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  • 29/11/2023
Le 13 novembre 2023 Jean-Louis Yengué a présenté ses recherches sur la nature dans la ville au comité de direction de la DREAL Nouvelle-Aquitaine.

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Transcription
00:00 Je m'appelle Jean Lienguet, je suis professeur des universités, donc enseignant-chercheur,
00:12 je suis géographe, bio-géographe, donc je m'intéresse plutôt aux relations entre
00:16 l'homme et le végétal.
00:17 Mes dernières actualités concernent la nature en ville, sur toutes ses formes.
00:20 J'ai commis plusieurs ouvrages dessus et puis quand Isabelle m'a proposé de vous
00:26 parler d'une partie de mes recherches, je me suis dit « ça ne peut être que la nature
00:29 en ville » parce que c'est très actuel dans ma tête en fait.
00:32 Donc entre-temps je suis aussi doyen de l'UFRS-ACHA, mais ce n'est pas en cette qualité que
00:35 j'interviens ici, j'interviens en tant que chercheur et géographe.
00:39 Donc la nature en ville, j'ai voulu l'aborder avec un angle, l'angle de service écosystémique.
00:46 Alors c'est un terme qui commence à être vulgarisé, même si je le trouve encore un
00:50 peu barbare, donc je reviendrai tout le long de mon intervention un peu sur cette notion-là,
00:56 discuter un peu, la critiquer un peu et puis plus globalement parler de la nature en ville,
01:03 de quelle nature s'agit-il.
01:04 Je ne reviendrai pas sur ce que c'est que la ville parce qu'on pourra discuter très
01:08 longtemps, mais ça pourrait être le cas, mais je vais vraiment me focaliser sur la
01:12 nature.
01:13 Donc j'ai souhaité le faire en quatre points, j'en ai pour une petite demi-heure,
01:18 mais comme vous l'avez proposé, si vous voulez m'arrêter pendant le fil de mon
01:21 propos, c'est totalement possible.
01:23 Donc dans le premier temps, j'aimerais revenir sur ce que j'appelle la conceptualisation,
01:27 en fait c'est quelques termes, quelques définitions, qu'on soit sûr de quoi on
01:30 parle et de quelle chapelle je m'exprime.
01:32 Ensuite, je vous parlerai de la nature vue des citadins, donc de ceux qui habitent la
01:39 ville, de quelle nature s'agit-il, qu'est-ce qu'ils font, quelle est leur vision des choses.
01:44 Ensuite, je vous parlerai de la même chose vue des gestionnaires.
01:47 Dans les gestionnaires, je mets tout, vous peut-être dedans, mais j'ai surtout travaillé
01:51 avec les élus dans les collectivités et dans les départements.
01:55 Donc je n'ai pas travaillé avec les services de l'État, même si pour certains des travaux,
01:59 les services ont été partenaires.
02:00 Et enfin, je viendrai à la fin sur une discussion de mise en perspective sur ces deux visions
02:05 de la nature des citadins, des consommateurs, j'allais dire, et des gestionnaires.
02:09 Et finalement, ça nous amènera sur des questions d'urbanisme durable et puis la place de la
02:16 nature aujourd'hui en ville et comment est-ce qu'on conduit la vie dans le contexte de
02:19 développement durable, mais ça, je suis sûr que vous connaissez bien.
02:22 Donc quand on part de nature en ville, la nature pour moi, c'est ces quatre éléments,
02:27 l'eau, la végétation, les animaux et le sol.
02:30 Et ces éléments que je vais qualifier de naturels, j'aurais pu mettre naturel entre
02:35 guillemets, vous allez voir à la fin, c'est totalement discuter ce qu'on appelle nature
02:38 avec un degré d'entreprisation qui peut être différent.
02:41 Donc l'eau, ça peut être des cours d'eau le moins entreprisé possible, même si en
02:46 espace urbain ça peut être totalement discuté, jusqu'au bassin de décantation, il y en
02:50 a de plus en plus dans les lotissements, c'est toute l'offre de l'eau en ville.
02:55 La végétation, bien sûr, on part de la friche urbaine qui pendant très longtemps a été
02:59 décriée, aujourd'hui les chercheurs commencent à se dire dans cette friche urbaine, il peut
03:02 y avoir de la biodiversité, il peut y avoir de l'intérêt, beaucoup de discussions, beaucoup
03:05 de choses écrites dessus, jusqu'aux arbres d'alignement plantés, replantés, j'y reviendrai
03:11 un peu plus tard, tout à l'heure.
03:12 Les animaux, bien évidemment, depuis les renards jusqu'aux animaux domestiques, en
03:17 passant par les pigeons.
03:18 Ensuite, on a les sols, depuis les entrepôts sols, dans des sols urbains complètement
03:22 remaniés jusqu'au ramblais.
03:23 Donc tout ça pour moi c'est la nature, mais dans le propos qui est le mien aujourd'hui,
03:27 je me fonde essentiellement sur la végétation, même si tout ça est complètement lié, on
03:32 ne peut pas parler de végétation si on ne parle pas d'eau, si on ne parle pas d'animaux,
03:35 si on ne parle pas de sol, mais pour plus de simplification, je vais me limiter à la
03:39 nature, bien évidemment, on pourra complexifier les choses si vous le souhaitez, on pourra
03:43 bien sûr compléter tout ça.
03:44 Ensuite, j'ai travaillé avec, j'allais dire, quatre usagers ou quatre acteurs de
03:49 cette nature en ville.
03:50 Je commence par les usagers, à chaque fois je vous dis un peu les questions qui m'animent
03:55 quand je travaille avec ces personnes-là, la manière dont je procède, la méthode,
04:00 et puis finalement les outils que je mobilise.
04:04 J'ai oublié de dire que tous ces travaux, je vous fais une synthèse de dix années
04:08 de travaux sur une douzaine de programmes de recherche avec de nombreux partenaires,
04:13 notamment les services de l'État, l'ADREAL, l'ADREAL, le Centre Val-de-Loire.
04:17 J'ai aussi oublié de dire qu'avant d'être ici sur Poitiers, j'ai professé à l'Université
04:22 de Tours et une bonne partie de mes recherches ont été faites à Tours, donc il y aura
04:25 pas mal d'exemples de la région Centre Val-de-Loire, mais on pourrait les transposer d'une
04:30 manière très simple à la région Nouvelle-Aquitaine, que je ne maîtrise pas encore totalement,
04:34 mais je ne désespère pas.
04:36 Donc je disais aux usagers, la question que je leur posais d'une manière très simple,
04:41 c'est "qu'est-ce que la nature pour eux ?" et je le faisais par un travail de sociologue,
04:47 je les interrogeais, je les observais dans les parcs, c'est très intéressant de s'asseoir
04:52 dans un parc et de regarder comment les gens consomment la nature à toute heure de la
04:57 journée et de l'année.
