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Frédéric Brunnquell : "La petite classe moyenne n'est pas armée pour suivre les mutations" du monde
France Inter
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29/08/2023
Frédéric Brunnquell publie "Le bûcher des illusions" (Albin Michel), portraits de la "petite classe moyenne" en France. Il était l'invité de Sonia Devillers, mardi 29 août.
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- Il est 7h48, Sonia De Villere, votre invitée a signé de nombreux films documentaires consacrés
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aux françaises et aux français de la classe moyenne.
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- Bonjour Frédéric Brunckel.
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- Bonjour Sonia De Villere.
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- Et ces gens avec lesquels vous avez passé des centaines d'heures, pour ne pas dire des
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milliers, à parler et à tourner, ils ont continué à vous habiter ?
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- Oui, ils ont continué à m'habiter et puis c'est vrai que toutes ces heures, ces moments
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très longs, ces années passées avec eux depuis 10 ans, 15 ans facilement, ça a créé
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un terreau, un terreau dans lequel il y a des graines qui ont poussé et les graines
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ce sont les personnages du livre "Le bûcher des illusions" parce qu'on ne quitte pas les
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gens comme ça quand on les a connus longtemps.
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Les gens continuent à vous habiter, ils continuent à être en vous et puis petit à petit tout
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se mélange un petit peu dans votre tête et puis le besoin d'écrire se fait sentir et
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puis le besoin de raconter des vies, de raconter les vies qu'on a croisées et puis d'aller
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chercher cette complexité et puis de bousculer un peu le réel cette fois-ci.
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- "Le bûcher des illusions", c'est une dizaine de destins qui s'entrecroisent à travers
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ce recueil de nouvelles qui paraît chez Albain Michel.
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C'est ce qu'on appelle la classe moyenne inférieure.
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On l'a vu, elle est au centre des enjeux politiques de cette rentrée de la promesse des baisses
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d'impôts de Bruno Le Maire annoncée par Emmanuel Macron dès le printemps, de Gérald
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Darmanin qui dit "si on les laisse filer, si on les laisse aller au rassemblement national,
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on n'ira pas au second tour".
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C'est l'enjeu politique qui nous amène jusqu'aux prochaines années avant la présidentielle.
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- Déjà classe moyenne inférieure, ça fait un peu mal parce qu'il y a ce mot "inférieur"
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et c'est très difficile de vivre avec ce qualificatif.
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Moi je préfère dire "petite classe moyenne" ou "classe moyenne défavorisée".
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En tout cas c'est compliqué.
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Et c'est vrai que c'est un enjeu parce que c'est eux qui font un peu l'opinion, c'est
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vers eux que tout converge.
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Et puis on est dans un monde très difficile, on est dans un monde violent, on est dans
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un monde économique libéral.
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Alors il y a des matelas etc.
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Mais on est quand même dans un monde difficile, dans un monde qui change, où beaucoup de
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choses sont en train de muter et ces gens ne sont pas forcément armés pour suivre
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ces mutations.
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On dit "changez de travail, changez de travail rapidement, vous pouvez vous adapter".
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Mais ça ne se fait pas si aisément.
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- Et c'est ce qu'on retrouve chez vos personnages, c'est ce qu'on retrouve chez Marc, le serveur
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qui a été fut un temps gérant de brasserie, c'est ce qu'on retrouve chez le marin pêcheur.
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C'est-à-dire c'est chez ces gens qui le disent "je ne peux pas changer, je n'ai pas les moyens
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de changer".
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- Non, je ne peux pas changer parce que je me suis construit selon un modèle et ce modèle
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n'existe plus, ce modèle vacille, ce modèle disparaît.
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Et donc comment je fais ? On a Marion par exemple, elle est coiffeuse à domicile, elle
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habite dans la région de Nancy et puis elle va chez les gens, chez les autres, chez les
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personnes âgées, chez les gens malades etc.
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Puis elle les coiffe et puis elle discute avec elles et puis elle a toute une remontée
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de terrain comme ça, qui est riche, qui la nourrit.
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Et puis un jour elle se rend compte qu'elle voit des prospectus chez les gens qu'elle
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coiffe où il y a des sociétés de services qui vont casser les prix, employer 20 heures
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par semaine des jeunes coiffeuses et qui vont proposer moitié prix de son tarif de la remplacer.
