Méduse, du monstre à l'icône féministe

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00:00 Comment Méduse est passée de monstre hybride à icône féministe ?

00:03 C'est la figure la plus terrifiante de l'Antiquité avec ses cheveux de serpent et son regard

00:07 qui vous pétrifie.

00:08 C'est aussi l'un des personnages les plus représentés dans l'art et un mythe vieux

00:14 de 2800 ans, toujours aussi vivace et toujours en évolution.

00:18 Voici l'une des toutes premières représentations de Méduse sur un vase de banquet du VIe siècle

00:25 avant Jésus-Christ.

00:26 Une représentation grotesque, assez éloignée de ce qu'on connaît aujourd'hui.

00:29 Elle est représentée comme une tête ronde, mi-animal, mi-féminine, mi-masculine.

00:33 Elle a souvent une barbe et une moustache, des grands yeux écarquillés, deux canines,

00:38 deux crocs de sanglier.

00:40 Donc elle est d'emblée complètement hybride.

00:42 Dans le répertoire du banquet, elle représente évidemment l'altérité.

00:46 C'est le moment où je ne suis plus moi-même, c'est lié à l'ivresse, mais ça va jusqu'à

00:51 l'altérité absolue qui est l'altérité dans la mort.

00:55 Le moment où je ne suis plus moi-même parce que j'ai basculé du côté des défunts.

00:58 Mais au fait, qui est vraiment Méduse ?

01:00 On trouve la première mention de ce personnage mythologique dans l'œuvre d'Homère

01:04 au VIIIe siècle avant notre ère.

01:05 Elle s'appelle Gorgos, incarne la furie guerrière, vit à la frontière du monde des vivants

01:09 et des morts et suscite l'effroi chez les grecs à la seule évocation de son nom.

01:13 C'est comme si leur cœur avait regardé les deux yeux de Médusa.

01:16 Mais derrière cette apparence terrifiante, Méduse ou Gorgos traîne une histoire tragique.

01:21 C'est une des trois sœurs Gorgones.

01:25 Il y a Méduse, Uriale et Sténo.

01:29 C'est la seule des trois qui soit mortelle.

01:30 Au départ, elle est censée être une très belle jeune fille qui est punie par Athéna

01:35 pour s'être unie à Poséidon, Neptune, dans un temple dédié à la déesse.

01:41 Dans certaines versions, cette union avec Poséidon, Neptune est consentie, est voulue.

01:46 Dans la version d'Ovide, au premier, deuxième siècle après Jésus-Christ, c'est un viol.

01:53 Réfugiée dans une grotte obscure aux confins du monde,

01:56 elle est débusquée par le héros grec Persée qui la décapite et se sert de sa tête comme une arme.

02:01 Dès l'Antiquité, cette ambivalence entre le monstre et la figure féminine est bien présente.

02:05 Au Moyen-Âge, Méduse est éclipsée.

02:11 Le mythe devient une allégorie du vice dans une perspective chrétienne.

02:15 Si Méduse incarne le vice, Persée incarne au contraire la vertu.

02:19 En plus, il y a une lecture d'une étymologie erronée

02:24 qui fait qu'on rattache le terme de Gorgo aux grecs géorgikos,

02:29 qui veut dire agriculteur, c'est ce qui est lié à la terre.

02:32 Et donc on considère que Méduse est une riche propriétaire,

02:35 fille du roi Forky, et donc on en fait une princesse immensément fortunée.

02:41 À la Renaissance, la tête de Méduse est mise en avant dans la peinture

02:45 pour sa fonction apotropaïque,

02:47 c'est-à-dire qu'elle dévie le mauvais œil et protège celui qui l'arbore, comme Persée.

02:51 Léonard de Vinci aurait peint deux tableaux de Méduse aujourd'hui disparus,

02:57 dont on a que la description écrite,

02:59 mais qui auraient inspiré de nombreux artistes de cette époque.

03:02 Au XIXe siècle, le mythe séduit les romantiques

03:04 qui cristallisent un rapport conflictuel entre masculin et féminin.

03:07 Ils font de Méduse l'archétype de la femme fatale,

03:10 envoûtante et forcément dangereuse pour les hommes.

03:13 En 1975, l'autrice Hélène Cixous inverse cette tendance

03:16 avec un célèbre essai et fait du personnage une icône féministe.

03:19 Elle en prend le contre-pied en disant

03:22 "Méduse n'est pas effrayante, Méduse est belle et Méduse rit".

03:27 Donc elle renverse la vision que l'on peut avoir d'une Méduse

03:32 dangereuse, maléfique.

03:34 Et elle fait de Méduse vraiment une représentante, en quelque sorte,

03:37 de la difficulté pour les femmes d'accéder à une parole publique,

03:42 de se faire entendre.

03:43 En 2010, Hélène Cixous commande ce texte

03:45 en disant que l'air est devenu étouffant pour les femmes

03:48 et que Méduse ne rit plus.

03:50 Voici Méduse à l'air Mithou, victime de viol par poséidon.

03:53 Elle est incarnée ici par l'artiste iharienne Letitia Ki.

03:57 En 2020, l'artiste argentin Luciano Garbati installe une sculpture

04:01 du personnage devant la cour pénale de New York,

04:03 où est jugée Harvey Weinstein.

04:05 Dans cette version, c'est Méduse qui a décapité Percy.

04:08 Elle est hybride, elle est sur un fil tout le temps.

04:10 Elle est homme et elle est femme, elle est humaine et elle est animale.

04:14 Elle est maléfique et elle est bénéfique.

04:15 Elle est du côté de la vie, elle est du côté de la mort.

04:18 Ce qui est aussi fascinant chez Méduse,

04:20 c'est que c'est une métaphore de la puissance visuelle de l'art.

04:24 On ne peut pas la regarder en face dans les yeux.

04:26 La seule manière de dévisager Méduse,

04:30 c'est de considérer son reflet ou sa représentation par l'art.

04:34 Ne pas regarder les gens dans les yeux.

04:38 [Musique]

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