05:00 J'ai aussi, pour avoir l'idée des usagers, interrogé le prix du foncier.
05:06 C'était un travail que j'ai fait il y a maintenant 5-6 ans avec une base de données
05:11 d'un notaire, la base de données PERVA peut-être que vous connaissez, qui retrace
05:15 en fait tout le prix des transactions immobilières et j'essayais de les croiser avec la proximité
05:20 ou non d'un parc.
05:21 Est-ce qu'avec la proximité du parc le prix du mètre foncier augmente ou pas ? Donc
05:25 c'est des choses qu'on a faites notamment avec des économistes d'Orléans.
05:28 Pour les gestionnaires, c'était beaucoup d'entretiens.
05:32 Dans les gestionnaires, j'ai travaillé avec trois niveaux en fait.
05:38 Les élus, le maire, son adjoint.
05:40 J'ai travaillé avec les services des collectivités, les responsables de services et puis après
05:46 avec les jardiniers des services, ceux qui vont aller dans les parterres de fleurs, ceux
05:49 qui vont mettre en œuvre concrètement la politique municipale.
05:54 Je me suis aussi intéressé, mais je n'aurai pas le temps d'en parler ici, à tous les
05:58 médias municipaux.
05:59 Comment est-ce que la municipalité communique sur l'offre de nature ? Aussi bien par les
06:05 journaux gratuits, je l'ai fait même ici à Poitiers, mais également sur le site internet.
06:12 Qu'est-ce qui est dit ? Et là, il y a pas mal de choses qui donnent une idée sur la
06:16 vision de la politique, la vision des politiques sur la nature construite parce qu'il s'agit
06:22 d'une construction dans l'espace urbain.
06:24 Ensuite, je me suis intéressé aux politiques publiques en général.
06:27 Comment est-ce que tout ça encadre cette offre de nature en ville, en termes de protection,
06:33 en termes de gestion ? Pour ça, j'ai étudié avec des collègues juristes aux réglementations,
06:42 à tous les dispositifs, les arrêtés municipaux, etc.
06:44 Et puis après, une pléthore de lois, mais vous êtes mieux placés que moi, qui est
06:48 venue au fil de l'eau, etc.
06:49 Mais non, mais aujourd'hui, c'est les lois climat-résilience, mais qui appellent déjà
06:52 d'autres, etc.
06:53 Donc, gros travail fait avec des juristes, sur lesquels je reviendrai rapidement, mais
06:59 on pourra en discuter puisque c'est un peu plus, je pense, votre cœur de métier,
07:02 puisque il s'agit quelque part de vérifier, de mettre en application toutes ces lois.
07:07 Ensuite, le terme sur lequel je me suis appuyé, c'est les services écosystémiques.
07:12 Alors, je pense que vous connaissez maintenant tous de quoi il s'agit.
07:14 C'est comme l'a défini l'humilium écosystème à ces semaines, ce sont les bénéfices
07:21 que les hommes tirent des écosystèmes.
07:23 Alors, très rapidement, vous savez d'où ça vient.
07:25 Dans les économies des années 70, on commençait à réfléchir sur les pertes en écosystèmes
07:31 et il fallait trouver une solution quelque part pour les prendre en compte dans notre
07:35 fabrique des territoires.
07:36 Alors, au début de cette notion-là, dans les années 70, elle n'était pas encore
07:40 popularisée, c'était très économique.
07:43 Alors, on essayait de chiffrer économiquement ce que la nature peut apporter, c'était
07:47 très bien parce qu'on était dans un monde très économico-centré.
07:50 Donc, s'il fallait préserver, il fallait lui donner une valeur économique.
07:54 Donc, on a fait des travaux très pointus pour donner la valeur économique aux espaces
08:00 naturels et je reviendrai, maintenant c'est très fortement critiqué, mais je reviendrai
08:06 dessus.
08:07 Tout ce travail a été mis en forme, j'allais dire, par l'ONU, l'humilium écosystème
08:16 en 2003, dans un document qui est aujourd'hui fait référence et qui identifie quatre formes
08:24 de services, mais vous les connaissez.
08:25 Donc, les services d'approvisionnement, quand on va faire de la culture, quand on va prendre
08:29 des choses dans la nature, boîtes de chauffe, etc.
08:32 Les services de régulation, la nature qui permet de réguler les cycles naturels, que
08:37 ce soit le cycle du carbone ou le cycle de l'eau.
08:41 Les services de support, je passe au dernier point, je ferai des services culturels par
08:44 la suite.
08:45 Les services de support, c'est tous les services indirects pour les hommes qui permettent aux
08:49 trois autres services de fonctionner et surtout, j'allais dire surtout parce que moi ça m'intéresse
08:53 un peu plus, les services culturels dans lesquels on voit tout ça.
08:55 En fait, tous ces services-là n'ont pas été travaillés de la même façon au même
08:59 moment.
09:00 Au tout début du millennium écosystème à ces semaines, c'est beaucoup les services
09:03 d'approvisionnement, régulation et services de support qui ont été travaillés, analysés,
09:08 avec une entrée très économico-centrée en fait, très éco-centrée.
09:12 Et c'est seulement depuis les années 2013, on dit 10 années après avoir vulgarisé
09:17 l'histoire, que des chercheurs, je fais partie de ceux-là, ont commencé à s'intéresser
09:21 aux services culturels.
09:22 Et en s'intéressant aux services culturels, on a un peu discuté, décalé la manière
09:27 de voir dans les autres services, que ce soit sur l'aspect scientifique, créatif, santé,
09:31 pédagogie, esthétique, spirituel.
09:33 Et on le voit d'autant plus quand on étudie la nature en ville.
09:37 Globalement, pour l'ensemble des quatre services, le service écosystémique renvoie
09:42 à trois démarches en fait, qui sont tout le temps imbriquées, mais on les retrouve
09:46 à un moment ou à un autre.
09:47 La première démarche, c'est évaluer.
09:49 Quand on parle de services, c'est évaluer les services de la nature, les identifier,
09:53 savoir le fonctionnement de ces écosystèmes, c'est ce que j'appelle évaluer.
09:57 Ensuite, estimer.
09:58 Alors l'estimation a été longtemps le chiffrage économique.
10:02 Aujourd'hui, l'estimation passe sur autre chose.
10:04 Je suis l'un de ceux en France qui milite pour une autre estimation que l'estimation
10:08 chiffrée, parce que l'estimation chiffrée entraîne des travers, notamment dans le
10:15 troisième bloc, dans le compenser.