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Et qu'est-ce qu'elle va faire ? Comment elle va faire ? Alors que ça fait 20 ans qu'elle
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fait ce métier-là, comment elle va faire pour essayer, pour garder son statut ? Parce
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que l'argent c'est un truc mais il y a aussi le statut.
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Comment elle va faire pour garder sa fierté ? Et ces questions-là se posent souvent.
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- Et c'est probablement parce que votre livre s'intitule "Le bûcher des illusions" qu'on
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comprend bien qu'on ne peut pas tout dire devant une caméra et la télévision ne peut
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pas tout montrer.
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Et que quand vous y allez à travers l'écriture, parce que tous ces personnages, moi j'ai vu
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tous vos films Frédéric Brunckel et en fait je les reconnais tous.
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Je les ai vus dans les films sur Arte, sur France 2, sur France 3, dans votre grande
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saga consacrée aux marins-pêcheurs qui a été primée partout.
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On les reconnaît tous.
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Mais on voit bien qu'en allant vers l'intime, à travers l'écriture, il y a quelque chose
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que la télévision ne pouvait pas montrer.
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- Ce qui compte pour essayer de comprendre qui sont ces gens et ce qu'ils ressentent
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surtout, ce qui est au cœur un peu des interrogations des politiques aujourd'hui, qu'est-ce que
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ressentent les gens ? Parce que tant qu'on ne se pose pas cette question-là, on ne pourra
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pas répondre à leurs interrogations, on ne pourra pas les rassurer.
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Et ça, il faut aller vers l'intime pour essayer de comprendre ça.
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Et l'intime, ça passe par l'écriture.
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Pour moi, ça passe par l'écriture.
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Parce qu'on peut vraiment se mettre dans la peau des personnages, dans la tête des
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personnages, essayer de les comprendre et d'aller puiser à la fois au cœur de ce
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qu'ils sont et au cœur de ce qu'on est, au cœur de ce qu'on a ressenti en tout
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cas.
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Et par exemple, un jour j'écrivais, c'était Marion, et les personnages se mettent à vivre
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tout seuls, et Marion s'est mise à faire des choses que je n'avais pas prévues.
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Parce que Marion, je la connais tellement bien, je la connais tellement bien qu'elle
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continue à vivre indépendamment de moi.
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Et c'est devenu ce qu'elle a envie.
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- Ce personnage de marin-pêcheur, et je le dis, vous les avez très longtemps en filmé
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les marins-pêcheurs, il le raconte bien.
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C'est-à-dire qu'en embarquant et en partant en mer, il a échappé à un destin sur terre
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qui était un destin d'ouvrier.
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- Oui, c'est effectivement les marins-pêcheurs qui obtiennent une fierté à faire ce métier
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très dur, à quitter leur famille, à passer des mois en mer, loin des leurs, à avoir
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une vie complètement différente de la nôtre.
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Ils l'ont fait parce que la vie terrienne ne leur apportait rien du tout.
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La vie terrienne leur apportait de tenir les murs dans une cité, d'être magasinier
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dans un grand entrepôt.
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En devenant marin-pêcheur, ils ont acquis quelque chose.
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C'est Orlando, il s'appelle Orlando le marin.
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Un jour, Orlando va rentrer chez lui et il va s'apercevoir que sa femme est enceinte
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et qu'il va avoir un enfant.
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Un nouvel enfant, un enfant qui n'était pas prévu.
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L'arrivée de cette petite fille va complètement bouleverser le couple et va lui faire comprendre
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que sa fuite est perdue vers la réussite, vers l'obtention d'un statut dans sa vie,
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lui a fait perdre énormément de choses.
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Je voudrais qu'on parle de Sylvie, parce que Sylvie, elle a travaillé dans un grand
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groupe, elle parlait plusieurs langues, elle avait un poste important et puis ensuite il
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y a eu la fermeture d'une filiale, elle s'est syndiquée et avec la dotation de
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ce qu'elle a récupéré dans ce plan social, elle a acheté une petite boutique de presse
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à Paris.
