02:20 Oui, bien sûr, en dehors d'Israël.
02:22 Et ça dit quelque chose à la fois des liens qui existent entre la société française
02:26 et la société israélienne, et ce manque de prise de conscience pour une partie des
02:32 Français.
02:33 Du fait que c'est l'attentat le plus meurtrier contre des Français depuis la tenta de Nice,
02:37 j'espère que l'hommage national qui sera rendu ce matin va permettre de le combler,
02:41 que ça va permettre de faire rentrer ces noms, ces visages, ces destins dans notre
02:45 mémoire collective.
02:46 Plusieurs familles de victimes, vous le savez, Yonathan Harfi, ont écrit au chef de l'État
02:49 la semaine dernière pour lui demander solennellement à ce que soit interdite toute présence de
02:53 la France insoumise.
02:54 Malgré tout, des représentants du parti ont annoncé vouloir se rendre à l'hommage.
02:58 Vous le déplorez ou vous le saluez ?
03:00 Je pourrais vous répondre sur le plan politique en disant qu'effectivement, le protocole
03:06 républicain prévoit que ces élus ont le droit d'être présents.
03:09 Mais parfois la politique, ça relève de l'ordre moral.
03:12 En l'occurrence là, il y a eu des propos tenus par ces élus LFI qui ont d'une certaine
03:17 manière justifié ce qui s'est passé le 7 octobre, qui rendent leur présence indécente.
03:22 Maintenant, je n'ai pas envie de leur servir une polémique sur un plateau parce que je
03:26 sais que c'est ça qu'ils cherchaient à travers leur prise de position.
03:28 L'Elysée a indiqué, je le cite, "il est évident que nous devons la même émotion
03:33 et la même dignité aux victimes françaises des bombardements à Gaza et cet hommage leur
03:37 sera rendu dans un autre temps.
03:39 Est-ce une bonne chose ?
03:40 Vous savez qu'on rend hommage aux français qui meurent dans les guerres, toutes les guerres,
03:46 pourquoi pas, il faut le faire dans ce cas-là également pour les quelques français qui
03:49 sont morts il y a quelques jours aussi en Ukraine.
03:52 Et c'est peut-être important de le faire.
03:54 En revanche, je pense qu'il faut être vigilant sur le fait qu'il n'y a pas d'équivalence
03:58 morale entre des victimes collatérales, civiles, qui n'ont pas été visées délibérément,
04:04 et de l'autre côté, des victimes du terrorisme.
04:06 Alors bien sûr, l'humanité oblige de regarder chaque vie de la même manière, mais le sens
04:11 politique, évidemment...
04:12 - C'est ce que j'allais vous dire, une vie est une vie.
04:13 - Une vie est une vie, bien sûr.
04:14 - Une vie vaut une vie.
04:15 Une vie à Gaza, une vie en Israël, on ne peut pas les hiérarchiser.
04:19 - Bien entendu, il n'y a pas de hiérarchie entre les vies, entre les hommes et les femmes
04:23 de ce monde, et heureusement, mais le sens politique et la portée ne sont pas les mêmes.
04:27 D'ailleurs, c'est pour ça que l'hommage qui est rendu aujourd'hui, il est rendu au
04:30 lieu où on rend hommage aux victimes du terrorisme de manière générale.
04:33 Il y a un lieu dédié en France pour les victimes du terrorisme, parce que le terrorisme dit
04:37 quelque chose de singulier de la violence de notre monde.
04:39 - Emmanuel Macron et la communauté juive de France en a parfois du mal à comprendre.
04:45 D'un côté, il refuse de participer à la marche républicaine contre l'antisémitisme.
04:49 De l'autre, il fait allumer les premières bougies de Ranouka par le grand rabbin, dans
04:53 l'enceinte même de l'Elysée.
04:55 Il y a de quoi se perdre.
04:56 - Vous savez, la relation des Juifs avec les présidents de la République, c'est toujours
05:02 une relation complexe.
05:04 Et c'est normal, parce que c'est à l'image de la relation entre les présidents de la
05:07 République et les Français en général.
05:08 Ce n'est pas simple.
05:09 Sur la séquence, je le dis, j'avais regretté qu'ils choisissent de ne pas participer à
05:15 la marche le 12 novembre, qui était un moment important, parce que je crois que c'était
05:17 un moment d'unité nationale contre l'antisémitisme et au fond de réaffirmation de nos valeurs
05:21 républicaines.
05:22 Ce qui compte aujourd'hui, c'est qu'il a pris une décision importante en organisant
05:27 cet hommage.
05:28 C'est le seul pays au monde, en dehors d'Israël, où un hommage national est organisé pour
05:33 les victimes.
05:34 Et c'est quelque chose qui, à mes yeux, n'a été fait nulle part ailleurs.