10:16 Certains dans le compenser voient une action de vendre.
10:19 Et si la nature, on peut la vendre, on peut l'acheter, ça crée quelques problèmes.
10:22 Et ça, c'est les limites des services écosystémiques.
10:25 Quand on commence à voir, la nature, elle est incommensurable, on ne peut pas la vendre,
10:29 on ne peut pas l'acheter.
10:30 Donc la dernière partie, compenser, en fait, il faut trouver d'autres formes de compensation.
10:33 Est-ce que la compensation existe ? Lorsqu'on a acheté, on a asséché une zone humide,
10:38 est-ce qu'on peut la compenser ? Moi, je pense que non.
10:40 D'autres pensent que oui, mais voilà, on peut en discuter très longtemps.
10:43 Aujourd'hui, les discussions se font à ce niveau-là.
10:45 On sait très bien évaluer, c'est le travail des écologues.
10:48 Estimer, on commence à, on ne sait pas.
10:50 Et puis compenser, est-ce qu'il faut compenser ou pas ? C'est des questions qu'on peut se
10:53 poser.
10:54 L'estimation n'est pas qu'économique.
10:55 L'estimation, je le verrai tout à l'heure, ou par exemple, le bien-être des habitants
11:01 dans une ville, on l'estime comment ?
11:02 Est-ce qu'on l'estime par… Moi, je me pose aussi la question, je n'ai pas la réponse.
11:07 Le chercheur se pose la question, il n'a jamais la réponse.
11:09 A la limite, quand on a la réponse, on est déjà une autre question.
11:12 Par exemple, le bien-être récréatif, je ne sais pas comment je vais le chiffrer.
11:15 Le fait d'amener les gamins dans un parc et leur enseigner, je ne sais pas, les lois
11:23 de la nature, je ne sais pas comment chiffrer ça.
11:25 L'éducation populaire, je ne sais pas comment chiffrer ça.
11:27 Donc, c'est une avancée de dire qu'il y a un chiffrage économique.
11:32 C'est bien pour ça qu'aujourd'hui, on parle de cette question-là.
11:33 Mais elle a montré tout de suite ses limites, notamment quand on parle de la ville.
11:37 C'est très facile.
11:39 Quand on va parler de la ressource de la mer, quand on va parler de la forêt, etc.,
11:45 comme on a fait au début, mais dès qu'on commence à arriver en ville où tout est
11:48 complètement lié, on ne sait pas comment estimer.
11:50 Mais on sait qu'il faut néanmoins estimer.
11:52 Donc, il y a d'autres façons de faire que je prends, notamment toutes les entrées
11:58 sociologiques dans lesquelles l'économie n'est pas le centre.
12:01 Ça peut être une entrée peut-être, mais ce n'est pas la finalité.
12:03 Et ensuite, il y a le fameux compenser.
12:06 Là aussi, on peut discuter longtemps.
12:07 Avant de compenser, peut-être se dire que ce n'est pas compensable.
12:12 Et peut-être intégrer dès le départ que ce n'est pas compensable.
12:15 On réfléchit autrement.
12:16 Par contre, si on se dit que c'est compensable, on a une façon de faire qui est déjà déviée.
12:20 Vous avez compris mon propos.
12:22 D'après mon langage, c'est dévié.
12:24 Mais pour d'autres, c'est comme ça qu'il faut fonctionner.
12:26 C'est vraiment les services culturels qui ont complètement revu les choses.
12:32 Les services culturels, on les voit beaucoup plus en ville, mais aussi ailleurs.
12:37 Alors, ça, vous connaissez.
12:38 Le concept a été popularisé par l'ONU, Médium et Ecosystème, ces semaines.
12:43 Et à tous les niveaux, bien sûr, on essaie de les mettre en application dans les politiques publiques.
12:48 Dans IPBS au niveau international, MAES au niveau européen, au niveau français, c'est l'EFES,
12:54 Évaluation française des services, des écosystèmes et des services écosystémiques,
12:58 dans lequel il y a plusieurs groupes de travail.
13:00 Moi, je me positionne dans le conseil scientifique.
13:02 Et donc, au niveau de l'EFES, mais vous connaissez sûrement parce que c'est directement en lien
13:06 avec la FRB et puis les services de l'État, on a identifié plusieurs espaces
13:12 dans lesquels l'évaluation se met en œuvre.
13:16 Et moi, je suis notamment très actif dans les écosystèmes urbains.
13:20 L'Europe de l'EFES, mais je reviens vite, mais vous le savez,
13:23 c'est quelque part accompagner la prise en compte de l'environnement
13:29 dans tous les actes de la vie politique française, en fait.
13:33 C'est vraiment ça.
13:33 Comment est-ce qu'on passe de cette notion scientifique un peu pompeuse et un peu large
13:39 à la mise en application concrète dans une disposition d'une collectivité ?
13:45 Et le travail est toujours en cours.
13:46 On ne sait pas faire, c'est difficile, mais on y travaille dans le comité scientifique.
13:54 Nous sommes une quarantaine.
13:56 Donc, à partir de là, je vais maintenant arriver dans le dur du truc.
14:00 Donc, on va parler de la nature en ville vue des citadins.
14:04 Ici, je vous illustre un travail que j'ai fait auprès de 200, 300, je crois c'est 300 personnes.
14:11 Ça date déjà d'une dizaine d'années.
14:13 300 personnes qui habitent dans les grandes villes de la région Centre-Val-de-Loire.
14:17 C'était un travail financé par la région Centre-Val-de-Loire
14:21 avec pour partenaire les associations environnementales, l'Adriel, etc.
14:25 Donc, on a interrogé un certain nombre de citadins pour leur demander
14:29 de quelle nature s'agit-il et qu'est-ce que vous faites avec cette nature ?
14:32 Donc, on voit très bien.
14:33 Quel est votre bien-être ressenti ?
14:35 Pour 123 personnes, ça me fait du bien.
14:40 Ici, en fait, on leur a demandé quels sont les éléments, pour eux, de la nature,
14:44 les éléments qui rentrent dans cette esthétique,
14:46 qui les permettent d'avoir ce bien-être ressenti.
14:48 Alors, les pourcentages ne se cumulent pas parce qu'il y avait des réponses multiples.
14:53 Bien sûr, à 70% des réponses qu'on a eues, c'était des éléments en lien avec la nature.
14:57 Bien sûr, c'est l'eau, le végétal, les fleurs, les bois, etc.
15:01 Mais il y a 35% qui n'en a rien à voir.
15:03 C'est des questions d'aménagement.
15:06 On voit ici, c'est des jeux, c'est l'oisy, les fontaines, les agrès.
15:10 C'est souvent mis en avant.