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Sauf que la presse se meurt, la presse papier se meurt et elle, elle va au fond, elle va
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s'enchaîner jusqu'à la vente du dernier Libé, du dernier Figaro, du dernier Monde,
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du dernier Canard, enchaînée.
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Vous n'êtes pas si tendre, Frédéric Brunckel, avec ces gens qui finissent par être responsables
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de leurs propres échecs, qui s'enferment, qui deviennent aigris, en colère, qui en
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veulent à la terre entière.
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Mais Sylvie, ouais, effectivement, elle a énormément travaillé, elle a énormément
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milité pour essayer de sauver son groupe et les employés de son groupe et puis ça
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n'a pas marché, comme souvent les luttes sociales finissent mal et avec les indemnités,
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comme vous le disiez, elle a acheté un petit magasin de presse.
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Elle pensait gagner, aller vers quelque chose qui allait l'élever, la presse, les livres,
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quelque chose qui allait l'aider à comprendre le monde et elle allait aider les gens à
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comprendre le monde en vendant ses journaux.
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Et puis, pas de chance pour elle, elle achète ce magasin, elle se lance dans cette activité
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au moment où la presse papier disparaît.
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Et donc qu'est-ce qu'elle fait ? Est-ce qu'elle a les ressorts pour rebondir une
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troisième fois dans sa vie ? Ben non, elle ne les a pas.
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Mais ils y croyaient tous, au fond, Marc, à l'époque où il était.
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Ils y croyaient tous et c'est ça que ça raconte le bûcher des illusions.
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C'est l'époque où ils y ont cru, qu'ils allaient se hisser vers la bourgeoisie en
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réalité et qu'ils sont en train de dégringoler vers la pauvreté.
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Parce qu'effectivement, quand ça marche, pour la petite classe moyenne, comme on l'appelle,
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on est attiré vers la bourgeoisie et puis on se dit c'est bon, mes enfants vont faire
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mieux que moi, je vais avoir une retraite confortable et puis moi je vais pouvoir profiter
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de la vie parce que toute ma vie, je vais m'élever un peu dans la société, je vais
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gagner un peu plus d'argent, je vais pouvoir vivre mieux.
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Et puis tout ça, ça se casse la gueule, tout ça, ça ne marche plus.
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Et donc qu'est-ce qu'on fait dans ces cas-là ? Est-ce qu'on arrive à nouveau encore à
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rebondir et à créer une nouvelle activité en se disant "ah ouais, ouais, non, c'est
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ça, la société, attends ça".
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Certains de nos personnages y arrivent.
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Certains y arrivent.
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Et notamment les femmes.
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Et Sylvie, là, Sylvie en question, n'y arrive pas.
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Et notamment les femmes, parce que les femmes portent peut-être quelque chose de plus réflexif,
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de plus intelligent parfois.
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Parlons des courses.
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Les courses, elles sont partout dans ce livre.
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Les côtes de porc à 1,50€ qui arrivent de chez le Hardiskund.
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Je rappelle que vous avez mené une grande enquête partout en Europe sur la vie du Hardiskund,
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sur les conséquences sociales, humaines.
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En réalité, c'est ça, vos films et vos livres.
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C'est-à-dire que tout ça, ce ne sont pas que des statistiques.
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Ce sont des gens.
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Oui, le Hardiskund, c'est effectivement quand on va acheter une côte de porc à 1,50€,
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on peut se demander quelle a été la vie du porc, quelle a été la vie de l'éleveur
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et quelle a été la vie des gens qui ensuite ont découpé le truc et l'ont vendu.
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Et on comprend vite que derrière chaque produit Hardiskund, il y a un salarié bradé qui
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se cache.
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Et ces salariés bradés, c'est eux qui font la petite classe moyenne.
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C'est eux qui font ça.
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Et c'est eux qui voient leur monde se déliter autour d'eux.
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Et parfois, souvent, plus arriver à marcher vers leurs rêves, à marcher vers leurs illusions.
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Et donc, la tentation de tout brûler est là, le bûcher des illusions.
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Merci beaucoup Frédéric Brinkel.
09:08
Le bûcher des illusions paraît chez Albin Michel.
09:11
Et merci à vous Sonia De Villers.
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