05:37 Et c'est à l'honneur de notre pays de le faire ce matin.
05:39 - Le choix d'Emmanuel Macron de ne pas marcher en tête du cortège républicain contre l'antisémitisme
05:44 a été ressenti comment par les Français juifs selon vous ? Et surtout, ma question,
05:50 c'est que parmi la communauté, il y a une partie des Français juifs qui se sentent désormais
05:55 mieux représentés, mieux défendus par l'extrême droite.
05:58 Par Marine Le Pen, par Éric Zemmour, qui eux, étaient dans le cortège ?
06:01 - D'abord, ce jour-là dans le cortège, il y avait l'ensemble des acteurs politiques,
06:08 mis à part LFI, on le sait.
06:10 Et je ne veux pas réduire cette marche à la présence de l'extrême droite, loin de
06:14 là.
06:15 Ce qui est en revanche important, c'est que pour les Français juifs, ça a été un
06:19 moment de respiration.
06:21 Ça a été un moment où on a vu que nous n'étions pas seuls.
06:24 Et que la crainte, l'inquiétude profonde qui nous animait sur l'antisémitisme, elle
06:30 était partagée par de nombreux Français.
06:31 C'est ça qui compte.
06:32 Sur la question de l'extrême droite que vous me posiez, vous savez, dans la vie, comme
06:39 en politique, il y a parfois de faux amis.
06:40 Et je suis très vigilant sur la manière dont la question de la lutte contre l'antisémitisme
06:47 peut être instrumentalisée ou récupérée.
06:49 Que le RN dénonce l'antisémitisme venu du monde islamiste, c'est important.
06:56 C'est louable.
06:57 Mais ce qui m'importerait plus, c'est qu'il soit capable de dénoncer aussi l'antisémitisme
07:02 qui vient parfois de son propre camp, celui qui s'est niché aussi dans son histoire.
07:07 Parce qu'on le sait, aujourd'hui, il y a des préjugés antisémites plus élevés
07:11 chez les Français sympathisants de l'extrême droite, chez les Français sympathisants de
07:14 l'extrême gauche et chez ceux qui s'identifient comme musulmans.
07:16 J'invite le RN à le regarder aussi, à balayer aussi devant sa porte.
07:20 Vous rentrez d'Israël, je viens de le dire, Jonathan Arfi.
07:23 Vous avez notamment rencontré le président israélien, Isaac Herzog.
07:28 Qu'aviez-vous à lui dire ?
07:31 J'étais en Israël avec une délégation d'élus français, venus au fond exprimer
07:37 la solidarité de la France.
07:39 Il y a une forme de solidarité des éprouvés face au terrorisme entre la France et Israël.
07:44 Il y a peu de pays qui ont autant à se dire sur cette question que la France et Israël.
07:48 Il n'y a rien qui ressemble plus au Bataclan, malheureusement, que ce qui s'est passé
07:52 au festival Nova le 7 octobre.
07:54 C'était important de dire aux Israéliens que nous, Français, nous comprenons la détresse
08:02 qui est la leur depuis le 7 octobre.
08:03 C'est d'abord ça qu'il convient de dire.
08:05 Vous savez, les Israéliens, dans leur tête, ils sont encore le 7, le 8, le 9, le 10 octobre.
08:10 Pas beaucoup plus loin. Parce que la douleur est à vif.
08:14 Parce qu'il y a encore des otages.
08:15 Parce qu'il y a encore des centaines de milliers de personnes déplacées qui vivent
08:21 dans des hôtels depuis le 7 octobre.
08:22 La Riposte entre aujourd'hui dans son cinquième mois.
08:24 Elle totalise 27 000 morts, dont 10 000 enfants, selon les chiffres communiqués par le Hamas.
08:29 Votre soutien, votre solidarité envers Israël s'arrête à ces chiffres ?
08:35 Vous savez, la plus belle définition du judaïsme qui a été donnée, elle a été donnée
08:40 par un poète français qui s'appelle Edmond Fleg.
08:42 Et qui, dans un poème qui s'appelle "Pourquoi je suis juif" disait "Je suis juif parce
08:46 que partout où pleure une souffrance, le juif pleure".
08:49 Et oui, il y a des souffrances humaines dans le monde.
08:52 Il y en a effectivement pour les populations civiles palestiniennes.
08:54 Et j'y suis sensible aussi parce que je suis juif.
08:57 Maintenant, ce qui est important, c'est que ça n'empêche pas de dire que la responsabilité
09:02 première de la détresse de ces populations civiles, elle revient au Hamas, qui a déclenché
09:07 une guerre inouïe avec une barbarie inédite.
09:10 Et que c'est d'abord du Hamas qu'il faut libérer la population palestinienne.
09:14 Merci Jonathan Arfi.

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