15:12 Et puis enfin, l'aspect visuel.
15:14 Dans l'aspect visuel, il y a bien sûr les deux éléments,
15:16 mais il y a surtout l'entretien.
15:18 Il y a les arrangements.
15:19 Il y a pas mal de choses.
15:21 Donc, on se rend compte que dans la nature, vu des citadins,
15:25 il y a des éléments naturels comme vous et moi, spécialistes, on pense,
15:28 mais il y a des choses qui n'ont rien à voir.
15:29 Il y a également la construction.
15:31 Ça fait partie de la nature.
15:33 La construction, l'aménagement et l'entretien.
15:35 Donc les trois éléments doivent être pris en compte
15:37 lorsqu'on parle de l'essai de nature en ville.
15:39 Et puis les deux encore en dessous, je vais passer vite,
15:41 redonnent en fait les éléments un peu plus précis
15:44 qui participent au bien-être.
15:47 Alors, il y a plein de choses.
15:49 Il y a les odeurs, attention.
15:50 Il y a l'accessibilité, qui sont des choses
15:52 qui ne sont pas directement en lien avec la nature,
15:54 même si on peut avoir un lien.
15:57 J'y reviendrai tout à l'heure.
15:58 Les aménagements, la taille du site.
15:59 Bref, il y a des éléments qui, de l'extérieur,
16:03 pourraient être vus comme non naturels du tout.
16:05 Mais pour celui qui consomme cette nature au quotidien,
16:08 c'est un élément important.
16:10 Donc, vous comprenez, avec cette première diapositive,
16:12 la nature est totalement construite.
16:14 Le citadin ne pense pas la nature comme quelque chose de naturel.
16:17 Il pense la nature comme quelque chose de complètement fabriqué.
16:20 On est ici en ville.
16:24 Et puis après, ici, je vais un peu plus en détail
16:27 pour savoir dans les catégories d'usage,
16:31 qu'est-ce qu'on peut voir dedans,
16:32 aussi bien dans les activités de loisirs,
16:34 dans les activités de repos, dans la sociabilisation.
16:37 Vous voyez, il y a plein de choses qui se mettent là-dedans.
16:40 Mais ça conforte ce que je disais tout à l'heure.
16:44 Bien sûr, c'est des éléments naturels.
16:45 C'est les aménagements avec,
16:47 mais c'est également des usages associés.
16:50 Sortir les enfants, passer du temps en famille,
16:53 profiter du beau temps, etc.
16:56 Donc, tout ça, c'est la nature pour le citadin.
16:59 Alors, de ce résultat-là, bien sûr, on l'a présenté au partenaire.
17:02 Et c'est quelque chose qui n'avait pas intégré dès le départ.
17:05 Quand on travaille pour une collectivité,
17:06 on servit ce service espace vert.
17:09 On ne pense pas toujours que la nature,
17:11 c'est aussi les agrès, c'est aussi la balançoire, etc.
17:16 Tout ça fait partie de la nature.
17:19 Je vous montre quelques photos.
17:21 On en a pris des milliers pour analyser tout ça.
17:25 Les fameux usages, donc on se balade,
17:27 on est sur un banc, il y a des changements de couleur,
17:31 les gamins, le sport, etc.
17:32 Ce sont des choses que vous voyez.
17:35 Ce qui est important, c'est qu'en fonction du jeu de couleurs
17:39 et en fonction de l'aménagement, on n'a pas la même fréquentation.
17:42 Lorsque sous le banc, il n'y a pas d'herbe,
17:45 ce banc sera occupé.
17:47 Et lorsque sous le banc, il y aura de l'herbe haute,
17:49 il ne sera pas occupé.
17:50 Donc, on est dans quelque chose de totalement construit.
17:53 Et cette construction amène du monde.
17:55 Et ce monde qui arrive, il a l'impression d'être dans la nature.
17:58 Je dis l'impression parce que vous avez compris,
18:00 moi je discute tout ça, cette nature,
18:02 mais j'y reviendrai à la fin.
18:02 Mais pour ceux qui habitent,
18:04 enfin ceux qui consomment de cette nature,
18:07 ça fait partie du truc.
18:09 Donc, lorsque l'on interroge les habitants sur ce qu'on appelle les disservices,
18:17 les éléments négatifs de la nature,
18:19 dans les interrogations qu'on a faites,
18:20 on en a fait à peu près 500, on n'en a eu pratiquement pas.
18:24 Mais il est rare de voir une personne dans un parc vous dire "j'aime pas".
18:28 Quand il y est, il aime.
18:29 Et même, on s'est dit "mais il y a un biais, c'est pas possible,
18:32 on va aller à des endroits où on est très loin de la nature",
18:35 du moins théorique,
18:36 soit sous le parvis de la gare,
18:38 c'est ce qu'on a fait dans quelques gares de la région,
18:41 en France, dans Val-d'Edouard, c'est pareil.
18:43 Les usagers, ils critiquent rarement la nature.
18:46 J'ai comme l'impression qu'on est dans un discours maintenant
18:50 accepté par tout le monde, la nature c'est bien.
18:53 Mais en tout cas, c'est dans la manière de communiquer.
18:55 Mais en fait, ils savent très bien se plaindre auprès des gestionnaires.
18:57 Et c'est auprès des gestionnaires que j'ai eu,
19:00 que nous avons eu dans notre groupe de travail,
19:02 tout ce qu'on appelle les disservices,
19:03 donc les éléments négatifs de la nature.
19:06 Donc, par les plaintes qui sont remontées vers les élus,
19:08 les désagréments, les arbres qui ne sont pas élagués,
19:12 le pollen qui ne va pas très bien,
19:14 parfois ce n'est pas assez fleuri,
19:16 il y a la boue ici, bref, des désagréments énormes.
19:20 Donc, en gros, on peut dire que c'est bien ailleurs,
19:23 mais pas chez moi en fait.
19:24 Donc, l'arbre qui est au pied de votre maison,
19:28 il y a des flammes d'oiseaux sur la voiture,
19:29 c'est pas très bien,
19:30 mais en même temps, quand on veut faire passer un travail,
19:32 donc il ne faut pas casser l'arbre.
19:33 Bref, et justement, c'est ce que je voulais vous montrer.
19:35 Quelques photos qui illustrent les désagréments de cette nature.
19:38 La première chose dont les élus m'ont dit en fait,
19:42 dans un parc, lorsqu'il y a des taupières, ça ne va pas.
19:45 Parce que ça fait ressortir la terre, la terre est sale.
19:49 C'est vraiment quelque chose qui est venu plusieurs fois,
19:53 pour les usagers, sans qu'ils le disent,
19:55 à travers les plaintes qui remontent aux gestionnaires, aux élus,
20:00 c'est d'abord la terre, il ne faut pas qu'elle se voit,
20:02 parce que c'est sale.
20:03 C'est bien pour ça qu'il y a des parterres,
20:06 pour éviter des agrès, pour éviter que la terre se voit.
20:12 La boue, bien sûr, ce n'est pas bien non plus.
20:14 Lorsqu'il y a la boue, le parc n'est pas fréquenté du tout.
20:17 Et le gestionnaire en question me disait,
20:20 mais ça se comprend parce que là, c'est ça maternelle,
20:22 la nounou avec la poussette, il n'y a pas pire.
20:24 Donc ça, ça se comprend qu'il ne faut pas la boue, il faut nettoyer.
20:27 Il faut également une profondeur de champ de vision.
20:31 Il ne faut surtout pas ça.
20:33 Ça en fait, c'est complètement fermé et ça, ça ne va pas du tout.
20:36 Parce que quand c'est fermé, c'est l'insécurité derrière,
20:38 c'est plein de choses qui s'y passent.
20:39 Donc il ne faut vraiment pas ça.
20:40 Donc on a une construction de nature totalement ouverte,
20:43 comme veut notre culture occidentale.
20:45 Dans d'autres cultures, quand c'est fermé, c'est mieux.
20:47 Quand on travaille notamment avec le Brésil,
20:49 les espaces fermés, c'est plus que les espaces ouverts.
20:54 Dans nos cultures, non, il faut que ce soit totalement ouvert.
20:56 Donc il faut que ça se voit.
20:58 Et puis après, je parlais tout à l'heure,
20:59 les bancs avec les herbes, il ne faut surtout pas quoi.
21:01 Parce que ça, c'est un banc, c'est sûr qu'il ne servira jamais, jamais, jamais.
21:04 Donc il faudra nettoyer, nettoyer.
21:06 Voilà le terme, le terme utilisé.
21:07 Il faut nettoyer cette nature.
21:09 Est-ce qu'une nature nettoyée est encore de la nature ?
21:12 On y discutera sûrement tout à l'heure.
21:15 Alors, que font donc les gestionnaires ?
21:16 Les gestionnaires, les acteurs politiques,
21:21 les trois niveaux, je vous ai dit, l'élu, le chef de service et le jardinier,
21:27 et bien, ils vont faire ce que demandent les usagers.
21:29 Parce que c'est quand même eux qui commandent.
21:31 Donc ils vont nettoyer tout ça.
21:33 Ils vont montrer que la nature est maîtrisée.
21:36 Malgré toutes les contraintes aujourd'hui,
21:38 zéro phyto, etc. etc.
21:39 Ce n'est pas grave.
21:40 Ce genre de choses-là, on est sur les hauteurs de Blois.
21:43 C'est très bien vu.
21:45 Ça, on est à Bourges avec, voilà, tout est bien au cordon, tout est nickel.
21:48 Il n'y a pas une nette qui dépasse.
21:50 Il n'y a pas de terre qu'on voit.
21:51 Voilà, ça, c'est vraiment ça qui est prôné.
21:54 Et ils font tout pour le faire,
21:55 avec toutes les difficultés que ça peut présenter.
21:58 Aujourd'hui, avec toutes les contraintes, on ne peut plus fonctionner comme avant.
22:01 C'est-à-dire zéro phyto, les herbes, ça ne pousse pas.
22:04 Donc, soit pour les lutter contre ces herbes-là,
22:07 il faut de la ressource humaine, il faut des personnes.
22:10 Et lorsque j'ai travaillé,
22:13 donc il y a un peu moins de dix ans avec les jardiniers,
22:15 on était au tout début des zéros phyto.
22:18 Alors, ils me disaient que c'était très difficile parce que le métier avait changé, en fait.
22:22 Pendant, depuis les années 70 jusqu'aux années 90, 2000,
22:26 on mettait un coup de rond-d'œuvre et c'était propre.
22:27 Et c'est comme ça qu'on faisait.
22:28 Et puis, tout le monde était éduqué dessus.
22:31 À partir du moment où on ne peut pas le faire,
22:32 il faut l'arracher manuellement.
22:34 Et dans le jardinier, il se met à quatre pattes pour le faire.
22:36 Et sur le plan sociologique, ça a été très, très compliqué
22:40 de passer de personnes qui avaient une certaine vision du métier, propre,
22:45 on était, et puis on passait des produits chimiques, ça allait très bien,
22:47 jusqu'à maintenant, il faut se mettre à quatre pattes pour enlever.
22:49 Donc, un jardinier me disait, c'est compliqué de le faire devant l'école de ma fille
22:56 parce que c'est dégradant de se mettre à quatre pattes et de tirer les herbes dans la...
22:59 Voilà, ça a été très compliqué.
23:01 Donc, il y a beaucoup de travail d'accompagnement des jardiniers dans les collectivités.
23:05 Aujourd'hui, les choses passent bien,
23:07 on va dire un peu mieux,
23:08 parce que les herbes folles sont aujourd'hui admises,
23:13 parce que le travail de la terre commence à être intégré,
23:16 ce n'est plus péjoratif de voir le jardinier à quatre pattes, c'est même l'inverse.
23:19 Ah ben c'est vachement bien, ils n'utilisent pas grand-chose.
23:22 Et puis aujourd'hui, enfin, en termes de produits chimiques,
23:24 aujourd'hui, maintenant, il y a d'autres façons de construire, de conduire les jardins
23:28 qui impactent un peu moins l'entretien.
23:31 Bref, cet entretien se poursuit,
23:34 il faut que ça se voit,
23:37 une ville sale n'est pas admissible,
23:40 une ville sale, c'est une ville dans laquelle il y a des pissenlits au milieu du goudron,
23:45 donc ça ne te met pas.
23:46 Donc, il y a des programmes de communication
23:50 pour pouvoir lutter contre tout ça,
23:53 parce que les collectivités ne peuvent pas,
23:54 parce qu'on peut le faire, mais il faut énormément de main d'oeuvre,
23:57 et souvent les services espaces verts,
23:58 c'est un peu le parampas de la collectivité en termes de budget.
24:01 Donc, il faut faire avec le minimum,
24:03 et donc pour ça, la seule solution,
24:04 c'est de faire de la communication,
24:09 apporter un nouveau regard sur cette nature qui reprend ses droits,
24:13 comme certains écrivent et d'autres disent,
24:14 la nature n'a pas de droits tant qu'elle ne peut pas reprendre ses droits, bref.
24:17 Donc, il faut avoir un nouveau regard,
24:19 et il y a un gros travail de communication,
24:22 et ça se poursuit toujours.
24:23 Alors, on a vu ça, ces campagnes-là,
24:25 on a aussi vu ça, parfois il n'y a pas de campagne,
24:27 mais pour montrer que ce n'est pas délaissé, on tombe.
24:31 Les jardiniers viennent, ils font un petit S,
24:32 et puis ils s'arrêtent là, et comme ça, quand on y passe,
24:34 donc s'il a fait le petit S,
24:36 donc c'est normal, avec un petit encart à côté,
24:39 coulée verte, gestion différenciée, etc.
24:41 Il y a toujours les deux qui vont ensemble.
24:43 Là, je parle de la ville, mais on le voit très bien le long des routes,
24:45 vous voyez très bien.
24:46 Mais c'est ce changement de regard qui n'est pas simple,
24:49 parce qu'il y a toujours cette pression-là.
24:50 Il y a tout un travail,
24:52 et ça, ça a l'air simple comme ça,
24:55 pour le faire, mais ça a été un changement quand même assez fort,
24:58 avec des accommodations.
24:59 Moi, j'ai beaucoup travaillé avec des PNR,
25:03 avec des départements, avec des collectivités,
25:06 pour penser ce genre de messages, de communication,
25:09 d'éducation quelque part,
25:10 parce que c'est une forme d'éducation,
25:11 faire comprendre que la mauvaise herbe n'est pas plus mauvaise qu'autre chose.
25:15 On a décidé qu'elle était mauvaise,
25:16 on a décidé qu'elle n'était pas mauvaise,
25:18 donc on peut aussi changer le regard.
25:20 Quand on discute avec les élus,
25:23 on se rend compte que, pour eux, cette nature, elle est importante,
25:27 parce que ça devient un motif d'attractivité.
25:30 Je montrais quelques...
25:32 On capture d'un site internet où l'un des premiers éléments d'une ville bourge,
25:37 je ne cite pas, c'est d'abord l'espace vert.
25:39 La nature devient une identité, enfin, ça devient un enjeu politique,
25:43 un enjeu politique très très fort.
25:45 Ils en sont conscients,
25:46 donc derrière, ils mettent de plus en plus de moyens
25:49 pour que cette nature soit présente,
25:51 et que cette nature soit acceptée, soit tolérée.
25:54 On passe, petit à petit, d'une nature, simple décor urbain,
25:58 à une espèce d'urbanisme durable.
26:01 Urbanisme végétal, c'était un terme utilisé dès les années 70.
26:05 Aujourd'hui, on va parler d'urbanisme durable,
26:06 qui prend plein de choses en compte,
26:08 notamment la présence du végétal, et pas seulement.
26:12 Et dans cette nature, dans cet urbanisme,
26:15 il y a plein de choses qui se font.
26:16 Ces immeubles, dans ces barres et ces tours qui sont démolies,
26:20 la dernière en date, c'était à Orléans, il n'y a pas longtemps, à la source.
26:24 Bas la place, on met des jardins, en fait.
26:26 On n'est plus dans cette idée de densification de la ville,
26:29 en tout cas, densification par l'imperméabilisation.
26:32 Il y a la densification avec la présence du végétal.
26:34 Donc, c'est une autre façon de densifier la ville,
26:37 et avec ce végétal,
26:38 pour lequel on associe énormément de fonctions.
26:43 Ce n'est pas seulement la fonction récréative,
26:46 c'est également une fonction sociale.
26:49 J'ai répondu avec l'agence d'urbanisme de Tours
26:51 à un appel à projet de l'État, du ministère,
26:53 et souvent, pour cet appel à projet,
26:57 c'était souvent la construction de nouveaux quartiers,
26:59 l'autisme, etc.
27:01 Et nous, avec l'école de l'agence d'urbanisme,
27:02 on a dit, ben non, on pourrait vendre la nouvelle ville
27:05 avec l'espace végétal.
27:07 Et l'agence d'urbanisme de Bordeaux le fait aussi,
27:09 et de plus en plus, on réfléchit de cette façon-là.
27:12 Les barres et les tours, aujourd'hui, sont complètement dépassées,
27:14 et lorsque l'on récupère du foncier,
27:16 le foncier ne servira pas seulement à construire,
27:19 ou s'il sert à construire,
27:20 la place de l'espace vert n'est plus seulement une place
27:23 héméopathique qu'on fait à la fin,
27:25 c'est quelque chose dont on va construire dès l'amont du projet,
27:27 mais ça, vous êtes très bien placés pour le savoir,
27:30 parce que je sais que les services de l'État sont très attentifs à cela.
27:34 Donc maintenant, ce qu'on va voir dans la ville,
27:36 on va voir maintenant de plus en plus des espaces agricoles
27:39 gérés par la ville,
27:40 c'est-à-dire que les services municipaux en charge des espaces verts
27:42 ne vont plus seulement s'intéresser aux jardins ornementaux,
27:46 mais on a également, ici, c'est pas loin de Tours,
27:48 un vignoble urbain,
27:50 donc avec soit des services municipaux
27:52 qui le gèrent en interne, en régie,
27:55 soit une contractualisation avec un agriculteur
27:58 qui va venir faire la vendange,
28:00 qui va faire une vignification
28:01 et qui aura le saut de la ville,
28:03 qui pourra donner pour des échanges, des jumelages, etc.
28:07 Ça, ça se voit partout.
28:08 Aujourd'hui, on parle de projets alimentaires territoriaux,
28:11 la région Nouvelle-Aquitaine a la tête en France
28:14 de développer des plans alimentaires territoriaux,
28:15 et partout, cette végétation qu'on va consommer
28:19 se retrouve de plus en plus.
28:21 Bien sûr, les fleuves en ville,
28:24 alors il y en a plusieurs, c'est la Garonne,
28:26 alors la Garonne, le Laïs, la Loire, etc.
28:30 avec une autre façon de gérer l'inondation
28:33 à un moment où, bien sûr, c'est l'actualité,
28:36 l'actualité brûlante.
28:37 Bref, vous comprenez que construire la ville
28:40 n'est plus seulement de construire des bâtiments,
28:42 construire la ville, ce n'est plus seulement les zones d'activité,
28:44 construire la ville, ce n'est plus seulement des services,
28:46 construire la ville, c'est aussi l'offre de nature
28:49 et l'offre de nature au sens très large.
28:51 Depuis le jardin ornemental jusqu'au secteur, au point agricole.
28:55 Je vous donne ici quelques exemples.
28:57 On a beaucoup parlé d'urbanisme durable,
28:59 mais de plus en plus,
29:01 avec les questions de changement climatique,
29:03 on arrive aux îlots de chaleur.
29:05 La végétation en ville, on lui donne maintenant une nouvelle fonction,
29:10 celle de rendre la ville plus vivable, notamment en été.
29:15 Je suis membre d'un projet de recherche ici à Poitiers,
29:18 dans lequel on travaille sur les îlots de chaleur
29:21 et comment la végétation participe à cela.
29:23 Je vous mets ici un document fait par A-Urba,
29:26 l'agence d'urbanisme de Bordeaux sur l'îlot de chaleur.
29:28 C'est vraiment la mode.
29:29 Tout le monde travaille sur la végétation.
29:31 On a dépassé la végétation comme support alimentaire.
29:36 Aujourd'hui, c'est la végétation comme bien-être en ville
29:38 en termes de réchauffement, en termes de chaleur urbaine.
29:41 Et ça, c'est ce que fait l'agence d'urbanisme de Paris,
29:44 Atelier d'urbanisme de Paris,
29:45 qui a fait toute une carte de l'îlot de chaleur.
29:47 Ici, c'était l'été en 2017,
29:50 mais c'est actualisé chaque année
29:52 pour montrer aux usagers de la ville
29:54 les endroits où il pourrait se rafraîchir
29:56 pendant les étés de plus en plus caniculaires,
29:59 de plus en plus chauds.
30:00 Donc, de nouvelles fonctions qui arrivent,
30:02 sur lesquelles pas mal de travaux se font.
30:06 Je vais vous montrer ici ce qu'on peut voir sur la ville de Bourges.
30:10 Je prends Bourges, mais pas au hasard, je vous dirai pourquoi.
30:12 Alors, trois éléments caractérisants d'après le site Internet,
30:16 une ville d'art et d'histoire, etc.
30:17 Il y a plein de choses à Bourges,
30:18 une ville de culture, mais surtout une ville verte.
30:20 On voit vraiment que c'est l'un des éléments
30:22 de la politique municipale pour vendre la ville.
30:26 Alors, je vais vous prendre le cas du jardin de Lasnay,
30:29 qui est un jardin qui se trouve à Bourges.
30:31 Alors, ce jardin de Lasnay, ça ne vous parle pas du tout,
30:34 mais c'est un jardin qui a son renom.
30:37 Alors, il y a le plus grand jardinier,
30:40 enfin le plus grand paysagiste,
30:43 qui s'appelle Gilles Clément, peut-être que vous connaissez.
30:45 C'est une sommité, Gilles Clément,
30:46 c'est un peu comme Jean Nouvel pour l'architecture.
30:48 C'est vraiment le grand truc.
30:49 Et Gilles Clément, il est de l'Indre,
30:51 donc il a fait des trucs formidables.
30:53 Et il a voulu offrir à sa ville, Bourges, quelque chose.
30:58 Et il s'avère qu'à Bourges, il y avait cet espace,
31:02 qui est une ancienne carrière,
31:05 dont la ville ne savait pas quoi en faire.
31:07 Et Gilles Clément a dit, on est ici dans les années 95-96,
31:12 donc il y a un peu longtemps.
31:14 Gilles Clément a pris cet espace-là
31:16 et a inventé un concept qui s'appelle le jardin à mouvement.
31:18 Peut-être vous avez entendu parler.
31:19 Le concept de Gilles Clément, c'est très ingénieux.
31:23 C'est quelque part laisser la nature faire.
31:25 Il a dit, nous paysagistes, on sait très bien l'orienter la nature,
31:30 on sait très bien la dompter, etc.
31:33 Mais peut-être que l'avenir, c'est de laisser faire, en fait.
31:36 Et il a créé son concept qui s'appelle le jardin à mouvement.
31:38 Depuis, c'est une marque déposée.
31:40 Et il y en a partout, à Saint-Nazaire, etc.
31:43 En gros, le jardin à mouvement, ce qu'il fait simple,
31:45 c'est de laisser faire et puis laisser la dynamique.
31:47 D'une année à l'autre, ce ne sera pas pareil.
31:49 Et puis, en même temps, on peut étudier.
31:50 Voilà, on peut faire plein de choses derrière tout ça.
31:52 Donc, il a inventé ce concept dans le jardin de Lasney.
31:55 Dans le jardin de Lasney, c'est l'oeuvre d'art fondatrice du jardin à mouvement.
32:01 La ville en est fière.
32:02 Donc, c'est une ancienne carrière qui évolue depuis les années 90.
32:06 Et chaque année, il y a des choses qui se passent.
32:08 Mais il y a un souci, c'est que les habitants n'ont pas compris cela.
32:12 C'est trop compliqué, peut-être, je ne sais pas.
32:15 Alors, ils se sont dit, ça y est, la municipalité n'a pas les sous
32:18 pour entretenir cet espace, cette friche.
32:22 Je me souviens, ce monsieur-là, qui habite juste en face,
32:24 il a pris sa tondeuse et il a tondu l'oeuvre d'art.
32:27 Oh, malheureux, il ne faut pas faire.
32:28 Pour lui, c'était ce qu'il fallait faire.
32:30 Et donc, finalement, ce qu'ont fait les jardiniers,
32:34 toujours en accord avec Gilles Clément,
32:35 de temps en temps, ils passent la tondeuse, comme ici,
32:37 juste pour montrer que c'est entretenu.
32:39 Et bien sûr, il y a toute une espèce de bancade, etc.
32:42 Voilà, d'indications pour dire attention.
32:44 Alors, bien sûr, il y a de la biodiversité,
32:46 il y a des choses magnifiques qui se passent dedans.
32:49 Mais comme je vous disais tout à l'heure, avec le temps,
32:51 cet espace se ferme.
32:53 Et comme ici, en fait, ça devient complètement fermé, donc insécurité.
32:56 Et donc, à Bourges, c'est devenu le lieu de tous les repères
32:59 et de tous les trafics, etc.
33:00 Si vous voulez trouver tout ce qu'on ne trouve pas,
33:02 vous allez dans le jardin de Lasnay parce que vous êtes sûr d'être tranquille.
33:05 Mais en même temps, c'est le jardin à mouvement.
33:07 Vous voyez, la municipalité ne peut pas l'ouvrir.
33:09 Si elle ouvre, ce n'est plus l'œuvre d'art de Gilles Clément.
33:12 Donc, il y a des cohortes de jardiniers qui vont s'inspirer
33:15 de ce que c'est que le jardin à mouvement,
33:16 avec l'évolution depuis 20 ans, etc.
33:19 Donc, ce qu'on a fait avec mes collègues chercheurs,
33:24 on a essayé de voir quel est l'impact d'un espace vert sur le prix du foncier.
33:30 On a essayé de calculer, en fait, l'impact de deux parcs.
33:34 En fait, on l'a fait dans plusieurs parcs de la région Centrale-Val-de-Loire,
33:37 mais je vous en cite deux, un à Orléans, le parc Pasteur,
33:39 qui ressemble à Blozac ici.
33:40 C'est des grands parcs de centre-ville très architecturés,
33:44 un peu le jardin à la française, etc.
33:46 Et de l'autre côté, l'exemple contraire qui est le jardin de Lasnay à Bourges.
33:49 Donc, ce qu'on a essayé de voir, c'est est-ce qu'au fur et à mesure
33:52 qu'on se rapproche du parc, le prix de l'immobilier monte ou l'inverse ?
33:56 Donc, c'est l'inverse à Bourges, en fait.
33:59 Malgré l'œuvre d'art de Gilles Clément,
34:01 il a un impact négatif sur le prix du maître taré.
34:03 Alors, ces études sont très compliquées.
34:05 Ce sont des études étonnantes parce que ça croise un paquet de trucs.
34:07 C'est ce que j'essaie de vous montrer ici.
34:10 Il n'y a pas que l'espace vert.
34:12 Il y a également la surface habitable, bien sûr, du bien à vendre.
34:16 Il y a la place de parking.
34:17 Il y a la distance au parc.
34:18 La distance, non pas vol d'oiseau, la distance qu'on va faire à pied,
34:22 parce que parfois, l'ouverture de l'autre côté,
34:24 on est tout près du parc, mais pour y entrer, il faut faire 1,5 km.
34:27 Voilà, il y a tout ça qui rentre en compte.
34:29 Mais globalement, la tendance montre que à Bourges,
34:32 le jardin de Lasnay a encore aujourd'hui un impact négatif sur le prix du foncier
34:38 du fait que c'est un jardin qui paraît être non entretenu
34:42 avec tous les désagréments qu'on a derrière.
34:44 Et le désagrément le plus important ici, c'est les trafics, c'est l'insécurité,
34:48 du fait qu'il soit complètement fermé.
34:50 Aujourd'hui, les usagers ont compris que le jardin à mouvement,
34:53 ça fait partie du truc, on va laisser faire.
34:55 Donc, on n'a plus besoin de tondre, il y aura une biodiversité.
34:57 Aujourd'hui, c'est complètement compris par tout le monde.
34:59 Mais l'histoire du fait que ce soit fermé, ça ne marche pas encore
35:02 parce que là, ça crée de vrais problèmes de sécurité publique, pratiquement.
35:07 Et ici, effectivement, vous ne venez pas traîner le soir.
35:12 Je finirai juste par quelques questions.
35:15 Je vous ai dit, nous, chercheurs,
35:18 j'ai l'impression qu'on cherche la question plus que de chercher la réponse.
35:21 Donc, plein de questions qui se posent par rapport aux services écosystémiques.
35:27 Alors, je suis passé rapidement, je n'ai pas eu le temps de dire.
35:30 Aujourd'hui, des choses ont encore évolué dans cette nature en ville.
35:33 On n'est plus maintenant dans de la nature pérenne.
35:36 Aujourd'hui, les concepteurs de la nature en ville sont sur de l'éphémère.
35:40 L'éphémère n'est plus seulement le bégonia ou je ne sais pas
35:42 quel ornemental qu'on va changer chaque année,
35:45 mais c'est également les grands sujets.
35:46 Il n'est pas rare maintenant dans les villes d'amener des grands sujets.
35:49 On sait très bien qu'ils seront là pendant deux, trois ans.
35:51 Ils vont mourir, c'est pas grave, ils vont en mettre d'autres.
35:53 Et maintenant, même du hors sol, et ça se voit,
35:55 à Poitiers, je ne connais pas trop, mais ailleurs, ça se voit beaucoup.
35:58 Pendant l'été, on va mettre des arbres, mais plutôt agrumes, etc.
36:01 Et puis en hiver, on fait autre chose.
36:02 Donc, on est dans une nature complètement construite,
36:05 qui reste quand même de la nature, mais une fabrication totale.
36:08 Et donc, cette nature et les services écosystémiques m'amènent à trois questions.
36:13 Je ne sais pas comment comptabiliser ces bienfaits de cette nature,
36:17 aussi bien matériel que non matériel, parce que les intérêts sont divergents.
36:22 Ça dépend du groupe, ça dépend du groupe sociologique.
36:26 Je ne sais pas faire, sachant que derrière ces bienfaits,
36:29 il y a également des méfaits.
36:30 Et souvent, les méfaits sont gommés, on n'en parle pas assez facilement,
36:34 mais ces méfaits sont, à mon avis, aussi importants.
36:36 J'ai écrit un bouquin il n'y a pas longtemps, essentiellement sur les dix services,
36:40 sur ce que ça coûte en termes de méfaits,
36:43 coûte pas économique, coûte social en fait, des méfaits de la nature.
36:47 Je vous ai parlé ici du jardin de Lasnay.
36:51 Ce que l'on se rend compte aussi, c'est finalement, on ne sait pas de quelle nature il s'agit.
36:56 Est-ce que c'est encore de la nature ?
36:58 Finalement, c'est une nature, je le disais, qui doit être propre,
37:01 qui doit être nickel, qui ne doit pas avoir d'inconvénients.
37:04 Donc forcément, on est très loin de la dynamique naturelle.
37:07 On est très bien de la dynamique écologique,
37:09 parce que la dynamique écologique amène dans une direction qui n'est pas maîtrisée.
37:12 Et donc, comme il faut maîtriser, forcément, on est dans quelque chose de,
37:17 ce que j'ai noté ici, de nature sans écosystème.
37:19 Une fabrication totale.
37:22 Et puis finalement, la dernière question,
37:25 dans les services écosystémiques, on voit plusieurs décos,
37:27 éco-économie, éco-écologie,
37:31 et derrière, le coût, ce que j'appelle les dix services.
37:34 Donc, les travaux continuent à se faire.
37:36 Les questions sont nombreuses,
37:39 mais les réponses doivent être immédiates pour ceux qui gèrent la ville,
37:43 et aussi pour les services de l'État.
37:45 Voilà ce que je voulais vous dire.
37:46 Je suis passé très vite, mais on pourra en discuter si vous avez d'autres questions.
37:50 En tout cas, merci pour votre écoute.
37:53 Et je le disais la dernière fois, quand je suis venu vous voir,
37:56 il s'avère que je monte quelques programmes de recherche,
37:59 et je serai ravi de vous avoir partenaire de mes projets,
38:04 parce que je sais que vous avez du savoir-faire.
38:06 Vous avez des données, vous avez pas mal de choses,
38:08 donc je n'hésiterai pas à revenir vers vous,
38:12 si jamais des choses se montent.
38:14 - Merci. - Merci.
38:15 [SILENCE]

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